Les femmes de Gaza risquent trois fois plus de mourir pendant l’accouchement

Les femmes de Gaza sont forcées d’accoucher dans une tente, un abri provisoire ou même dans la rue parmi des décombres

 

Femmes de Gaza : À Gaza, en plein génocide, les femmes enceintes et celles qui allaitent doivent affronter une multitude de défis médicaux, nutritionnels et psychologiques.

À Gaza, en plein génocide, les femmes enceintes et celles qui allaitent doivent affronter une multitude de défis médicaux, nutritionnels et psychologiques. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)

 

Nora Barrows-Friedman, 13 juillet 2024

Aucun endroit n’est sûr, pour accoucher à Gaza.

Le pourcentage de fausses couches a été multiplié par trois depuis le 7 octobre 2023, selon les experts en santé reproductive.

Et les femmes courent trois fois plus de risque de mourir en accouchant.

Le ciblage impitoyable et délibéré par Israël des hôpitaux et des cliniques médicales ces neuf derniers mois est aggravé par un manque de fournitures et de médicaments absolument indispensables pour garantir un accouchement normal. Mais il s’agit précisément d’un élément de la crise, disent les travailleurs médicaux.

La malnutrition sévère, la déshydratation, l’épuisement et le stress psychologique vécus par les femmes enceintes débouchent sur des fausses couches, l’accouchement de bébés morts-nés, un poids trop faible à la naissance et des retards développementaux chez les nouveau-nés.

Plus de 150 000 femmes enceintes et qui allaitent doivent affronter de sévères défis pour accéder à des soins prénatals et postnatals essentiels, selon l’agence de l’ONU pour la santé sexuelle et reproductive.

L’ONG Save the Children (Sauvez les enfants) a fait remarquer que quelque 50 000 bébés étaient nés à Gaza depuis le début des attaques israéliennes début octobre, et

« bien des femmes ont donné naissance dans des conditions traumatisantes, dépourvues d’hygiène et indignes, sans accès à des services élémentaires

« Gaza tel que nous le voyons aujourd’hui n’est pas un endroit pour mettre un enfant au monde »,

a déclaré Rachel Cummings, la cheffe d’équipe de l’ONG à Gaza.

« Nous savons qu’une exposition prolongée au stress et à un traumatisme, associée à des équipements médicaux en dessous des normes, peut se traduire par un accouchement prématuré et la mort des nouveau-nés »,

a-t-elle ajouté.

L’organisation a fait savoir cette semaine que certaines femmes de Gaza

« déclenchent d’elles-mêmes leur accouchement pour éviter d’avoir à le faire en plein déplacement ».

D’autres, dit Save the Children,

« ont peur de se mettre en quête de soins prénatals vitaux par crainte des bombardements et certaines ont perdu la vie en raison de la pénurie de médecins ».

Pour les femmes enceintes qui

« défient les obstacles et parviennent à mener leur grossesse à terme, il est probable qu’elles seront forcées d’accoucher dans une tente, un abri provisoire ou même dans la rue parmi des décombres »,

a déclaré jeudi l’organisation d’aide CARE International.

« Elles le feront sans antidouleurs, pendant que les bombes continueront de tomber autour d’elles, tout en sachant qu’elles sont désormais trois fois plus susceptibles de mourir en accouchant »,

a mis en garde l’organisation.

Des médecins ont fait savoir à CARE qu’ils étaient à court de médicaments, y compris de vitamines prénatales, ainsi que d’antibiotiques et des anesthésiants nécessaires pour pratiquer des césariennes sans danger.

Des femmes

« meurent par douzaines de complications de grossesse très évitables en temps normal »,

a déclaré l’organisation.

« Neuf mois s’écoulent et une femme qui a conçu au début de ces hostilités va accoucher maintenant »,

a déclaré Ammal Awadallah, la directrice de l’Association palestinienne de planning et de protection de la famille.

« Mais où, comment et dans quel genre d’existence ce bébé va-t-il entrer ? Ce sera la génération perdue de Gaza, une génération née en plein génocide »,

a-t-elle ajouté.

