Sport et politique : la FIFA atteint des sommets dans l’hypocrisie

Maintenant que la FIFA, ainsi que l’UEFA, le Comité international olympique (CIO) et d’autres organismes se sont rapidement joints aux mesures anti-russes occidentales à la suite de l’invasion de l’Ukraine le 24 février, les Palestiniens et leurs partisans sont pour le moins perplexes.

Le Beitar Jérusalem est bien connu pour ses comportements racistes et anti-musulmans, et pour la violence de ses supporters – Photo : archives Chronique de Palestine

Ramzy Baroud, 9 mars 2022

La guerre  d’Israël contre les sports palestiniens est aussi ancienne que l’État israélien lui-même.

Pour les Palestiniens, le sport est un aspect essentiel de leur culture populaire, et puisque la culture palestinienne elle-même est la cible des attaques israéliennes continues contre la vie palestinienne dans toutes ses manifestations, les sports et les athlètes ont également été délibérément pris pour cible.

Pourtant, la principale instance dirigeante du football mondial, la FIFA, ainsi que d’autres organisations sportives internationales, n’ont rien fait pour obliger Israël à rendre compte de ses crimes contre le sport palestinien.

Maintenant que la FIFA, ainsi que l’UEFA, le Comité international olympique (CIO) et d’autres organismes se sont rapidement joints aux mesures anti-russes occidentales à la suite de l’invasion de l’Ukraine le 24 février, les Palestiniens et leurs partisans sont pour le moins perplexes.

Des années de revendications acharnées pour sanctionner Israël lors de compétitions sportives internationales n’ont rapporté que peu ou rien en retour. Et cela malgré les nombreux faits documentés concernant le ciblage intentionnel par Israël des stades palestiniens, les restrictions de voyage imposées aux athlètes, l’annulation d’événements sportifs, l’arrestation et même l’assassinat de footballeurs palestiniens.

De nombreux Palestiniens, Arabes et militants internationaux ont déjà mis en lumière le problème de l’hypocrisie occidentale dans le cas de l’occupation militaire israélienne de la Palestine par l’apartheid israélien.

Presque immédiatement, une vague sans précédent de boycotts et de sanctions de tout ce qui est russe, y compris la musique, l’art, le théâtre, la littérature et, bien sûr, le sport, s’est déchaînée. Ce qui a pris des décennies au mouvement anti-apartheid en Afrique du Sud a été conduit contre la Russie en quelques heures et jours.

Les Palestiniens ont raison d’être décontenancés, puisqu’ils ont été informés à maintes reprises par la FIFA que “le sport et la politique ne font pas bon ménage”. Émerveillez-vous devant un tel niveau d’hypocrisie pour vraiment apprécier la frustration palestinienne :

“Le Conseil de la FIFA reconnaît que la situation actuelle (en Palestine et en Israël) est, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le football, caractérisée par une complexité et une sensibilité exceptionnelles et par certaines circonstances de facto qui ne peuvent être ni ignorées ni modifiées unilatéralement par des organisations non-gouvernementales telles que la FIFA.”

C’était un extrait de la position officielle de la FIFA communiquée en octobre 2017, en réponse à une plainte palestinienne selon laquelle « les six clubs de football israéliens basés dans des colonies illégales dans les territoires palestiniens occupés devraient soit déménager en Israël, soit être bannis des compétitions enregistrées par la FIFA.”

Deux ans plus tard, Israël a impitoyablement annulé la Coupe de Palestine de la FIFA qui devait réunir la meilleure équipe de football de Gaza, le Khadamat Rafah Club, et le FC Balata de Cisjordanie dans une finale pleine de suspens.

Les Palestiniens considèrent le football comme un rare répit face aux difficultés de la vie sous le siège et l’occupation. L’événement très attendu aurait été un moment précieux d’unité entre les Palestiniens et aurait été suivi par un grand nombre de personnes, quelle que soit leur affiliation politique ou leur localisation. Mais, et “sans raison apparente”, comme le rapporte The Nation, Israël a décidé de refuser aux Palestiniens ce bref moment de plaisir.

