Al-Shabaka : Récupérer l’OLP, relancer l’engagement des jeunes
Rima Najjar écrivait récemment : Ce que l’on n’entend guère dans les infos, c’est la façon dont les Palestiniens eux-mêmes remodèlent la question palestinienne, comme l’ont montré récemment deux articles. Le premier est intitulé « Uphold Palestinian struggle in all its forms » (« Poursuivre le combat palestinien sous toutes ses formes »), paru dans The Electronic Intifada, sous la plume de Khaled Barakat.
Le second texte qui montre comment les Palestiniens remodèlent leur lutte se trouve dans Al Shabaka, The Palestinian Policy Network.
Le dossier d’Al-Shabaka
Le rapport du Cercle politique élargi est intitulé « Reclaiming The PLO, Re-Engaging Youth » (Reprendre l’OLP, réengager la jeunesse et aborde des questions cruciales pour l’avenir de la cause palestinienne : comment l’OLP peut-elle maintenir sa responsabilité en tant que mouvement de libération nationale et organe directeur ? Comment le Hamas et le Djihad islamique pourraient-ils être intégrés après des décennies d’exclusion ? Quels modèles de leadership de la jeunesse palestinienne peuvent être développés plus avant ?
Les analystes d’Al-Shabaka, Nijmeh Ali, Marwa Fatafta, Dana El Kurd, Fadi Quran et Belal Shobaki répondent à ces questions et à d’autres dans ce rapport complet, le travail d’une année, facilité par Alaa Tartir et Marwa Fatafta.
La traduction de ce document est le fruit d’un travail collectif des sites web ISM-France, Charleroi pour la Palestine et Chronique de Palestine.
Contenu :
–Introduction : voir ci-dessous
–La reconstruction de l’OLP : le Jihad islamique et le Hamas peuvent-ils y contribuer ?
–La question de la représentation palestinienne : Élections vs Recherche d’un consensus
–Le leadership palestinien par la résistance ou la perpétuation sans leader ? Le rôle de la jeunesse
–Un modèle de guidance émanant de la diaspora palestinienne aux États-Unis
–Rendre des comptes : L’OLP, d’hier à demain
–Annexe 1 : Bref récapitulatif du contexte et de la structure de l’OLP
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Introduction
Le mouvement national palestinien traverse une crise aiguë en étant confronté à des obstacles sans précédent dans sa quête de l’autodétermination. Les accords d’Oslo des années 1990 et le projet d’Etat qu’ils ont produit n’ont été nullement à même d’apporter la justice au peuple palestinien. Au contraire, Israël durcit son contrôle militaire sur le territoire palestinien qu’il a occupé en 1967 et il continue à étendre son entreprise d’implantation illégale. Pendant ce temps, l’annexion du reste du territoire occupé se mue rapidement en réalité (1).
En outre, les centaines de milliers de Palestiniens dépossédés par Israël en 1948 et une fois encore en 1967 représentent aujourd’hui, avec leurs descendants, près de la moitié du peuple palestinien. Ils voient leurs possibilités de retour et, en effet, de survie de plus en plus malaisées en raison du soutien et de l’encouragement des Etats-Unis aux violations des lois internationales par Israël. Dans un même temps, la discrimination systématique à l’égard des citoyens palestiniens d’Israël depuis la création de l’Etat a fait l’objet de codifications supplémentaires et elle est de plus en plus décrite comme de l’apartheid.
Tant la direction de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) que celle de l’Autorité palestinienne (AP) ont écarté leurs priorités de la libération nationale et de la concrétisation des droits fondamentaux du peuple palestinien. Elles se concentrent désormais à conserver leur emprise sur le contrôle d’enclaves limitées, privées d’autonomie et, a fortiori, de souveraineté. En Cisjordanie occupée, le président Mahmoud Abbas et sa faction politique du Fatah continuent à dominer et l’AP et l’OLP, en monopolisant la prise de décision et en écrasant les dissensions. De même, le Hamas, qui, en 2007, a arraché le contrôle de la bande de Gaza à l’AP, gère une structure de gouvernance parallèle à celle de l’AP et tout aussi intolérante à l’égard des dissensions. Et, jusqu’à présent, aucune tentative de médiation en vue de réconcilier le Hamas et le Fatah n’est parvenue à mettre fin au schisme politique.
