Syndicats : La situation du mouvement syndical palestinien

Extrait d’un travail réalisé par Imad Abdel Rahman Temeiza, militant syndical et défenseur des droits de l’homme : Une perspective pour les syndicats palestiniens, le Syndicat palestinien des travailleurs des services postaux entre 2010 et 2018

Imad Abdel Rahman Temeiza analyse la situation des syndicats palestiniens

La situation du mouvement syndical palestinien

L’importance et la force du mouvement palestinien était liée à la cause palestinienne et à la lutte contre l’occupation israélienne dans le but d’obtenir la liberté, la justice et l’indépendance.

Mahmoud Ziadeh, un syndicaliste palestinien bien connu depuis les années 1970, secrétaire général de la Fédération des syndicats indépendants, a déclaré que le mouvement syndical palestinien après Oslo ne peut être comparé au mouvement des années 1970-1990. il disait :

« En général, on donnait à l’aspect politique et national la priorité sur les activités syndicales. Les droits économiques et sociaux ne venaient qu’en second, bien que certains syndicats aient essayé de hisser au même niveau leur rôle politique et leur rôle sur le plan des droits de l’homme (1). »

L’instauration de l’Autorité palestinienne après 1994 a manifestement amené des changements majeurs, pour les luttes syndicales.

Ces changements ont débuté par une transition. D’une participation à la lutte nationale, on est passé à une nouvelle forme de lutte visant à revendiquer des droits économiques et sociaux et à participer à l’adoption de lois, à la défense des droits des travailleurs sur le marché palestinien de l’emploi et à la possibilité de les représenter devant les nouvelles autorités.

Mahmoud Ziadeh a déclaré :

« Après l’instauration de l’Autorité [palestinienne], il y a eu une confusion dans l’esprit des gens à propos de ce qui était nécessaire et de la façon de traiter la nouvelle situation. Ironiquement, bien des syndicats, dont les plus importants, ont assisté non seulement à un déclin dans leur rôle national, mais n’ont pas été à même de réaliser le moindre progrès vers l’adoption d’un programme spécial de travail afin de défendre les droits des travailleurs qu’ils représentaient. Tant leur rôle national que leur rôle dans les droits de l’homme ont été perdus et c’est toujours la situation qui prévaut aujourd’hui. (2) »

Le vide syndical et l’incapacité des fédérations et syndicats de répondre aux nouvelles demandes, auxquels il convient d’ajouter la nature de la relation reliant les fédérations syndicales (la Fédération générale palestinienne des syndicats – PGFTU – et l’Union générale des travailleurs palestiniens – GUPW) à l’autorité exécutive, de même que d’autres facteurs discutés dans le premier chapitre de la présente étude, ont abouti à la création de la Fédération des syndicats indépendants en 2007.

Celle-ci avait été précédée par l’émergence de nombreux syndicats indépendants, tels le Syndicat général des employés du secteur privé de la santé, qui est membre de la Fédération des syndicats indépendants, le Syndicat des employés de la Compagnie palestinienne des télécommunications (PALTEL), qui a été l’un des syndicats les plus importants à avoir créé la Fédération des syndicats indépendants avant de rallier la PGFTU, ainsi que l’Union générale des travailleurs du secteur de l’électricité, qui a tenu sa Conférence générale en 2005, sans oublier le Syndicat des services médicaux d’urgence et le Syndicat des employés des services gouvernementaux de la santé qui, tous deux, ont tenu leurs Conférences de fondation en 2005.

Tous ces syndicats se sont réunis pour constituer la Fédération générale des syndicats indépendants en 2007 (3).

Un syndicat des travailleurs gouvernementaux (le Syndicat des employés publics) est apparu suite aux changements du contexte palestinien et des efforts de l’OLP vers la transition consistant à passer du statut d’Autorité nationale à celui d’État, et au besoin des travailleurs gouvernementaux d’être représentés par quelqu’un qui puisse défendre leurs droits.

Il apparaît clairement que le mouvement syndical palestinien s’est mis dès ce moment à adapter son combat à la nouvelle situation concernant la représentation des ouvriers et employés palestiniens sur le marché palestinien de l’emploi.

En ce qui concerne le combat contre l’occupation et l’apartheid israéliens, les syndicats ont constitué en 2011 une coalition qui est la plus large coalition BDS.

Elle a été baptisée Coalition des syndicats palestiniens pour BDS (PTUC-BDS) et a été inaugurée le 2 mars 2011, dans le but d’isoler Israël et d’obtenir des sanctions contre Israël tant qu’il ne se pliera pas aux lois internationales et qu’il ne respectera pas les droits des Palestiniens à la liberté, la justice et l’égalité (4).

La période 2010-2018 a assisté à une accélération de l’activisme syndical en termes de création de syndicats et de réactivation des fédérations syndicales.

Onze ans après l’adoption de la Législation palestinienne de l’emploi, qui stipule qu’une commission des salaires devrait être instaurée, cette même commission s’est finalement réunie.

Un salaire minimum a été adopté en 2012, un certain nombre de commissions tripartites ont été mises sur pied, une législation en matière de sécurité sociale a été adoptée et son comité de direction a été constitué par les partenaires sociaux, autrement dit, le gouvernement ainsi que les représentants des travailleurs et ceux des employeurs.

Nous pouvons dire que ç’a été une période de changement, pour le mouvement syndical palestinien (5).

Cependant, ce ne fut pas un âge d’or dans l’histoire du mouvement syndical palestinien, puisque les employés du gouvernement étaient privés de leur droit de s’organiser et de négocier collectivement.

Le Syndicat des employés publics fut interdit en 2014 et son président fut arrêté et forcé par la suite à la retraite anticipée.

En 2018, le gouvernement procéda également à l’envoi à la retraite anticipée d’un certain nombre d’employés gouvernementaux (6) en l’accompagnant de pensions très réduites.

Cela souleva d’énormes questions à propos du respect des lois par l’Autorité palestinienne ou du droit de s’organiser comme le garantissent les normes internationales, particulièrement après les mesures et décisions prises par le gouvernement contre le Syndicat des employés publics le 11 novembre 2014.

