Quels sont les effets sur le corps humain de l’affamement de Gaza par Israël ?

Israël continue d’appliquer aux Palestiniens sa politique d’affamement forcé, tuant des centaines d’enfants, d’hommes et de femmes et plongeant la population tout entière à des niveaux abyssaux de malnutrition et de famine.

 

Un nourisson affecté par la malnutrition. Photo : Activestills.

Un nourisson affecté par la malnutrition. Photo : Activestills.

 


Nora Barrows-Friedman
, 19 août 2025

 

Une nouvelle déclaration publiée dans le journal médical The Lancet par un groupe d’intellectuels et de médecins dont le Dr Ghassan Abu Sitta et Ilan Pappé dit ceci :

« L’affamement est utilisé à répétition et sans relâche comme une arme de guerre. »

Le génocide à Gaza, ajoute la lettre,

« est un test éthique déterminant pour la communauté mondiale de la santé publique, pour les spécialistes des sciences sociales et pour les associations académiques. Le silence n’est pas une option. En tant qu’intellectuels et professionnels de la santé, nous sommes confrontés à un choix difficile : soit nous assumons notre responsabilité éthique collective et nous nous exprimons pour empêcher de nouvelles violences de masse et la famine, soit on nous rappellera notre silence sélectif et notre inaction au cours de l’une des crises sanitaires morales et publiques les plus urgentes de notre époque ».

Le Dr Thaer Ahmad, un membre des « Professionnels de santé pour l’humanité », est un médecin urgentiste qui travaille à Gaza depuis des années, et, entre autres, depuis les 22 mois de génocide écoulés. Il a expliqué lors du podcast de The Electronic Intifada que l’affamement à Gaza est catastrophique.

« Ce que nous voyons, c’est qu’il y a une privation totale de tout ce dont un être humain a besoin pour être à même de se développer »,

dit-il.

L’affamement forcé et prolongé « vole des années » à la vie des Palestiniens, explique-t-il, spécialement aux enfants, dont le développement cognitif et celui de la croissance sont dépendants d’une bonne alimentation au cours de leurs premières années.

« Chaque jour qui passe sous ces conditions de sous-alimentation, en particulier les plus sévères, on joue avec leur avenir, à la suite de quoi, ils auront des problèmes cognitifs, lesquels vont se développer et seront irréversibles. »

Les systèmes immunitaires seront irréversiblement plus faibles, dit-il, ajoutant que les enfants seront de taille plus petite et qu’ils auront des retards de développement.

« Ne pas atteindre les étapes classiques que nous attendons des enfants – d’abord ramper, ensuite marcher, ou parler ensuite, toutes ces étapes prennent du retard »,

dit-il.

« Et elles sont reportées en raison de ce qu’on leur inflige. »

Les enfants courent davantage de risques de développer des maladies chroniques, comme l’hypertension, le diabète, des maladies cardiaques, des cancers, toutes pouvant affecter l’espérance de vie.

Il discute de la façon dont les médias occidentaux ont couvert l’affamement de Gaza par Israël, en faisant allusion à une note des éditeurs publiée par The New York Times le 30 juillet. La note concernait un article accompagné d’une photo d’un enfant en train de mourir de faim.

Dans cette note, The Times dit que l’enfant a « des problèmes de santé préexistants », prêtant ainsi une couverture à Israël qui prétend qu’il n’y a pas de Palestiniens qui meurent de faim. David Collier, un lobbyiste pro-israélien – présenté par erreur comme un journaliste dans certains médias – a essayé de semer le doute sur la véracité de l’article du New York Times en faisant remarquer que l’enfant souffrait d’une maladie génétique.

« Demandez à n’importe quel médecin si cela change leur perception de l’affamement à Gaza »,

déclare Thaer Ahmad.

« Demandez à tout responsable de la santé publique, à tout nutritionniste. Oui, les enfants avec une fibrose cystique courent plus de risques, mais c’est ici le même genre de scénario que celui du canari dans une mine de charbon. S’il se produit quelque chose de ce genre, si une tragédie de ce genre se produit sous votre nez, il ne s’agit pas d’essayer de s’imaginer, oh ! il était déjà malade, il souffrait déjà d’une autre maladie. Non, il s’agit de mobiliser toutes les ressources dont vous disposez pour être en mesure d’aider contre ce qui arrive à Gaza. Et aussi contre ce qui n’arrive pas. Ainsi donc, tout cela, c’est réellement, mais alors, là, réellement horrifiant et je pense que des photos d’enfants ne sont pas ce qui convient le mieux pour montrer à quel point la situation est tragique sur le terrain. »

Ahmad explique également la physiologie du syndrome de renutrition inappropriée – une condition paradoxale qui peut mener à une mort subite lorsqu’on donne de la nourriture à un patient affamé.

« Si vous mourez littéralement de faim, vos organes commencent à s’arrêter, votre corps commence à dépérir, votre capacité à tout simplement fonctionner en être humain normal, indépendant, se met à disparaître. Et donc d’une manière très tordue, si on vous propose d’une façon ou d’une autre tous les nutriments et calories adéquats dont vous avez besoin dans votre alimentation, alors que ce processus est déjà enclenché, votre corps ne saurait plus comment transformer tout cela. Et, par conséquent, vous pouvez avoir toutes sortes de problèmes, y compris dans votre incapacité à décomposer et à digérer ces aliments, ou encore dans le fait que les électrolytes et les nutriments qu’ils contiennent peuvent vous valoir des problèmes, tels que des convulsions, un risque de mort, sombrer dans un coma, ou encore des problèmes cardiovasculaires. »

Du fait que le système des soins de santé à Gaza connaît toujours un effondrement total, Ahmad fait remarquer que les capacités de ses collègues à s’occuper des patients les plus vulnérables, spécialement ceux qui connaissent un affamement aigu et chronique, sont extrêmement menacées.

« La capacité à traiter des patients a été compromise, la capacité des médecins à maintenir un certain niveau de soins, tout cela est compromis d’une façon – disons-le une fois encore – délibérée. Et il s’agit ici d’une politique qui est appliquée. »

 

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Publié le 19 août 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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