 

La famine accélère

La politique de famine orchestrée par Israël à Gaza a abouti à plus de morts encore d’enfants palestiniens à Gaza, cette semaine, ne laissant

« plus planer le moindre doute : La famine s’est bel et bien propagée dans toute la bande de Gaza »,

selon un nouveau rapport présenté par des experts des Nations unies.

« Nous déclarons que la campagne d’affamement intentionnel et ciblé d’Israël contre le peuple palestinien constitue une forme de violence génocidaire et qu’elle s’est traduite par une famine sur toute l’étendue de Gaza »,

ont déclaré les experts.

En février, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a calculé que 90 pour 100 des enfants de moins de deux ans et 95 pour 100 des femmes enceint et de celles qui allaitent sont confrontés à une très grave insécurité alimentaire.

L’OMS a encore dit cette semaine que près d’une personne sur quatre à Gaza

« risque de mourir de faim ».

L’agence des Nations unies pour la santé sexuelle et reproductive estime que la quasi-totalité des 50 000 femmes enceintes de Gaza sont confrontées soit à une crise, soit à une situation d’urgence, soit à des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire.

Les femmes enceintes et celles qui allaitent doivent consommer significativement plus de calories afin de nourrir leurs bébés.

« Toute mère qui a accouché l’aura fait en manquant du soutien vital dont toutes les femmes ont besoin pour accoucher en toute sécurité. Et tout bébé mis au monde – et qui parvient à survivre à ces conditions – n’aura connu que la guerre »,

a encore dit Rachel Cummings, de Save the Children.

 

Une obstruction délibérée

Bien sûr, le fait d’entraver délibérément les soins prénatals ou l’accès à un accouchement sûr ne constitue pas une tactique nouvelle d’Israël.

Les dirigeants sionistes en Israël et en Occident encouragent depuis très longtemps les méthodes génocidaires contre les Palestiniens et leurs enfants.

Il y a quatorze ans, Martin Kramer, du Washington Institute for Near East Policy (Institut pour une politique au Proche-Orient), d’extrême droite, prônait spécifiquement l’interdiction de toute aide humanitaire aux femmes enceintes à Gaza.

La Convention des Nations unies sur la prévention et la répression du crime de génocide, de 1948, définit le génocide comme incluant des mesures

« censées empêcher les naissances au sein d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux » spécifique.

 

La destruction d’hôpitaux

Entre-temps, les soldats israéliens poursuivent leurs attaques gratuites contre les hôpitaux et les sites médicaux de toute la bande de Gaza.

Les Palestiniens avaient réparé l’hôpital de l’Association des amis des patients, dans le quartier d’al-Rimal de la ville de Gaza, après sa destruction par les forces israéliennes, a rapporté le journaliste Motassem Dalloul.

Vendredi, il a annoncé qu’il avait de nouveau subi des destructions de la part d’Israël.

L’hôpital baptiste al-Ahli et l’hôpital de l’Aide publique ont été remis en « fonctionnement partiel » dès jeudi, ont rapporté les Nations unies, après qu’Israël avait émis des ordres d’évacuation le 7 juillet.

« Suite à l’évacuation de ces sites médicaux, l’hôpital Kamal Adwan et l’hôpital indonésien du gouvernorat du Nord de Gaza, ont absorbé un flux important de patients tout en continuant à affronter une sévère pénurie de carburant, de lits et de fournitures médicales pour traiter les traumatismes »,

ont ajouté les Nations unies.

L’ONG Médecins sans frontières a fait savoir mercredi qu’elle avait été forcée de fermer son dernier site de soins de santé dans le nord de Gaza après qu’il avait été soumis « à des tirs intenses ».

Et l’ONG médicale a prévenu que l’hôpital Nasser, à Khan Younis, dans le sud, avait atteint une fois de plus un « point de rupture ».

L’OMS a fait savoir que l’hôpital indonésien de Beit Lahiya, dans le nord, avait absorbé trois fois sa capacité en patients, alors que l’hôpital al-Shifa, le plus grand de toute la bande de Gaza, fonctionnait partiellement, mais tout en courant des risques.

Les forces israéliennes avaient détruit la majeure partie de l’hôpital al-Shifa, en mars, après un siège de deux semaines et une campagne de massacres massifs.

En juin, les Palestiniens ont entamé la reconstruction de certaines parties du complexe médical.

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Publié le 13 juillet 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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