Nous ne cesserons jamais de défendre la Palestine !
De Deir Yassin à Jénine, de Kafr Qassem à Sabra et Chatila, de Tal al-Zaatar à Rafah et Nuseirat, nous savons à quoi ressemble un massacre. C’est une insulte que de faire des jeux de mots avec nous quant à savoir si les Palestiniens se font réellement tuer massivement sur l’autel de l’hégémonie et de la domination israélo-américaines.
Marion Kawas, 18 juin 2024
C’est une insulte que de faire des jeux de mots avec nous quant à savoir si les Palestiniens se font réellement tuer massivement sur l’autel de l’hégémonie et de la domination israélo-américaines.
Bien des Palestiniens et leurs partisans en ont terminé avec les explications. Ils n’ont plus de mots pour ça. Quand un génocide diffusé en direct peut faire l’objet d’un débat de plus de huit mois quant à savoir si on peut le qualifier comme tel, il ne reste plus de mots, après cela.
De Deir Yassin à Jénine, de Kafr Qassem à Sabra et Chatila, de Tal al-Zaatar à Rafah et Nuseirat, nous savons à quoi ressemble un massacre. C’est une insulte que de faire des jeux de mots avec nous quant à savoir si les Palestiniens se font réellement tuer massivement sur l’autel de l’hégémonie et de la domination israélo-américaines.
Depuis des décennies, d’Ansar à Sde Teiman, les Palestiniens sont pris en otage par « Israël », détenus sans accusation ni procès, brutalement torturés et soumis à de mauvais traitements. Nous savons à quoi cela ressemble aussi, puisque la plupart des Palestiniens ont au moins un membre de leur famille qui a passé par le broyeur d’une prison, soit en « Israël », soit dans l’un ou l’autre des pays voisins et complices.
En voilà assez, de cette hyper-concentration sur l’antisémitisme ! Oui, il existe, et le danger vient surtout des forces fascistes suprémacistes blanches. Mais l’exigence constante que les Palestiniens prouvent qu’ils ne sont pas racistes envers les juifs alors que leur lutte a manifestement lieu contre le projet colonialiste de peuplement sioniste est devenue une façon de détourner l’attention de la cruauté et de la brutalité des actuels crimes de guerre israéliens.
Il nous faut également aborder le racisme sous-jacent et profondément implanté qui a contribué à faciliter ce génocide. La longévité de l’histoire des « viols massifs », bien qu’elle ait été démystifiée à de nombreuses reprises, a tiré de nouveau le rideau sur la profondeur du racisme anti-palestinien et anti-arabe au sein des sociétés occidentales.
La lobby sioniste semble avoir décidé dès le tout premier jour que cet élément particulier de la « propagande d’atrocités » allait engager la plus de soutien et de sympathie. Cette histoire ne cesse d’être recyclée et amplifiée en Occident, en partie parce qu’elle puise dans des siècles de méfiance occidentale et dans les stéréotypes de « l’homme arabe » – l’homme arabe en tant qu’être assoiffé de sang, violent, misogyne et très peu fiable.
Le professeur Rudolph Ware a fait remarquer qu’il s’agit d’une tactique vieille comme les pierres, qui était utilisée (et l’est encore) contre la communauté noire des EU, en montrant comment, aux EU, de fausses allégations de viol débouchaient souvent sur des lynchages de masse. Il a également mentionné la façon dont la question de la « sécurité » est instrumentalisée contre les gens de couleur, comme nous pouvons le voir actuellement sur bien des campus universitaires.
Et, ainsi donc, ne regardez par les bébés palestiniens se faire brûler vifs et ne venez pas ensuite faire la leçon à ces mêmes personnes sur la façon de résister et sur le moment où il convient de résister. Ne vous tordez pas non plus les mains ici, à propos des massacres de Rafah et de Nuseirat si, d’une façon ou d’une autre, vous êtes complices en permettant que ce scénario ait lieu. Il y a environ six mois, le révérend Dr Munther Isaac a déclaré dans son mesage de Noël :
« Votre charité, vos mots d’indignation APRÈS le génocide ne feront aucune différence. Des mots de regret ne suffiront pas, pour nous. Nous n’accepterons pas vos excuses, après le génocide (…) »
Ce n’est pas le moment maintenant (pour autant que ce moment ait jamais existé) pour les partisans de l’Occident de s’autoproclamer arbitres moraux de ce qui constitue une tactique de libération acceptable ni de faire la leçon aux Palestiniens à propos de la « violence ». Cela ne peut servir qu’à faciliter, dans les pays occidentaux, l’actuelle répression en cours contre les partisans de la Palestine et leur message.
Au Canada, un exemple consiste en l’arrestation récente et les « accusations de haine » potentielle contre Charlotte Kates, de Samidoun, le tout associé à des restrictions draconiennes de sa liberté d’expression. De nombreuses organisations communautaires, dont la Canada Palestine Association et d’autres organisations comme l’Association des libertés civiques de la Colombie-Britannique (BCCLA) se sont rassemblées pour contester cette infamie. La BCCLA a déclaré clairement qu’elle était
« inquiète de ce que le Code (pénal) était instrumentalisé afin de réduire au silence un certain discours politique, à savoir des déclarations de soutien au mouvement de libération de la Palestine, y compris le droit de résister à l’occupation israélienne ».
Souvent, une telle criminalisation s’appuie lourdement sur des connexions prétendues ou inventées de toutes pièces avec une ou des organisations reprises sur la « liste des terroristes » établie par le Canada. En raison des pressions du lobby sioniste ces vingt dernières années, cette liste reprend actuellement toutes les organisations de la résistance palestinienne ainsi que le Hezbollah, et ce même lobby aujourd’hui met tout en œuvre pour y faire figurer Samidoun aussi.
Après huit mois et demi de brutalité incessante et de génocide, il ne nous reste pas d’énergie pour nous engager dans de longues conversations dans lesquelles nous sommes forcés de justifier encore et toujours pourquoi les Palestiniens doivent et devraient résister par tous les moyens nécessaires (y compris la lutte armée). On attend même de nous que nous justifiions pourquoi ils auraient le droit d’exister, historiquement et dans le futur.
Nous ne suivrons plus la voie des mots sans fin sans qu’il y ait de retour, même très peu, des mots « qui ne feront pas la moindre différence ». L’hypocrisie et les deux poids et deux mesures de l’ordre international « s’appuyant sur des règles » ont été dénoncés et peuvent être vus de tous, et nous comptons sur la lutte de la résistance palestinienne pour nous faire aller de l’avant.
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Publié le 18 juin sur Al Mayadeen
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine