Étude : Rassembler les identités via l’activisme.

Rassembler les identités via l’activisme ou comment, en Suède, les Palestiniens naviguent sur la fracture transnationale

Marche pour le Retour et la Libération 29 octobre 2022 à Bruxelles

Marche pour le Retour et la Libération de la Paelstine, 29 octobre 2022 à Bruxelles. Photo : Samidoun

Le présent article traite des façons dont les communautés de la diaspora se servent de l’activisme, des engagements politiques transnationaux et de la mobilisation afin de créer et de soutenir des identités, et de naviguer dans l’espace transnational consistant à ne se trouver ni « ici » ni « là ».

Via une exploration de la façon dont les Palestiniens vivant en Suède recourent à l’activisme comme mode de navigation sur leur situation entre la Palestine et la Suède, on peut voir que l’activisme transnational et la mobilisation sociale sont des moyens de gérer, de donner un sens à, d’arbitrer et de négocier une position vulnérable et compliquée entre les endroits et les identités.

En se servant d’un matériel narratif via des interviews de Palestiniens en Suède, le présent article dévoile la relation entre conflit, activisme et formation d’identité, et comment les tensions, luttes et contestations donnent forme à cette interconnexion.

L’article explore ces relations via un examen du cas de la communauté palestinienne en Suède et de la narration de ses expériences de conflit et d’activisme sous l’angle de l’ancienne patrie ainsi que sous celui du nouveau ou actuel pays de résidence.

L’étude cherche à approfondir nos façons de comprendre le sens profond de la solidarité avec une patrie perdue ainsi qu’à acquérir une compréhension plus profonde de la diaspora palestinienne dans le Nord mondial.

Marche pour le Retour et la Libération de la Paelstine, 29 octobre 2022 à Bruxelles

Marche pour le Retour et la Libération de la Paelstine, 29 octobre 2022 à Bruxelles. Photo : Samidoun.

 

Introduction et but

Les populations diasporiques nourrissent des rapports avec leurs anciennes patries selon de nombreux modes de relations, réseaux et communautés transnationaux qui parfois se chevauchent et parfois divergent.

Quand des situations au sein de la patrie sont caractérisées par la guerre et le conflit, les populations diasporiques mobilisent souvent politiquement en guise de soutien des contextes principaux, et on a très fréquemment présumé que les communautés diasporiques continuent de s’engager dans les conflits de la patrie (1), et qu’elles « apportent » ou « transportent » les conflits avec elles.

Dans le présent article, j’explore les relations complexes entre conflit, ancienne et nouvelle patries, activisme et identités par le biais d’une étude de cas, celui de la diaspora palestinienne en Suède.

On prétend que lorsqu’il se manifeste, l’activisme en soutien des conflits dans la patrie n’est pas avant tout stratégique ni tactique, mais qu’il sert d’outil important pour naviguer dans les eaux turbulentes des espaces transnationaux ; une façon de s’accommoder avec l’identité et de trouver sa place par rapport aux deux patries – l’ancienne et la nouvelle – en même temps.

L’activisme transnational et la mobilisation politique sont des façons de gérer, d’arbitrer et de négocier des positions compliquées entre des constructions spatiales, des temporalités et des identités.

Bien que le lien palestinien à la patrie perdue soit réel et solide (2), un excès d’emphase sur ces liens peut masquer des nuances, des différences générationnelles, des variations relatives à des pays où l’on a résidé précédemment, à des conditions socioéconomiques et à des dissonances politiques.

La littérature bien fournie – et qui l’est de plus en plus – sur la politique transnationale des populations diasporiques entreprend souvent d’indiquer comment les populations diasporiques deviennent potentiellement des actrices influentes dans les relations internationales (3), ou prennent part à des conflits. En construisant sur cette recherche, mais en allant bien au-delà, le présent article dévoile la relation entre conflit et formation identitaire et aussi comment tensions, luttes et contestations donnent forme à cette interconnexion.

Je prétends que les principales fonctions de l’activisme diasporique en soutien des anciennes patries consistent à maintenir une identité commune et à naviguer sur des positions vulnérables entre deux eaux, mais aussi que cet activisme est modelé par des dilemmes et des contradictions.

Marche pour le Retour et la Libération de la Paelstine, 29 octobre 2022 à Bruxelles

Marche pour le Retour et la Libération de la Paelstine, 29 octobre 2022 à Bruxelles. Photo : Samidoun.

 

Quelles sont les relations entre activisme et identité pour la diaspora palestinienne en Suède ?

L’étude tend à contribuer à notre compréhension des significations profondes de la solidarité avec une patrie perdue au cours d’actions violentes et à notre compréhension de la façon dont cette solidarité est également en dialogue constant avec la nouvelle patrie.

L’un des principaux arguments du présent article est que les relations de la diaspora avec des conflits et leur activisme doivent être analysés non seulement en relation avec l’ancienne « patrie » (la Palestine), mais aussi avec le nouveau pays de résidence (la Suède). La recherche est rare sur la relation entre conflits et diaspora en Suède, bien que la Suède se mue rapidement en une société « super-diverse » (4), avec, entre autres, des communautés avec un contexte de réfugiés de guerres et de conflits armés.

Marche pour le Retour et la Libération de la Paelstine, 29 octobre 2022 à Bruxelles

Marche pour le Retour et la Libération de la Paelstine, 29 octobre 2022 à Bruxelles. Photo : Samidoun.

 

Introduction théorique : diaspora, conflit, activisme et identité

La notion de « diaspora » a été de plus en plus critiquée parce qu’elle est imprécise et amorphe (5), parce qu’elle essentialise et « ethnifie » les communautés migrantes (6), parce qu’elle exagère la réussite (7) plutôt que le chagrin de l’exil et qu’elle romantise et passe sous silence la précarité de l’existence des réfugiés (8) et les expériences différenciées qui y sont rattachées (9). En outre, le terme a été explicitement critiqué sur le plan de l’expérience palestinienne de l’exil, parce qu’il néglige les réalités de l’existence des réfugiés et qu’il indique un compromis sur le droit au retour (10).

Malgré la critique, la force de la notion réside dans sa capacité de souligner les relations spatiales et temporelles transnationales (11). Toutefois, cela ne veut pas dire que les identités diasporiques sont « naturelles » ou « essentielles ». Elles sont plutôt construites et « imaginées » (12), elles comportent des complexités et des variations internes (13) et l’orientation de la diaspora vers une authentique ou mythique « patrie en tant que source autorisée de valeur, d’identité et de loyauté » (14) n’est pas « donnée » (15). La « diaspora » n’est pas une catégorie stable, mais elle transcende la dichotomie entre l’« ici » et le « là » (16).

La littérature sur la mobilisation et la politique dans la diaspora comprend des études sur la façon dont les populations diasporiques continuent à s’engager avec la patrie au travers de multiples et diverses formes d’activités et de réseaux (17), affectant potentiellement la guerre et le conflit (18), de même que la paix et sa construction (19).

On a beaucoup écrit sur les diasporas en tant que soit des « faiseuses de paix », soit des « entrepreneuses de conflit » (20), et ce, dans des présomptions trop simplifiées et dichotomisées. On présume souvent que les diasporas « apportent leurs conflits avec elles », déstabilisant de nouvelles patries, dans un discours politique sécurisé (et racialisé) (21).

Je prétends que les diasporas ne sont pas nécessairement des faiseuses de paix ni nécessairement des fauteuses de guerres, mais elles pourraient être les deux, ou ni l’une ni l’autre. Il n’existe pas de « transport » unidimensionnel de conflit (22) et, plutôt que de parler de diasporas affectant des conflits, on pourrait dire que les conflits modèlent les existences des diasporas (23).

J’affirme que les principales motivations de l’activisme politique, qui est perçu comme le moyen pour les populations diasporiques de s’engager de l’une ou l’autre façon et d’exprimer leur solidarité en soutien des conflits de leur patrie, sont en rapport avec les processus de maintien et d’alimentation d’un soi collectif, et de formulation de sentiments d’appartenance (24), de construction de ponts entre l’« ici » et le « là », et entre l’« alors » et le « maintenant », plutôt que d’implication dans le conflit per se.

