Le «Deal du siècle» : Tango entre le document et la réalité.

Le «Deal du siècle » américain cherche à transformer les mutations accumulées sur le terrain en un nouveau tournant temporel dont il serait difficile de revenir.

Il tente, en fait, d’imposer une nouvelle plate-forme à toute la question palestinienne – ce que Trump appelle la « base pour des négociations directes » – afin de remplacer celle, fragile et désormais inopérante, de la solution à deux États.

Majd Kayyal

Le «Deal du siècle » américain cherche à transformer les mutations accumulées sur le terrain en un nouveau tournant temporel dont il serait difficile de revenir.

Il est vrai que le «Plan de Paix » n’ajoute rien à la réalité établie aujourd’hui par l’occupation sioniste en Palestine, 27 ans après la signature des accords d’Oslo.

Ce nouvel accord donne une légitimité internationale et un ancrage juridique à des faits qu’Israël avait imposés par l’agression et les abus.

Il cherche à transformer les mutations accumulées sur le terrain, en un nouveau tournant temporel irréversible.

Il tente, en fait, d’imposer une nouvelle plate-forme à toute la question palestinienne – ce que Trump appelle la « base pour des négociations directes » – afin de remplacer celle, fragile et désormais inopérante, de la solution à deux États.

La série de crimes de l’occupation n’était donc pas l’aboutissement d’une nouvelle réalité ayant permis un tel accord, ni une accumulation sur du vide.

Bien au contraire, c’est elle qui a produit cette réalité de manière méthodique sur les bases objectives que l’Organisation de libération de la Palestine avait convenues avec Israël et acceptées sous l’égide de l’accord d’Oslo et de ses annexes.

C’est-à-dire que les concepts géographiques (tels que la division de la Cisjordanie en zones) et les principaux mécanismes administratifs (tels que le système de coordination sécuritaire), qui ont préparé l’avènement de l’« Accord du siècle » et constituent le fondement de son existence, sont des concepts et des mécanismes qui avaient tous déjà été adoptés en tant que principes fondamentaux pour le lancement d’« Oslo ».

Toutes les tentatives d’agir à l’intérieur du « paradigme » de la politique palestinienne se trouvent dans une impasse absolue. Admettre un tel blocage relève du courage, car cet aveu pourrait être l’amorce d’une recherche pour faire germer des idées et des instruments inédits que nous ne connaissons pas encore.

Il ne s’agit pas là de provoquer une polémique ni de dénoncer l’hypocrisie de ceux qui prétendent s’opposer aujourd’hui à cet « accord », alors qu’ils avaient participé effectivement à sa mise en œuvre.

Il s’agit plutôt d’une remarque dont le but est de faire la lumière sur une logique d’action politique et diplomatique à laquelle se cramponne le sionisme, alors que l’Autorité palestinienne est à mille lieues de la comprendre.

Comment les documents acquièrent-ils de la valeur ?

À l’instar de la plupart des régimes occidentaux qui ont commis des crimes contre leur propre peuple ou d’autres peuples, Israël est régi par la logique du droit « propre » qui génère des situations officielles (lois, décisions gouvernementales ou sécuritaires, accords et conventions, etc.), tandis que le texte écrit ou oral donne la liberté au pouvoir exécutif de traduire la position officielle selon l’idéologie dominante, ou ce qui est appelé l’« esprit du moment ».

Ainsi la loi ne désigne pas un groupe humain précis comme objet de son hostilité ; en revanche, tout le monde sait qu’elle a été spécifiquement conçue pour cibler tel groupe et non tel groupe. C’est une logique déterminante de la loi israélienne, comme de tous les règlements et décisions officiels appliqués, en particulier contre les Palestiniens de l’intérieur.

L’histoire abonde de ces exemples qui ont eu des conséquences criminelles horribles.

C’est à se demander si les pires débats des historiens, et les plus odieux, ne sont pas ceux qui ramènent la tragédie humaine à un aspect superficiel et la réduisent à une dimension juridique aride.

Le plus connu de ces débats sur le plan international est celui, horripilant, à propos de l’existence, ou pas, d’ordres de la part d’Adolf Hitler dans la mise en œuvre de l’Holocauste !