Son siège fut fermé et placé sous scellés, ses fonds gelés, son président et son vice-président arrêtés. Les organisations et observateurs des droits de l’homme estimèrent que l’autorité exécutive avait fait valoir sa dominance et que, ce faisant, elle avait violé le droit d’organisation (7).

Par la suite, dans le cadre de l’affaire 1/2015, la Cour suprême de justice rendit une décision contre le Syndicat des employés publics, décision dans laquelle elle statuait que le syndicat n’avait rien de légitime ou de légal.

La cour rejeta, tant dans le fond que dans la forme, l’appel introduit ensuite par le président du syndicat (8).

La situation dans la bande de Gaza n’est pas meilleure, dans le contexte de la scission politique et du pouvoir du mouvement Hamas sur cette même bande de Gaza.

Le Hamas y pratique de nombreuses formes de pressions et se livre à des violations des droits des syndicalistes et du mouvement syndical sur l’ensemble du territoire. Le 12 mai 2013, le groupe parlementaire du Hamas à Gaza a adopté une loi syndicale censée remplacer la loi qui avait été adoptée au cours de l’administration de Gaza par l’Égypte. La nouvelle loi du Hamas a transféré du ministère de l’Emploi à celui de la Justice les compétences de discussion avec les syndicats et elle a accordé aux syndicats de Gaza une période de neuf mois pour qu’ils se mettent en conformité avec la nouvelle législation. Pour bien des syndicats, l’interdiction a été maintenue de tenir leurs conférences. Des syndicalistes ont été harcelés par les forces de sécurité et empêchés de tenir leurs réunions, campagnes et ateliers de conscientisation dans la bande de Gaza (9).

Création des syndicats et fédérations, leur situation et leurs objectifs

L’Union générale des travailleurs palestiniens (GUPW)

L’Union générale des travailleurs palestiniens (GUPW) est la première et la plus ancienne organisation syndicale en Palestine, ainsi que la plus répandue. C’est une extension du mouvement syndical palestinien.

Créé et lancé en 1923, il a tenu sa première conférence en 1965 et sa dernière en 1988, en Algérie.

C’est l’une des organisations de l‘OLP, dont il tire sa légitimité.

Il représente les travailleurs palestiniens en Palestine et dans la diaspora et il a joué un rôle distinctif dans le mouvement national palestinien et dans la révolution palestinienne dès leurs débuts et jusqu’à ce jour.

En outre, il a commencé dernièrement à assumer le rôle d’un syndicat sur le terrain dans tous les gouvernorats des territoires palestiniens.

Il a ouvert 12 (douze) sections en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, outre ses sections originales dans les pays arabes et européens, au nombre de 11 (onze) en tout.

Par conséquent, le GUPW a 23 (vingt-trois) à l’intérieur et à l’extérieur du pays et son statut interne lui permet de représenter les travailleurs palestiniens dans tous leurs lieux de résidence. Leurs droits et intérêts sont défendus par le biais de ses branches déployées dans divers pays (10).

La structure de la fédération s’appuie sur une représentation de ses branches au sein de la conférence générale, qui élit son secrétaire général et son conseil d’administration, outre qu’elle approuve ses rapports financiers et administratifs. La fédération comprend plus de 9 syndicats sectoriels généraux et une cinquantaine de branches syndicales réparties dans tous les gouvernorats.

La fédération entretient des relations arabes et internationales, concentrées sur la Fédération internationale des syndicats arabes et sur la Fédération syndicale mondiale (FSM).

Les buts de la fédération comprennent l’unification des travailleurs palestiniens où qu’ils se trouvent sous son égide, la représentation des travailleurs palestiniens dans les forums arabes et internationaux, la défense de leurs droits et le développement de leur conscience nationale et de leur conscience de classe (11).

D’un regard approfondi sur la situation de la fédération, on peut déduire clairement que l’influence des partis politiques sur la fédération est élevée et manifeste.

Reflétant la division politique et partisane au sein de l’OLP, les organes et positions de cette fédération sont partagés selon les factions politiques.

La composition de cette fédération est éminemment politique et elle est rattachée à l’OLP et à ses factions, et elle tire sa légitimité de l’OLP.

Des rapports sur le terrain indiquent que la fédération a besoin d’être réformée. Le mandat de tous ses corps affiliés a expiré et le nombre de membres de son assemblée générale est inconnu, en raison de ses branches dans la diaspora.

En outre, le nombre de ses membres parmi les travailleurs de la masse est inconnu lui aussi, du fait que les syndicats dans les grandes entreprises ou syndicats sectoriels existants n’ont pas la moindre relation avec cette fédération (12).

La Fédération générale palestinienne des syndicats (PGFTU)

Cette fédération se définit sur les sites des médias sociaux et auprès du Centre national palestinien de l’information (WAFA) comme une fédération syndicale démocratique dotée d’une personnalité juridique indépendante, qui lui confrère le droit de recours judiciaire, de propriété et de conclusion de contrats, en conformité avec les lois et réglementations nationales (13).

La fédération a été créée en 1965 en tant qu’extension du mouvement ouvrier palestinien de lutte fondé en 1921 dans la ville de Haïfa sous le nom d’Association des travailleurs arabes, laquelle fut reconnue durant le Mandat britannique sur la Palestine (14).

Bien que le nombre de ses membres ne comprenne qu’entre 7 et 9 pour 100 de la force de travail (15), les autorités officielles en Palestine considèrent que la PGFTU est la fédération la plus puissante et la plus représentative.

Cette fédération travaille en fonction de deux centres séparés, l’un en Cisjordanie, qui était soumis à la législation jordanienne avant que l’Autorité palestinienne n’approuve la Loi palestinienne n° 7 sur le travail, de 2000, l’autre dans la bande de Gaza, qui est soumis à la législation syndicale adoptée lorsque Gaza se trouvait sous administration égyptienne (16).

En tant qu’extension du mouvement syndical palestinien, cette fédération était supposée être l’une des membres de la GUPW, qui représente les travailleurs palestiniens en Palestine occupée.