Brinkerhoff a déclaré : « Les gens des diasporas mobilisent en partie pour exprimer leurs identités » (25). Construisant sur des théories en rapport avec la façon dont les identités sont maintenues, transformées, reconstruites et contestées dans l’exil (26), je dirais qu’ils mobilisent pour créer leurs identités.

La « vieille » patrie devient une signification en tant que point de référence à la « nouvelle », où les communautés migrantes sont souvent marginalisées ou exclues des positions identitaires majoritaires.

De nouvelles attitudes patriotiques consistant à cadrer les « migrants » comme des menaces potentielles (27) et comme n’appartenant pas tout à fait, malgré peut-être une installation remontant à plusieurs générations, servent dès lors à déstabiliser et à reconstruire des identités.

Des systèmes de nation-État d’identité nationale s’appuyant sur des catégorisations et des exclusions signifient que les populations diasporiques sont forcées de lutter pour l’inclusion, tout en étant toujours confrontées à des potentialités de rejet.

Dans un même temps, les expériences diasporiques défient les catégorisations nation-État et créent des revendications d’appartenance à l’« ici » et au « là ». Par conséquent, les « anciennes » patries créent des potentialités d’expression de revendications de positions identitaires spécifiques, comme Suédo-Palestiniens ou Palestino-Suédois.

De précédentes recherches se sont concentrées sur la façon dont l’activisme et la mobilisation des diasporas ont des rapports avec les ressources, tant financières que personnelles, et avec des structures d’opportunité (28), comme la citoyenneté en tant que fenêtre et plate-forme pour la mobilisation.

Le présent article va au-delà de cette discussion et montre et examine plutôt comment les communautés diasporiques peuvent naviguer avec leur activisme et leurs relations transnationales en tant que façon de bâtir une cohésion sociale et pont vers la « nouvelle » société.

Les différenciations, conflits et instabilités enracinées dans les identités diasporiques impliquent que l’activisme en faveur d’une cause commune puisse être une façon de niveler ces différences.

En outre, il conviendrait de prendre toujours soin de savoir vraiment si une communauté diasporique « existe » bel et bien. Ou, mieux, si toutes les identités, et toutes les identités et positions diasporiques à partir desquelles mobiliser sont constamment créés, bâties, défiées et contestées.

Il importe également de comprendre le non-activisme et les situations dans lesquelles on donne la priorité à l’« oubli » et où l’on trouve un emplacement dans la nouvelle société. Tout au long de l’article, l’« activisme » est analytiquement limité à la façon dont les Palestiniens en Suède mobilisent en Suède même en guise de soutien à la Palestine.

L’article est organisé de la façon suivante : Après une vue d’ensemble de la population palestinienne en Suède, il y a un contexte de la façon dont l’activisme palestinien a changé au fil des années.

La première section empirique principale concerne la façon dont l’activisme est généré en relation avec le « conflit » et la Palestine, alors que la deuxième se rapporte au contexte suédois.

Marche pour le Retour et la Libération de la Palestine, 29 octobre 2022 à Bruxelles

Méthode

L’article puise dans des narrations comprises comme

« une forme dans laquelle des activités et des événements sont décrits comme ayant un ordre sensé et cohérent, imposant à la réalité une unité qu’elle ne possède pas de façon inhérente » (29).

De telles narrations ont été collectées dans 27 interviews et conversations semi-structurées avec des Palestiniens résidant en Suède. Il s’agissait de personnes arrivées en Suède depuis les années 1970 jusqu’en 2018. Certaines étaient nées et avaient grandi en Suède, d’autres étaient des arrivés récents de la bande de Gaza ou de la guerre en Syrie. Quinze étaient des hommes, douze étaient des femmes. Tous étaient âgés de 23 à 62 ans et avaient été sélectionnés via un échantillonnage en boule de neige.

Les interviews avaient été réalisées en anglais ou en suédois dans les villes de Göteborg, Malmö, Stockholm et d’autres villes plus petites, entre janvier et août 2018, avec un follow-up et des interviews additionnelles en 2019 et au début 2020. Les conversations se concentraient sur la façon dont les interlocuteurs percevaient, avec réflexion à la clef, la Palestine ainsi que la Suède, leurs idées et leurs perceptions des significations de l’activisme, et leurs conceptions de l’identité.

Il y avait beaucoup d’espace pour permettre aux personnes interviewées de structurer leurs récits sous les formes qui avaient leur préférence. Les positionnements et les considérations éthiques ont trait au fait que je suis suédoise et que ma citoyenneté est incontestée, alors que mes interlocuteurs ont dû lutter pour la leur ou se sont trouvés dans des situations incertaines quant à leur identité juridique au moment de l’interview. D’inévitables relations de pouvoir asymétriques étaient dès lors en jeu, et j’ai opéré avec prudence pour traiter les personnes interrogées et leurs récits avec le plus grand respect.

En outre, des observations dans divers genres de situations, comme des manifestations à Malmö et à Göteborg, ou ses événements culturels (projections de films, expositions, conférences et séminaires) ont été réalisées à travers la participation à de tels événements et arrangements.

L’ethnographie via ‘Internet’ (30) s’est concentrée sur une lecture attentive des messages et de la communication publiés dans des communautés de chat sur Facebook, telles que Palestiniens en Suède (Palestinier i Sverige) et Nous qui aimons la Palestine. J’ai suivi la communication entre janvier 2018 et mai 2021 et j’explique les activités et le contenu principal des conversations mais, en raison de certaines considérations éthiques, l’article ne révèle pas de détails à propos du sujet, du timing ou d’autres informations.

Marche pour le Retour et la Libération de la Palestine

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Les Palestiniens en Suède : l’identité en tant que « responsabilité »

Des Palestiniens se sont établis en Suède depuis les années 1960, quand un projet impliquant l’UNRWA et de grosses sociétés suédoises (Volvo, par exemple) ont fourni des cours d’éducation professionnelle à des étudiants réfugiés palestiniens du Liban, de Syrie et de Jordanie (31).

Durant cette époque de l’histoire, la migration palestinienne vers la Suède faisait donc partie de modèles plus larges de mobilité liée au travail.

Dans le sillage de la guerre au Liban dans les années 1980, la migration de réfugiés palestiniens au Liban s’accrut (32).

La  « génération Liban » et ses enfants sont aujourd’hui des citoyens suédois et (partiellement) à l’aise dans la société suédoise, mais ils gardent une identité palestinienne ainsi que des connexions transnationales avec la Palestine et ailleurs (33).

Des Palestiniens ont également débarqué en Suède via des trajectoires différentes, depuis l’Irak, les États du Golfe, la Libye, suite à la guerre en Syrie et depuis les territoires palestiniens occupés, et il en a résulté une communauté hétérogène palestinienne en Suède, avec des expériences extrêmement différentes de la Palestine, du conflit et/ou de la guerre et de la société suédoise.

Bien que la recherche autour des Palestiniens résidant dans le Nord mondial (34) s’accroisse en rythme en même temps que l’ampleur grandissante de la diaspora palestinienne, on constate un manque d’études sur leur impact social et politique dans les sociétés où ils résident ainsi qu’une nette tendance à négliger les relations compliquées aux anciennes et nouvelles patries.

Selon les chiffres officiels, il y avait en Suède, en 2018, quelque 12 000 personnes enregistrées comme étant nées en Palestine ou avec au moins un parent né en Palestine (35). Dans ces chiffres, les Palestiniens qui sont arrivés dans les débuts ne sont pas compris et comme l’identité palestinienne est autodéfinie plutôt que de constituer une catégorie officielle et formelle, le nombre de personnes avec un contexte palestinien devrait être beaucoup plus grand (36).