Et la FIFA n’a rien fait… malgré le fait que l’événement lui-même portait le nom de “FIFA”. Dans le même temps, des équipes de football israéliennes carrément racistes, comme le Beitar Jerusalem Football Club, sont autorisées à jouer sans aucune entrave, à voyager sans restriction et à lancer leurs acclamations racistes préférées, “Mort aux Arabes”, comme si le racisme dans le sport était tout à fait routinier et normal.

Les doubles standards de la FIFA sont odieux, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais la FIFA n’est pas le seul hypocrite.

Le 3 mars, le Comité international paralympique (CIP) est allé jusqu’à refuser aux athlètes russes et biélorusses le droit de participer aux Jeux paralympiques d’hiver de cette année à Pékin.

La décision prétendait se justifier par le fait que la participation de ces athlètes aux Jeux “compromettait la viabilité” des événements et, soi-disant, rendait la sécurité des athlètes “intenable”, malgré le fait que les athlètes russes et biélorusses étaient, en raison au contexte politique, vus comme des participants “neutres”.

Non seulement les athlètes israéliens sont les bienvenus dans tous les événements sportifs internationaux, mais la simple tentative par des athlètes individuels d’adopter une position morale en faveur des Palestiniens, en refusant de concourir contre des Israéliens, peut s’avérer très coûteuse.

Le judoka algérien Fehi Nourine, par exemple, a été suspendu avec son entraîneur pendant 10 ans pour s’être retiré des Jeux olympiques de Tokyo en 2020 pour éviter de rencontrer un adversaire israélien.

La même ligne de conduite a été prise contre d’autres joueurs et équipes pour avoir manifesté une solidarité symbolique avec la Palestine, ou même contre des supporters pour avoir simplement hissé des drapeaux palestiniens ou crié des slogans pour la liberté palestinienne.

Mohammed Aboutrika, l’ancien capitaine de l’équipe nationale égyptienne de football, a été interdit de jouer par la FIFA en 2009 pour avoir simplement arboré un maillot sur lequel on pouvait lire, en arabe et en anglais, “Sympathisez avec Gaza”. Pour cet acte soi-disant condamnable, la Confédération africaine de football (CAF) – une branche de la FIFA – l’a mis en garde contre “le mélange de la politique et du sport”.

À propos du double standard de la FIFA, Aboutrika a récemment déclaré dans une interview aux médias que « la décision de suspendre les clubs et équipes russes de toutes les compétitions doit être accompagnée d’une interdiction de ceux affiliés à Israël (parce qu’Israël) a tué des enfants et des femmes en Palestine, depuis des années.”

Il faut dire que l’hypocrisie ici va bien au-delà de la Palestine et d’Israël, dans de nombreuses situations où ceux qui veulent la justice et le libre arbitre appartiennent souvent à des nations pauvres du Sud, ou à des causes qui remettent en cause le statu quo, comme le mouvement Black Lives Matter, entre autres.

Mais il y a beaucoup plus à faire que simplement dénoncer les doubles standards ou l’hypocrisie. Il a fallu de nombreuses années au mouvement anti-apartheid sud-africain pour isoler le gouvernement raciste de Pretoria sur les plateformes sportives internationales du monde entier, mais cette tâche qui semblait impossible a finalement été accomplie.

Les Palestiniens, eux aussi, doivent maintenant utiliser ces mêmes canaux et plates-formes pour exiger la justice et leur libre choix. Cela ne prendra pas des jours, comme c’est le cas avec la Russie et l’Ukraine, mais ils finiront par réussir à isoler Israël, car il s’est avéré qu’après tout, la politique et le sport se superposent.

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Ramzy Baroud Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son dernier livre est «These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie. Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.

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Publié le 9 mars 2022 sur Politics for the People
Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

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