Toutefois, les fluctuations qui ont frappé le mouvement syndical après l’occupation de 1967, et le fait que la fédération a connu de nombreuses appellations différentes à l’intérieur de la patrie occupée, ont mené à sa forme actuelle après l’accord syndical palestinien qui a eu lieu à Amman, en Jordanie, en 1991. La fédération est restée connue sous le nom de PGFTU (17).

Tous les efforts et médiations en vue d’unifier les deux fédérations après les accords d’Oslo en 1994 ont échoué, particulièrement après que la GUPW est retournée dans les zones sous l’Autorité palestinienne.

Ces deux fédérations ont continué à travailler séparément et cela s’est reflété dans l’orientation de chacune d’elle vers la construction de leurs propres organes syndicaux au niveau des sections et au niveau général (18).

La PGFTU est un membre important de la Confédération syndicale internationale (CSI). Le secrétaire général de la PGFTU, qui dirige la confédération depuis plus de 30 ans, bénéficie de relations fortes avec nombre de syndicats internationaux et avec la CSI, qui a installé une section dans le monde arabe, laquelle porte le nom de « Confédération syndicale arabe », dont le bureau se trouve à Amman, en Jordanie (19).

Le cinquième congrès général national de la PGFTU tenu en avril 2016 a assisté à une scission due à des désaccords concernant la distribution des sièges et des postes au conseil central, au comité exécutif et au secrétariat général de la fédération.

Sièges et postes sont distribués parmi les partis politiques et s’appuyant sur le système de la représentation proportionnelle des partis et factions palestiniens au sein de l’OLP.

Les travailleurs ne jouent aucun rôle dans le choix de leurs représentants dans cette fédération.

Cela a mené certains syndicats qui représentent vraiment les travailleurs à se séparer de la fédération, comme l’Union générale des travailleurs de l’eau et de l’hygiène, le syndicat des employés de la société Jawwal, le Syndicat des services médicaux d’urgence et d’autres encore (20).

Les syndicats qui ont fait sécession lors du congrès ont annoncé le lancement d’un mouvement de réforme de la PGFTU par le biais de la soumission d’appels contre les résultats du cinquième congrès général et d’un envoi au niveau international de lettres et de mémorandums à propos des infractions commises par cette fédération, ainsi que de ses manquements financiers et administratifs.

Ils ont également soumis certains cas à la Commission anticorruption.

Le ministère du Travail a gelé les comptes bancaires de la fédération en s’appuyant sur les directives du bureau des organisations populaires au sein du mouvement Fatah.

Mamoun Abu Shahla, le ministre du Travail, a déclaré aux médias :

« Le cas de la PGFTU, présidée par Shaher Sa’ed, a été renvoyé au procureur général pour une enquête sur les infractions financières et il a également été envoyé à la Commission anticorruption (21). »

Le ministre Abu Shahla a également déclaré :

« Cette question est plus grave que d’autres questions relatives au gel de fonds syndicaux du fait que l’on enquête sur la situation interne des syndicats et parce que, voici plus de vingt ans, la fédération a reçu de considérables sommes d’argent de la fédération syndicale israélienne  »Histadrout » et que personne ne sait rien [de cet argent], pas même l’assemblée générale de la fédération (22). »

Dans l’année qui a suivi, un accord a été dégagé, et la PGFTU a procédé à des changements concernant les représentants du mouvement Fatah, après que cinq membres exécutifs de la fédération eurent été arrêtés sur des accusations de corruption. Les opinions des syndicalistes palestiniens étaient divisées à ce propos. Certains considéraient que l’ingénrence du gouvernement dans les affaires de la fédération constitue une violation des libertés syndicales. D’autres estimaient qu’il était nécessaire de mettre un terme à la corruption et au gaspillage de fonds à la PGFTU, outre qu’il convenait de considérer ce qu’il allait advenir de la part d’hégémonie des partis politiques dans le travail syndical (23).

Quand nous examinons le travail sur le terrain de cette fédération par rapport à ses capacités financières et humaines, à la dimension de ses relations internationales et à ses sections très répandues, nous estimons que le nombre de ses affiliés et de ses syndicats d’employés par section est très faible, comme l’est le rôle de la fédération et de ses syndicats dans la résolution des conflits du travail.

La fédération ne semble pas non plus avoir quelque influence dans la rue.

Cela a été parfaitement démontré par le refus des travailleurs palestiniens des secteurs privés et de la société civile d’appliquer la Loi sur la sécurité sociale adoptée en 2016.

Alors que les représentants de la PGTFU constituent une majorité au sein des représentants de travailleurs dans le comité des directeurs de la Corporation de la sécurité sociale, un mouvement populaire et des travailleurs contre la loi a révélé les manquements de cette fédération et d’autres fédérations syndicales en désavouant leur position.

Cela a incité le ministre du Travail à déclarer sur Agyal Radio à Ramallah qu’il avait l’intention de remplacer les représentants des travailleurs au comité des directeurs de la Corporation de la sécurité sociale, parce qu’ils ne représentaient pas pleinement les travailleurs (24).

L’une des remarques à adresser à cette fédération est que son statut interne est ancien et qu’il ne fournit pas de solutions aux problèmes auxquelles la fédération est confrontée.

Les données du ministère du Travail indiquent que la fédération nécessite une réforme afin de la rendre à même de mieux représenter la classe laborieuse (25).

Il convient de faire remarquer qu’une rencontre entre les principaux syndicats et dirigeants syndicaux a eu lieu à l’hôtel Rocky à Ramallah le 21 mai 2016 en présence du Commissaire des organisations populaires au sein de l’OLP et du mouvement Fatah.

Les résultats de cette rencontre ont réaffirmé que cette fédération avait bel et bien la capacité d’être la meilleure et la plus forte si l’on considère qu’elle en possède les capacités financières, les infrastructures et des bureaux dans tous les gouvernorats de Cisjordanie et de la bande de Gaza, de même que des relations internationales très étendues (26).

Ceci pourrait être réalisé si les sections séparées de la bande de Gaza, de Jéricho et de la vallée du Jourdain étaient réintégrées à la fédération, et si une réforme démocratique était entreprise via une refonte de l’organisation des travailleurs, la tenue d’élections démocratiques qui donneraient aux travailleurs le droit de participer à la direction de la fédération et de faire en sorte que les membres de la fédération soient de véritables représentants des travailleurs et de ses syndicats membres.

