L’Irlande est-elle réellement contre Israël ?
L’ambassade d’Israël à Dublin sera prétendument fermée parce que l’Irlande a poursuivi une « politique anti-israélienne extrême ». Malheureusement, c’est inexact.
David Cronin, 17 décembre 2024
L’ambassade d’Israël à Dublin est habituée à la controverse.
Quatorze ans se sont écoulés depuis que des « diplomates » qui y étaient stationnés avaient fabriqué de faux passeports utilisés par une équipe de tueurs de l’agence d’espionnage du Mossad pour pouvoir se rendre à Dubaï et y assassiner Mahmoud al-Mabhouh, un représentant du Hamas.
L’épisode fait partie des trop nombreuses raisons pour lesquelles l’Irlande aurait dû expulser l’ambassadeur d’Israël depuis longtemps. N’empêche que le gouvernement de Dublin a refusé à maintes reprises d’agir en ce sens.
Cette fois, c’est Israël qui a pris les choses en main en décidant de fermer son ambassade. Bien que ce soit une bonne nouvelle, tant l’annonce faite par Israël que la réponse de l’Irlande présentent une fausse image.
L’ambassade sera prétendument fermée parce que l’Irlande a poursuivi une « politique anti-israélienne extrême ». Malheureusement, c’est inexact.
L’Irlande est apparemment allée trop loin aux yeux d’Israël en soutenant officiellement la plainte déposée par l’Afrique du Sud à la Cour internationale de Justice (CIJ) contre le génocide de Gaza.
Appuyer l’Afrique du Sud n’efface pas la façon dont Micheál Martin, le ministre irlandais des Affaires étrangères, a suivi une politique carrément pro-israélienne au cours des premiers stades de la guerre contre Gaza.
À l’instar de tous les gouvernements de l’Union européenne, l’Irlande a signé à la mi-octobre 2023 une déclaration présentant l’extermination des Palestiniens comme étant une opération défensive. Le mois d’après, Martin a exprimé directement sa solidarité avec Israël au moment où il a participé à un voyage de propagande mis sur pied par son homologue, le ministre israélien des Affaires étrangères.
Martin a occupé les fonctions de taoiseach (Premier ministre) et de ministre des Affaires étrangères, depuis 2020. Lui et d’autres personnalités importantes du gouvernement de Dublin ont bloqué le Projet de loi sur les Territoires occupés – une législation censée interdire l’importation de marchandises en provenance des colonies illégales d’Israël – malgré le fait que ce projet de loi avait été approuvé par les deux chambres de l’Oireachtas, le parlement irlandais.
En vue des élections générales du mois dernier, le gouvernement avait décidé de lever son veto sur le projet de loi.
Martin a néanmoins insisté en disant que des amendements au projet étaient nécessaires, ce qui semble vouloir dire qu’il veut l’édulcorer. Le site internet de The Ditch a révélé qu’il a fait sa déclaration sur les amendements immédiatement après avoir reçu une menace de Claire Cronin, l’ambassadrice des EU à Dublin.
Cronin (aucun lien de parenté avec moi) avait effectivement prévenu que les investissements en Irlande seraient compromis puisqu’il est interdit aux entreprises américaines de se conformer à un « boycott étranger non autorisé ».
Sans vouloir mettre en doute l’authenticité de la menace de Cronin, Martin a tenté de mettre le problème de côté lorsqu’il a été soulevé en commission parlementaire. Il a choisi d’attaquer le messager en qualifiant The Ditch de « davantage une organisation politique que tout autre chose ».
The Ditch est un média d’information de bonne foi qui produit du vrai journalisme. Il rapporte des faits que l’establishment préférerait ignorer – comme la façon dont des armes destinées à Israël sont souvent acheminées via l’espace aérien de l’Irlande.
Un travail important ?
Micheál Martin a exclu toute réciprocité en réponse à la fermeture de l’ambassade d’Israël à Dublin. L’ambassade d’Irlande restera à Tel-Aviv, a-t-il déclaré, en prétendant qu’elle fait un « travail important ».
Martin n’a pas spécifié quel « travail important » il avait à l’esprit. Mais on sait que l’ambassade a fait la promotion du commerce avec Israël – exactement le contraire de ce que demande le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS).
De très nombreux habitants de l’Irlande sont certainement hostiles à Israël et à son idéologie étatique raciste, le sionisme.
On ne pourrait en dire autant de ses hommes d’affaires de pointe.
Le mois dernier, Patrick Collison, l’Irlandais qui a fondé la société de paiement Stripe, était en visite à Tel-Aviv, où il a eu des discussions avec divers investisseurs en technologie. Le voyage a incité la presse israélienne à spéculer sur les opportunités explorées par Collison.
On comprendra aisément que les vantardises de Collison disant qu’il s’était bien amusé à Tel-Aviv aient provoqué une très vive indignation parmi les partisans des droits palestiniens.
Bien des liens entre l’Irlande et des firmes favorisant le génocide attirent moins l’attention.
L’Irish Strategic Investment Fund (Fonds irlandais d’investissement stratégique), propriété de l’État, possède des actions dans Palantir, une firme américaine qui fournit de la technologie d’intelligence artificielle, laquelle aide l’armée israélienne à sélectionner des cibles. Comme une très grande partie des victimes de Gaza sont des femmes et des enfants, il est quasiment certain que Palantir facilite ces massacres.
Le retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne a eu des implications sur les services financiers irlandais. L’une d’elles est que cela a amené Israël à choisir l’Irlande afin de remplacer la Grande-Bretagne en tant qu’hôte des obligations qu’il vend dans toute l’UE.
Puisque les obligations d’Israël constituent un moyen de soutenir la guerre contre Gaza, l’Irlande, en tant que pays hôte de ces obligations, est complice du génocide.
Micheál Martin ne raconte qu’une partie de la vérité quand il dit que l’État irlandais n’est pas hostile à Israël. La vérité plus complète est que l’Irlande a conservé une position amicale envers Israël alors que ce dernier massacre et affame la population de Gaza.
La fermeture d’une ambassade ne change absolument rien à ce fait.
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Publié le 17 décembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Charleroi pour la Palestine