Angela Davis : boycottez G4S, soutenez les BDS et, finalement, la Palestine sera libre

Angela Davis JohannaClear Flickr

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Au mois de décembre, Angela Davis, professeur d’université, auteur et activiste de légende, était l’invitée à une conférence à Londres, organisée par War on Want, SOAS School of Law et le Tribunal Russell.

Elle y parla de la Palestine, de la lutte contre l’apartheid israélien, du complexe industriel mondial des prisons et des raisons pour lesquelles il faudrait boycotter la société transnationale de sécurité G4S.

Voici son intervention, publié sur The Electronic Intifadah.

 

 


 

 

Angela Davis. Tout d’abord, merci pour le merveilleux accueil ! Et merci à Brenna pour la superbe introduction ! Je vois que je suis le professeur, ce soir. Et merci aussi à Rafeef et merci à Frank !

Et merci à tous ceux qui sont venus ce soir. C’est une rencontre importante, dans un sens, un début majeur. Et je suis heureuse de voir que tant de personnes déjà engagées dans la campagne contre G4S sont présentes ce soir aussi. Vous nous inspirez pour poursuivre le travail.

On m’a d’abord demandé de participer à cette rencontre pour insister sur l’importance qu’il y a de boycotter la société transnationale de sécurité G4S. Je ne pouvais savoir que cette rencontre allait coïncider avec le décès et la commémoration de Nelson Mandela. Et, quand je réfléchis aux héritages de lutte que nous associons à Mandela, je ne puis m’empêcher de me rappeler les luttes qui ont contribué à forger la victoire de sa liberté et, par conséquent, l’arène dans laquelle l’apartheid sud-africain a été démantelé.

Et, par conséquent, je me souviens de Ruth First et de Joe Slovo, et je me souviens de Walter et Albertina Sisulu, et de Govan Mbeki, et d’Oliver Thambo et de Chris Hani et de tant d’autres qui ne sont plus parmi nous. Et conformément à l’insistance de Mandela à toujours se situer dans un contexte ou dans une lutte collective, il convient, je crois, d’évoquer les noms des autres qui ont joué un rôle important dans la destruction de l’apartheid.

Et, alors qu’il est émouvant d’assister au déversement unanime et continu de louanges à l’adresse de Nelson Mandela, je pense que nous devrions aussi nous interroger sur le sens de cette sanctification.

Je sais que lui-même aurait insisté pour n’être pas élevé au rang d’une sorte de saint laïque en tant que simple individu, mais qu’il aurait toujours réclamé de la place pour ses camarades de lutte et que, de la sorte, il aurait sérieusement défié le processus de sanctification. Il était extraordinaire en effet mais, en tant qu’individu, il était particulièrement remarquable, puisqu’il s’en prenait à l’individualisme qui l’aurait isolé au détriment de ceux qui sont toujours à ses côtés.

Et je pense que son individualité profonde résidait précisément dans son refus critique d’embrasser l’individualisme qui est tellement une composante idéologique centrale du néolibéralisme. Et ainsi, par conséquent, je veux profiter de l’occasion pour remercier les innombrables personnes, ici, au Royaume-Uni, y compris nombreux membres, exilés à l’époque, de l’ANC et du parti communiste sud-africain, qui ont construit un mouvement anti-apartheid exemplaire et vraiment puissant dans ce pays.

Comme je suis venue ici en de nombreuses occasions dans les années 1970 et 1980 pour participer à toute une série d’événements contre l’apartheid, je remercie les femmes et les hommes qui ont été aussi fermes dans leur engagement pour la liberté que ne l’a été Nelson Mandela. Et j’aimerais dire que la participation à ces mouvements de solidarité, ici, au Royaume-Uni, a été aussi cruciale pour ma propre éducation politique que ne l’ont été les mouvements qui m’ont sauvé la vie.

Et ainsi donc, en même temps que je pleure le décès de Nelson Mandela, j’offre ma profonde gratitude à tous ceux qui ont maintenu en vie la lutte contre l’apartheid durant tant de décennies, durant toutes les décennies qu’il a fallu pour enfin débarrasser le monde de ce même apartheid. Et j’aimerais évoquer l’esprit de la constitution sud-africaine et son opposition au racisme et à l’antisémitisme, de même qu’au sexisme et à l’homophobie.

Voilà le contexte dans lequel j’aimerais me joindre à vous pour intensifier les campagnes contre un autre régime d’apartheid et en solidarité avec les luttes du peuple palestinien. Comme l’a dit Nelson Mandela, nous ne savons que trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens.

Le développement politique de Mandela a eu lieu dans le contexte ‘un internationalisme qui nous a toujours incité à nouer des connexions parmi les luttes pour la liberté, entre le combat des noirs dans le Sud des États-Unis et les mouvements africains de libération, par exemple, dirigés bien sûr par l’ANC en Afrique du Sud, mais aussi le MPLA en Angola, le Swapo en Namibie et le PAIGC en Guinée-Bissau et au Cap-Vert. Et ces solidarités n’existaient pas seulement entre les personnes d’origine africaine, mais aussi avec les luttes asiatiques et latino-américaines, et la solidarité qui a toujours cours aujourd’hui avec la révolution cubaine. Et, naturellement, la solidarité, avec les gens qui luttaient contre l’agression militaire américaine au Vietnam.

Et ainsi, près d’un demi-siècle plus tard, nous avons reçu les héritages de ces solidarités et, que ces luttes spécifiques aient bien ou mal tourné, les solidarités ont été ce qui a produit l’espoir et l’inspiration, et elles ont aidé à créer les véritables conditions pour aller de l’avant.

Ainsi donc, aujourd’hui, nous sommes confrontés à la tâche d’aider nos sœurs et nos frères de Palestine qui se battent contre l’apartheid israélien. Leurs luttes ont bien des similitudes avec les luttes contre l’apartheid sud-africain. L’une des plus frappantes étant la condamnation idéologique de leurs efforts vers la liberté sous l’étiquette du terrorisme. Et je comprends qu’on rende disponibles les preuves montrant la collaboration historique avec la CIA – car nous savions que la CIA collaborait avec le régime d’apartheid sud-africain – mais il s’avère que ce fut un agent de la CIA qui renseigna les autorités sud-africaines sur l’endroit où se trouvait Nelson Mandela en 1962, ce qui conduisit directement à sa capture et à son emprisonnement.

Et ce ne fut pas avant 2008 – c’est-à-dire il y a cinq ans à peine, non ? – que son nom fut effacé sur la « liste noire du terrorisme ». Quand George W. Bush — peut-être vous souvenez-vous de lui – signa une proposition qui finit par le radier de la liste, lui et d’autres membres de l’ANC… en d’autres termes, quand Mandela se rendit aux États-Unis à diverses reprises après sa libération en 1990, il figurait toujours sur la liste des terroristes, et il fallut cela – l’exigence de lui interdire l’accès aux États-Unis dut être levée expressément.

Ce que je veux dire, c’est que, pendant très longtemps, lui et ses camarades ont partagé le même statut que de nombreux Palestiniens aujourd’hui. Et, comme les États-Unis ont explicitement collaboré avec le gouvernement d’apartheid sud-africain, ils a soutenu et continue de soutenir l’occupation israélienne de la Palestine, actuellement sous la forme d’une aide militaire s’élevant à plus de 8,5 millions de dollars par jour. L’occupation ne serait pas possible sans la collaboration du gouvernement américain. Et c’est l’un des messages qu’il nous fallait adresser à Barack Obama.

C’est un honneur de participer à cette rencontre, particulièrement entant que l’une des membres de la Commission internationale des prisonniers politiques qui vient de se constituer au Cap, et aussi en tant que membre du jury du Tribunal Russell sur la Palestine.

Et, bien sûr, j’aimerais remercier « War on Want » d’avoir sponsorisé cette rencontre. Et SOAS aussi, et tout particulièrement les éléments progressistes ici qui nous ont permis d’être parmi vous ce soir.

Le rassemblement de ce soir se concentre particulièrement sur l’importance d’élargir le mouvement BDS – le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions qui a été conçu d’après le modèle du mouvement puissant de la lutte anti-apartheid concernant l’Afrique du Sud.

Alors que de nombreuses sociétés transnationales ont été identifiées comme cibles du boycott – Veolia, par exemple, et je sais que vous connaissez assez bien Veolia, ici – il y a aussi  SodaStream, et Ahava, et Caterpillar, et Boeing, et Hewlett-Packard, et je pourrais continuer longtemps encore, mais je m’arrêterai ici, et je dirai aussi que G4S est particulièrement importante parce qu’elle participe ouvertement, directement, de façon flagrante, à l’entretien et à la reproduction de l’appareil de répression en Palestine. Nous parlons ici des prisons et des check-points et du mur de l’apartheid.

