Le dernier cri en matière de moralité juive (Amira Hass)

Démolitions de maisons, déportations, construction de colonies… De tels actes se répètent sans cesse et nous ennuient, nous les journalistes et les rédacteurs, et vous aussi, les lecteurs. C’est pourquoi on ne les retrouve pas chaque jour dans un gros titre, et ce, pour la gloire de la moralité juive.

Des hordes de colons ont pris d’assaut Musafer Yatta, au sud d’Hébron, en Cisjordanie occupée, le 5 juin 2020, protégés par les forces de l’armée d’occupation, et ont photographié un certain nombre de puits d’eau et d’anciennes grottes. (Source : CPI, Centre Palestinien pour Information)

Amira Hass, 2 novembre 2020

• Mercredi dernier, une unité de l’Administration civile et des Forces de défense israéliennes ont détruit une conduite d’eau de 1,5 kilomètre et, ce faisant, ont privé les villages de Mughayer al-Abid et de Khirbet Al-Majaz, à Masafer Yatta (district de Hébron) de leur approvisionnement en eau.

• Les vandales ont ignoré le fait que les villageois de Masafer Yatta avaient adressé une requête à la Haute Cour de justice contre les dégâts infligés aux canalisations qui leur apportent de l’eau depuis la vanne centrale située au village d’Al-Tawani. La procédure a été reportée à mars.

• Les descendants des prophètes sont convaincus que les Palestiniens n’ont pas besoin d’eau, au contraire de nous, les Juifs. Les descendants des survivants ont décidé qu’alimenter en eau les canalisations destinées aux Palestiniens dans 62 pour 100 de la Cisjordanie contredisait la loi et la tradition de nos ancêtres.

Masafer Yatta est la zone historique des pâturages et de l’agriculture des résidents du village de Yatta (devenu une ville entre-temps), où certains d’entre eux se sont établis et ont fondé des communautés séparées déjà avant la création même de l’État d’Israël.

• Israël prétend qu’il a le droit d’expulser les résidents de leurs villages, afin que les FDI puisse effectuer leurs exercices d’entraînement à tirs réels dans toute la zone. C’est pourquoi Israël interdit aux résidents de se relier aux infrastructures et détruit les routes qu’ils ont élargies et débarrassées de leurs pierrailles. L’État juif sait qu’aucun d’eux ne sera en mesure de continuer à vivre de cette façon et qu’ils finiront par s’en aller. En d’autres termes, les Israéliens les chassent tout en prétendant qu’il s’agit d’une question de liberté de choix.

• En 2001, l’avant-poste illégal et non autorisé d’Avigayil était installé à Masafer Yatta. Ses membres confisquaient deux sources qui avaient toujours été utilisées par les fermiers et bergers palestiniens. L’avant-poste a connu depuis un processus accéléré de « blanchiment ». Il est raccordé aux infrastructures d’électricité et d’eau et une route asphaltée permet d’y accéder, comme le reste des avant-postes dans la région ainsi que les autres colonies.

• Le 27 octobre, un contingent de l’Administration civile escorté par l’armée a détruit une maison en dur appartenant à une famille de cinq personnes (les deux parents et les trois enfants) de la communauté de Birin, au nord-est de Yatta. Nos forces ont également détruit le réservoir d’eau de la famille. Il ne s’agit pas d’un derrick ni d’une tentative d’accès à l’eau souterraine, mais bien d’une citerne destinée à recueillir de l’eau de pluie ou de l’eau que l’on paie à plein tarif et qui est fournie dans des conteneurs.

• Les rapports laconiques des infos de Voice of Palestine et ceux de B’Tselem adressés aux médias, pour ainsi dire sur base quotidienne, se ressemblent tous. À tel ou tel moment, une unité de l’Administration civile flanquée d’une escorte de l’armée ou de la police des frontières débarque dans ce genre de communauté et démolit la résidence d’une famille de cinq ou de sept personnes, ou confisque un bulldozer qui aplanissait la route menant à un verger, ou encore signifie un ordre de démolition d’un bâtiment servant d’école. De tels actes se répètent sans cesse et nous ennuient, nous les journalistes et les rédacteurs, et vous aussi, les lecteurs. C’est pourquoi on ne les retrouve pas chaque jours dans un gros titre, et ce, pour la gloire de la moralité juive.

• De 2006 à fin septembre 2020, Israël a démoli au moins 1 623 structures résidentielles (habituellement des tentes, des cahutes, des caravanes, etc.) appartenant à des Palestiniens de Cisjordanie, sans compter Jérusalem-Est, et 7 068 personnes, dont 3 543 enfants, ont perdu le toit au-dessus de leur tête. Et le travail et l’argent qu’ils ont investis s’en sont allés à vau-l’eau et, avec eux, leurs rêves et leurs espoirs.

• Israël a démoli plus d’une fois les pauvres logements d’au moins 1 100 Palestiniens, dont 527 enfants, dans des communautés dont il a décidé de ne pas reconnaître l’existence.

• De 2012 à fin septembre 2020, Israël a démoli 1 804 structures non résidentielles, tels citernes à eau, clôtures, enclos, entrepôts, etc.

• Ne sont pas repris dans ces calculs toutes les maisons qui devraient être construites mais ne le sont pas, en raison des interdictions israéliennes et de la crainte du traumatisme et des coûts de démolition.

• Au cours des neuf premiers mois de cette année, Israël a démoli les résidences de 418 Palestiniens en Cisjordanie (sans compter Jérusalem-Est), dont 208 enfants. C’est le chiffre le plus élevé depuis 2016, d’après les calculs de B’Tselem.

• L’année 2020 est une année record sur le plan de l’avancement de la construction dans les colonies, ces deux dernières décennies. Peace Now estime que, cette seule année, le conseil supérieur de planification de l’Administration civile a approuvé la construction en Cisjordanie de 12 159 unités de logement pour Juifs uniquement. Parmi ces logements, 4 948 ont été approuvés les 14 et 15 octobre.

• Au cours des neuf premiers mois de cette année, 100 résidences appartenant à des Palestiniens à Jérusalem-Est ont été démolies (68 l’ont été par leurs propriétaires, de manière que la municipalité de la ville unie ne puisse les obliger à payer les frais de démolition). Nombre de victimes de ces démolitions : 323 personnes, dont 167 enfants.

• Depuis 1967, Israël, le représentant du peuple juif au fil des générations, a adopté une politique restreignant la construction pour les Palestiniens dans la zone qu’il a annexée à Jérusalem. Ceci, en sus d’une confiscation massive de terres palestiniennes privées et de leur transfert à des Juifs, aussi bien citoyens d’Israël que de la diaspora. Le peuple élu…


Publié le 2 novembre 2020 sur Haaretz
Traduction : Jean-Marie Flémal

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