L’histoire de la Palestine est bourrée de questions aussi laides, qui cherchent principalement à nier le crime : Y avait-il pendant la Nakba un plan suprême prévoyant explicitement le déplacement des Palestiniens ? Les dirigeants israéliens avaient-ils donné un ordre, pour le massacre de Kafr Qasim ? Sharon avait-il explicitement ordonné le massacre de Sabra et Chatila ? Etc.

Il s’agit là d’une perspective essentielle pour lire également les pactes de légitimité internationale – qu’il s’agisse d’accords, de lois nationales ou de déclarations historiques –car elle nous montre la manière dont Israël les exploite.

L’essentiel de ces pactes ne réside pas dans la promesse future qu’ils ont formulée, mais dans la façon dont ils définissent la réalité à partir de laquelle ils ont émergé, le terrain objectif qui les détermine.

Leur importance réside aussi dans les possibilités qui les ouvrent à telle force capable de les mettre en œuvre, afin que cette force interprète le document à sa manière et s’active afin de gagner de nouvelles positions.

Le véritable enjeu des documents n’est pas de parvenir à l’application d’une vision commune entre les parties, mais de redistribuer les possibilités et éventualités d’action à chaque partie.

Cependant la force matérielle sur le terrain détermine toujours l’interprétation effective qu’on fait d’un document.

Ce qui donne du sens au document, ce sont les éventualités de l’expliquer, de l’utiliser et d’agir pratiquement selon les définitions qu’il a posées, en particulier lors de l’apparition de circonstances imprévues (ou à la réalisation de scénarios) pouvant être saisies afin de remodeler la situation existante.

Observons, par exemple, la mise en place des services de sécurité de l’Autorité palestinienne tels que nous les connaissons aujourd’hui : Le processus avait commencé par les assassinats et les arrestations lors de la deuxième Intifada.

Il y a eu ensuite la destruction de l’infrastructure des systèmes de sécurité relevant de l’Autorité, puis la forte pression exercée sur celle-ci afin qu’elle restructure les services de sécurité palestiniens de manière à approfondir la coordination sécuritaire avec Israël.

Cette coordination a atteint alors des niveaux sans précédent, surtout après un processus de « réforme » présenté à l’époque par Sharon et adopté par la « Feuille de route » américaine en 2003, puis mis en œuvre en plusieurs étapes, jusqu’à l’arrivée du général Dayton pour prendre en main toute la mission.

Cette logique a commandé la manière dont le sionisme a traité chaque document international qu’il a obtenu tout au long de son histoire.

Partant de la « Déclaration Balfour » qui a fait d’un message bref et vague un fil à plomb nécessaire à tout le discours colonial sioniste, jusqu’au plan de partition de la Palestine en 1947, puis l’armistice de Rhodes en 1949, qui avait établi ce que nous connaissons aujourd’hui sous l’appellation de « lignes de 1967 »… Et les exemples sont nombreux jusqu’à Oslo.

Le discours de Netanyahou à la Maison-Blanche, prononcé après celui de Trump, est probablement un exemple frappant de cette logique.

Si nous examinons attentivement le discours du Premier ministre israélien, nous constatons qu’il est agencé du début à la fin autour du remerciement à Trump, pour cette étape historique qu’est le « Deal du siècle ».

Dans cette construction, Netanyahou a commencé par vanter et louer un échantillonnage de détails du « deal » et, reprenant certains de ces détails, il a reformulé ce que Trump avait dit, en supprimant là ce qu’il voulait (« une solution à deux États » ou « un État palestinien », par exemple) et en y ajoutant ce que Trump n’avait pas mentionné (« l’État juif », par exemple).

Bien que le document lui-même se situe entre les deux discours, la capacité de Netanyahou à attribuer à Trump ce que celui-ci n’a pas dit explicitement, devant les caméras du monde entier et seulement quelques minutes après, est à même de montrer comment les Israéliens utilisent l’arme de l’interprétation.

Comment l’accord d’Oslo a-t-il préfiguré le « Deal du siècle » ?

Sous cet angle, le « Deal du siècle » vient récapituler – et «couronner » – la réalité qu’Israël a pu créer dans le cadre des principes, des définitions géographiques et juridiques et des systèmes administratifs définis par l’accord d’Oslo.

Quelle est donc la forme de cette réalité ?