Les Palestiniens en Suède font donc partie d’une notion plus large de l’ethnicité palestinienne, elles font partie d’une diaspora plus large, elles constituent une communauté particulière en Suède et elles font partie de et s’engagent dans la communauté suédoise et elles font également usage des positions de l’identité suédoise (37).

Bien que, en général, on mette fortement l’accent sur l’identité palestinienne, celle-ci est souvent combinée avec les identités des camps de réfugiés constitués au Liban (38) ou avec, par exemple, l’identité syrienne pour les réfugiés palestiniens apatrides en provenance de Syrie (39). Ces identités peuvent aussi être en contradiction les unes avec les autres (40).

Les Palestiniens en Suède assument une identification hautement morale, émotionnelle et politique, qui construit sur le « monde imaginé » (41) créé par la nakba en tant qu’ensemble de conditions durables de perte, de déportation et d’oblitération, mais aussi sur l’activisme sous forme de solidarité et d’empathie, de responsabilité et d’obligation (42) en résonance avec des études véhiculées dans la diaspora palestinienne, par exemple en Grèce (43), en Australie (44), au Royaume-Uni et en Pologne (45).

Les identités palestiniennes et suédoises sont parfois divergentes et parfois complémentaires. Une femme le disait : « J’aime d’être suédoise aussi (46). » Ils sont nombreux à réfléchir à la dualité ou, comme Du Bois (47) le concevait quand il réfléchissait à l’identité américaine noire, il y a un « caractère dual » dans l’identité, alors que, dans le même temps, on est toujours défini via le regard des autres. Comme l’expliquait l’un de mes interlocuteurs :

« Ici, je suis ‘lui, le Palestinien’ et, à Gaza, je suis ‘lui, le Suédois’ (48). »

L’identité palestinienne dans la diaspora est une identité qui appelle à l’acte politique (49), mais pas sans équivoque et pas pour tout. L’acte parle à la formation identitaire des Palestiniens dans un sens plus général, s’appuyant fortement sur la géographie et l’histoire de la Palestine, sur la dépossession et la déportation, mais aussi sur l’activisme, la lutte et la résistance (50).

L’identité palestinienne est modelée par le « faire » et par l’acte, bien que des défis existent dans le maintien d’une identité transnationale « face à l’exil et à la dispersion sur plusieurs générations (51) ».

Avec le temps et comme les Palestiniens débarquent en Suède à partir d’arrivées nouvelles de divers contextes, on voit émerger des failles entre les générations qui se sont établies auparavant et les nouvelles venues, par exemple, de la Syrie.

Pour les réfugiés de la Syrie, l’intimité avec le contexte syrien peut être aussi importante que l’identité palestinienne (52). Il existe également des divisions politiques empêchant une voix cohérente de la diaspora (53) et, partant, l’action collective. La communauté palestinienne en Suède est par conséquent affectée par l’ancien pays de résidence, par des inclinations politiques, par une certaine religiosité, par des choses typiquement suédoises, par le genre et plus encore (54).

Hassan, qui est arrivé en 2013, a décrit comment sa proximité avec et la Syrie et la Palestine avait été à l’origine d’une identité perturbée.

« En Syrie, j’étais palestinien, parce que nous vivions dans un camp et le camp signifie la Palestine. [—] Mais, quand je suis venu en Suède, j’ai commencé à me demander… Parce que… maintenant, la Syrie est devenue une autre affaire. Parce que j’étais né là, et le pays est en train de se faire détruire. Ainsi donc, suis-je palestinien, ou syrien ? (55) »

Amal, arrivée en Suède alors qu’elle était toute petite et, aujourd’hui, à plus de trente ans, elle pourrait identifier des divisions, et elle croyait que les réfugiés de Syrie portaient une identité syrienne et que, de plus, ils étaient quelque peu privilégiés dans la société suédoise, comparés aux personnes arrivées plus tôt.

« Bien des personnes venues de Syrie ont une image positive de la Syrie avant la guerre, contrairement à nous, du Liban, qui avons été davantage exclus de la société [libanaise]. Je les entends parler davantage de la Syrie que de la Palestine. [—] Je pense que ceux qui sont venus maintenant, les Palestiniens de Syrie, leur impression dominante, c’est qu’ils proviennent de la Syrie […] (56). »

Il y a donc des hiérarchies et des différenciations impliquées dans l’identité palestinienne (une proximité géographique et temporelle et dans l’identité suédoise (la durée de la résidence). Ceux qui ont un temps de présence plus long en Suède prétendent qu’ils font davantage partie de la société suédoise, tandis que les nombreux nouveaux venus sont parfois perçus comme causant des « problèmes » dans la société suédoise, ou comme provoquant des failles dans la communauté palestinienne.


L’histoire et le présent de l’activisme palestinien en Suède

La Suède est une société qui représente des proportions relativement importantes d’immigration et qui a une réputation préalable de pays bienveillant envers les situations difficiles des réfugiés.

Récemment, la politique migratoire de la Suède s’est de plus en plus sécurisée sur le plan de la criminalisation (57). C’est également une société qui se définit comme « blanche » (58) et au sein de laquelle le migrant, non-occidental, est « racialisé » en tant qu’autre (59).

Bien qu’imprégnée aussi de discours officiels à propos du multiculturalisme, le discours dominant est celui de la Suède en tant que nation définie comme ethniquement homogène. Avec une attention de plus en plus concentrée sur le racisme, les significations de l’identité nationale sont intensément polarisées.

Comme Lundström l’a affirmé, en Suède, migration et migrants sont décrits comme des « problèmes » racialisés (60). La façon dont le « migrant » est censé « s’intégrer » est un centre d’attention primordial tant intellectuellement que politiquement et le point focal se situe sur le « migrant » qui adapte, acquiert des capacités sociales et comportementales, des compétences culturelles et linguistiques avec une forte orientation vers le marché du travail.

La concentration se fixe bien moins sur les capacités des communautés migrantes et diasporiques à s’orienter vers les vieilles patries comme les nouvelles. Par conséquent, dans le discours suédois sur un soi national, les migrants sont décrits comme les « autres », ceux qui n’appartiennent pas totalement (61).

Mes interlocuteurs reconnaissent la démocratie et la citoyenneté de la Suède comme un espace d’où on peut donner voix à la position palestinienne, à l’influence et au lobbying (62).

Historiquement, l’activisme politique parmi les Palestiniens a été transformé, passant d’un rassemblement politique plus traditionnel dans les années 1980, quand la solidarité avec la Palestine était entremêlée de connexions étroites entre la principale faction de l’OLP, le Fatah, et les sociaux-démocrates, mais aussi avec le parti de gauche et de plus petits partis politiques et organisations de gauche.

Ce soutien est toujours grandement important mais, aujourd’hui, les principales organisations de solidarité, comme les groupes pour la Palestine (Palestinagrupperna) et le Comité pour la Palestine (Palestinakommittén) sont complétées par une nouvelle mobilisation ad hoc sur Facebook ainsi que par les mouvements de solidarité mondiale organisés de façon plus souple (63).

Des exemples d’autres organisations gagnant du terrain en Suède sont Ship to Gaza (Un bateau pour Gaza), qui tente de rallier Gaza avec des navires traversant la Méditerranée, ou des branches locales du réseau international Samidoun, se présentant comme anti-impérialistes et dont le tout premier centre d’intérêt réside dans les prisonniers palestiniens.

En Suède, le mouvement mondialisé Boycott, Divestment, Sanctions (BDS) (64) est organisé de façon souple et mû par le Groupe pour la Palestine. Il n’a pas été en mesure d’attirer un très large soutien, bien qu’il y ait à l’occasion des débats concernant un boycott allant plus loin au sein de la société suédoise.

Des forums de discussion sur Facebook débattent souvent autour de l’étiquette israélienne sur les produits comme les dattes, les avocats et les oranges disponibles dans les épiceries suédoises. En outre, il existe un vaste éventail d’organisations et d’associations basées en Palestine, religieuses, culturelles et politiques, qui ont souvent une résonance locale (65).