En bref, les structures palestiniennes de gouvernance à tous les niveaux sont faibles et non démocratiques. Aucun mécanisme de fonctionnement n’a été mis en place pour garantir leur renouvellement par le biais d’une infusion de nouveaux acteurs politiques et de nouvelles idées ni pour forcer la direction à rendre des comptes au peuple palestinien qu’elle représente. On a gaspillé beaucoup d’encre sur les manquements de la direction palestinienne ainsi que sur la domination du Fatah sur la politique et les institutions palestiniennes, sur la scission entre le Fatah et le Hamas et sur les tendances alarmantes de l’AP à l’autoritarisme. Il existe également une pléthore d’études politiques, d’exercices de vision future et de planifications de scénarios en vue d’une ère de l’après-Abbas.
Néanmoins, il reste encore des questions sans réponse qu’il convient d’aborder à propos de la direction et de sa responsabilité dans le projet national palestinien. Par conséquent, Al-Shabaka : le Réseau de la politique palestinienne a réuni son deuxième Cercle politique sur la direction et la responsabilisation afin de traiter la question de la récupération de l’OLP ainsi que celle des modèles de direction et de responsabilisation qui pourraient redonner vie à la sphère politique palestinienne (2).
Ce Cercle politique est spécialement destiné aux jeunes Palestiniens. Alors que d’autres générations de Palestiniens peuvent être désillusionnées ou se sentir déconnectées de l’OLP et de la direction palestinienne, bien des jeunes Palestiniens disposent de peu d’informations sur l’OLP et n’ont aucune envie de s’y engager (3).
Le présent rapport cherche à les situer dans les défis du passé et dans le potentiel du futur. En particulier, deux des articles abordent la question de dirigeants jeunes.
Il convient de faire remarquer que ce rapport s’appuie sur la prémisse que l’OLP est la seule représentante du peuple palestinien et qu’il ne suggère aucune alternative à cet état de chose. En effet, dans les circonstances actuelles et en dépit de toutes les critiques et de ses dysfonctionnements, l’OLP reste le seul mécanisme institutionnel établi à pouvoir être ravivé et reconquérir sa représentativité – pour autant qu’il assume à nouveau ses responsabilités.
Douze membres du réseau politique d’Al-Shabaka ont participé à l’analyse et la synthèse qui ont contribué au présent rapport. Tous les participants n’ont pas livré des articles mais chacun d’entre eux a contribué à sa façon au rapport. Alaa Tartir et Marwa Fatafta ont coanimé le Cercle politique, alors que Yara Hawari, Inès Abdel Razek et Jamil Hilal ont procédé à un examen par les pairs de tous les articles, partageant leurs commentaires et leur apport à tous les stades. Ali Abdel-Wahab, Diana Buttu et Amjad Iraqi ont apporté généreusement leurs idées, leurs suggestions et leur expertise tout au long du processus. Les autres membres du Cercle politique ont assumé la tâche de produire les articles spécifiques identifiés par le groupe tels qu’ils sont repris plus loin.
Le premier article est de Belal Shobaki, qui a beaucoup publié sur l’Islam politique et sur l’identité. Dans La reconstruction de l’OLP, il retrace l’évolution politique du Hamas et du Djihad islamique et il explique pourquoi le temps n’a jamais été plus propice à leur intégration à l’OLP, dont ils ont été exclus voici près de trente ans.
Dans La question de la représentation, Nijmeh Ali, qui a étudié le pouvoir des groupes opprimés à générer le changement social, traite ensuite la question de la nature intrinsèque de l’OLP : Est-ce un mouvement de libération ou un gouvernement ? Le système de représentation qu’il doit adopter – mettre sur pied un consensus, ou procéder à des élections – dépend de la réponse. Dans les Annexes I, II et III, le lecteur découvrira un bref aperçu de l’histoire de l’OLP ainsi qu’un tableau présentant sa structure.
