Pourquoi le massacre de civils est-il une stratégie délibérée d’Israël ?
L’humanité tout entière est moins en sécurité, à l’issue d’une année de génocide contre le peuple palestinien de Gaza et de Cisjordanie et maintenant qu’Israël déchaîne sa colère sur le Liban.
Maureen Clare Murphy, 27 septembre 2024
« La région est au bord de la catastrophe », a mis en garde vendredi dernier le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, après que, les quelques jours précédents, Israël avait intensifié ses attaques contre le Liban.
Mais l’agression incontrôlée d’Israël – qui a fait quelque 500 morts, dont une écrasante majorité de civils, et a forcé le déplacement de dizaines de milliers de Libanais dans la seule journée du lundi (sans oublier le recours manifeste, vendredi, à des bombes anti-bunker dans les quartiers sud de Beyrouth, anéantissant des blocs entiers d’appartements sans même prévenir leurs résidents) – aura de profondes répercussions qui se feront ressentir bien au-delà de l’Asie occidentale du fait que Tel-Aviv attire Washington dans une guerre régionale.
L’incapacité des États à s’acquitter de leurs obligations juridiques et morales en vue de mettre un terme au génocide contre le peuple palestinien
« met en danger l’édifice tout entier du droit international et du règne de la loi sur les affaires mondiales »,
ont mis en garde récemment des dizaines d’experts indépendants des Nations unies.
Ils ajoutaient que le monde était sur le fil du rasoir et que,
« soit nous faisons route collectivement vers un avenir de paix juste et de légalité, soit nous nous précipitons vers l’anarchie et la dystopie et vers un monde où c’est la force qui définit ce qui est juste ».
Les actions d’Israël ces derniers jours et ces derniers mois ne sont ni plus ni moins qu’une agression totale contre les préceptes fondamentaux du droit international humanitaire, c’est-à-dire contre les règles qui régissent la conduite des belligérants en temps de guerre.
Le droit international humanitaire moderne s’appuie en grande partie sur les Conventions de Genève, dont la première fut signée en 1864 par 16 nations européennes.
Aujourd’hui, près de 200 États sont signataires des Conventions de Genève de 1949, qui bâtissent sur des traités plus anciens afin de protéger les victimes de guerre. La large application des conventions prouve l’universalité du principe selon lequel les civils, dont le personnel médical et humanitaire, et les objets civils tels hôpitaux et écoles, doivent être protégés en temps de guerre.
Les lois de la guerre représentent
« les règles minimales pour préserver l’humanité dans certaines des pires situations connues de l’humanité »,
a déclaré textuellement Eric Mongelard, un haut responsable du Bureau des droits de l’homme des Nations unies.
Une litanie de crimes de guerre
Le respect du droit international humanitaire n’a jamais été absolu et des victimes de la guerre, dans de nombreux endroits du monde, attendent encore que justice leur soit faite à la suite de violations de ces droits.
Mais, dans le cas d’Israël, un mépris flagrant des lois internationales figure au cœur même de sa doctrine militaire et la normalisation de ses crimes compromet la sécurité de l’humanité tout entière, avec les précédents terribles qui ont lieu aujourd’hui à Gaza.
Près de 300 travailleurs de l’aide humanitaire, dont la plupart appartenaient au personnel de l’ONU, font partie des quelque 42 000 Palestiniens dont le décès a été confirmé à Gaza au cours de l’année écoulée et ce,
« vu une absence totale de protection efficace des civils »,
a déclaré António Guterres, le secrétaire général de l’ONU.
Israël a systématiquement attaqué les hôpitaux et autres sites médicaux de Gaza, les qualifiant d’objectifs militaires dans un mépris total des lois de la guerre, et plus de 500 travailleurs médicaux ont été tués depuis octobre dernier.
Des centaines de travailleurs médicaux ont été arrêtés et ont disparu, dont un grand nombre au cours des raids contre les hôpitaux. Parmi ces personnes arrêtées figurent des directeurs d’hôpitaux, d’éminents médecins palestiniens, dont Adnan al-Bursh et Iyad al-Rantisi, qui sont morts en détention en Israël après avoir été soumis à des tortures et à de mauvais traitements.