Cela devrait également impliquer de clarifier les relations de la fédération avec les autorités officielles en Palestine et d’examiner ses relations avec la Histadrut pour assurer la justice et l’égalité et sauvegarder la dignité des travailleurs, et adopter un programme réel reposant sur des demandes exprimant les intérêts et ambitions de la classe ouvrière à travers la Palestine, particulièrement les travailleurs palestiniens au service d’employeurs israéliens, que la Histadrut refuse de représenter et de défendre, en dépit du fait qu’ils lui paient des cotisations syndicales.

La Fédération générale des syndicats indépendants

La Fédération générale des syndicats indépendants a tenu sa conférence de fondation en 2007.

Bien des syndicalistes, travailleurs et militants nourrissaient de grands espoirs que cette fédération deviendrait la fédération palestinienne qui soutiendrait les colères et revendications du mouvement ouvrier palestinien et permettrait de transcender les alliances politiques étroites et d’en faire découler des organisations pleinement démocratiques s’appuyant sur le principe de l’apport d’une large base de travailleurs et de l’engagement démocratique dans des syndicats qui sont eux-mêmes engagés dans la mise sur pied du système socioéconomique palestinien.

La fédération se définissait dans l’article 3 de ses statuts internes comme

« une organisation démocratique, dont les membres se sont volontairement associés avec elle, et qui a un statut juridique indépendant et s’engage à respecter les principes et normes du Code de conduite des syndicats palestiniens. Elle a le droit de posséder des biens mobiliers et immobiliers, de nouer des contacts, de sceller des accords et de signer des hypothèques, ainsi quenle droit d’être partie dans des procès intentés en son nom ou contre elle-même. Elle entreprend toutes les démarches qui la mettent en mesure de réaliser ses objectifs en conformité avec la Loi fondamentale palestinienne et les lois et réglementations qui en découlent et qui se rapportent ses statuts (27). »

La Fédération stipulait dans ses statuts internes que les syndicats qui souhaitaient s’y affilier devaient adhérer à ses principes et objectifs. Ils devaient être des organisations démocratiques en forme et en pratique et avoir la capacité et l’énergie d’acquérir une indépendance financière et d’être actifs dans la poursuite de leurs objectifs.

La fédération a mis sur pied ses syndicats sur une base de démocratie, d’indépendance et de recherche de l’efficacité. Elle a essayé de tirer les leçons des erreurs d’autres fédérations et d’éviter les influences politiques.

Durant la période de sa formation, la fédération a reçu un soutien logistique transitant par le Centre de la démocratie et des droits des travailleurs.

Sa direction a été en mesure de surmonter les défis et d’organiser la première conférence générale de la fédération du 15 au 17 décembre 2011, au cours de laquelle elle a adopté le nom de « Fédération générale des syndicats indépendants ».

Cette conférence était caractérisée par un degré élevé de démocratie et de respect envers les représentants des travailleurs. Des élections ont été organisées afin de désigner son Comité exécutif et son Secrétariat général, et un grand nombre de ses membres étaient de jeunes gens de vingt à quarante ans.

Une jeune femme a été élue comme secrétaire de la fédération. Le ministère palestinien du Travail a reconnu immédiatement cette fédération, dès la fin de sa première conférence générale, respectant ainsi le principe du pluralisme syndical. Cette reconnaissance n’a eu lieu qu’en 2011 malgré le fait que la fédération exerçait ses activités depuis 2007 et qu’entre-temps, elle avait déjà gagné un réel pouvoir sur le terrain (28).

Cette fédération est une combinaison de syndicats généraux sectoriels et de syndicats représentant les travailleurs de sociétés et organisations spécifiques.

Elle comprend dix syndicats généraux sectoriels et quinze syndicats de grandes entreprises, qui sont les seuls représentants de leurs employés. Certains ont des extensions dans la bande de Gaza. Elle comprend également plus de 50 sections syndicales.

Un examen prudent des activités de la fédération et des rencontres avec ses dirigeants, ainsi qu’un examen des données du Directoral général des relations de travail et des rapports du Centre de la démocratie et des droits des travailleurs, qui soutiennent la fédération depuis 2013, révèlent que la Fédération générale des syndicats indépendants a exercé une influence forte et très visible sur la scène palestinienne entre 2009 et 2013.

Elle a dirigé de nombreuses activités et mouvements qui ont abouti à l’adoption de la loi sur le salaire minimum. Elle a participé à la conclusions de nombreuses conventions de travail et à la résolution de conflits du travail dans divers établissements, et a dirigé nombre de conflits du travail et grèves qui sont parvenus à concrétiser un certain nombre de revendications.

L’influence des partis politiques sur les activités de la fédération est restée limitée, pour ne pas dire à peu près inexistante.

Les femmes ont eu un impact élevé au sein de la fédération. Le nombre de membres de la fédération se situe entre 17 000 et 27 000, selon les données pour 2011 du Directorat général des relations de travail du ministère du Travail (29).

En dépit de la force acquise par la fédération depuis l’élection de ses organes de direction en 2011, élection à l’issue de laquelle j’ai été désigné comme membre du secrétariat à la tête du département des jeunes, la crise qui a surgi en 2014 entre certains dirigeants de la fédération et le Centre de la démocratie et des droits des travailleurs, l’un des principaux soutiens de la fédération, a abouti à un affaiblissement de la fédération et à une diminution de son influence générale.

La fédération n’a pas été en mesure d’organiser sa deuxième conférence générale à la date prévue pour diverses raisons, dont sa situation financière précaire.

Certains de ses syndicats membres ont rejoint d’autres fédérations, alors que d’autres n’existent plus sur le terrain en raison de leur faiblesse organisationnelle et financière.

D’autres ont maintenu leur présence et gardé leur force, et ont poursuivi leur tâche séparément de la fédération, comme le PPSWU (Palestinian Postal Service Workers Union – Syndicat palestinien des travailleurs des services postaux), comme celui des crèches enfantines, des écoles privées et le Syndicat des travailleurs des soins de jour, le Syndicat général des travailleurs de l’électricité, le Syndicat des travailleurs de la santé communautaire, de même que certains syndicats de travailleurs dans les municipalités.