Fadi Quran apporte son expertise dans les lois internationales, les campagnes et l’entreprenariat afin de se pencher sur la question de la direction dans les Territoires palestiniens occupés (TPO). Ici, il aborde les obstacles réels, parfois délibérés en fait, au développement d’une direction authentique, particulièrement parmi les jeunes, et il insiste sur le fait que la guidance dans la résistance est la voie par excellence pour sortir de l’impasse.
Un modèle convaincant de guidance des jeunes est proposé par Dana El Kurd, spécialisée dans la police comparative et qui a étudié la façon dont les modèles internationaux affectent l’autoritarisme dans les TPO. Pour ce rapport, son analyse de la création et du développement du Mouvement de la jeunesse palestinienne, ainsi que de la façon dont il évolue avec succès en s’identifiant et à certaines questions et en les abordant à chacun de leurs stades, est particulièrement instructive.
Le dernier article a été rédigée par la coanimatrice Marwa Fatafta, qui restitue la question de la responsabilisation dans la lutte pour récupérer l’OLP. Elle fait remarquer que la responsabilisation était minime, même à l’apogée de l’OLP, et elle examine la façon de s’assurer qu’elle fera partie du futur mouvement national.
Outre les articles susmentionnés, Dana El-Kurd, Nijmeh Ali, Fadi Quran et Jamil Hilal ont contribué par des commentaires dans le cadre de leur participation au Cercle politique, commentaires que l’on peut trouver sur le site internet d’Al-Shabaka. Les membres du Cercle politique ont également été présents à un débat d’Al-Shabaka sur la participation palestinienne aux élections israéliennes, ainsi qu’à deux laboratoires politiques d’Al-Shabaka sur les élections palestiniennes et sur la direction palestinienne en ces temps de pandémie.
L’équipe du Cercle politique aimerait remercier le département fédéral suisse de la division Sécurité humaine des Affaires étrangères, de même que le Bureau de la représentation suisse à Ramallah pour leur soutien à l’ensemble des tâches, tout en soulignant aussi que tous les points de vue, opinions et analyses sont les nôtres. Nous aimerions également remercier les collègues d’Al-Shabaka Megan Driscoll, qui a supervisé l’ensemble des tâches, et Mimi Kirk, qui s’est chargée du contrôle de qualité.
Le présent rapport n’est en aucune façon exhaustif ou définitif. En effet, indépendamment de ce Cercle politique, une autre équipe d’Al-Shabaka produit une étude, censée être publiée en septembre 2020, qui se concentre sur le Corps diplomatique afin d’évaluer son rôle dans la représentation du peuple palestinien et voir jusqu’où la diaspora palestinienne est ou pourrait être engagée dans la poursuite d’objectifs nationaux. En attendant, vous avez en main le rapport du Cercle politique, lequel a été entrepris en guise de contribution à la discussion concernant la relance de la lutte de libération de la Palestine pour la liberté et l’autodétermination.
Août 2020, Al-Shabaka
Traduction : Jean-Marie Flémal
Notes
1.Cette section fait référence à un article de contexte de la coanimatrice du Cercle politique, Marwa Fatafta.
2.Un Cercle politique d’Al-Shabaka consiste en une méthodologie spécifique en vue d’engager un groupe d’analystes de son réseau dans une étude et une réflexion à long terme sur une question d’une importance capitale pour le peuple palestinien. Les articles émanant du premier Cercle politique sur la direction et la responsabilisation peuvent être trouvés ici et ici et ici.
3.Voir ici pour une ressource en ligne engagée sur l’histoire du mouvement national palestinien depuis les années 1950 et tout au long des années 1970, ressource produite par l’Université d’Oxford, et qui comprend des ressources primaires et des comptes rendus de première main collectés parmi les personnes qui ont participé et vécu durant cette période.(*)
Pour une mise en carte complète de la politique palestinienne, voir ici.
(*) Trouvez ici les sections et chapitres de cet excellent cours en ligne de Karma Nabulsi, traduits en français :