Israël a intensifié ses ciblages des sites de l’ONU utilisés pour abriter des civils déplacés, et ce, afin de mettre la pression sur le Hamas durant le cessez-le-feu et sur les négociations autour des échanges de prisonniers. Ces attaques elles-mêmes ont tué plus de 1 100 Palestiniens.
Israël a conféré de fait un statut de combattant à tous les Palestiniens mâles de Gaza « en âge d’être sous les drapeaux », retirant ainsi leur statut de civils protégés à des adolescents et à des hommes adultes ne participant pas aux hostilités.
Des médecins internationaux travaillant volontairement à Gaza rapportent que des enfants ont été délibérément abattus de balles dans la tête et dans le ventre par les troupes israéliennes.
Des vidéos émanant de Gaza montrent des soldats israéliens abattant des grands-mères et autres civils portant des drapeaux blancs ou alors qu’ils ne constituent aucune menace concevable (trois citoyens israéliens détenus en otage à Gaza ont eux aussi été exécutés par les troupes israéliennes dans des circonstances similaires).
Plus de 170 journalistes palestiniens ont été tués à Gaza, estime le bureau gouvernemental des médias dans le territoire, sous le prétexte, dans certains cas, que les travailleurs des médias visés étaient des agents de certaines organisations armées.
Irene Khan, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la promotion et la protection de la liberté d’opinion et d’expression, a déclaré après l’assassinat d’un journaliste et cameraman d’Al Jazeera, début août, que
« l’armée israélienne semble se servir d’accusations dénuées de la moindre preuve substantielle comme de licences pour tuer des journalistes, ce qui constitue une infraction totale au droit international humanitaire ».
La doctrine « Dahiyeh »
Voici une liste très incomplète des façons dont, au cours de sa campagne de près d’une année à Gaza, Israël a enfreint la protection des civils pourtant considérée comme sacrée par les lois internationales humanitaires.
Et, aujourd’hui, il fait la même chose au Liban.
Vendredi dernier, au cours d’une briefing qui s’est tenu au Conseil de sécurité de l’ONU, Volker Türk, le haut-commissaire de l’ONU pour les droits humains, a déclaré que l’explosion de milliers d’appareils de communication au Liban quelques jours plus tôt représentait « une nouvelle évolution de la guerre ».
Ces attaques – qui, a-t-on rapporté, ont tué au moins 37 personnes, dont deux enfants, et en ont blessé plus de 3 400, dont un grand nombre garderont des séquelles permanentes – ont été généralement attribuées à Israël, bien qu’il n’en ait pas revendiqué officiellement la responsabilité.
« Des lois existent qui défendent les valeurs cruciales de nos sociétés et de notre monde »,
a déclaré Türk au Conseil de sécurité.
Et d’ajouter que
« le fait de cibler en même temps des milliers de personnes, qu’il s’agisse de civils ou de membres d’organisations armées, sans savoir qui était en possession des appareils ciblés, ni l’endroit où étaient ces appareils ni ce qui se trouvait dans leurs environs »,
constitue une violation des lois internationales.
Türk a déclaré :
« Il est malaisé de concevoir comment (..) de telles attaques pourraient éventuellement se conformer »
aux principes de distinction, de proportionnalité et de prudence – les principes fondamentaux du droit international humanitaire.
Il a dit de l’attaque que c’était
« un crime de guerre que de commettre des actes de violence dans l’intention de semer la terreur parmi des civils »
– en d’autres termes, du terrorisme.
Bien que sans précédent dans son ampleur et sa manière, l’attaque contre les appareils de communication n’est pas toutefois la première fois que le Liban – envahi par Israël en 1978, en 1982 et en 2006 et occupé par ses troupes pendant 15 ans – est soumis à des violations intégrales des lois de la guerre.
