Oslo est mort depuis longtemps. Il est temps de relancer l’OLP

Les accords d’Oslo ont été signés il y a 29 ans, le 13 septembre 1993. Depuis près de trois décennies, l’Autorité palestinienne, sa principale manifestation, tente sans succès d’endiguer la résistance du peuple palestinien et sa lutte pour sa libération nationale.

Manifestations contre l’Autorité palestinienne à propos de la mort en garde à vue de Nizar Banat en 2021. (Photo : STR / APA images)

Manifestations contre l’Autorité palestinienne à propos de la mort en garde à vue de Nizar Banat en 2021. (Photo : STR / APA images)

 

Kareem Youssef et Mishlin Mekleh, 10 novembre 2022

L’ennemi de la Palestine aujourd’hui n’est pas seulement Israël et ses supporters américains, mais aussi ceux qui sont récompensés parce qu’ils se rangent derrière Oslo : l’Autorité palestinienne qui tire son argent de l’Agence américaine de développement international (USAID) et les missions diplomatiques et de lobbying – comme la Muslim Leadership Initiative (Programme à l’usage des dirigeants musulmans) – qui reflètent les aspirations sionistes.

De la monarchie jordanienne et de la direction de l’Égypte financée par les EU à la trahison des pays du Golfe et des grands capitalistes, la normalisation dans le monde de l’après-Oslo est un concept et une pratique rejetés par les combattants, animateurs et activistes palestiniens au sein de leur patrie et dans la diaspora.

Ces diverses forces normalisent l’existence d’Israël et le plan de concession à deux États tel que l’envisage Oslo. Les gens qui s’accrochent à la futile « solution à deux États » et qui s’imaginent qu’une entité sioniste de peuplement peut se réformer et se muer par conséquent en une espèce de partenaire « normal » des Palestiniens et des Arabes, doivent être isolés et vaincus. Ces normalisateurs doivent aider à réduire au silence, arrêter, assassiner et tenir à l’œil les membres du mouvement de libération de la Palestine et nos alliés. Ils font en soi partie du protocole sécuritaire d’Oslo élaboré par les sionistes et les EU.

La trahison de Yasser Arafat et de ceux qui l’entouraient à Oslo – gardant les négociateurs de Madrid dans l’ignorance des entretiens secrets – s’est manifestée dans une initiative publique de « paix » qui a abandonné le peuple palestinien après les sacrifices et la détermination montrés au Liban dans les années 1970 et au début des années 1980, et la première intifada de la fin des années 1980 et du début des années 1990. Mais le combat pour la libération, du fleuve à la mer, se poursuit en dépit de l’AP issue d’Oslo.


Les règles constantes

Les Palestiniens et les Arabes ont le droit de résister à l’occupation militaire et au colonialisme de peuplement, y compris en recourant à la résistance armée. La lutte de libération de la Palestine est engagée envers les thawabet (« les règles constantes »), qui unifient réellement le mouvement et sont aujourd’hui maintenues en place par la coordination de la résistance en Palestine et le soutien en provenance de l’entièreté de la diaspora. Ces thawabet sont :

1) L’autodétermination et l’indépendance du peuple palestinien du fleuve à la mer, avec Jérusalem comme notre capitale indivisible ;

2) Le droit non négociable au retour (y compris la restitution et les réparations) pour tous les réfugiés palestiniens et leurs descendants dans les foyers et terres d’où ils ont été exilés dès le début de la colonisation sioniste, en 1947-1948, et une fois encore en 1967 ;

3) Le droit de résistance sous toutes ses formes afin de mettre un terme à la colonisation et à l’occupation de toutes les terres palestiniennes et arabes.

Les martyrs, prisonniers et réfugiés palestiniens portent le poids de la politique liquidatrice d’Oslo, qui posait les bases d’une « coopération sécuritaire » particulièrement honteuse entre Israël et l’AP. Cette coordination cible nos propres peuples, dont Bassel al-Araj, qui rejetait ouvertement la trahison de l’AP et qui fut assassiné par les Israéliens en 2017.

Les nervis de l’AP se chargèrent eux-mêmes du boulot quand Nizar Banat, un dirigeant éminent et populaire qui amplifiait les exigences anticorruption et anti-normalisation, fut tué l’an dernier.

