Oppression et mort continuent de vivre dans l’État d’apartheid

Le combat pour mettre un terme au régime d’apartheid en Palestine a lieu dans chaque arène, chaque domaine et chaque continent. Israël et ses alliés sont bien décidés à rester campés sur leurs positions parce qu’ils savent que, pour eux, il s’agit d’un combat pour la survie. Les gens soucieux de justice et qui s’inquiètent pour l’existence des Palestiniens doivent se rappeler que chaque jour qui passe alors qu’Israël reste autorisé à poursuivre ses crimes contre l’humanité constitue un jour de mort pour les Palestiniens.

Ma visite à Lyd, où fusionne l’oppression sioniste historique et contemporaine. La Palestine s’étend du Jourdain à la Méditerranée en passant directement par l’ancienne cité palestinienne de Lyd

Miko Peled, 22 juin 2022

Lyd, Palestine occupée – Il est de plus en plus difficile pour Israël et pour les institutions qui font la réclame du sionisme dans le monde entier de décrire le sionisme sous des couleurs avenantes. Ceci, avant tout, parce que l’histoire du sionisme a près d’un siècle et que les actions de l’État sioniste, Israël, ont une histoire de sept décennies et demie de violence et de racisme. Ajoutez à cela qu’en février, Amnesty International a sorti un rapport accablant prouvant sans la moindre équivoque qu’Israël est impliqué dans le crime de l’apartheid et ce, depuis le jour même de sa création.

Le rapport d’Amnesty fait moins de 300 pages et tout le monde peut – et doit – le lire. Il est bien détaillé, bien écrit et peut fournir les outils et informations nécessaires pour affronter Israël et ses alliés dans les divers domaines dans lesquels ils opèrent ; dans le monde universitaire quand on fait face aux représentants des institutions académiques israéliennes ; dans le monde des sports internationaux, quand on exige que la FIFA et le Comité international olympique excluent Israël ; et dans le monde des entreprises ainsi que dans les sphères politico-diplomatiques. En bref, le rapport d’Amnesty est un outil inestimable.

Des crimes contre l’humanité

L’article I de la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid stipule :

Les États parties de la présente Convention déclarent que l’apartheid constitue un crime contre l’humanité et que les actes inhumains résultant de la politique et de la pratique de l’apartheid et de la politique et de la pratique similaire de la ségrégation et de la discrimination raciales, telles que définies dans l’article II de la Convention, sont des crimes qui violent les principes de la législation internationale.

Selon l’article II.a de la Convention, le crime d’apartheid comprend les éléments suivants :

Le refus à un ou plusieurs membres d’un groupe racial du droit de vie et de liberté de la personne :

(i) En tuant des membres d’un groupe ou de plusieurs groupes raciaux ;

(ii) En infligeant aux membres d’un ou de plusieurs groupes raciaux de graves lésions corporelles ou mentales, en restreignant leur liberté ou dignité, ou en les soumettant à la torture ou à des traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants ;

(iii) En arrêtant arbitrairement et en emprisonnant illégalement des membres d’un ou de plusieurs groupes raciaux ;

(b) En imposant délibérément à un ou plusieurs groupes raciaux des conditions de vie élaborées en vue de causer sa ou leur destruction physique en tout ou en partie (…)

L’importance de cette clause ne peut être négligée, particulièrement lorsqu’il est question de l’État d’Israël, un État qui n’a été créé que trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et de l’Holocauste. Selon le rapport d’Amnesty, le crime d’apartheid a débuté en 1948, au moment de la création de l’État d’Israël.

L’opération Danny

Un article intitulé « Nous devons discuter de Lyd » et publié sur la plate-forme israélienne des médias alternatifs Haokets relate les événements de juillet 1948 au moment où la cité palestinienne d’EL-Lyd a été prise par l’armée israélienne au cours de ce qu’on a appelé l’« opération Danny ».

El-Lyd avait été soumise à une attaque aérienne durant la nuit du 10 au 11 juillet 1948. C’est alors qu’un bataillon dirigé par Moshe Dayan, le célèbre général israélien porteur d’un cache-œil, avait circulé dans la ville en la mitraillant en tous sens. Des témoins participant à l’attaque avaient déclaré que Dayan leur avait ordonné de « nettoyer la ville en la criblant de balles », un ordre qu’ils avaient interprété comme signifiant de tirer sans discrimination dans toutes les directions. La ville fut prise au bout de 47 minutes au cours desquelles, selon l’article précité, l’armée israélienne utilisa neuf transporteurs de troupes blindés, vingt jeeps et dix véhicules blindés équipés de mitrailleuses. Les Palestiniens n’avaient rien à leur opposer hormis quelques hommes armés de fusils.

Divers témoins ont fait état de centaines de corps criblés de balles gisant dans les rues. Les morts furent finalement enterrés dans des fosses communes anonymes. Le 12 juillet, il fut également fait état d’affrontements entre certains des combattants locaux et les forces d’invasion israéliennes. Au cours de ces affrontements, 250 autres Palestiniens furent tués, dont certains étaient des prisonniers déjà aux mains des Israéliens. Un peu plus tard, le même jour, un soldat du nom de Yerahmiel Kahanovich lança un missile sur la mosquée Dahmash où plus de 100 Palestiniens s’étaient réfugiés. On estime qu’un seul missile antichar Fiat tua quelque 120 civils qui, en réalité, ne représentaient de danger pour personne.

On ignore le nombre exact de personnes tuées. Ceci en raison de l’impact de l’explosion, qui fut si sévère qu’on ne retrouva aucun corps intact. « Les corps étaient tous collés sur les murs et au plafond », avait déclaré un soldat israélien. Et, ainsi, la mosquée fut gardée fermée pendant quinze jours. Au bout de ces quinze jours, des prisonniers palestiniens y furent envoyés afin de la nettoyer et d’enterrer les restes des personnes à l’intérieur. Puis, selon le témoignage des Israéliens eux-mêmes, nombre des hommes qui procédèrent à l’inhumation des restes furent abattus et tués et, ensuite, enterrés à leur tour.

Non seulement personne ne fut jamais poursuivi, non seulement Moshe Dayan poursuivit sa carrière en devenant commandant de l’armée israélien, puis ministre de la Défense et des Affaires étrangères, mais, dans un geste qui est peut-être plus cynique que tout autre, la place en face de la mosquée fut baptisée « Palmach Plaza », du nom de la brigade qui avait perpétré le massacre dans la ville et plus particulièrement à la mosquée.

Une fois la ville occupée, les soldats envoyèrent les résidents palestiniens sur la route, en pleine chaleur estivale et sans nourriture ni eau, et les obligèrent à marcher vers l’est, en direction du royaume de Jordanie nouvellement créé. « Yalla to Abdullah », criaient les soldats israéliens à l’adresse des hommes, des femmes, des enfants et des personnes âgées forcés d’entreprendre une marche de la mort qui allait s’avérer fatale pour d’innombrables Palestiniens.

Légende photo : Depuis des millénaires de gloire jusqu’à la mort et la destruction : Les sionistes récrivent l’histoire de la Palestine. Le discours sioniste est sans doute responsable de l’attitude de bienveillance et de mansuétude affichée par le monde entier envers les crimes horribles et impardonnables commis par Israël depuis sa fondation en 1948. (Photo : ???)

De quoi est constitué un commandement courageux ?

Dans un article publié dans le périodique Maarachot de l’armée israélienne, le commandement assumé par Moshe Dayan du bataillon qui s’est emparé d’El-Lyd est décrit comme « courageux » et doté d’une « capacité à résister aux pressions du combat ». Dayan est décrit comme faisant preuve d’une « détermination à accomplir sa mission », de « professionnalisme » et de « sens du commandement ».

Dans cet article, le massacre d’El-Lyd est présenté comme « une bataille difficile », dans laquelle les capacités de commandement du commandant du bataillon, Dayan, a sauvé la journée et mené à la victoire. L’article avait été rédigé par le général de brigade Shay Kelper alors qu’il était encore lieutenant-colonel et lui-même commandant de bataillon. Son article avait été récompensé par le chef d’état-major des FDI.

Le combat pour mettre un terme au régime d’apartheid en Palestine a lieu dans chaque arène, chaque domaine et chaque continent. Israël et ses alliés sont bien décidés à rester campés sur leurs positions parce qu’ils savent que, pour eux, il s’agit d’un combat pour la survie. Les gens soucieux de justice et qui s’inquiètent pour l’existence des Palestiniens doivent se rappeler que chaque jour qui passe alors qu’Israël reste autorisé à poursuivre ses crimes contre l’humanité constitue un jour de mort pour les Palestiniens.

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Miko Peled est un écrivain qui apporte des contributions à MintPress News. C’est également un activiste des droits humains et il est né à Jérusalem. Parmi ses livres les plus récents figurent : The General’s Son. Journey of an Israeli in Palestine et Injustice, the Story of the Holy Land Foundation Five.

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Publié le 22 juin 2022 sur Mintpress
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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