Le recours à une force écrasante contre des civils porte le nom de « doctrine Dahiyeh », du nom d’un quartier au sud de Beyrouth lourdement bombardé par Israël en 2006.
En recourant à la force sans discernement et hors de toute proportion et en infligeant délibérément des souffrances à des non-combattants – une stratégie intrinsèquement criminelle – Israël tend à restaurer la dissuasion et à retourner la population civile ciblée contre la résistance armée, qu’il s’agisse du Hezbollah au Liban ou du Hamas et du Djihad islamique palestinien à Gaza.
Tondre le gazon
La doctrine Dahiyeh n’est jamais parvenue à retourner le peuple contre la résistance, malgré le coût de plus en plus élevé payé par les Palestiniens à Gaza depuis l’invention de l’expression il y a près de 20 ans, c’est-à-dire au même moment, presque, où Israël imposait au territoire un blocus dévastateur en tant que punition collective.
Cet échec a forcé Israël à « tondre le gazon » périodiquement à Gaza – pour reprendre l’expression horrible utilisée par Efraim Inbar et Eitan Shamir, qui prescrivaient cette stratégie dans un article de 2013 – afin de dégrader les capacités de la résistance et d’appliquer une dissuasion temporaire au cours d’une guerre d’usure de faible intensité et plus longue contre le Hamas et le Djihad islamique.
Ces épisodes d’attaques intensives contre Gaza, par air, terre et mer depuis qu’Israël s’est redéployé à la périphérie du territoire en 2005, ont invariablement impliqué le ciblage des infrastructures civiles, y compris les immeubles résidentiels et les bâtiments de grande hauteur à usage mixte.
Dans les jours qui ont abouti à un cessez-le-feu qui a mis un terme à la guerre de 51 jours durant l’été 2014, Israël a ordonné l’évacuation et a ensuite bombardé quatre tours résidentielles et à usage mixte à Gaza, dont trois ont été rasées jusqu’au sol et une quatrième a subi des dégâts importants au point qu’il a finalement fallu la démolir. Personne n’avait été tué lors des attaques contre ces quatre bâtiments.
Les attaques contre ces bâtiments emblématiques – décrites par Amnesty International comme « vastes, gratuites et injustifiées » – visaient à mettre la pression sur les Palestiniens pour qu’ils acceptent un accord de cessez-le-feu « selon les termes israéliens », a fait savoir Al Mezan, une organisation des droits humains qui opère à Gaza.
Cette tactique est utilisée aujourd’hui à Gaza à une échelle horriblement déformée dans les massacres répétés de civils déplacés s’abritant dans les écoles afin d’accroître la pression sur le Hamas au cours des négociations indirectes désormais moribondes avec Israël.
Un échec stratégique
Mais parmi toute cette mort et cette destruction, Israël n’a remporté aucune victoire décisive évidente à Gaza, au moment où il transfère de ce territoire une brigade d’élite vers le front libanais.
Il a souvent été dit que, dans une guerre asymétrique, tout ce qu’une guérilla ou organisation de résistance doit faire pour gagner, c’est de ne pas perdre. Dans le cas de Gaza, ce calcul a été confirmé dès le début par l’insistance israélienne et américaine pour dire que tout cessez-le-feu permanent avant que le Hamas ne soit complètement détruit équivaudrait à une défaite pour Israël.
Au bout de près d’un an d’offensive impitoyable par Israël, la persistance du Hamas dans sa capacité à se regrouper et à soutenir le combat, tout en refusant à Israël le contrôle réel de quelque partie de Gaza que ce soit, constitue un échec stratégique pour Israël.
Cet échec n’est pas atténué par les massacres d’Israël, ses destructions gratuites ou les assassinats des personnages clés du Hamas, pas plus que les massacres par Washington de millions de personnes en Asie du Sud-Est n’a changé le fait que les EU ont bel et bien perdu la guerre du Vietnam.