Les concepts géographiques (telle la division de la Cisjordanie en zones) et les principaux mécanismes administratifs (tel le système de coordination sécuritaire), qui constituent les fondements du « Deal du siècle » avaient déjà été tous adoptés en tant que principes fondamentaux pour le lancement d’ « Oslo ».

Avec ses quartiers Est et Ouest, Jérusalem est soumise à un contrôle israélien absolu.

L’occupation a approfondi son emprise sur la vie des gens grâce à ses nombreux plans visant à lier les habitants de Jérusalem à l’économie israélienne afin qu’avec le temps, leur vie se rapproche au plus près de celle des Palestiniens des territoires occupés en 1948, avec tout ce que cela signifie comme soumission de la société à la domination directe des institutions israéliennes.

Il en va ainsi pour le domaine du travail, la vie quotidienne, l’enseignement scolaire et universitaire, la santé et d’autres domaines encore.

Cela comprend en outre, la participation d’une catégorie d’habitants de la ville à la gestion et à la mise en œuvre de ce processus d’« assimilation ».

Malgré « l’annexion » opérée par Israël en 1967, et la promulgation par le Parlement israélien en 1980, d’une loi « constitutionnelle » établissant son contrôle sur l’Est de la ville, aucun des accords d’Oslo ni aucune de leurs annexes ne mentionnent le terme « Jérusalem-Est ».

Bien plus, ces accords ont été conclus sans qu’Israël ait eu à effectuer un quelconque changement sur le statut de la ville.

En d’autres termes, Israël a préservé, dans le texte de l’accord, la possibilité d’une « Jérusalem unifiée », en dépit d’une position internationale forte à cet égard, exprimée dans la résolution 478.

Israël a interprété la clause « Oslo 2 », reportant l’examen de la question de Jérusalem aux « négociations sur le statut permanent », comme une clause qui empêche tout changement dans le statu quo et qui, par conséquent, interdit toute activité de l’Autorité palestinienne à Jérusalem.

S’appuyant sur une telle lecture, Israël a procédé au verrouillage de toutes les institutions et la cessation des activités sociales, culturelles et politiques.

L’escalade a abouti à la fermeture complète de toutes les institutions liées à l’Autorité, ou à toute autre organisation palestinienne.

La plus connue alors était la fermeture de « la Maison d’Orient ».

Cette interdiction, qui continue encore et asphyxie l’organisation sociale et militante, a laissé un vide énorme, lequel a facilité les tentatives de l’occupant d’imposer l’israélisation de la ville.

Quant aux zones désignées par Oslo comme « zone C » et qui constituent 60 % de la Cisjordanie, elles sont, elles aussi, soumises à la mainmise absolue d’Israël en vertu de l’accord.

Dans ces zones, l’occupation a pratiqué des politiques violentes de déplacement en procédant à un contrôle complet des infrastructures et des politiques de planification et de l’économie.

Elle a en outre exhorté les Israéliens à se déplacer vers les colonies. Selon le recensement de l’ONU de 2017, seuls 300 000 Palestiniens demeurent encore dans la zone C, contre 400 000 colons.

Mais, pour Israël, plus important que de s’assurer aujourd’hui une majorité démographique dans cette région, il y a la géographie même de cette zone, telle que définie par les accords.

Car la zone C est la seule des trois zones de Cisjordanie à avoir une unité géographique, alors que les zones A et B sont morcelées et soumises, pour des prérogatives partielles, à l’« Autorité palestinienne ».

En d’autres termes, le démembrement de la Cisjordanie, tel que proposé par le « Deal du siècle », est basé sur les cartes ayant été acceptées par l’OLP lors de l’accord d’Oslo.

Quant aux zones A et B, bien que le contrôle israélien n’y soit pas direct et que les Palestiniens n’y soient pas soumis individuellement aux institutions israéliennes, Israël reste en mesure d’y contrôler efficacement tous les domaines de la vie par plusieurs moyens.

Le premier de ces moyens est le contrôle des check-points et des postes- frontières, avec ce que cela signifie en termes de mobilité des personnes (dont 97 000 travailleurs qui se déplacent de la Cisjordanie vers l’intérieur d’Israël – chiffre de 2018) et des exportations et importations.

Israël contrôle en outre environ 70 % des revenus de l’« État de Palestine » en disposant des impôts qu’il perçoit au nom de l’Autorité palestinienne.