En dépit de nos interventions pour tenter de résoudre la crise et de réorganiser les affaires de la fédération, cela n’a pas été une tâche facile, du fait que les divisions se sont produites entre les syndicats membres de la fédération.

Le PPSWU m’a demandé de démissionner et de résilier mon affilation à la fédération, puisque le mandat du Secrétariat général avait expiré, si on se basait sur les statuts internes et, fin 2014, le comité administratif du PPSWU a adopté une résolution à cet effet. En tant que secrétaire du PPSWU à l’époque, je me suis plié à la décision qui avait été prise.

Lors d’un atelier organisé en décembre 2015 à l’hôtel Rocky à Ramallah par les dirigeants syndicaux indépendants désireux de ressusciter la fédération et de la remettre sur pied, des membres de la fédération et les dirigeants d’un certain nombre de syndicats ont été d’accord pour dire que le fait que la fédération n’était pas parvenue à développer ses relations avec les syndicats indépendants internationaux et à rallier les unions internationales, ajouté au fait de la perte de son partenaire local (le Centre de la démocratie et des droits des travailleurs), avait accéléré son affaiblissement.

Bien que la fédération soit membre du Comité national pour le boycott d’Israël (BNC-BDS) et qu’elle soit respectée par de nombreux syndicats, ses relations internationales et arabes étaient modestes, voire non-existantes, malgré sa participation à nombre de conférences arabes sur l’emploi.

La délégation participante a été incapable d’aller au-delà de l’idée même de la fédération et de s’affirmer sur la scène internationale.

Par le biais des représentants des syndicats affiliés au gouvernement, les pays arabes tentaient de prouver l’échec des syndicats indépendants en tant que concept, parce qu’ils étaient nés dans le contexte du Printemps arabe.

Et, pour des raisons concernant sa situation financière, la fédération avait également perdu son poids au niveau national et n’avait pu assister à la conférence de l’OIT (Organisation internationale du travail) pour mettre en lumière le rôle important que jouent les syndicats indépendants en défendant les droits des travailleurs dans le monde arabe et en Palestine en particulier.

La fédération n’a pas cherché pas à mettre sur pied des relations nationales et internationales ni à agir en vue de se consolider et de se protéger, elle et ses syndicats membres. Les syndicalistes estiment que la direction de la fédération a été dans l’erreur lorsqu’elle a étendu son mandat et qu’elle a violé sa règle initiale, qui était d’être une organisation démocratique (30).

Les raisons de l’instauration des syndicats indépendants et les défis auxquels ils ont été confrontés

Après l’instauration de l’Autorité palestinienne, le mouvement syndical palestinien, qui commençait à modifier son agenda et ses méthodes de travail, a dû suivre les développements civils et les exigences concernant l’emploi qui étaient apparus sur la scène palestinienne, en conjonction avec l’adoption d’une législation palestinienne du travail et la formation de commissions tripartites.

Malheureusement, les fédérations syndicales existantes de l’époque n’ont accordé aucune attention aux changements et transitions urgentes qui se produisaient sur la scène palestinienne de l’emploi.

Au contraire, ils se sont retrouvés liés aux autorités par le biais de relations motivées par l’intérêt, alors que, dans un même temps, les autorités pratiquaient également une politique d’endiguement de ces fédérations. Le contrôle politique exercé par les partis sur les syndicats et les fédérations a prévalu et les partis politiques se sont mis à diriger les syndicats sur base de leurs propres vision et intérêts (31).

Les changements et transformations qui se sont produits dans l’arène palestinienne étaient liés aux relations d’intérêt avec les autorités exécutives, qui pratiquaient également la politique d’endiguement de ces fédérations et dominaient le contrôle exercé par les partis sur les syndicats et les fédérations.

Étant donné le fait qu’il n’y avait pas d’indépendance syndicale pas plus qu’il n’y avait de démocratie au sein des syndicats et de la fédération, et vu le contrôle déjà mentionné exercé par les partis politiques sur les syndicats, ainsi que leur endiguement pratiqué par les autorités, l’idée de l’instauration de la Fédération générale des syndicats indépendants apparut en 2007 en tant qu’initiative des dirigeants de base des syndicats.

Elle commença son travail sur le terrain en conformité avec les principes et normes internationaux et en s’appuyant sur le droit constitutionnel de former des syndicats et des fédérations de travailleurs. Toutefois, la reconnaissance officielle par l’Autorité palestinienne de cette fédération fut reportée jusqu’en 2011, après que cette même Autorité palestinienne eut reconnu le principe du pluralisme syndical (32).

L’instauration de la Fédération générale des syndicats indépendants comprenait de nombreuses idées et principes de haute valeur.

Sa création fut bien acueillie par la classe ouvrière et la fédération parvint à organiser de nombreux travailleurs dans leurs propres syndicats en dépit des difficultés qu’elle rencontrait en termes de situation financière, de locaux et de logistique, de harcèlement par les autorités au moment de la première installation et d’absence de reconnaissance de son existence jusqu’en 2011.

Comme on l’a dit plus haut, au contraire d’autres fédérations, la Fédération générale des syndicats indépendants (GFITU – General Federation of Independent Trade Unions) manifestait de l’intérêt pour les femmes et les jeunes de Palestine.

Ç’a été la première fédération de syndicats palestiniens à lancer un appel à boycotter Israël.

La fédération se souciait également des travailleurs de l’enseignement et de l’accroissement de leur conscientisation à propos des lois nationales et internationales. Via ses activités, elle se concentrait sur la mise sur pied de syndicats dans les entreprises, ce qui était perçu comme une des forces de la fédération.

Elle est considérée comme la seule fédération de Palestine à avoir organisé des syndicats dont le nombre est connu et qui ont un accès aisé à leurs affiliés (33).

Autres fédérations et unions générales :

Il existe un certain nombre d’autres syndicats et fédérations qui n’ont pas été considérés comme faisant partie des trois principales fédérations syndicales, et dont certains étaient considérés comme des unions (ou associations) professionnelles, alors que d’autres étaient perçus comme des syndicats. Certains sont des fédérations actives uniquement dans les villes et gouvernorats palestiniens.