Des centaines de Palestiniens dans la patrie se rassemblèrent afin de réclamer justice pour Banat et furent accueillis à coups de bâton et par toutes sortes de violences de la part de la police et des « forces sécuritaires » de l’AP. Le Réseau américain de la communauté palestinienne (USPCN) fait actuellement partie du nombre d’organisations installées aux EU et qui participent à la direction d’une campagne internationale cherchant à tirer au clair la responsabilité du meurtre de Nizar.

Quand la journaliste d’Al Jazeera et citoyenne américaine Shireen Abu Akleh a été assassinée par les Israélien à Jénine en mai dernier, toutes les contradictions d’Oslo sont repassées au premier plan une fois de plus.


La collusion sécuritaire

Excepté dans des circonstances exceptionnelles, l’accord interdit à Israël de pénétrer en « Zone A » (approximativement 18 pour 100 du territoire de la Cisjordanie) et qui se trouve officiellement sous contrôle civil et sécuritaire total de l’AP). Mais Israël ignore ces dispositions et attaque les Palestiniens où et quand il le désire.

Depuis des décennies, Israël ignore effrontément ses responsabilités, dans le cadre de l’accord, mais l’AP continue de fonctionner comme si Oslo était contraignant. L’AP n’a pas protégé Shireen Abu Akleh et elle ne pouvait le faire non plus. Et, quant au combat pour la justice et la responsabilisation sur la scène internationale et au Congrès américain, ce sont surtout sa famille et ses avocats qui le mènent.

L’appareil sécuritaire de l’AP, en collusion avec Israël et les EU, cible aussi les animateurs estudiantins. Les étudiants de Hébron, Birzeit, Naplouse et autres endroits ont été enlevés et emprisonnés par la police de l’AP et c’est clairement Oslo et la coordination sécuritaire qui constituent la source de la répression.

Parfois même, l’AP livre des révolutionnaires palestiniens à Israël, comme nous le voyons depuis de nombreuses années et, parmi de nombreux exemples, depuis le cas remarquable d’Ahmad Sa’adat jusqu’à celui, tout récemment, en septembre, quand deux Palestiniens – dont l’un, placé très haut sur la liste des « gens recherchés » d’Israël – ont été arrêtés par l’AP à Naplouse. Là, les Palestiniens ont répondu à cette arrestation en affrontant la police de l’AP, qui a abattu et tué l’un des protestataires.

La coordination sécuritaire entre Israël et l’AP dans le cadre du système colonial israélien des prisonniers politiques, où tout Palestinien peut être emprisonné sans accusation et jugé devant un tribunal militaire, un outil régulièrement utilisé pour cibler les animateurs influents, crée la crainte et provoque des traumatismes et divise le mouvement de résistance de masse.

Nombre d’institutions aux EU ont lancé et soutenu des campagnes afin de plaider en faveur de la libération de prisonnières politiques enlevées, comme Khalida Jarrar, Khitam Saaafin, Ata Khattab et Ubain Aboudiccol, et d’enfants comme Ahmad Manasra, tout en défendant également des grévistes de la faim comme Khalil Awawdeh et Hisham Abu Hawash.

Certains de ces prisonniers sont des dirigeants d’institutions de masse – telles les six organisations récemment désignées comme « terroristes » par Israël – qui s’organisent afin de créer une réalité indépendante du sionisme et de l’influence corruptrice de l’AP.

Oslo a également créé des conditions de partenariat économique entre Israël et l’AP. Ces investissements coloniaux de peuplement favorisent une classe de Palestiniens qui opère pour contrôler et exploiter les masses de la classe ouvrière. Oslo a laissé l’AP presque entièrement dépendante financièrement des donateurs internationaux et des collectes d’impôt israéliennes, et, de ce fait, vulnérable selon les sentiments des donateurs et les bonnes grâces d’Israël. Il n’est pas surprenant que cela ait provoqué nombre de choses allant de l’insécurité alimentaire et de la monopolisation du capital à l’exposition de villages palestiniens comme Birzeit aux déchets toxiques, ou encore à des conditions de travail à tout le moins hasardeuses.


Le rejet de l’AP

Les agents de l’AP au service d’Oslo sont actifs aux EU depuis des années, mais de nombreuses organisations ont rejeté les tentatives de l’AP en vue de les engager dans le dialogue.

L’an dernier, l’USPCN a lancé publiquement un appel en vue d’un effort de coalition ostensiblement élaboré en vue d’unir les Palestiniens aux EU, mais finalement dénoncé comme un front en faveur de l’AP. L’an dernier également, une initiative de l’AP en vue de relancer l’Union générale des étudiants palestiniens (GUPS) a été rejetée par les étudiants palestiniens aux EU, qui l’ont dénoncée comme une tentative de les détourner de leur travail d’organisation déjà fructueux en dehors de l’influence de l’AP. (Par souci de clarté, il existe une GUPS à l’Université de l’État de San Francisco, active depuis des décennies, et elle n’a absolument aucun lien avec l’AP.)

En outre, des institutions un peu partout dans la diaspora ont choisi fermement le camp de forces à l’intérieur de la Palestine qui rejetaient la réunion du tout dernier Conseil national palestinien, en avril. Ce n’était pas par manque de soutien au CNP, mais parce que les Palestiniens aux EU se voyaient clairement mettre le grappin dessus par l’AP afin d’être présents et de contribuer à élire un nouveau comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine qui, malheureusement, n’est plus représentatif – comme il l’était à son apogée – de tous les Palestiniens vivant dans la patrie et dans la diaspora.

Rejeter Oslo, c’est rejeter la normalisation, toutes les solutions à deux États ainsi que les financements américains et tous les autres financements impérialistes. Et, en dépit du fait qu’ils vivent ici en tant qu’immigrés, réfugiés et citoyens, les Palestiniens et les Arabes aux États-Unis font toujours partie intégrante du monde arabe et de l’indivisible nation de la Palestine. Aux EU, nos communautés reconnaissent que la tactique de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) constitue également un rejet de la normalisation et un outil efficace pour exercer des pressions économiques sur Israël.

Une des leçons majeures d’Oslo, c’est que les Palestiniens ne sont pour l’instant à aucun stade de construction d’un État, comme l’AP tente de le prétendre depuis des décennies. Nous en sommes toujours dans la phase de libération nationale de notre mouvement et, par conséquent, nous devons nous unir au travers des lignes politiques, des convictions idéologiques et des secteurs sociaux, si nous voulons vaincre les colonisateurs. L’unité politique palestinienne autour des thawabet (constantes) et l’unité au sein de la résistance même sont d’incontournables exemples de ce que notre peuple veut et de la trajectoire du mouvement de libération.

L’OLP d’aujourd’hui est utilisée avec duplicité afin de consolider le pouvoir aux mains de l’AP, qui est toujours dirigée par un courant au sein du Fatah. Cela ne signifie pas que l’OLP devrait être abandonnée ou liquidée. Au contraire. Pour maintenir les thawabet, l’OLP doit être reconstruite et réformée pour redevenir la seule représentante légitime de tous les secteurs sociaux, forces politiques, organisations de résistance et régions géographiques dans toute la Palestine et au-delà aussi, y compris ceux qui ne faisaient pas partie du corps originel. L’OLP doit à nouveau diriger notre mouvement de libération national unifié.

La vaste majorité des Palestiniens dans le monde sont hostiles à Oslo, à la normalisation, à l’AP et sont pour la résistance. Quand il a été clair que l’accord était un arrangement de « paix pour le capital » et non une voie de libération, Oslo a fini par être rejeté par le peuple palestinien. Il ne pourrait jamais – et il ne le fera jamais – réduire au silence notre volonté inébranlable sur la voie menant à la libération.

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Kareem Youssef est un animateur de longue date au sein du chapitre sud-californien de l’USPCN. Il étudie également en vue de décrocher un doctorat en sciences des matériaux à l’UCLA.

Mishlin Mekleh est elle aussi une animatrice au sein du chapitre sud-californien de l’USPCN et elle œuvre au soutien de la communauté arabe élargie du Sud de l’État en prodiguant des soins de santé mentale.

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Publié sur le 10 novembre 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Lisez également : La Conférence populaire palestinienne : 14 millions

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