Les façons traditionnelles de mobiliser et de plaider pour du soutien ont généralement été développées via des manifestations, des rassemblements et autres activités de soutien à la Palestine, lors de protestations contre certains événements particuliers, lors de commémorations de la nakba, de la Journée de la Terre, du massacre de Sabra et Chatila en 1982, ou d’autres occasions qui marquent la mémoire.

De plus en plus, ces modes d’organisation, ancrés dans un mouvement traditionnel de solidarité de gauche, sont remplacés par différentes sortes d’« événements » culturels, artistiques ou plus ou moins sportifs destinés à attirer l’attention sur la cause de la Palestine, comme, par exemple, le Bike-4-Gaza-event (Événement Vélo pour Gaza) durant l’été 2020, quand des activistes ont fait du vélo entre Göteborg et la frontière nord de la Suède afin de collecter des fonds pour Gaza et stimuler la conscientisation autour de l’enclave.

Mes interlocuteurs révèlent également la crainte d’être accusés d’antisémitisme. Des rassemblements propalestiniens, et ce, spécialement à Malmö, ont été accusés de diffuser de la propagande antisémite. De ce fait, les organisateurs de manifestations éprouvent le besoin de proclamer qu’il y a une « tolérance zéro » pour l’antisémitisme et ils adoptent donc les débats et discussions en cours en Suède dans les pratiques de l’activisme.

L’antisémitisme et les accusations en ce sens sont depuis longtemps des ingrédients de la façon dont le conflit israélo-palestinien est encadré discursivement dans le contexte suédois.

Bien que l’antisémitisme soit de plus en plus observé dans les rassemblements pour la Palestine, il convient également d’insister sur le fait qu’un lobby pro-israélien recourt à des accusations d’antisémitisme (66) afin de délégitimer la critique à l’égard de la politique de l’État d’Israël.

Dans une tribune publiée dans un journal suédois à gros tirage, l’ambassadeur d’Israël en Suède a critiqué le mouvement de la jeunesse sociale-démocratique (SSU) en mettant en cause des slogans comme « Écrasez le sionisme », taxant ces expressions d’antisémitisme (67).

La relation entre antisémitisme et antisionisme est floue et complexe et elle devrait être perçue comme un contexte discursif auquel l’activisme palestinien se sent de plus en plus contraint de répondre.

« Parfois, quand de nombreux Palestiniens se rassemblent, il y a quelques mauvais slogans et nous tentons de les supprimer et de montrer la vérité. C’est à nous qu’il incombe de prouver que nous ne sommes pas des antisémites. [—] Si je vois quelque chose [dans les communautés Facebook] contre les juifs, je rapporte la chose directement à l’administration. Parce que ce n’est pas OK (68). »

Yusef, bien établi dans la société suédoise, m’a également parlé de la façon dont sa fille, à un tout jeune âge, a vécu le bombardement israélien du Liban en 2006. Quand elle a parlé de cet incident et de la crainte qu’elle avait éprouvé à l’école, elle avait utilisé le mots « juifs » pour désigner les responsables de l’attaque, sur quoi son institutrice avait téléphoné à la maison et exprimé ses craintes à propos de l’antisémitisme (69).

Marche pour le Retour et la Libération de la Palestine

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Les conflits internes au pays : « Je ne puis oublier ces jours-là »

Koinova (70) a prétendu que la mobilisation de la diaspora en guise de soutien des patries en conflit est souvent déclenchée par des événements transformatifs ou critiques particuliers qui sont perçus comme menaçants ou traumatisants.

Les processus politiques de violence en Palestine déclenchent un engagement émotionnel et des activités mobilisatrices (71). Mes interlocuteurs parlent de l’importance de tels événements pour la mobilisation, mais aussi de la façon dont de tels événements cataclysmiques sont vécus et expérimentés, bien qu’ils aient été situés très loin.

La guerre de Gaza en 2014 fut une période de temps traumatisante pour les Palestiniens du monde entier qui accueillirent une partie des nouvelles dans la crainte et sans vraiment y croire. Des manifestations de protestation et de solidarité utilisant les médias sociaux comme moyens de communication furent organisées.

Mes interlocuteurs dépeignent la façon dont ils ont constamment accueilli une partie des nouvelles via différents canaux et comment de telles informations les ont hantés et comment leur vie quotidienne a été interrompue (72).

La chose se répéta durant la chaîne des événements de mai 2021, déclenchée par une série d’incidents à Jérusalem et explosant en une attaque israélienne dévastatrice contre Gaza. Guerres et conflits ont une pertinence immédiate pour les communautés diasporiques et ce ne sont aucunement des événements distants ou simplement « catalyseurs ».

Vu la magnitude de la guerre de 2014 et de l’offensive de 2021, ainsi que le nombre de morts et de blessés et l’importance des destructions qui se reflétèrent dans la diaspora, la solidarité et le chagrin aboutirent à des manifestations accrues de soutien et à un besoin logique de toucher les gens avec des campagnes d’information et de conscientisation.

Il y eut également les pertes et les chagrins personnels, combinés à la culpabilité d’être absent, la crainte et l’inquiétude pour les proches et le choc à cause des proportions des dégâts et destructions. Par conséquent, on peut dire que les populations diasporiques vivent activement ces épisodes de guerre, même si c’est de très loin, et leurs existences sont donc profondément affectées aussi par les guerres à distance.

« Cette guerre [de 2014] (…) a suscité tant de sentiments. J’ai perdu des proches et des voisins et mon père et mes sœurs, eux, étaient toujours là. [—] Nous pouvions voir tout. 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Tout. Même si nous n’étions pas là. Il y avait du chaos, là où nous étions. Parce que nous y pensions tout le temps, et ma mère pleurait et je pleurais. Il y avait des informations tout le temps, comme « cette personne est morte, et celle-ci aussi, et cette personne a été blessée et cette personne a disparu ». Et tout cela a provoqué un tas, un tas de blessures profondes, de cicatrices sur le cœur. Je ne puis oublier ces jours et la façon dont nous avons vécu cette époque (73). »

Les guerres et les conflits voyagent et transcendent les géographies au travers de l’incarnation des souvenirs et des émotions. Être loin de la bataille réelle et néanmoins en être affecté signifiait pour beaucoup des difficultés à faire face aux problèmes quotidiens en Suède, comme étudier le suédois pour ceux qui étaient de nouveaux arrivants, aller travailler, participer à de petites conversations sur ce qui était perçu comme des banalités dans la société suédoise.

La vie dans la diaspora ne signifie pas une évasion des conflits, mais les arrière-plans violents dans d’anciennes patries continuent d’imprégner nos existences dans nos nouvelles installations.

Le déménagement de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, en mai 2018, coïncidant avec l’intensification de la Grande Marche du Retour dans la bande de Gaza fut une autre expérience récente de la violence et du conflit à distance, laquelle déboucha sur des manifestations dans plusieurs villes de Suède.

L’offensive israélienne contre Gaza en mai 2021 déclencha des activités très répandues via la mobilisation sur les médias sociaux et des manifestations dans les villes suédoises.

Hadi m’a raconté comment, une fois de plus, il a vécu l’anxiété et le traumatisme de la guerre de 2014, comment il ne pouvait plus dormir et qu’il essayait en permanence de réconforter la partie de sa famille toujours à Gaza, au cours de ces nuits de ténèbres et de peur.

La violence et la guerre dans la patrie servent donc de catalyseurs afin d’affirmer son activisme (74), par le biais des voies profondes dans lesquelles de tels événements impactent les existences et le positionnement des populations diasporiques.

Müller-Funk (75) a monté comment accroître la conscientisation au profit de la cause patriotique est une façon pour les diasporas « de revendiquer leur droit à de multiples constructions identitaires ».


Communication et création de la Palestine sur Internet

De tels événements requièrent aussi un appel à un surcroît de conscientisation et de diffusion d’informations.