Ils comprennent la Nouvelle Fédération des syndicats, qui est une fédération syndicale présente dans certains secteurs. Sa couverture est encore faible au niveau des gouvernorats et en terme de syndicats d’entreprise. Elle a tenu sa conférence de fondation le 19 mars 2016 et son quartier général se trouve dans la ville de Tulkarem. Bien des syndicalistes et des spécialistes estiment que cette fédération syndicale a un caractère essentiellement partisan, du fait que ses membres proviennent du Parti du Peuple palestinien.

La Fédération des syndicats des professeurs et employés des universités est l’une des fédérations sectorielles qui est présente dans toutes les universités non gouvernementales et privées palestiniennes.

La Fédération organise tous les employés et professeurs de l’Université nationale Al-Najah, de l’Université de Birzeit, de l’Université ouverte de Jérusalem, de l’Université de Hébron, du Collège de la Communauté à Bethléem, de l’Université Al-Quds, de l’Université polytechnique de Palestine, de l’Université arabo-américaine de Jénine.

C’est une force significative et ses membres sont fermement engagés à participer à toutes ses actions et activités. Elle a su concrétiser un certain nombre de revendications des employés des universités palestiniennes, y compris une convention collective de travail appelée le « staff agreement » (= accord d’équipe, convention collective) et signée par le Conseil supérieur palestinien de l’enseignement, convention applicable dans toutes les universités palestiniennes concernées.

Le Syndicat des travailleurs de la communication (Communication Workers’ Union ou CWU-PS, autrement dit la Fédération des syndicats des services postaux, des télécommunications et des technologies de l’information) est égalemrnt une fédération sectorielle, présente dans la majorité des entreprises opérant dans le secteur des télécommunications.

Sa conférence de fondation s’est tenue le 23 août 2016, suite aux disputes qui avaient éclaté entre le Syndicat des employés de la société Jawwal et la PGFTU. Au début, il s’était formé en union avec le PPSWU, le Syndicat des employés de la société Hadara et le Syndicat des employés de la société Palmedia.

Toutefois, le CWU-PS n’a pas continué à opérer comme prévu pour devenir un syndicat démocratique indépendant et efficace cherchant à défendre les droits des travailleurs des services postaux et des télécommunications et se gardant de toutes les querelles affectant le mouvement syndical. Dès qu’il se retrouva impliqué dans les détails des différends syndicaux, il se mit à perdre sa force et son indépendance (34).

Le Syndicat du personnel de la zone UNRWA, qui représente les employés arabes de l’UNRWA, est une fédération sectorielle présente dans tous les sites où l’UNRWA opère.

La fédération a lutté dans un certain nombre de conflits du travail avec l’UNRWA afin de défendre les droits des travailleurs. Cette fédération passe pour un cas spécial, parmi les syndicats et fédérations de Palestine, puisqu’elle reflète l’ampleur du désastre humanitaire enduré par le peuple palestinien suite à la Nakba, la déportation et le nettoyage ethnique infligés au peuple palestinien en 1948 (35).

Du fait que les employés de l’UNRWA sont soumis à une législation spéciale de l’UNRWA, puisqu’il s’agit d’une institution des Nations unies se situant en dehors du système juridique palestinien, le travail et l’influence de la fédération sont restés limités à la défense des intérêts du personnel de l’UNRWA et des réfugiés palestiniens, vu que les deux questions sont liées l’une à l’autre.

La fédération ne participe à aucune commission tripartite ni au moindre dialogue dans le cadre de l’Autorité palestinienne se rapportant aux droits économiques et sociaux des travailleurs masculins et féminins de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Le Syndicat du personnel de la zone UNRWA représente le personnel de l’UNRWA dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et dans les camps de réfugiés de la diaspora (36).

Le Syndicat des employés des universités et collèges de l’État est une fédération sectorielle de syndicats d’employés dans les universités et collègues gouvernementaux palestiniens et il organise ces employés depuis 2005.

Jusqu’à présent, l’Autorité palestinienne n’a pas reconnu cette fédération, qui souffre de harcèlement et d’une incapacité à effectuer librement son travail.

Et dépit de cette situation, la fédération conserve son caractère démocratique et son indépendance. Elle organise ses élections périodiquement et respecte ses propres réglementations internes.

Le Syndicat des employés des universités et collèges de l’État représente tous les employés des universités et collèges publics de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Il est probablement la seule fédération nationale à avoir maintenu l’unité de ses syndicats membres ainsi que sa présence en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

La fédération cherche actuellement à étendre ses relations nationales et internationales afin de servir le peuple palestinien et de garder son indépendance.

Depuis sa création, elle n’a concrétisé que quelques revendications, et ce, en raison de la politique d’évitement du dialogue et de marginalisation menée par les gouvernements palestiniens successifs (37).

Au niveau professionel, les gens engagés dans certaines professions sont organisés en unions professionnelles, lesquelles organisent les détenteurs de divers diplômes scientifiques et les travailleurs des professions qui requièrent une agrégation pour pouvoir les exercer, tels ingénieurs, docteurs en médecine, pharmaciens, comptables, avocats, journalistes, dentistes, techniciens de laboratoire médical et diverses autres professions du secteur de la santé, comme la radiologie, la physiothérapie, les soins infirmiers et l’obstétrique.

Certaines de ces unions ou associations professionnelles existant en Palestine ont été établies selon la législation jordanienne, alors que d’autres opèrent sans dépendre d’une loi.

La responsabilité de ces unions consiste à accorder des certificats de pratique professionnelle, de contrôler les droits des personnes impliquées dans la profession qu’elles représentent et de les défendre.

En Palestine, ces unions professionnelles n’ont pas été en mesure de s’unir en une seule fédération. Certaines ont toutefois constitué une congrégation de syndicats professionnels.

Certaines unions professionnelles à Gaza ont travaillé séparément de leurs homologues en Cisjordanie. D’autres sont des unions centrales ou des unions de secteur faisant partie des unions jordaniennes.

L’Union générale des enseignants palestiniens (GUPT) est un autre type d’union professionnelle.

C’est l’une des organisations de l’OLP établies en dehors de la Palestine en 1969. Sa vision est d’élaborer pour les enseignants palestiniens une situation respectée et satisfaisante s’appuyant sur la justice et la dignité par le biais de la dissémination d’enseignants mus par un certain système de valeurs (38).

Après Oslo, le GUPT n’a représenté que des enseignants des écoles gouvernementales de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Il souffre toujours du fait que ses membres n’élisent pas sa direction de façon démocratique.

Aucune conférence constitutionnelle susceptible de réformer sa situation n’a été organisée depuis le large mouvement des enseignants en 2016, qui avait également été dirigé contre la direction du GPTU. Le comité directeur, qui a été désigné pour assumer la direction intérimaire suite au mouvement de protestation de 2016 qui a abouti à la destitution de la précédente direction, continue de diriger l’union sans avoir acquis le moindre statut représentatif au moment même où la présente étude était rédigée.

La relation controversée entre la Fédération générale palestinienne des syndicats et la Confédération syndicale israélienne, la Histadrut

L’histoire de la Histadrut et des travailleurs palestiniens a commencé à l’aube de 1970, quand le gouvernement israélien a décidé de collecter des taxes, d’organiser des cotisations et des déductions à destination de divers fonds sociaux en Israël et en provenance des travailleurs palestiniens employés par des patrons israéliens.

L’une des cotisations payées par les travailleurs palestiniens à des fonds israéliens était une cotisation d’organisation syndicale de 0,7 % (plus tard portée à 0,8 %) du salaire du travailleur, cotisation déduite au nom de la Histadrut.

Toutefois, bien que les travailleurs palestiniens fussent obligés de payer ces cotisations, ils ne pouvaient obtenir qu’une assistance individuelle limitée de la part de la Histadrut.

En fait, puisqu’ils n’étaient pas des citoyens israéliens, ils ne pouvaient pas s’affilier, puisque la constitution de la Histadrut l’interdisait. La Histadrut ne défendait pas les droits des travailleurs palestiniens face aux institutions israéliennes, qui opéraient des déductions excessives sur leurs salaires, si on les comparait aux bénéfices limités qu’ils pouvaient s’attendre à recevoir (39).

La relation entre la PGFTU et la Histadrut a débuté après les accords d’Oslo en 1993.

Un accord a été signé entre elles sans être accepté par le mouvement syndical palestinien et cela a provoqué des différends entre les syndicalistes et les fédérations syndicales palestiniennes.

L’accord (qu’on a qualifié d’« arrangements ») stipulait que la Histadrut paierait à la PGFTU la moitié des cotisations d’organisation syndicale collectées auprès des travailleurs palestiniens et qu’en échange la PGFTU assumerait pleinement la charge du suivi des droits des travailleurs palestiniens.

En s’appuyant sur cet accord, la Histadrut transféra dix millions de shekels vers la PGFTU en 1995, dans le même temps que le gouvernement israélien interdisait aux représentants de la PGFTU de pénétrer sur les lieux de travail israéliens pour contrôler les conditions de travail des travailleurs palestiniens.

Il refusa également aux avocats palestiniens de faire de même. Par conséquent, plus de 70 000 travailleurs palestiniens continuèrent à travailler pour des employeurs israéliens sans la moindre représentation syndicale, alors qu’ils fournissaient des millions de shekels à la trésorerie de la Histadrut et que la PGFTU se voyait refiler la moitié de ces montants (40).

Il conviendrait de faire remarquer que la PGFTU ne joue pas son rôle, qui est de défendre les droits des travailleurs, alors que la chose s’appuie sur ce qui est dit dans le rapport de l’Audit de l’État palestinien et du Bureau de contrôle administratif, de 2017.

Ce rapport affirme que l’argentr reçu par la PGFTU de la part de la « Histadrut » israélienne n’a pas été dépensé de la façon qui convient en vue d’autonomiser les travailleurs, d’accroître leurs capacités et de renforcer leur position, mais que ces fonds ont été utilisés pour payer 60 % des salaires des membres de la fédération et de son personnel (41).

Au niveau national, le mouvement BDS considère la relation entre la Histadrut et la PGFTU comme une relation interdite, puisqu’elle tombe dans le cadre de la définition de la normalisation (42) telle que cette définition a été admise par la société civile palestinienne.

Le Comité national pour le boycott d’Israël (BNC) a gelé l’affiliation de la PGFTU dans le contexte des relations susmentionnées et de certaines infractions commises par la fédération, selon la perspective du mouvement pour le boycott d’Israël (BDS) (43).


Ce texte constitue le 3e chapitre d’un travail réalisé par Imad Abdel Rahman Temeiza, militant syndical et défenseur des droits de l’homme :

Une perspective pour les syndicats palestiniens : Le Syndicat palestinien des travailleurs des services postaux entre 2010 et 2018

A Perspective on Palestinian Trade Unions : Case Study on the Palestinian Postal Service Workers’ Union during the period 2010-2018

Traduction : Jean-Marie Flémal

Signification des sigles :

  • PGFTU : Palestinian General Federation of Trade Unions – Fédération générale palestinienne des syndicats ;

  • GUPW : General Union of Palestinian Workers – Union générale des travailleurs palestiniens ;

  • PPSWU : Palestinian Postal Service Workers Union – Syndicat palestinien des travailleurs des services postaux ;

  • GFITU : General Federation of Independent Trade Unions – Fédération générale des syndicats indépendants ;

  • GUPT : General Union of Palestinian Teachers – Union générale des enseignants palestiniens.

Notes

(1)Saed Abu Farha, « L’histoire du mouvement syndical palestinien, qui est resté ferme dans toutes les difficultés qu’il a dû affronter, excepté face à l’Autorité palestinienne », interview de Mahmoud Ziadeh, Assafir, Palestine, janvier 2016, http://palestine.assafir.com/

(2)Ibid.

(3)Données et publications du Centre de la démocratie et des droits des travailleurs en Palestine et documentation sur les conférences générales des syndicats et de la fédération.

