Pourquoi Israël ne gagnera pas à Gaza

La volonté de libération et d’autodétermination d’un peuple colonisé ne peut être écrasée par la force militaire, par un siège ou par quelque technologie que ce soit, mise au point dans les laboratoires inventifs de l’oppression israélienne.  

Des Palestiniens dans la ville cisjordanienne de Jénine protestent contre les agressions israéliennes sur les fidèles et contre les expulsions prévues à Jérusalem. (Photo : Oday Daibes / APA images)

Maureen Clare Murphy, 12 mai 2021  

Les organisations armées palestiniennes ont donné suite à leurs menaces de frapper Tel-Aviv de tirs sans précédent après qu’Israël a complètement détruit une tour résidentielle à Gaza ce mardi.

Les factions de la résistance avaient prévenu Israël qu’elles allaient frapper sa capitale commerciale si des frappes de ce genre avaient lieu. Après qu’Israël a détruit un immeuble à appartements de plusieurs étages à Gaza, plus de cent roquettes ont été lancées en direction de Tel-Aviv.

Le lourd tir de barrage a tué une femme dans un faubourg de Tel-Aviv, a blessé plusieurs autres personnes et a grandement perturbé le trafic aérien de l’aéroport international d’Israël.

Un peu plus tôt dans la journée, deux femmes, dont une aide-soignante indienne, ont été tuées à Ashkelon, dans le sud d’Israël.

Renforcement de la résistance

En dépit de ses offensives militaires successives depuis le retrait unilatéral de ses colons du territoire en 2005, Israël n’est toujours pas parvenu à venir à bout de la résistance armée à Gaza.

Au lieu de cela, les organisations armées de l’enclave isolée ont non seulement renforcé leur capacité et leurs opportunités de perturber la vie en Israël, et ce, sans guère disposer des moyens de renverser l’impressionnant déséquilibre du pouvoir entre les Palestiniens sans État, d’une part, et l’une des plus puissantes armées du monde, d’autre part.  


Le siège encore durci par des châtiments collectifs qu’Israël impose à Gaza depuis 2007 a complètement pourri l’existence des plus de deux millions de Palestiniens qui vivent dans l’enclave.

Ce siège est venu après la victoire inattendue du Hamas aux élections législatives palestiniennes de 2006 et la tentative avortée des États-Unis de vaincre militairement l’organisation à Gaza même.

Au codeur des tentatives israéliennes et internationales en vue d’anéantir le Hamas, il y a le rejet par ce dernier du programme de normalisation accepté par l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, dont les forces « sécuritaires » collaborent avec Israël afin de contrecarrer la résistance palestinienne à l’occupation.

En d’autres termes, l’AP sert de levier d’application de l’occupation israélienne, alors que les ailes armées du Hamas et autres factions à Gaza affirment le droit du peuple palestinien à l’autodéfense contre l’agression israélienne.

Ce qu’on a appelé la Quartet du Moyen-Orient (l’UE, la Fédération russe, l’ONU et les EU) a cherché à désarmer ces organisations à Gaza, où le plus gros de la population est constitué de réfugiés originaires de villages situés dans ce qui est aujourd’hui Israël.

Depuis plus de 70 ans, Israël refuse aux réfugiés palestiniens de Gaza et aux millions d’autres ailleurs dans la diaspora, qu’ils exercent leur droit au retour et ce, en s’appuyant sur le fait qu’ils ne sont pas juifs.

Des dizaines de Palestiniens ont été tués et des milliers blessés et mutilés par les tireurs d’élite de l’armée israélienne alors qu’ils affirmaient ce droit lors des protestations de la Grande Marche du Retour organisées dès le début de 2018 le long de la frontière à l’est et au nord de Gaza.

Les familles palestiniennes de Gaza ont payé le prix le plus lourd, pour avoir insisté sur leur droit à l’autodétermination. 

Plus de 30 Palestiniens, dont 10 enfants, ont été tués à Gaza depuis qu’Israël a repris ses bombardements ce lundi.

Pendant ce temps, en Cisjordanie, ce mardi, un Palestinien a été tué et un autre grièvement blessé par les soldats israéliens.

Au début, Israël a prétendu que les deux hommes, tous deux prétendument membres des services de renseignement de l’Autorité palestinienne, avaient tenté de lancer une attaque à main armée. Plus tard, des médias israéliens ont rapporté que les Palestiniens ne portaient pas d’arme à feu et qu’ils ne tentaient pas de se lancer dans une attaque à main armée au moment où ils avaient été abattus.

