Les syndicats britanniques (TUC) s’engagent à défier l’apartheid israélien

Une motion du Congrès des syndicats britanniques (TUC) invitant instamment ses membres à « rallier la campagne internationale en vue de bloquer l’annexion et de mettre un terme à l’apartheid » pourrait encourager les syndicats du monde entier à jouer un rôle majeur dans le mouvement international de solidarité avec la Palestine, comme ils l’avaient déjà fait contre l’apartheid en Afrique du Sud.

Par Bernard Regan, 7 octobre 2020

Des délégués au Congrès du TUC de 2018 témoignent leur soutien à une motion condamnant l'adoption par Israël de la loi sur l'État-nation

Des délégués au Congrès du TUC de 2018 témoignent leur soutien à une motion condamnant l’adoption par Israël de la loi sur l’État-nation

Le 15 septembre, le Congrès annuel du Congrès des syndicats (TUC), qui représente près de 6 millions de membres au Royaume-Uni, a adopté une motion qui réaffirmait sa solidarité avec la lutte du peuple palestinien pour le droit à l’autodétermination et condamnait en même temps l’occupation et la politique expansionniste du gouvernement israélien.

La résolution exprimait son opposition directe aux ambitions annexionnistes du gouvernement Netanyahou, soutenu par l’Administration américaine, et réclamait que soit mis un terme à la complicité du gouvernement britannique. Exigeant également la fin du blocus de Gaza et le soutien au « droit au retour des réfugiés palestiniens », elle engageait le TUC à

« communiquer sa position à tous les autres centres syndicaux des Confédérations syndicales internationales et européennes et à les inviter instamment à rallier la campagne internationale en vue de bloquer l’annexion et de mettre un terme à l’apartheid ».

Ce qui distingue la résolution, c’est qu’en réclamant la fin de l’« apartheid », elle identifie les pratiques de l’État israélien à l’égard du peuple palestinien comme institutionnellement discriminatoires, contestant ainsi la normalisation des relations actuellement adoptée, par exemple, par les Émirats arabes unis et Bahreïn et promue par la Maison-Blanche.

L’internationalisme a une longue tradition, dans le mouvement syndical britannique. Dans les années 1860, les ouvriers des usines de la région de Manchester avaient refusé de travailler avec du coton produit à l’aide du travail des esclaves et importé des États du Sud des États-Unis, en dépit des privations sévères qui en avaient résulté pour leurs familles. Des volontaires, dont de nombreux étaient issus du mouvement syndical, allèrent combattre les fascistes dans la Guerre civile d’Espagne. Dans les années 1960, les syndicalistes furent parmi les premiers à répondre à l’appel du Congrès national africain en vue de boycotter l’Afrique du Sud. C’est cette tradition qui se répète dans la solidarité exprimée en faveur du peuple palestinien.

Une fois appliquée, la décision du TUC pourrait constituer une contribution significative à la mise sur pied du mouvement de solidarité internationale et encourager les syndicats au niveau mondial à jouer un rôle majeur dans la campagne comme ils l’avaient fait dans la campagne contre l’apartheid en Afrique du Sud.

L’engagement du TUC a été le produit des nombreuses décennies de travail des partisans de la Campagne de solidarité avec la Palestine et des syndicalistes. L’importance des syndicats a été reconnue en raison de leur capacité à rallier des millions de personnes autour d’une campagne en faveur de la justice pour les Palestiniens. En outre, les syndicats sont importants du fait que certains sont affiliés au Labour Party (Parti travailliste) et qu’ils peuvent de ce fait apporter une contribution vitale afin de faire en sorte que la voix des Palestiniens et de leurs partisans ne soit pas réduite au silence par les apologistes pro-Netanyahou à l’intérieur du parti même.

Pendant plus de trois décennies, ce travail s’est traduit par un changement en ce sens que la Palestine, sujet de préoccupation pour une minorité réduite, s’est muée en une cause bénéficiant d’un soutien débordant dans les syndicats. Alors que, dans les années 1990, des percées n’avaient lieu que dans un nombre restreint de syndicats, le soutien d’une majorité de syndicats était cimenté en 2006 par l’adoption d’une motion définissant l’agenda politique pour les années suivantes.

Cette motion, portée en avant par la Fire Brigades Union (Syndicat des brigades de pompiers) exprimait son soutien :

  • au droit du peuple palestinien à l’autodétermination ;

  • au droit des réfugiés palestiniens à retourner dans leur patrie d’origine ;

  • au retrait des troupes israéliennes de tous les territoires occupés ; et

  • au retrait du « mur de l’apartheid » illégalement construit.

Dès le début, le TUC a encouragé tous ses syndicats à s’affilier à la Campagne de solidarité avec la Palestine (PSC) et, depuis cette date, il y a eu d’innombrables meetings de branches syndicales où l’on a pu entendre des orateurs palestiniens et des délégations britanniques de retour de Palestine et venues discuter de la situation du peuple palestinien. Des centaines, sinon des milliers de syndicalistes ont visité la Palestine historique, y rencontrant des travailleurs, des communautés et des activistes en campagne afin de mieux s’informer des problèmes résultant des actions brutales de l’État d’Israël et de son armée. Ces voyages ont compris des rencontres avec un large éventail d’activistes palestiniens et des visites de nombreux camps de réfugiés, de centres culturels, d’écoles, d’universités, des rencontres avec des personnes confrontées à des démolitions de maisons, avec des enfants prisonniers, des membres des communautés bédouines ou encore des activistes palestiniens à l’intérieur même d’Israël.

Cette cohorte de poids qui apportait, glanée de première main, sa propre connaissance de la situation s’est muée en un groupe de véritables avocats de la cause palestinienne et de gens qui mobilisent dans des actions initiées par la PSC. Chaque fois que c’est possible, ils ont cherché à développer cette solidarité politique en des actions pratiques de soutien humain.

Les syndicats se sont impliqués de façon centrale dans l’organisation de campagnes contre toutes formes de racisme, y compris l’islamophobie, et dans le soutien des mobilisations autour de Black Lives Matter. Dans le même temps, les personnes qui soutiennent les Palestiniens comprennent qu’il n’y a pas de contradiction entre une opposition militante à l’antisémitisme alors que l’on garde une position de soutien intransigeant aux droits des Palestiniens opprimés.

Le défi aujourd’hui consiste à développer ce travail, à inviter le Labour Party à soutenir cette campagne et à exiger que les divers gouvernements britanniques successifs mettent un terme à leur complicité avec l’oppression du peuple palestinien par le gouvernement israélien et qu’ils rejettent l’intervention du président Trump ou de toute administration américaine future en vue de contrer le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.


Publié le 7 octobre 2020 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémél

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