Eitan Shamir, l’un des professeurs israéliens qui a inventé l’expression « tondre le gazon », a déclaré que la stratégie « avait complètement échoué », à la suite de l’attaque surprise du Hamas, le 7 octobre 2023.
Selon Shamir, qui écrivait ce même mois, la seule façon de renverser la « défaite sévère » subie par Israël ce jour-là consisterait à
« démanteler le régime du Hamas à Gaza et à détruire ses capacités militaires ».
« Si la menace à Gaza n’est pas éloignée au moment où la guerre se terminera »,
a mis en garde Shamir, les Israéliens vivant dans des communautés près de la frontière avec Gaza « ne retourneront pas dans leurs foyers ». Les gens ne pourraient retourner dans les colonies israéliennes évacuées le long de la frontière libanaise non plus, a-t-il ajouté – « un succès sans précédent pour les ennemis d’Israël ».
Israël n’est pas parvenu à éliminer le Hamas en tant que force militaire à Gaza, en dépit de ce que prétendent certaines personnalités de sa défense dans la presse, dans un effort manifeste en vue de s’attirer les bonnes grâces du public en faveur d’un accord de libération des captifs israéliens toujours détenus dans le territoire.
Entre-temps, le cabinet de Netanyahou envisage une proposition de transfert de civils depuis le nord du territoire avant d’en faire le siège. La logique, c’est que cela inverserait la sévère défaite stratégique du 7 octobre en annexant de fait plus de territoire palestinien occupé encore.
Mais, à présent, l’armée israélienne concentre avant tout son attention sur son ennemi plus impressionnant au nord, le Hezbollah, dans le but déclaré de « ramener en toute sûreté dans leurs foyers les résidents du nord », d’après le ministre de la défense Yoav Gallant.
Israël cherche aussi à dissocier la bataille contre le Hezbollah au Liban du combat contre le Hamas à Gaza, rompant de la sorte l’unité des fronts maintenue durant l’année écoulée et fragmentant par la même occasion la résistance régionale.
Hasan Nasrallah, le secrétaire général de l’organisation de résistance libanaise et dont on dit qu’il a été la cible vendredi des frappes massives d’Israël dans les faubourgs sud de Beyrouth (le Hezbollah a confirmé son décès le lendemain, samedi 28 septembre, NdT), n’a cessé de répéter au cours de l’année écoulée que les tirs de roquettes du Hezbollah à partir du nord ne cesseront pas sans cessez-le-feu à Gaza dans le sud.
« Déplacement et paralysie »
Une analyse qui prédomine dans la presse israélienne prétend que Nasrallah, qui a dit que le Hezbollah était prêt pour une guerre de forte intensité avec Israël, mais qu’il ne la cherchait pas, s’était récemment trouvé isolé et dans une impasse.
Selon cette analyse, du fait qu’Israël pousse l’escalade de plus en plus haut en éliminant les principaux commandants du Hezbollah, il ne restait à Nasrallah que peu d’options pour des représailles ne débouchant pas sur une guerre totale qui allait sans doute laisser le Liban dans un état de destruction complète.
Mais, ce dont cette analyse ne tient pas compte, c’est du fait que le temps travaille pour le Hezbollah, qui
« vise des objectifs stratégiques à plus long terme en dépit de certaines pertes tactiques qu’il a subies cette dernière semaine »,
a expliqué mardi l’analyste Amal Saad.
« Alors que l’approche d’Israël ne s’intéresse qu’au déplacement et au massacre, la stratégie du Hezbollah s’est concentrée sur le déplacement et la paralysie »,
a ajouté Amal Saad.
« Ses forces de résistance cherchent à affaiblir la détermination [de l’armée israélienne] et à éroder la résilience du front intérieur israélien via une stratégie combinant une usure militaire et une usure économique. »
Justin Podur, un autre observateur affûté, a déclaré jeudi, dans un rapport de situation sur son canal YouTube, que
« le Hezbollah effectue des opérations dont il croit qu’elles vont l’amener à gagner la guerre ».