Les Palestiniens se soulèvent

Partout dans leur patrie, malgré la désunion politique insurmontable entre le camp de la résistance à Gaza et le camp de la normalisation à Ramallah, et alors qu’ils sont tous sous contrôle israélien, les Palestiniens se soulèvent.

Des décennies d’occupation, de fragmentation, de restrictions sévères dans les déplacements, ainsi qu’une myriade d’autres mesures israéliennes de répression ne sont pas parvenues à anéantir la résistance des palestiniens au régime israélien de colonialisme d’implantation ni le sentiment d’unité nationale qui règne entre les Palestiniens, même parmi une absence totale d’unité politique.

Ismail Haniyeh, le chef de l’aile politique du Hamas, a salué les citoyens palestiniens d’Israël en disant qu’ils étaient le « mur de protection » de Jérusalem et de sa mosquée Al-Aqsa, assiégée ce lundi par la police israélienne alors qu’elle était remplie de fidèles du Ramadan.  

Des dizaines de familles palestiniennes sont confrontées à des expulsions par la force dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, et ce, pour céder la place à des colons juifs.

Les familles qu’Israël cherche à expulser de Sheikh Jarrah sont des réfugiés qui se sont vu refuser leur droit au retour dans leurs foyers dont ils avaient été chassés vers l’époque de la création d’Israël, en 1948.

Ces derniers jours, les citoyens palestiniens d’Israël vivant à Haïfa, d’où ont été chassées à l’origine certaines familles habitant aujourd’hui à Sheikh Jarrah, ont protesté, tout comme l’ont fait leurs frères et sœurs de Nazareth et de Jaffa.

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Ce mardi, la police paramilitaire israélienne des frontières s’est déployée à Lydd, une ville palestinienne à l’intérieur d’Israël, connue également sous le nom de Lod.

Pendant ce temps, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a convoqué une réunion d’urgence concernant des émeutes de masse dans la ville.

Le maire de Lydd, Yair Revivo, a demandé à Netanyahou de faire venir l’armée israélienne en ville et d’« imposer un couvre-feu ». Il a décrit la situation comme « une intifada des Israéliens arabes », utilisant ainsi le terme typiquement utilisé par les Israéliens pour désigner les citoyens palestiniens de l’État.

Revivo a affirmé que « la guerre civile a(vait) éclaté » en ville et que les synagogues et les voitures étaient incendiées dans le même temps que les juifs nationalistes orthodoxes parcouraient les rues en armes.

Un Palestinien a été abattu et tué par un vigile juif israélien à Lydd, ce lundi, au cours de ce qu’on peut soupçonner comme un crime de haine.

Ce lundi, des Palestiniens de Lydd s’étaient rassemblés pour la défense de la mosquée Al-Aqsa et pour témoigner leur solidarité avec les familles de Sheikh Jarrah.

 

Des familles palestiniennes de Lydd ont également fait l’objet de déportations forcées par le biais de la démolition de leur maison, du fait que la répartition des terres par Israël privilégie le logement des citoyens juifs et non celui des Palestiniens.

La domination

Un consensus croissant reconnaît que ce que les Palestiniens disent depuis des années : qu’Israël a « suivi son intention de maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Israéliens palestiniens partout dans les territoires qu’il contrôle », comme l’a conclu récemment Human Rights Watch.

Mardi, le maire de Lydd a lancé une mise en garde disant : « Nous avons complètement perdu le contrôle » indiquant de la sorte que l’État estime que les citoyens palestiniens d’Israël, qui sont soumis à des dizaines de lois discriminatoires et à une marginalisation économique et sociale, ne sont plus gouvernables.  

L’appel du maire adressé à Netanyahou pour qu’il déploie l’armée à Lydd équivaut à demander à des pyromanes d’allumer un incendie.  

Mais c’est la seule logique que connaît l’État d’Israël.

Le militarisme est au cœur du projet sioniste en Palestine, lequel a débuté bien avant la création d’Israël en 1948.

La force militaire a été perçue comme nécessaire pour usurper les terres palestiniennes et écraser la résistance autochtone à ce vol voici un siècle et c’est resté pareil aujourd’hui.

 

Les Palestiniens continuent de résister à l’actuel processus en cours de colonisation d’implantation sioniste et ils ne semblent pas disposés à renoncer de sitôt.  

La volonté de libération et d’autodétermination d’un peuple colonisé ne peut être écrasée par la force militaire, par un siège ou par quelque technologie que ce soit, mise au point dans les laboratoires inventifs de l’oppression israélienne.  

Il reste à se demander combien de vies encore il va falloir perdre avant qu’Israël n’accepte cette vérité et, de fait, c’est au reste du monde qu’il incombe d’en décider.


Publié le 12 mai 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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