C’est également une des conséquences de l’annexe économique de l’accord d’Oslo.

À cela s’ajoutent d’abord la profonde pénétration des services de renseignement et de l’armée d’Israël dans la société palestinienne, soit directement, soit par le biais du système de « coordination sécuritaire », un système prévu par l’article 3 de l’annexe I de l’accord d’Oslo 2 ; ensuite les tentatives israéliennes de contourner le mandat de l’Autorité dans ces zones et d’élargir le champ de la coopération directe entre son armée et les capitaux palestiniens.

La stratégie de répression, la condition pour réaliser l’ambition israélienne

Il ne suffit pas de dire que « l’Accord du siècle » vient sceller le fait accompli d’Oslo.

Mais il faudrait en conclure que l’ensemble des principes, définitions et systèmes conçus par le « Plan américain » formera le canevas de l’action israélienne dans les années ou les décennies à venir.

Israël épuisera tous les avantages de l’accord en sa faveur, indépendamment du consentement de l’Autorité palestinienne ou de son rejet.

Le nouveau document offre de nouveaux systèmes et canaux de gestion plus complexes qu’auparavant, ce qui permettra à Israël d’avoir une plus grande exclusivité sur les différents secteurs et de les contrôler directement.

Israël travaillera au sein de ces systèmes, car il opérera unilatéralement, sans attendre une quelconque légitimité internationale pour intensifier et approfondir son incursion afin de saper toute volonté politique palestinienne.

Cette expansion israélienne s’appuie sur ce qui est désormais implicitement bien admis, à savoir que toutes les positions politiques rejetant le « Deal », aussi sévères ou radicales soient-elles, ne pèsent pas bien lourd tant qu’elles ne sont pas sous-tendues par de fortes pressions politiques.

Tant qu’il ne se traduit pas en une action susceptible de mettre à mal la stabilité d’Israël, l’attachement du Palestinien à des principes ou à des valeurs ne change en rien le poids de la réalité.

Il est tout aussi évident que la roue de la réalité qui avance ne peut pas faire marche arrière juste à cause des positions officielles consenties par les Européens et les Arabes, tant que ces positions ne deviennent pas de véritables instruments de pression internationale contre Israël.

Bien sûr, à moins que les Palestiniens ne leur imposent cela par la puissance de leur lutte, ces parties officielles ne se sentiraient jamais concernées par la responsabilité d’exercer une pression sur Israël juste « pour l’amour de Dieu ».

La logique de la répression israélienne repose sur la mise en échec des motivations de lutte chez de larges catégories sociales palestiniennes.

Assurer d’abord la stabilité financière, créer ensuite des « autorités » locales ayant une légitimité historique et culturelle pour ordonnancer des relations durables avec Israël, détenteur du pouvoir absolu sur l’économie et la mobilité.

Israël se trouve aujourd’hui dans une position confortable, car il y a une conviction, au niveau politique du moins, que le gouvernement israélien est capable d’appliquer ses plans sans encourir la moindre perte.

Il ressort des déclarations de ses dirigeants que les menaces répétées d’une « explosion de la situation » en Palestine, et en particulier en Cisjordanie et dans les territoires occupés de l’intérieur, ne sont plus prises au sérieux par les décideurs politiques.

Cette conviction repose sur plusieurs raisons logiques et en premier lieu sur l’expérience : Israël avait attendu « l’explosion de la situation » après l’interdiction du mouvement islamiste à l’intérieur et après le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, puis, après la promulgation de la « loi sur la nationalité », les assassinats horribles de manifestants sur les bordures de Gaza assiégée, ou encore après la prise d’assaut de la mosquée Al-Aqsa par les colons le jour de l’Aid al-Adha, ou également à cause du martyre des prisonniers dans les prisons de l’occupation, jusqu’à « l’atelier de Bahreïn » et l’annonce du « Deal du siècle ».

Mais, à la suite de tous ces événements, la scène palestinienne n’a pas connu de mouvement de résistance digne de la situation politique !

Ce douloureux silence palestinien est le résultat d’une méthodologie de répression profonde appliquée par Israël dans le but d’éradiquer la résistance.

Elle procède d’une même logique, dans toutes les parties où il y a présence palestinienne, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays occupé, même s’il existe des différences quant aux instruments et aux cadres juridiques de cette répression.

Quelle est la logique de la répression israélienne ?

C’est certes faire échec aux motivations de la lutte chez de larges catégories sociales à travers le maintien de leur stabilité financière et la création d’« autorités » locales palestiniennes ayant une légitimité historique et culturelle pour ordonnancer des relations durables entre la société palestinienne et Israël en tant que détenteur du pouvoir absolu sur l’économie et la mobilité.

Ensuite, et sous couvert de la légitimité nationale de ces autorités locales, se déroule le processus de la mainmise israélienne grâce à un usage démesuré de la violence, afin d’isoler les mouvements (ou même des individus) ayant une position radicale à l’égard d’Israël, et à les écarter de la société jusqu’à ce qu’ils deviennent des poches de parias.

Nous pouvons constater cela à des niveaux très différents, mais qui procèdent toujours de la même logique, si nous examinons comment Israël a isolé le mouvement islamiste dans les territoires occupés de l’Intérieur, ou comment il a paradé récemment lors de l’horrible répression des jeunes du Front populaire (FPLP) en Cisjordanie, ou même comment il a mené le dernier set contre le jihad islamique à Gaza, après l’assassinat de Baha Abu Al-Atta.

À propos de ce qui est possible

Sur fonds de l’« Accord du siècle », Israël s’efforcera d’étendre au maximum sa répression, principale condition pour parvenir à réaliser de nouveaux progrès sur le terrain.

Il procèdera ainsi à plus de confiscations, essayera de serrer davantage l’étau des contrôles, accélérera les opérations d’expulsion et ôtera tout tapis politique rassembleur de sous les pieds des Palestiniens.

Cela commencera d’abord et avant tout, par l’approfondissement de la séparation entre les différentes identités palestiniennes – c’est-à-dire entre l’intérieur, la Cisjordanie, Gaza et les réfugiés.

Avec ces dispositifs, l’occupation cherchera ainsi à tirer le meilleur parti du nouveau document.

Le lien que nous pouvons établir aujourd’hui entre, d’une part, les fondements objectifs et initiaux – juridiques, géographiques et administratifs – imposés par Israël par le biais de l’accord d’Oslo et, d’autre part, la sombre réalité à laquelle la cause palestinienne est parvenue, nous montre que la légitimation par Israël de ses précédentes actions coloniales n’est en fait que la préparation et la construction d’une plate-forme à partir de laquelle Israël vise une nouvelle escalade, la fragmentation de plus de résolutions et positions internationales des gouvernements étrangers et arabes, et l’extorsion de plus de « concessions » palestiniennes.

Il est clair que la Direction palestinienne n’ose pas et n’est pas capable de mener une lutte à la mesure de cette étape imposée par Israël.

Rien à l’horizon des organisations politiques traditionnelles de toute la Palestine n’indique qu’elles cherchent à opérer un changement sérieux dans leur action politique.

Il est clair également que la société palestinienne, qui est tout aussi déchirée que la géographie, ne porte pas une réponse immédiate au « Plan américain », qui pourrait le défaire ou défaire les plans israéliens qui en découlent.

Le peuple palestinien, comme tous les peuples, a sans doute la capacité de provoquer des surprises que l’analyse politique ne peut prévoir.

Mais quand bien même un tel espoir demeure au plus profond de nous, il n’est pas possible de compter sur cette « délivrance » et de se contenter de l’attendre alors que le droit du peuple est tous les jours bafoué.

Il est désormais certain que toutes les tentatives d’agir à l’intérieur du « paradigme » que nous connaissons de la politique palestinienne, avec ce qu’elle suppose comme convictions politiques et usages organisationnels, se trouvent dans une impasse absolue.

Admettre un tel blocage relève du courage, car cet aveu pourrait être l’amorce d’une recherche pour faire germer des idées et des instruments inédits que nous ne connaissons pas encore.

Cela nécessite de plonger dans l’inconnu politique, ce qui est bien mieux que de baigner dans le même marécage. Nous apprendrons et découvrirons peut-être ce qui nous permettrait de faire face à l’injustice de manière honorable et réussie.


Publié le 16 février 2020 sur As Safir

Majd Kayyal est un chercheur et romancier palestinien de Haïfa

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