(4)Site Internet du mouvement BDS : https://bdsmovement.net/trade-union-solidarity

(5)Interview du secrétaire du PPSWU, Mohammed Daoud, 10 décembre 2018.

(6)Bilal Barghouthi, « Étude d’un cas : le transfert arbitraire vers la retraite anticipée », Centre de la démocratie et des droits des travailleurs, 2018.

(7)Rapport de la Commission indépendante des droits de l’homme, Diwan Al-Mathalem, n° 20, année 2014, pp. 11 et 37.

(8)« La Cour suprême rejette l’appel contre la décision d’interdire syndicat des employés », Agyal Radio Network, 11 avril 2016, http://www.arn.ps/admin/archives/179161

(9)Bilal Barghouthi, « Rapport annuel 2016 : la situation de l’emploi et des droits syndicaux, égalité et non-discrimination en Palestine. »

(10)GUPW, http://www.gupw.org.ps/index.php/2012-10-06-13-37-13/34-2012-10-13-14-24-27

(11)Centre national palestinien d’information – Wafa.

(12)Données du Directorat général des relations de travail du ministère du Travail, 2016

(13)Centre national palestinien d’information – Wafa, Le travail syndical en Palestine, PGFTU, http://info.wafa.ps/ar_page.aspx?id=3413

(14)Ibid.

(15)Source : données du Directorat des relations de travail, 2011, 2016

(16)Ibidem.

(17)Ibidem.

(18)Ibrahim Abu Kamesh, « La représentation internationale et l »’argent’ sont les principales raisons de l’échec du projet d’unité des travailleurs (…) les Italiens en sont responsables! », Al-Hayat Al-Jadida : newspaper, http://www.alhayat-j.com/arch_page.php?nid=177448

(19)Site Internet de la Confédération syndicale arabe : http://arabtradeunion.org/index.php

(20)« La conférence eut bien lieu malgé la décision du président de la suspendre et Shaher Saad fut élu par défaut: Retrait des principaux syndicats de la PGFTU (…) 24 décisions », Al-Watan Voice, 18 avril 2016,

https://www.alwatanvoice.com/arabic/news/2016/04/18/904149.html

(21)« Référence au cas de la PGFTU face à la Commission anticorruption », Paltimes, 21 juillet 2016, https://paltimes.net/post/137555

(22)Ibid.

(23)Journal Al-Hadath, https://www.alhadath.ps/article/64535/

(24)« Abu Shahla à Agyal : c’est ce qui nous a semblé » (interview du ministre du Travail, Mamoun Abu Shahla, à propos de la sécurité sociale), Agyal Radio Network, 13 novembre 2018, http://www.arn.ps/archives/221760

(25)Données du Directorat général des relations de travail, ministère du Travail.

(26)Recommandations d’un atelier auquel assistaientPPSWU (Palestinian Postal Service Workers Union – Syndicat palestinien des travailleurs des services postaux) des dirigeants syndicaux et le commissaire général des organisations populaires auprès du mouvement Fatah, atelier qui s’est tenu à l’hôtel Rocky à Ramallah, le 21 mai 2016.

(27)Statuts internes de la Fédération générale des syndicats indépendants, adoptés en 2011, article 3.

(28)Données du Directorat général des relations de travail, ministère du Travail.

(29)Ibidem.

(30)Résultats d’un atelier organisé par les dirigeants des syndicats indépendants à l’hôtel Rocky, à Ramallah, en décembre 2015.

(31)Shaheen, ICHR

(32)Données du Centre de la démocratie et des droits des travailleurs.

(33)Ibidem.

(34)Interview de la secrétaire adjointe du CWU-PS, Nour Al-Deen Al-Khateeb, 20 janvier 2019.

(35)Rajib Fares, « Le rôle du Syndicat du personnem de la zone UNRWA de la bande de Gaza dans la concrétisation des intérêts des travailleurs », thèse universitaire, Université islamique de Gaza, 2014.

(36)Ministère palestinien du Travail, plusieurs références, communiqués de presse et données.

(37)Interview de la personne chargée des relations publiques au sein du Syndicat des employés des universités et collèges de l’État, Abdel Muhsen Al-Qawasmi, 25 janvier 2019.

(38)Organisation de libération de la Palestine, « Syndicats de masse: L’Union générale des enseignants palestiniens » : http://www.plo.ps

(39)Hanna Zohar, Shir Hever, « Israël doit des milliards de shekels aux travailleurs palestiniens », The Economy of the Occupation: A Socioecomic bulletin, n° 25, Kav LaOved et le Centre d’information alternative, janvier 2010, p. 12.

(40)Samia Botmeh, « Diverses manières d’activer le rôle des syndicats palestiniens dans la prise de décision politique », Institut de recherche en économie politique (MAS), Jérusalem, 2007.

(41)Bureau des audits de l’État et des contrôles administratifs – État de Palestine, Rapport annuel 2017, p. 143, version en arabe.

(42)La définition de la normalisation est la participation à tout projet (ou initiative ou activité) local ou international, spécialement destiné à rassembler (directement ou indirectement) Palestiniens (et/ou Arabes) et Israéliens (individus ou organisations), et qui ne vise pas explicitament à résister ou à dénoncer l’occupation israélienne et toutes formes de discrimination et de persécution à l’encontre du peuple palestinien. Les principales formes de normalisation sont les activités qui recherchent la coopération scientifique, technique, professionnelle, féministe ou entre jeunes, ou la suppression des barrières psychologiques. La définition exclut les forums et événements internationaux qui se tiennent en dehors du monde arabe, comme des conférences, des festivals ou des expositions auxquels des Israéliens participent en même temps que des participants internationaux, mais qui n’ont pas pour but de rassembler des Palestiniens (ou des Arabes) et des Israéliens, ainsi que les débats publics. La définition exclut également les urgences extrêmes se rapportant à la sauvegarde de la vie humaine, comme la propagation d’une épidémie ou le déclenchement d’un désastre naturel ou environnemental requérant une coopération entre Palestiniens et Israéliens.

(43)Communiqué de presse publié sur Maan News Agency le 25 novembre 2009 à 20:18 h.

 

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