G4S représente l’insistance croissante sur ce qu’on appelle la « sécurité » dans un État néolibéral. Et, bien sûr, Gina a présenté une critique de cette notion de sécurité en suggérant que les alternatives féministes pourraient être utiles si nous tentions de re-conceptualiser ce que devrait signifier la sécurité. Les idéologies de la sécurité représentées par G4S appuient non seulement la privatisation de la sécurité, mais aussi la privatisation de l’emprisonnement, et, en outre, celle de la guerre, des soins de santé et de l’éducation.

G4S
est responsable du traitement répressif infligé aux prisonniers politiques à l’intérieur d’Israël et, par le biais d’Addameer (dirigée par Sahar Francis, quelqu’un d’absolument étonnant, et certains d’entre vous ont pu avoir l’occasion de l’entendre ; mais elle voyage d’un bout à l’autre du pays) et de Sahar Francis, donc, nous disposons d’informations sur ce qui se passe en même temps à l’intérieur et à l’extérieur des prisons.

Nous avons appris beaucoup de choses sur l’univers terrifiant de la torture et de l’emprisonnement auquel sont confrontés tant de Palestiniens, mais nous avons également tiré des leçons de leur grèves de la faim et autres formes de résistance qui continuent à s’exprimer derrière les murs.

Je pense que Rafeef peut avoir fait remarquer que G4S est la troisième plus grande société privée dans le monde. Quelle est la première ? Quelle est la plus grande société privée dans le monde ? C’est Wal-Mart. Et le numéro deux, c’est FoxConn, qui produit des appareils comme les iPads, etcetera, etcetera. Ainsi, je visionnais le site Internet de G4S. C’est vraiment intéressant de jeter un œil sur la façon dont ils se présentent. Et ils mettent l’accent sur toutes les choses qu’ils protègent. Et, parmi tous les objets de leur protection, il y a les stars du rock et les stars du sport, et des gens, et des biens. Je lis ceci directement sur leur site Internet : « Cela va d’assurer aux voyageurs une expérience sécurisée et plaisante des ports et des aéroports du monde entier (…) à assurer la détention et l’escorte de personnes qui ne sont pas légalement autorisées à prolonger leur séjour dans un pays. »

Ils vous disent exactement ce qu’ils font. Et, de nouveau, je cite : « de bien plus de façon que vous ne pourriez l’imaginer (…) G4S veille à la sécurité de votre univers. » Et nous pourrions ajouter : De plus de façons que nous pourrions le comprendre. G4S s’est infiltré dans nos existences sous le prétexte de la sécurité et de l’État sécuritaire, et cela va des façons dont les Palestiniens vivent l’incarcération politique et la torture aux technologies racistes de la séparation et de l’apartheid, depuis le mur en Israël aux écoles ressemblant à des prisons et au mur qui longe la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique.

G4S-Israël a fourni des technologies de sophistiquées à la prison de HaSharon, qui compte des enfants parmi ses détenus, et à la prison de Dimona, qui emprisonne des femmes aussi, mais considérons un instant l’ampleur de l’implication de G4S dans ce que nous pourrions appeler le complexe industriel élargi des prisons. Et, ici, je ne fais pas allusion à son implication dans les prisons – G4S gère et possède et fait fonctionner des prisons privées dans le monde entier et, si j’ai encore le temps un peu plus tard, je vous en parlerai, mais, ici, l’instant, je parlerai en fait d’écoles.

Aux États-Unis
, les écoles, et particulièrement dans les communautés de couleur démunies, sont tellement imbriquées totalement dans ce complexe industriel des prisons que, parfois, il nous faut bien du temps pour faire la distinction entre les écoles et les prisons. Les écoles ressemblent à des prisons et elles utilisent les mêmes technologies de détection et elles utilisent souvent les mêmes fonctionnaires quand il s’agit d’appliquer les lois. Nous avons des écoles primaires, aux États-Unis, dont les corridors, en fait, font l’objet de patrouilles par des agents armés.

Et, de fait, une tendance récente a consisté à armer les enseignants. Et, tout particulièrement, dans les districts scolaires qui ne peuvent se payer les services de G4S. Ainsi donc, s’ils ne peuvent se payer une sécurité privée, ils enseignent alors à leur professeurs comment tirer et ils leur donnent des armes à feu. Et je ne vous en raconte pas.

Si vous consultez un site Internet appelé « Great Schools » (Grandes écoles) et que vous regardez à une école en Floride appelée la Central Pasco Girls’ Academy, à Land-o-Lakes, en Floride, vous n’apprendrez uniquement qu’il s’agit d’une petite école publique alternative. Mais si vous consultez la page des « facilities » (bâtiments, installations) du site Internet de G4S, vous découvrirez l’entrée suivante : la Central Pasco Girls’ Academy accueille des jeunes filles à risque modéré de 13 à 18 ans qui ont été désignées comme nécessitant des soins de santé mentaux intensifs. Et ils continuent en parlant de la façon dont ils recourent à des « services propres au genre (sexe) ». Et qu’ils traitent la violence sexuelle et l’abus de certaines substances, etc.

Ici, la portée du complexe industriel des prisons va bien au-delà de la prison elle-même. Et, dans ce contexte, nous pourrions également penser à d’autres façons par lesquelles une firme comme G4S est complice d’autres aspects du système israélien d’apartheid. Et le fait est que G4S fournit des équipements et des services aux check-points. Et il fournit des services qui concerne une partie du tracé du mur illégal, etc., etc. Et il est intéressant de découvrir G4S tout au long du mur en Israël, mais nous voyons que G4S assure également le transport des déportés – et je parlerai du Royaume-Uni dans un instant – mais je fais référence pour l’instant aux services de transport utilisés pour expulser des immigrés sans papiers des États-Unis vers le Mexique, et qui sont donc de connivence avec la législation répressive de l’immigration et les pratiques de mise à ce propos aux États-Unis mêmes.

Mais, naturellement, c’est ici, en Grande-Bretagne, que l’une des plus célèbres lois répressives a été appliquée lors du transport d’une personne sans papiers. La dernière fois que j’étais à Londres – et, en fait, il n’y a pas si longtemps que ça, puisque c’était en octobre –, j’ai eu l’occasion de rencontrer Deborah Coles, qui est directrice d’Inquest, et elle m’a raconté le cas de Jimmy Mubenga, une enquête qui a eu lieu l’été dernier. Et elle m’a expliqué la façon dont il était mort, et la technique qui avait été utilisée par les employés de G4S pour empêcher qu’on entende sa voix au moment où il avait été embarqué dans un avion de la British Airways. Et, apparemment, il avait été menotté derrière le dos, il avait sa ceinture bouclée également et il avait été poussé par les gens du G4S contre le siège en face de lui dans la position qu’ils appellent le « tapis karaoké », c’est-à-dire qu’il allait devoir pousser ses cris dans le recouvrement du siège en face de lui.

C’est incroyable, n’est-ce pas, qu’ils utilisent ce terme pour cette forme – apparemment, elle n’était pas censée être légale, mais ils l’utilisaient quand même – et il a été maintenu dans cette position durant quelque chose comme 40 minutes, et personne n’est intervenu. Et, évidemment, au moment où on a essayé de lui donner les premiers soins, il était mort.

Et je pense que cette fameuse façon de traiter les immigrants sans papiers venus des États-Unis en Grande-Bretagne nous oblige à établir une relation avec les Palestiniens, qui sont transformés en immigrés, en immigrés sans papier, et dans leur propre pays. Dans leur propre pays. Et des sociétés comme G4S fournissent les moyens techniques d’appliquer ce processus.

Et ensuite, bien sûr, G4S est impliqué dans la gestion opérationnelle de prisons partout dans le monde, y compris en Afrique du Sud. Et le Congrès des syndicats sud-africains, le COSATU, s’est récemment exprimé contre G4S, qui gère un centre correctionnel dans l’État libre. Apparemment, l’affaire s’est produit lors du licenciement de quelque chose comme 300 affiliés du syndicat de la police parce qu’ils s’étaient mis en grève. Et permettez-moi de lire un bref passage de la déclaration du COSATU : « Le modus operandi de G4S est révélateur de deux des aspects les plus embarrassants du capitalisme néolibéral et de l’apartheid israélien – l’idéologie de la ‘sécurité’ et la privatisation accrue de secteurs qui, traditionnellement, étaient gérés par l’État. La sécurité dans ce contexte n’implique pas la sécurité pour tous mais, plutôt, quand on voit les principaux clients de la sécurité de G4S, des banques, des gouvernements, des sociétés, etc., et il devient évident que lorsque G4S dit qu’il « rend votre monde sûr », comme le dit le slogan de la société, il fait référence à un monde d’exploitation, de répression, d’occupation et de racisme. »

Quand je me suis rendue en Palestine il y a deux ans, et Gina a fait remarquer que c’était avec une délégation de militantes intellectuelles, des femmes indigènes et de couleur, c’était en fait le premier voyage, la première visite en Palestine pour chacune d’entre nous. Et la plupart d’entre nous étions impliquées depuis des années dans le travail de solidarité avec la Palestine. Mais nous avons toutes été absolument choquées par la nature flagrante de la répression associée au colonialisme des implantations. L’armée israélienne ne faisait aucune tentative pour cacher ou même mitiger le caractère de la violence qu’elle était chargée de faire subir aux Palestiniens.

Les militaires armés, hommes et femmes, étaient partout. Et certains d’entre eux avaient l’air de n’avoir pas plus de 13 ans. Je sais, plus on devient vieux, plus ils ont l’air jeune. Mais c’étaient réellement de très jeunes gens qui se promenaient aux alentours avec d’impressionnantes armes à feu. C’était – enfin, j’ai vécu cela comme une espèce de cauchemar. Comment cela se peut-il ? Le mur, le béton, les barbelés tranchants partout nous donnaient l’impression d’être en prison. Nous étions déjà en prison. Et, naturellement, en ce qui concerne les Palestiniens, un pas de travers et la personne pouvait être arrêtée et embarquée vers la prison. D’une prison en plein air vers une prison fermée.

G4S, me semble-t-il, représente ces trajectoires carcérales qui sont si apparentes en Palestine, mais qui caractérisent de plus en plus les démarches motivées par le profit des sociétés transnationales associées à l’accroissement de l’incarcération de masse aux États-Unis et dans le monde.

Aux États-Unis, il y a plus de 2,5 millions de gens, dans les pénitenciers, prisons et prisons militaires de notre pays, dans les prisons en territoire indien, et dans les centres de détention pour immigrés, et ce, à tout moment, ce qui veut dire qu’ils sont environ 2,5 millions en permanence. C’est un recensement quotidien, de sorte qu’il ne reflète pas le nombre réel de personnes qui passent par ce système chaque semaine, ou chaque mois, ou chaque année.

La majorité de ces personnes sont des gens de couleur. Le secteur à la progression la plus rapide, ce sont les femmes, les femmes de couleur. Bien des détenus sont des homosexuels, et des transsexuels – en fait, les transsexuels de couleur constituent le groupe le plus susceptible d’être arrêté et emprisonné. Le racisme fournit le carburant de l’entretien, de la reproduction et de l’expansion du complexe industriel des prisons. Et, ainsi, si nous disons, comme c’est le cas, qu’il faut abolir le complexe industriel des prisons, il faudrait aussi que nous abolissions l’apartheid. Et mettre un terme à l’occupation de la Palestine.

Quand nous avons, aux États-Unis, décrit la ségrégation en Palestine qui reflète si clairement l’apartheid historique du racisme dans les États-Unis du Sud, et particulièrement quand nous parlons de ceci aux noirs, la réponse est souvent : « Pourquoi personne ne nous a-t-il jamais parlé de cela auparavant ? Pourquoi personne ne nous a-t-il jamais parlé des signes qu’il y avait en Palestine occupée ? Et de la ségrégations des autoroutes à voie rapide ? Pourquoi personne ne nous en a-t-il jamais rien dit auparavant ? »

Et ainsi, de la même manière que nous disons « jamais plus » en ce qui concerne le fascisme qui a produit l’Holocauste, nous devrions dire aussi « jamais plus » en ce qui concerne l’apartheid dans le Sud des États-Unis. Mais cela signifie, tout d’abord et prioritairement, que nous allons devoir multiplier et approfondir notre solidarité avec le peuple de Palestine. Avec les gens de tous sexes et de toutes tendances sexuelles. Avec les gens à l’intérieur et à l’extérieur des murs de prison. À l’intérieur et à l’extérieur du mur de l’apartheid.

Boycottez G4S, soutenez les BDS et, finalement, la Palestine sera libre. Merci.


Publié le 17 janvier 2014 sur The Electronic Intifada

Traduction : Jean-Marie Flémal

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