Un pêcheur gazaoui torturé par l’Égypte

Il y a une dizaine d’années, on aurait pu espérer que l’Égypte allait enfin traiter les Palestiniens de Gaza avec un certain degré d’humanité. L’insurrection populaire de la place Tahrir au Caire avait abouti à la destitution du dictateur Hosni Moubarak.

Dix ans plus tard, l’Égypte est toujours dirigée par un dictateur – Abdulfattah al-Sisi. En complicité avec les autorités israéliennes, il continue d’imposer un blocus tant terrestre que maritime à Gaza.

Des affichettes déployées à Deir al-Balah, avec les portraits de Yasser, Mahmoud et Hasan al-Zazou, trois frères attaqués par l’Égypte. (Photo : Ashraf Amra APA images)

Hamza Abu Eltarabesh, 1er février 2021

Il y a eu deux hommes portant le prénom de Hasan dans l’existence de Hala al-Zazou.

Le premier Hasan était son père. Il est décédé d’une crise cardiaque en août dernier.

Le second Hasan était son cousin et fiancé. Il a été abattu et tué le mois suivant lorsque la marine de guerre égyptienne a attaqué la bateau de pêche sur lequel il était embarqué.

« Après le décès de mon père, Hasan et moi avions décidé – par respect – de reporter notre mariage d’un an », dit-elle. « Là, il a été annulé pour de bon. »

« Mon fiancé travaillait dur afin que nous puissions avoir une petite maison dans laquelle nous aurions vécu une fois mariés », dit Hala. « Est-ce un crime ? »

Hasan al-Zazou était à proximité de la limite maritime entre Gaza et l’Égypte, au moment de l’attaque. Son frère Mahmoud lui aussi avait été tué.

Un autre frère, Yasser, avait été blessé et arrêté ensuite par les militaires égyptiens. Yasser n’a été relâché que le 17 janvier.

S’adressant à The Electronic Intifada, il a raconté comment il avait été torturé durant sa détention.

En cours d’interrogatoire, on lui avait enjoint de se déshabiller complètement et il avait été soumis à des chocs électriques. Ses interrogateurs l’avaient menacé avec des chiens et l’avaient insulté verbalement.

Pendant deux semaines, Yasser avait été enfermé dans une cellule si petite qu’il ne pouvait s’y tenir debout ni se coucher, a-t-il expliqué. « Tout ce que je pouvais faire, c’était m’asseoir. »

Durant son séjour à la prison centrale d’Arish, la nourriture était exécrable et les conditions totalement dépourvues d’hygiène. Il n’y avait aucune mesure pour protéger les prisonniers du Covid-19.

« Je pleurais la nuit tellement il faisait froid », dit-il. « Nous n’avions rien pour nous tenir au chaud. »

Un fardeau financier

Alors que Gaza a une très longue tradition de pêche, les frères al-Zazou étaient plutôt nouveaux dans le secteur.

Auparavant, la famille dirigeait un élevage de volailles.

Il avait été détruit lors de la grande offensive lancée par Israël contre Gaza durant l’été 2014. La famille avait subi une perte de l’ordre de 25 000 USD.

Après l’offensive, les frères avaient travaillé un moment dans la construction et s’étaient ensuite lancés dans la pêche en 2018. Cela signifiait qu’il leur fallut trouver un bateau, et cela ajouta encore à la pression sur les finances familiales.

Le bateau sur lesquels les frères naviguaient avait été acheté trois semaines à peine avant l’attaque, en septembre dernier. Les frères avaient réuni de l’argent pour le bateau en vendant des bijoux appartenant à l’une de leurs sœurs.

Le bateau coûtait approximativement 7 000 USD et les frères n’avaient pas été en mesure d’en payer le prix entier. Après en avoir pris possession, ils devaient encore 2 000 USD environ.

« Mes enfants ont essayé de réunir de l’argent pour rembourser les dettes de la ferme et le solde du bateau ainsi que pour préparer leur avenir », a expliqué leur mère Nawal.

« Leur père était malade et ils voulaient l’aider. Ils ne méritaient pas ce qui leur est arrivé », a ajouté Nawal.

Le sauvetage

Les frères n’éprouvaient aucune hostilité à l’égard de l’Égypte ni de son peuple. Au contraire, Yasser faisait partie des Palestiniens qui avaient aider à secourir sept pêcheurs égyptiens qui s’étaient trouvés en difficulté lon loin du port de Deir al-Balah, en 2019.

S’exprimant alors que Yasser était toujours captif, sa mère avait demandé : « Cela (le sauvetage) ne devrait-il pas suffire pour libérer Yasser ? »

« Mon fils est resté et épuisé pendant près d’une semaine, après le sauvetage des pêcheurs égyptiens », a-t-elle déclaré. « Ce n’est pas juste qu’on l’ait emprisonné. »

En dehors des frères al-Zazou, cinq autres pêcheurs de Gaza ont été tués par les forces égyptiennes depuis 2015.

Quant à Israël, il a tué neuf pêcheurs palestiniens, depuis 2000.

Depuis deux décennies, les pêcheurs de Gaza ont généralement la permission d’opérer dans la zone située entre 6 et 9 milles nautiques (entre 11 et 17 kilomètres, un mille nautique égale 1 853 mètres. NdT) de la côte. N’empêche que de nombreuses attaques contre les pêcheurs ont eu lieu à l’intérieur de la zone autorisée.

Il y a une dizaine d’années, on aurait pu espérer que l’Égypte allait enfin traiter les Palestiniens de Gaza avec un certain degré d’humanité. L’insurrection populaire de la place Tahrir au Caire avait abouti à la destitution du dictateur Hosni Moubarak.

Dix ans plus tard, l’Égypte est toujours dirigée par un dictateur – Abdulfattah al-Sisi. En complicité avec les autorités israéliennes, il continue d’imposer un blocus tant terrestre que maritime à Gaza.

Toutes les personnes qui vivent à Gaza endurent les conséquences de ce blocus. Pour la famille al-Zazou, ces conséquences se sont avérées particulièrement cruelles.


Publié le 1er février 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Lisez également : Harcèlement des pêcheurs de Gaza par la marine de guerre israélienne

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