« Ce que je pense, c’est que le calcul est celui-ci : Du côté israélien, terroriser les civils et, finalement, la victoire suivra, ou commettre le génocide, et la victoire suivra »,
a déclaré Podur.
« Le calcul de la résistance et celui du Hezbollah, c’est que nous allons démilitariser le nord d’Israël ou ce que la résistance appelle le nord de la Palestine occupée »,
a-t-il ajouté.
L’intensification des attaques d’Israël contre le Liban par une armée déjà fatiguée et démoralisée ne fera que prolonger l’évacuation des habitants et elle a en fait accru le nombre de personnes déplacées à partir des colonies du nord.
Entre-temps, certains membres des familles des Israéliens détenus en otage à Gaza disent que l’offensive au Liban va également retarder un accord en vue de libérer les êtres qui leur sont chers – lors de son discours à l’Assemblée générale de l’ONU, Netanyahou a affirmé que leur retour était une « mission sacrée ».
Après avoir déjà initié une guerre de fait, Israël n’a plus un seul échelon à gravir, dans son escalade, et une invasion terrestre du Liban semble de plus en plus probable. Cela ne serait pas avantageux pour Israël, à tout le moins, puisque cela ferait de ses troupes
« des cibles faciles pour les tactiques avancées de guerre hybride de la résistance »,
pour reprendre les termes utilisés par l’analyste Amal Saad.
Dans l’éventualité d’une invasion terrestre, l’euphorie ressentie par l’establishment militaire d’Israël après plusieurs jours de coups majeurs contre le Hezbollah se muera selon toute vraisemblance en un souvenir lointain et les souvenirs de l’humiliation et de la retraite de 2006 ne tarderont pas à refaire surface.
D’un succès tactique à une défaite stratégique
Les réalisations tactiques mises à part, ni au Liban ni à Gaza Israël n’obtiendra une victoire nette ou une reddition de la résistance. En tout cas, quel que soit le sort du Hamas ou du Hezbollah, il y aura toujours de la résistance à l’État colonial de peuplement implanté et maintenu dans la région par la violence.
Les forces d’avant l’État d’Israël recouraient à la force militaire et au terrorisme pour conquérir et garder les terres arabes et cette violence est devenue une ligne constante dans toute l’histoire de l’État.
« Il n’y a pas de place pour la faiblesse, au Moyen-Orient »,
selon Eitan Shamir, l’auteur de l’infâme expression « tondre le gazon », reflétant ainsi une mentalité qui a donné forme au processus décisionnel israélien depuis la naissance de l’État.
« Cette guerre ne pourrait pas être existentielle dans le sens immédiat d’une menace de conquête de la totalité du territoire d’Israël »,
reprenait Shamir en octobre,
« mais elle est certainement existentielle dans le sens à long terme de prouver la capacité d’Israël à continuer d’exister dans cette région. »
Le coût de plus en plus élevé payé en vies humaines pour maintenir un État juif en Palestine est également très élevé pour Israël en termes de légitimité internationale.
L’Assemblée générale de l’ONU a voté à une majorité écrasante en faveur du démantèlement de l’occupation ce mois-ci à la suite d’un avis consultatif décisif de la Cour mondiale affirmant l’illégalité de la présence d’Israël en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Entre-temps, les dirigeants israéliens prévoient que la Cour pénale internationale va émettre des mandats d’arrêt contre eux d’un jour à l’autre.
Cela ne ressemble peut-être pas aux décisions prises dans les forums internationaux et qui n’ont aucun impact sur ce qui se passe sur le terrain. Mais Israël s’est imposé comme un paria international, ce qui l’a laissé isolé sur la scène mondiale et activé par les États-Unis, dont il dépend totalement – une situation qui va finir par s’avérer insoutenable.
Une guerre existentielle
Toute sécurité imposée par Israël en recourant à la force s’avérera temporaire et illusoire, à un moment où l’existence d’Israël est plus fragile que jamais.
Le Hamas comme le Hezbollah se sont constitués en réponse à l’occupation israélienne et à la répression brutale de toute tentative de libérer leur pays.
