Des preuves de transit d’armes vers Israël par l’aéroport de Liège

Amnesty International (AI), la Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD), la Ligue des droits humains (LDH) et Vredesactie ont pu obtenir des preuves incontestables de transit par l’aéroport de Liège d’armes exportées vers Israël depuis les États-Unis.

Des preuves de transit d’armes vers Israël par l’aéroport de Liège

 

Les données récoltées concernent une dizaine de vols ayant transité par l’aéroport de Liège entre le 7 novembre 2023 et le 4 mars 2024, rien n’indiquant du reste que le transit d’armes à destination d’Israël par cet aéroport s’est tari après cette date.

Les armes dont il est question sont notamment des composants de munitions – plusieurs dizaines de tonnes – pour des armes légères, des détonateurs et des pièces d’avions de chasse F-35 et F-16.

Ces armes ont été transportées par la compagnie aérienne israélienne Challenge Airlines, active depuis des années dans le fret à l’aéroport de Liège.

Il est à préciser qu’il ressort des documents consultés par les organisations que les pièces de F-35 ont eu pour destination finale la base aérienne de Nevatim, en Israël et que plusieurs cargaisons sont renseignées comme ayant pour destinataire ou utilisateur final le ministère israélien de la Défense.

 

Les autorités belges, surtout wallonnes, responsables de ces transits d’armes vers Israël

« Nous sommes choqué·es par ce qui semble être au mieux de la négligence et au pire de l’hypocrisie. Alors que depuis des mois les responsables politiques de notre pays s’indignent à juste titre de la catastrophe en cours à Gaza et appellent à un cessez-le-feu, des documents auxquels nous avons pu avoir accès nous apprennent que des dizaines de tonnes de matériel militaire à destination d’Israël ont transité – et transitent peut-être encore – par l’aéroport de Liège »,

s’indignent les organisations.

Si Amnesty International, la CNAPD, la LDH et Vredesactie dénoncent l’incohérence des autorités belges, elles attribuent la responsabilité principale du transit de ces armes aux autorités régionales wallonnes, lesquelles sont compétentes pour la réglementation du transit d’armes sur le territoire de la Région et, donc, à l’aéroport de Liège. Les organisations pointent particulièrement le cadre réglementaire désespérément laxiste concernant le transit d’armes.

« Lorsqu’un avion se pose à Liège avec une cargaison d’armes à destination d’un pays tiers sans qu’il y ait transbordement (c’est-à-dire lorsque les armes restent dans l’avion lors du transit), aucune licence de transit n’est requise par la Région wallonne. Il en va autrement en Flandre ; bien que nous ayons des recommandations à adresser à la Région flamande pour une amélioration du contrôle qu’elle exerce sur les transferts d’armes, il est à souligner que le cadre réglementaire flamand est tout à fait différent et qu’il impose une obligation d’obtenir une licence auprès de la Région pour faire transiter en Flandre – même sans transbordement – des armes dès lors qu’il existe un risque qu’elles soient utilisées pour commettre un génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre »,

expliquent les organisations.

Amnesty International, la CNAPD, la LDH et Vredesactie notent que le gouvernement wallon lui-même est conscient du risque que des armes exportées en Israël soient utilisées pour commettre des violations des droits humains.

Ainsi, le 5 février dernier, le gouvernement déclarait devant le Parlement de Wallonie, au sujet des exportations d’armes qu’il venait de suspendre, que

« l’ordonnance du 27 janvier dernier de la Cour internationale de justice, l’organe judiciaire principal des Nations unies, ainsi que la dégradation inacceptable de la situation humanitaire dans la bande de Gaza ont amené M. le Ministre-Président à suspendre temporairement les licences en cours de validité ».

 

Une procédure judiciaire et une mise en demeure des ONG visant la région wallonne

« Le gouvernement wallon ne peut que partager notre analyse sur l’insuffisance et la faiblesse du cadre régional actuel sur le transit. Cette faiblesse n’est pas sans conséquence, puisque la volonté explicite de la part du transporteur d’éviter qu’il y ait transbordement – ce qui le dispense d’obtenir une licence de transit – apparaît dans les documents que nous avons obtenus et analysés, indiquent les organisations. Nous appelons donc les autorités wallonnes à prendre leurs responsabilités et à faire évoluer ce cadre au plus vite pour éviter la persistance de pratiques irresponsables. »

​​Par ailleurs, étant donné la passivité dont font manifestement preuve les autorités wallonnes, la CNAPD, la LDH et Vredesactie, avec le soutien d’Amnesty International, ont décidé de lancer prochainement une procédure judiciaire, en citant la Région wallonne en responsabilité devant le tribunal de première instance de Namur.

À côté de la responsabilité évidente de la Région wallonne, les organisations s’interrogent également sur le rôle de l’Autorité fédérale, particulièrement en ce qui concerne la compétence du SPF Mobilité.

Selon les documents officiels dont les organisations disposent, le SPF Mobilité est informé des autorisations de transport d’explosifs délivrées par le SPF Économie.

Or, selon le Règlement européen 965/2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes, une autorisation doit être obtenue auprès de chaque État membre de l’Union européenne dont l’espace aérien est emprunté pour le transport d’armes et de munitions de guerre.

Compte tenu de la compétence fédérale concernant l’application correcte de ce Règlement européen, les organisations ont décidé de mettre en demeure le ministre fédéral de la Mobilité afin de l’interroger sur la délivrance d’autorisations pour l’usage de l’espace aérien de la Belgique par des appareils transportant des armes à destination d’Israël depuis le mois d’octobre 2023.

« Alors qu’un risque de génocide a été constaté par la Cour internationale de justice il y a près de quatre mois, que de nombreux rapports font état de violations des droits humains et de probables crimes de guerre à Gaza et qu’une demande de mandats d’arrêt a été formulée il y a quelques jours par le bureau du procureur de la Cour pénale internationale à l’encontre du Premier ministre et du ministre de la Défense israéliens, ainsi que des dirigeants du Hamas, il est urgent que plus aucune arme ne parvienne aux parties prenantes au conflit.

Les autorités belges et plus particulièrement wallonnes doivent prendre leurs responsabilités et se montrer réellement cohérentes avec les discours qu’elles tiennent concernant la catastrophe humanitaire en cours à Gaza. Nous les appelons donc à mettre tout en œuvre pour rendre impossible tout transit d’armes à destination d’Israël et, en ce qui concerne la Région wallonne plus spécifiquement, à faire évoluer la législation pour assurer un meilleur respect de ses obligations en ce qui concerne le contrôle des transferts d’armes vers des destinations où elles pourraient servir à commettre des violations des droits humains ou du droit international humanitaire »,

concluent les organisations.

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Publié le 23 mai sur Amnesty International

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Un petit retour dans l’histoire… à propos de la longue tradition belge (et en particulier de la social-démocratie) de soutien à la colonisation sioniste de la Palestine et à l’État colonial : Dans les années 1930, Anvers fut un vivier d’agents secrets de la Haganah, l’organisation militaire clandestine des colons juifs en Palestine, qui allait devenir ce qui est aujourd’hui l’armée israélienne. Depuis le port d’Anvers, la Haganah organisait des transports d’armes clandestins à grande échelle. L’une de ces opérations se déroula avec la collaboration active de Camille Huysmans, le bourgmestre socialiste d’Anvers. 
A lire ici : La Haganah et les transports d’armes depuis le port d’Anvers dans les années 30.

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