« Je pense que Facebook est un bon moyen d’accès à l’information. Cela a débuté avec la guerre de Gaza en 2014. Nous étions nombreux à y aller et à fournir de l’information sur ce qui s’était passé. Et cela a servi. Les gens ont fini par s’éveiller et comprendre que c’[e qui se passait]était mauvais (76). »

Il n’est pas surprenant que les médias sociaux soient devenus un canal de plus en plus obligatoire dans la mobilisation des ressources, du soutien et du partage d’opinions, d’informations, d’images et de récits (77). En fait, les médias sociaux contribuent à façonner l’activisme, à créer des communautés diasporiques et à intensifier les contacts sociaux.

Brinkerhoff a inventé le terme « diaspora digitale », qui facilite la navigation dans l’espace transnational. D’autre part, Hanafi (78) a prétendu que les médias sociaux et la digitalisation avaient résulté dans de nouvelles formes de « déterritorialisation » et, en effet, il a en outre insisté sur la déportation et la fragmentation des Palestiniens et il n’y a donc pas une seule façon de comprendre l’importance des médias sociaux pour les communautés diasporiques.

Les forums de discussion sur Facebook partagent des informations sur l’occupation et la violence en Palestine, comme cela a été le cas pour les activités intenses au cours de la Grande Marche du Retour en 2018, afin de diffuser ce qu’il fallait savoir sur les campagnes de collecte dans différents buts, par exemple, les soins de santé, l’aide alimentaire ou le bien-être pour les enfants à Gaza, pour les blessés, les mutilés.

En mai 2021, les forums des médias sociaux ont explosé avec les activités de communication soutenant la Palestine et critiquant la politique et les médias suédois pour leur « double jeu » et pour le fait qu’ils rejettent la faute sur les deux parties également tout en n’insistant pas sur la Nakba, c’est-à-dire l’expulsion par la force et l’occupation.

Les médias sociaux sont donc utilisés afin de faciliter l’activisme sous la forme de protestations et de lobbying, sous la forme de financement de développement à petite échelle et de buts humanitaires (79), mais aussi pour diffuser des activités et des images relatives à la culture, à la nourriture, à la musique et à l’intermédiarité des positions identitaires palestiniennes et suédoises.

C’est un forum de partage et de distribution de l’information et de création et d’accomplissement d’une identité partagée relative à la Palestine, à l’occupation et à la violence, mais aussi un forum où les divisions au sein de la communauté palestinienne deviennent en plus en plus visibles.

La focalisation politique ne se fait même pas au fil du temps mais en temps de calme relatif dans les TPO, la focalisation réside davantage dans le partage des images de Jérusalem, du debke, des mariages, de la nécessité pressente de certaines sortes de nourriture (knafe, mansaf, zaatar) ou d’expériences quotidiennes en Suède.

Ces communautés servent de diverses façons de pont entre les identités palestiniennes et suédoises et elles communiquent également des célébrations en Suède telles des remises de diplômes dans l’enseignement moyen supérieur, souvent en agitant le drapeau palestinien, via la mise en valeur de réalisations culturelles ou professionnelles par des Palestiniens résidant en Suède, comme des écrivains, des hommes d’affaires, des chanteurs pop et des enseignants dans les écoles.

Marche pour le Retour et la Libération de la Palestine

Marche pour le Retour et la Libération de la Palestine


L’activisme et l’identité par le biais de la transmission générationnelle : entre « responsabilité » et « lassitude »

L’activisme est trop souvent perçu par mes interlocuteurs comme une responsabilité, un acte de solidarité. Il est important de continuer de se rattacher à la Palestine et à l’occupation comme une façon de continuer d’être palestinien.

Walid, qui a migré en Suède dans les années 1980 suite aux conséquences de la guerre au Liban, explique :

« Si je ne lutte pas pour mon pays, qui le fera (80) ? »

« Être palestinien » s’accompagne donc d’une responsabilité. La deuxième génération de Palestiniens grandissant en Suède raconte comment l’activisme est devenu une « chose naturelle » via les parents et les façons dont les récits concernant la Palestine ont été racontés et transmis depuis les générations plus anciennes, mais aussi comment « c’est une responsabilité » (81) que de poursuivre les efforts des générations plus jeunes et de créer une conscience à la fois à l’intérieur de la communauté palestinienne en Suède et parmi les Suédois.

Par moments, la deuxième génération de Palestiniens se perçoit comme mieux équipée que ses parents en vue d’induire un changement, à l’aise comme ils le sont en suédois et dans les médias digitaux et la communication (82). La deuxième génération se mue en médiateurs entre les récits historiques de leurs parents et le contexte suédois et l’identité nationale est transmise, transférée et transformée dans les contextes familiaux.

« Je me souviens, quand nous étions petits et que nous rassemblions nos motos. Mon père était assis dans la salle de séjour avec un journal qu’il écrivait en arabe avec ses amis. Nous sommes habitués d’avoir toujours l’identité et la culture palestiniennes, dans nos existences (83). »

Ceux qui sont nés et ont grandi en Suède ont été familiarisés à l’activisme par le biais de leurs familles, retrouvant des parents lors de manifestations et rassemblements comme une façon de mettre l’accent sur leur origine, alors que, dans le même temps, ils participaient également à la société suédoise et à ses attentes.

En grandissant, ces générations et les plus jeunes utilisent plutôt les médias sociaux et les événements culturels pour favoriser leur nature palestinienne et la rattacher à leur patrie.

Les transmissions générationnelles de souvenirs et d’images ne se font toutefois pas nécessairement sans friction puisque, parfois, les générations plus jeunes rejettent simplement l’importance continuelle de la Palestine (84).

Pour Blaachnicka-Ciacek (85), comprendre la Palestine, les souvenirs des générations antérieures, constitue un processus de « prise de conscience », de créations de relations très personnelles avec la Palestine.

Pour les générations parentales, c’est perçu avec autant d’intensité qu’une responsabilité (difficile) de parler à leurs enfants de la Palestine et de les incorporer dans le récit national et dans l’identité palestinienne, puisque la « responsabilité » (86) se transfère dans la famille.

Les parents font la médiation des narrations historiques de la Palestine vers leurs enfants qui manquent d’expériences de première main de la perte, dans ce qu’al-Hardan appelle les « post-souvenirs » (87), dans ce manque d’expériences vraiment personnelles.

Par le biais du partage de l’histoire et des souvenirs, la solidarité politique et la sympathie sont maintenues en vie (88).

Il existe généralement une crainte d’oubli à travers le temps ou d’un étiolement de la Palestine et d’un besoin d’informer les enfants et les jeunes à propos de l’histoire et de la violence de l’occupation.

La Palestine est ce qui connecte les générations en dispersion et c’est une façon de se souvenir d’un passé commun, d’une patrie commune et d’un point de définition afin de pouvoir se positionner à l’aide d’un objet de référence pour leur incorporation dans la « suéditude ».

« Je fais beaucoup pour les enfants. Je veux qu’ils connaissent leur patrie. Et je sais que les aînés de mes enfants, comme mon fils, qui a 28 ans aujourd’hui, et qui, lors de la guerre à Gaza, voulait se rendre sur place et jeter des pierres. Mais j’ai élevé mes enfants de façon à ce qu’ils sachent que le pouvoir vient du savoir et non pas du fait qu’on jette des pierres. [—] Et ce n’est que via le savoir que nous pouvons gagner de l’influence (89). »

Noura explique comment elle a gardé la Palestine bien vivante parmi ses enfants, mais aussi que la faculté de changement réside dans l’éducation et le savoir.

Hassan, qui est arrivé de Syria en 2013, a exprimé comment son histoire consistait dans le fait d’être « deux fois un réfugié », puisque ses grands-parents se sont échappés de Palestine en 1948 et que lui est né et a grandi dans le camp de Yarmouk, tout près de Damas, et comment cette histoire est quelque chose qu’il lui faut rappeler à ses futurs enfants.

« Je suis né en tant que réfugié, j’ai payé le prix de la nakba, j’ai demandé l’asile une fois encore, je ne l’oublierai pas. Je l’enseignerai à mes enfants (90). »

La généalogie du conflit est une façon de rester connecté avec l’histoire et la patrie, mais aussi une façon de naviguer, et de se positionner, soi-même et sa famille, dans le contexte suédois, une façon de s’assurer que les enfants ne seront pas abandonnés sans la moindre ligne de récit sur leur passé et que la Palestine n’est pas abandonnée avec sa population dispersée en un double mouvement de lieux qui se connectent dans un activisme transnational très affiné et nuancé.

Le « conflit » constitue aussi, en exil, un point de référence pour construire une identité. Le temps passant, des dissonances et des différenciations générationnelles (91) jouent également un rôle, de même que le manque de connexion physique, l’étiolement progressif des souvenirs et la participation active à la société suédoise affectent les générations de façon différente (92).

Certains de mes interlocuteurs donnent également de la voix à ce que j’interprète comme des sentiments d’épuisement qui servent de limitation à la capacité d’agir. Comme l’histoire se déroule et que la situation critique des Palestiniens reste la même, il devient particulièrement pénible de rester dans les lignes de l’activisme.

Les pressions s’étendent en même temps à partir de la société, d’Israël (interférences dans les comptes rendus des médias sociaux, et via des accusations d’antisémitisme) et à partir de la communauté même de la diaspora palestinienne.

Noura est une mère de 5 enfants et elle approche la cinquantaine. Elle est arrivée toute petite fille de Jérusalem au début des années 1970 et elle exprime un sentiment d’épuisement.

« J’essaie toujours de suivre les infos, mais plus autant qu’auparavant. Je sens que je ne puis plus le supporter. J’essaie de garder des traces, cela arrive mais, ensuite, je me sens tellement lasse. [—] C’est comme un burn-out. Peut-on dire que c’est de cela qu’il s’agit ? J’ai l’impression d’avoir renoncé depuis la guerre de Gaza [en 2014]. Non, ce n’est pas que j’ai renoncé. Je suis en burn-out (93). »

Noura m’a raconté comment elle emmenait se enfants à des expositions et des festivals ayant trait à la Palestine et qu’ils étaient tous impatients d’y participer, mais qu’elle trouvait qu’il était malaisé de maintenir leur énergie à niveau.

D’autres expliquaient les difficultés pour mobiliser les jeunes en raison de la fragmentation de la communauté palestinienne. Leila, une jeune femme née en Suède, où ses parents avaient débarqué après un passage au Liban, nous dit plus loin comment elle perçoit les difficultés en mobilisant les Palestiniens de sa propre génération et des générations plus jeunes.

« J’ai l’impression que nombre de mes amis se dissocient de l’activisme. Il est malaisé de trouver des jeunes Palestiniens qui désirent être actifs. Il y a toujours quelque chose qui se passe, une guerre, ou l’occupation, si bien qu’il me semble que beaucoup n’ont pas l’énergie de s’engager vraiment dans ce sens. C’est ainsi qu’une grande partie des gens qui font le travail réel sont en fait des Suédois (94). »

Leila explique qu’« il y a toujours quelque chose qui se passe » et comment le contexte prolongé de violence en Palestine provoque un ralentissement de l’activisme.

En même temps, un activisme très répandu semble exiger que l’on déclenche des événements et, quand la situation dans les TPO est plus calme, il existe également une période creuse de l’activisme dans la diaspora.

Pour ceux qui sont actifs et qui agissent en entrepreneurs ou responsables des mobilisations, on rencontre parfois du désappointement à propos de l’absence d’énergie soutenue. Ainsi donc, via diverses expériences, il existe également des processus d’aliénation vis-à-vis de l’activisme (95), lequel oscille entre des épisodes d’intensité et de calme.


La nouvelle patrie : citoyenneté et tensions

Être actif en faveur de la cause palestinienne est également une façon de relier les identités suédoises et palestiniennes, et une façon de créer une relation et une interaction sensées entre les deux positions. C’est une façon de gérer des pratiques d’exclusion et de tenter de rendre la Palestine importante dans un contexte suédois, et de permettre des identités multiples et hybrides (96).

Les Palestiniens en Suède décrivent souvent la citoyenneté suédoise comme une espèce de signe avant-coureur de sûreté et de sécurité, et cette sûreté fournit un atout ou une structure d’opportunité (97) pour l’activisme politique en faveur de la cause palestinienne.

Avec une politique migratoire suédoise en plein changement, il devient plus difficile pour les demandeurs d’asile de se voir accorder des permis de résidence (98) et, pour les Palestiniens apatrides, leurs conditions sont aggravées par des conditions d’attente dignes du purgatoire (99).

Par conséquent, des statuts juridiques différents parmi les Palestiniens en Suède servent d’identités déstabilisatrices, ce qui provoque des failles et des dissonances.

Des frontières invisibles (100), des frontières sociales (101) et des interprétations et normes sociétales de ce que requiert être « suédois » mettent en place des obstacles en relation avec des questions telles les perceptions d’ethnicité et de culture, et mes interlocuteurs expriment comment il existe des restrictions quant à savoir « la part de Suédois » que les migrants sont autorisés à devenir.

Dans la Suède contemporaine, la politique d’intégration s’appuie de plus en plus sur une acceptation des limites sociétales (102) et les exigences imposées aux migrants concernant l’apprentissage de la langue suédoise et l’adhésion aux valeurs suédoises en vue d’acquérir la citoyenneté (103).

En 2001, Hisham, venu en Suède après la guerre au Liban, a exprimé à quel point il était reconnaissant à la Suède, comment il en appréciait le système social et la démocratie bien qu’en même temps, il fût restreint dans son appartenance suédoise :

« Mais je ne me sens pas suédois. Les gens me demandent d’où je viens et ils me disent, indirectement, que « je ne suis pas d’ici ».

Un Suédois est censé avoir des yeux bleus et une autre couleur de cheveux. Tout simplement, je ne suis pas d’ici et je ne serai jamais d’ici (104). »

Les personnes que j’ai interviewées ont exprimé comment des limitations concernant nos perceptions et normes se collaient à des apparences, à la couleur de peau et de cheveux, comment les noms constituaient une entrave à l’inclusion dans une identité suédoise.

Walid, qui a également un passé au Liban et qui est arrivé en Suède dans les années 1980, a parlé de ces restrictions construites sur des images de ce dont les Suédois sont censés avoir l’air et comment il a vécu ces suppositions, profondément restrictives à ses yeux.

« Je ne pourrais devenir suédois, même si je me teignais les cheveux ou si je parlais parfaitement la langue. Je suis d’une autre culture, non seulement d’une autre culture, mais d’une catastrophe qui a pour nom la Palestine.

Je ne puis devenir syrien ou libanais. Ou je ne puis venir de Gaza. C’est impossible. Je ne suis pas de Gaza ni de Cisjordanie.

C’est à propos de mon village […]. Je suis un citoyen suédois. J’aime la Suède en tant que pays de liberté et de démocratie. Mais je ne puis devenir suédois. Nous avons des cultures différentes. Si vous me donniez le monde entier, je ne pourrais manger du porc. Je suis fier d’être un citoyen suédois. Mais je ne puis devenir suédois (105). »

Venir d’une « catastrophe ». Il y a des limites dans les potentialités de « devenir suédois ». La majorité des constructions du « caractère suédois » (ce que j’appelle la « suéditude » en deux ou trois autres occasions, NdT) en tant qu’identité blanche pour migrants de couleur signifient qu’ils ne sont que partiellement acceptés.

Les discussions contemporaines sur le racisme interviennent vivement dans ces procédures entamées en compagnie des démocrates suédois de droite qui constituent aujourd’hui le troisième parti politique en importance au parlement (Riksdagen).

La discrimination structurelle est visible, comme le sont les crimes haineux et les menaces, également admis er reconnus par mes interlocuteurs. Certaines personnes interviewées ont dit avoir été agressées ou harcelées, ou ont fait état de certaines de leurs proches qui avaient été agressées par des étrangers qui leur avaient arraché leur foulard (106).

Marche pour le Retour et la Libération de la Palestine

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Exclusion et points tournants : « Je ne me suis pas senti bien »

Dans ce contexte, les personnes que j’ai interviewées révèlent à quel point l’action est une réponse aux processus d’exclusion vers ou de la société suédoise.

Renforcer l’identité palestinienne de quelqu’un est une façon de s’engager dans la « suéditude » à partir d’une position qui est plus sûre et de créer un espace de multiples identités potentielles. Les Palestiniens de la deuxième génération associent leur identité palestinienne aux processus d’« altérisation » qui se passent souvent à l’école.

« Je pense que le point tournant a été quand j’étais dans l’enseignement moyen. Cela s’est mis à prendre de l’importance. Et cela avait fortement trait à d’autres questions d’identité. L’adolescence, ce sont des années difficiles en elles-mêmes. Qui suis-je dans ce monde ? Qu’est-ce qui m’importe ? Tout, depuis la musique jusqu’aux amis ? Puis il y en avait une autre couche : être suédois ou n’être pas suédois. […] Vous êtes forcé de réfléchir. Tout un temps, j’étais très suédois. Je n’avais que des amis suédois et je passais mon temps à faire les choses habituelles que font les adolescents suédois. Et, alors, quand j’ai été dans l’enseignement moyen, je ne me suis pas senti bien (107). »

Pour la deuxième génération, le besoin de « ressortir » de sa « suéditude » est souvent une expérience d’ado ou de jeune adulte provoquée au moment où l’on rencontre la « suéditude » et ses mécanismes d’exclusion, de même que l’absence de conscience de l’histoire de la Palestine au sein de la société suédoise.

L’exclusion de certaines positions dans les nouvelles patries déstabilise les identités et requiert que l’on agisse en vue d’une reconquête de la stabilité. L’« altérisation » et l’identification négative depuis l’« extérieur » stimulent une recherche de son identité « véritable », illustrant ainsi comment est créée l’identité dans les relations avec d’autres personnes importantes telles celles qui ont déjà été identifiées dans l’œuvre formative de Barth (108).

Certains m’ont dit avoir été victimes de harcèlement ou d’intimidation à l’école ou d’avoir été confrontés à une position extérieure, ce qui dit pourquoi chercher ou diffuser de l’information sur la Palestine sont devenus d’importants mécanismes d’adaptation.

Puisqu’il y avait une perception du manque de savoir à propos de la Palestine dans le système scolaire suédois, il était urgent d’informer la « suéditude » à propos de la Palestine et d’amener la Palestine au sein du système suédois (109).

L’éducation scolaire sur l’Holocauste, tout en négligeant la Nakba, et ce qui est perçu comme un parti-pris pour Israël est pour beaucoup une expérience amère et ils sont nombreux à dire qu’ils ont entrepris des discussions et des luttes avec des profs et des condisciples.

Choisir d’être actif est donc également une façon de communiquer sa « palestinité » dans le contexte suédois, et de fusionner les expériences palestiniennes avec la vie en Suède ; revendiquer et se creuser un espace dans la société suédoise à partir duquel la Palestine pourrait être exprimée.

Marche pour le Retour et la Libération de la Palestine

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Conclusions

Le présent article a exploré la façon dont les communautés créent leurs identités dans l’engagement avec les conflits de l’ancienne patrie ainsi que la façon dont le voyage parmi les conflits constitue un mode de navigation dans un espace transnational où l’on n’est ni « ici » ni « là ».

Pour une diaspora qui a « une cause à plaider » (110), l’identité est continuellement informée et en partie produite par le conflit. L’activisme ne repose pas sur des calculs politiques stratégiques, toutefois, mais sur des récits de l’histoire, des terres et des géographies violées, refuge et oblitération collent des générations ensemble et servent de moyen de maintenir en vie l’identité palestinienne dans la diaspora.

L’activisme et les manifestations de conflit dans la diaspora sont nuancés, compliqués et modifiables. L’activisme de la diaspora palestinienne est manifesté comme une façon de revendiquer des positions en tant que Palestiniens et que Suédois.

J’interprète l’activisme comme un moyen de produire une base servant à montrer la solidarité avec la Palestine, alors qu’en même temps, se construit une plate-forme solide pour un soi collectif en Suède, un « Palestino-Suédois » intégré à la société suédoise et à son identité, reliant le « conflit » de la Palestine à la Suède (111), n’apportant pas le conflit à la Suède, mais l’expérience palestinienne.

Dans ses expériences, la Palestine relie des espaces d’identité compliqués et contribue à établir des configurations où l’on est à la fois palestinien et suédois.

Les Palestiniens en Suède construisent leur identité en relation avec la « vieille » aussi bien que la « nouvelle » patrie en comprenant la vieille patrie selon des façons qui sont spécifiques au contexte de la nouvelle patrie (112).

Promouvoir l’activisme en solidarité avec la cause de la Palestine s’exprime pour beaucoup comme une responsabilité mais, pour d’autres, c’est ressenti comme une pression.

L’activisme est le pont qui rend possible de combiner l’identité palestinienne et l’identité suédoise, le moyen par lequel créer une connexion symbolique aussi bien que culturelle, sociale et politique.

Via l’activisme, la Palestine et l’expérience palestinienne sont apportées à la Suède.

Le rôle du conflit pour les populations diasporiques a besoin d’être compris comme faisant partie des formations d’identités, elles-mêmes faisant partie de la création constante et liaison de la « dualité » de Du Bois (113).

L’activisme n’est pas un calcul politique stratégique utilisé pour influencer le conflit, mais une partie de ce qui se trouve au milieu.

Le présent article a montré que l’activisme en solidarité avec la patrie concerne juste autant le positionnement dans la nouvelle qu’il n’est une activité mobilisatrice en faveur de la vieille patrie.

Théoriquement, il existe un besoin d’enchevêtrement plus grand de la relation entre conflits et diaspora, afin de comprendre plus adéquatement le rôle des conflits dans la formation identitaire et l’appartenance identitaire.

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Helena Lindholm est engagée dans la recherche sur la Palestine et sur la diaspora et la formation identitaire palestiniennes. Elle est l’autrice de The Palestinian Diaspora : Formation of Identities and Politics of Homeland (La diaspora palestinienne : Formation d’identités et politique de la patrie) (2003).

Pendant plusieurs années, elle a assumé des postes de direction à la GU (directrice, doyenne et pro-chancelière) mais est retournée depuis à ses fonctions de professeure.

Sa publication la plus récente est « Arrhythmic mobilities and fragmented mobilities : Journeys of Palestinians seeking safety in Sweden » (Mobilités arythmiques et mobilités fragmentées : Voyages de Palestiniens cherchant la sécurité en Suède), dans Journal of Refugee Studies (2019).

Elle enseigne également les Relations internationales et les Études moyen-orientales et agit en qualité de présidente d’un corps gouvernemental appelé le Groupe d’expertise pour l’évaluation de l’aide.

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Helena Lindhol, 3 juin 2021 (Pages 293-312, de « Conflict, Security & Development », Vol. 21, 2021, n° 3.)

Publié le 3 juin 2021 sur https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14678802.2021.1933033

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Notes

  1. Féron et Lefort, « Diasporas and Conflict : Understanding the Nexus ».
  2. Bauböck, « Ties Across Borders ».
  3. Shain et Barth, « Diasporas and International Relations Theory » ; Adamson et Demetriou, « Remapping the boundaries of ‘state’ and ‘national identity’ » ; Demmers, « New Wars and Diasporas » ; Van Hear et Cohen, « Diasporas and Conflict : Distance, Continuity and Spheres of Engagement » ; Féron & Lefort, ibid.
  4. Vertovec, « Super-diversity and its Implications ».
  5. Brubaker, « The ‘diaspora’ diaspora » ; Mavroudi, « Palestinians in Diaspora, Empowerment and Informal Political Space ».
  6. Soysal, « Citizenship and Identity ».
  7. Khosravi, « Illegal » Traveller : An Auto-Ethnography of Borders.
  8. Peteet, « Problematizing a Palestinian Diaspora ».
  9. Khoshravi, « Sweden : Detention and Deportation of Asylum Seekers ».
  10. Peteet, ibid ; Ben-David, « The Palestinian Diaspora on the Web ».
  11. Féron et Lefort, ibid ; Koinova, « Critical Junctures and Transformative Events ».
  12. Anderson, Imagined Communities ; Sökefeld, « Mobilizing in Transnational Space ».
  13. Féron & Lefort, ibid.
  14. Brubaker, ibid.
  15. Sökefeld, ibid.
  16. Féron & Lefort, ibid.
  17. Østergaard-Nielsen, « The Politics of Migrants’ Transnational Political Practices » ; Waldinger & Fitzgerald, « Transnationalism in Question » ; Demmers, ibid ; Vertovec, Transnationalism.
  18. Collier et Hoeffler, Greed and Grievance in Civil War ; Brinkerhoff, « Diasporas and Conflict Societies ».
  19. Smith et Stares, Diasporas in Conflict ; Orjuela, « Distant Warriors, Distant Peace Workers ».
  20. Brinkerhoff, ibid.
  21. Féron et Lefort, ibid.
  22. Féron, « Diaspora Politics ».
  23. Baser, Diasporas and Homeland Conflicts.
  24. Shain et Barth, ibid.
  25. Brinkerhoff, ibid, p. 119.
  26. Tölölyan, « The Nation-state and its Others » ; Skrbis, Long-Distance Nationalism: Diasporas, Homelands and Identities ; Faist, « Transnationalization in International Migration » ; Glick Schiller et Fouroun, Georges Woke Up Laughing : Long Distance Nationalism and the Search for Home ; Mavroudi, ibid ; Khoshravi, « A Fragmented Diaspora ».
  27. Barker, Nordic Nationalism and Penal Order.
  28. Koinova, « Can Conflict-generated Diasporas be Moderate Actors », et ibid.
  29. Eastmond, « Stories as Lived Experiences », p. 250.
  30. Hine, Ethnography for the Internet : Embedded, Embodied and Everyday.
  31. Doraï, « Palestinian Emigration from Lebanon ».
  32. Ibid.
  33. Lindholm Schulz avec Hammer, The Palestinian Diaspora: Formation of Idenities and Politics of Homeland ; Lindholm, « Emotional Identity ».
  34. eg. Cox et Connell, « Place, Exile and Identity » ; Lindholm Schulz avec Hammer, ibid ; Shiblak, The Palestinian Diaspora in Europe ; Hammer, Palestinians Born in Exile : Diaspora and the Search for a Homeland ; Mavroudi, ibid ; Fiddian-Quasmiyeh, « On the Threshold of Statelessness » ; Brocket, « ‘In-betweeness’ to ‘Positioned Belongings’ » ; Blachnicka-Ciacek, « Palestine as ‘a state of mind ».
  35. SCB, Statistics.
  36. J’estime le nombre de personnes d’origine palestinienne en Suède, en 2021, à environ 80 000 ; voir également Gren, « Being Home through Learning Palestinian Sociality ».
  37. Lindholm, Ibid.
  38. Gabiam et Fiddian-Quasmiyeh, « Palestinians and the Arab Uprisings ».
  39. Lindholm, Ibid.
  40. Christou et Sofos, « Physical and Virtual Spaces » ; Lindholm, Ibid.
  41. Collins, Global Palestine.
  42. Lindholm, Ibid.
  43. Mavroudi, Ibid.
  44. Cox et Connell, Ibid.
  45. Blachnicka-Ciacek, Ibid.
  46. Interview, 13 mai 2018.
  47. Du Bois, The World and Africa.
  48. Interview, Hadi, 24 janvier 2018.
  49. Mavroudi, Ibid ; Lindholm, Ibid.
  50. Khalidi, Palestinian Identity ; Collins, Ibid.
  51. Kamrava, The Impossibility of Palestine.
  52. Lindholm, Ibid.
  53. Ibid.
  54. Christou & Sofos, Ibid.
  55. Interview, Hassan, 13 mai 2018.
  56. Interview, Amal, 11 janvier 2018.
  57. Barker, Ibid.
  58. Hübinette et Lundström, « Swedish Whiteness and White Melancholia ».
  59. Lundström, « The White Side of Migration ».
  60. Lundström, Ibid, p. 79.
  61. Yuval-Davis, The Politics of Belonging: Intersectional Contestations.
  62. Cf. Lindholm Schulz avec Hammer, Ibid.
  63. Collins, Ibid.
  64. Quamsiyeh, Popular Resistance in Palestine.
  65. Christou & Sofos, Ibid.
  66. Finkelstein, Beyond Chutzpah.
  67. https://www.expressen.se/kvallsposten/debatt-kvp/vissa-grupper-inom-s-ar-besatta-av-israelkritiken/.
  68. Interview, Yusef, 9 mai 2018.
  69. Il existe une inquiétude croissante au sein de la société suédoise à propos d’une poussée de l’antisémitisme en provenance de différentes sources, et un musée de l’Holocauste doit bientôt être établi.
  70. Koinova, « Critical Junctures and Transformative Events ».
  71. Blachnicka-Ciacek, Ibid.
  72. Lindholm, « Emotional Identity ».
  73. Interview, Hadi, 24 janvier 2018.
  74. Koinova, Ibid ; Blachnicka-Ciacek, Ibid.
  75. Müller-Funk, « Fluid Identities, Diaspora Youth Activists ».
  76. Interview, Yusef, 9 mai 2018.
  77. Cf. Brinkerhoff, Digital Diasporas: Identity and Transnational Engagement.
  78. Hanafi, « Rethinking the Palestinians Abroad ».
  79. Féron & Lefort, Ibid.
  80. Interview, Walid, 5 août 2018.
  81. Interview, Amal, 11 janvier 2018.
  82. Interviews, janvier-août 2018.
  83. Interview, Mouna, 5 janvier 2018.
  84. Blachnicka-Ciacek, Ibid, 1916.
  85. Ibid, 1921.
  86. Lindholm, Ibid.
  87. Al-Hardan, Palestinians in Syria, p. 21.
  88. Lindholm Schulz avec Hammer, Ibid.
  89. Interview, Noura, 13 mai 2018.
  90. Interview, Hassan, 13 mai 2018.
  91. Cf. Brocket, Ibid.
  92. Lindholm Schulz avec Hammer, Ibid ; cf Alinia & Eliassi, « Temporal and Generational Impact on Identity ».
  93. Interview, Noura, 13 mai 2018.
  94. Interview, Leila, 5 janvier 2018.
  95. Christou & Sofos, Ibid, p. 542.
  96. Lindholm Schulz avec Hammer, Ibid.
  97. Cf. Mavroudi, « Deconstructing Diasporic Mobilization » ; Koinova, Ibid.
  98. Lag 2016 : p. 752.
  99. Lindholm, « Arrhythmic Mobilities and Fragmented Journeys ».
  100. Khosravi, « Illegal » Traveller.
  101. Barth, « Introduction » ; Fassin, Ibid.
  102. Cf. Fassin, Ibid.
  103. Law Council Referral.
  104. Lindholm Schulz, Ibid.
  105. Interview, Walid, 5 août 2018.
  106. Interview, Noura, 13 mai 2018.
  107. Interview, Mouna, 11 janvier 2018.
  108. Barth, Ibid.
  109. Christou et Sofos, Ibid.
  110. Mavroudi, « Palestinians in Diaspora », p. 60.
  111. Lindholm Schulz, Ibid.
  112. Christou et Sofos, Ibid.
  113. Du Bois, Ibid.

Références

 

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