Les guerres existentielles d’Israël contre les deux organisations de résistance proviennent de sa précarité en tant que colonie peuplée par des colons étrangers et qui a été fondée après l’expulsion massive de la population autochtone palestinienne – une réalité qui ne sera jamais acceptée par les gens de la région, et ce, quel que soit le nombre d’accords de normalisation dégagés par Israël avec les alliés régionaux de Washington.
« La guerre d’Israël n’est pas contre vous, mais contre le Hezbollah »,
a déclaré mardi Netanyahou à l’adresse des citoyens libanais dans un message vidéo.
« Ne laissez pas le Hezbollah mettre le Liban en danger »,
a-t-il ajouté dans une menace à peine voilée impliquant que les civils et l’État lui-même allaient subir tout le poids de la guerre.
Vendredi, lors de son discours à l’Assemblée générale de l’ONU, Netanyahou a d’abord rejeté une trêve proposée par les EU, après quoi il a déclaré qu’Israël « se battait pour son existence », avec la « malédiction » de l’Iran derrière les « ennemis sauvages » au seuil de sa porte.
Netanyahou a affirmé de façon absurde que le Hezbollah lançait
« des roquettes et des missiles après les avoir placés dans des écoles, des hôpitaux, des immeubles à appartements et dans les domiciles privés des citoyens du Liban ».
Le Premier ministre israélien a fait savoir clairement, de la sorte, que le cible d’Israël au Liban serait tout d’abord les civils et les objets civils, provoquant ainsi les mêmes niveaux de mort et de destruction qu’il a semés à Gaza au cours de l’année écoulée – « c’est effectivement un appel au génocide », a estimé Amal Saad.
Soulignant la nature existentielle de ses guerres contre le Hamas et le Hezbollah, Netanyahou a expliqué qu’
« Israël va gagner cette bataille. Nous gagnerons cette bataille parce que nous n’avons pas le choix ».
Le Premier ministre israélien a répété que la guerre menée par Israël était contre le Hezbollah et non contre le peuple libanais. Mais, comme l’a déclaré Amal Saad,
« la déclaration de Netanyahou disant qu’Israël doit vaincre le Hezbollah et qu’il ne peut tolérer une ‘armée terroriste’ sur le pas de sa porte est une déclaration de guerre éternelle contre le Liban ».
Amal Saad a ajouté :
« Incapable de détruire le Hezbollah directement, Israël s’efforce d’éradiquer la ‘communauté de la résistance’ et le tissu social qui la supporte et la soutient. »
Il n’y a pas de séparation entre le peuple et la résistance, le premier donnant naissance à cette dernière, que ce soit à Gaza ou au Liban. Et c’est pourquoi Israël fait peser le poids de son armée sur le cou des civils dans les deux endroits.
La réaction humaine inhérente consistant à résister à une soumission brutale par tous les moyens nécessaires, s’est désormais organisée et durcie suite à des décennies d’expérience, tant en Palestine qu’au Liban ou qu’ailleurs dans la région, et c’est pourquoi Israël n’a pas obtenu – et n’obtiendra pas – de victoire décisive ni en Palestine ni au Liban.
Si les EU ne forcent pas Israël à préférer la diplomatie à la guerre, et il y a peu de raison de croire que Washington le fera,
« nous pourrions assister au début d’une ‘Grande Guerre’ qui pourrait consumer le région tout entière et poser une menace existentielle pour Israël même »,
a déclaré Amal Saad.
Israël détruit tout semblant de loi internationale, mais il se détruit aussi lui-même. Ce n’est qu’une fois qu’il aura emprunté la voie d’autres régimes coloniaux parias, telles la Rhodésie et l’Afrique du Sud de l’apartheid, qu’il sera possible de bâtir du neuf sur les cendres et les ruines que le régime sioniste aura laissées derrière lui en Palestine.
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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.
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Ali Abunimah a contribué à l’analyse.
Publié le 27 septembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine