Plus de 100 tués : Israël intensifie ses massacres à Gaza
Ce jeudi, voilà quatre jours qu’Israël pilonne sans arrêt la bande de Gaza. Le ministère de la Santé du territoire annonce qu’il y a déjà plus de 100 tués dans cette offensive militaire, la plus sévère depuis 2014.
Maureen Clare Murphy, 14 mai 2021
Les groupes armés palestiniens de Gaza ont continué de riposter en tirant des projectiles vers Israël. Depuis lundi, sept personnes, dont un soldat et deux enfants, ont été tués dans des frappes de roquettes sur Israël.
Des Palestiniens du territoire ont rapporté des tirs israéliens sans précédent à la fin de ce jeudi – qui marquait la fête de l’Aid al-Fitr (rupture du jeûne) à la fin du Ramadan – particulièrement dans la région nord de Beit Hanoun et dans l’est de Gaza. Des familles évacuées de leurs maisons ont cherché refuge dans les écoles des Nations unies.
In the Gaza Strip, Palestinians are saying goodbye all over social media, expecting to be hit and killed by Israel's heavy shellings any moment now. Israel's attacks against Gaza must be brought to an end. #GazaUnderAttack #EndImpunity
— Al-Haq الحق (@alhaq_org) May 13, 2021
Gaza, qui subit depuis 2007 un blocus terrestre, aérien et maritime complet imposé par Israël, n’a pas d’abris anti-bombes et les civils sont dans l’impossibilité de quitter librement le territoire afin d’assurer leur sécurité.
L’armée israélienne a déclaré qu’elle attaquait Gaza aussi bien avec des forces terrestres qu’avec des frappes aériennes, après qu’elle eut massé des chars le long du périmètre du territoire assiégé et rappelé des milliers de militaires réservistes, préparant ainsi le décor d’une invasion terrestre potentielle.
Jeudi soir, le porte-parole des brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, a expliqué qu’Israël « lançait des attaques pour épater la galerie » et que celles-ci « n’affecteraient pas d’un iota notre capacité de résistance, avec la volonté de Dieu ».
Les tirs de roquettes palestiniens ont obligé les compagnies aériennes internationales à annuler leurs vols vers Israël, juste au moment où le pays célébrait son déconfinement après le déploiement de la vaccination contre le Covid-19.
Il paraît que l’armée israélienne a admis lors de réunions à huis clos qu’elle avait sous-estimé la cadence à laquelle le Hamas était en mesure de lancer des roquettes ainsi que la capacité de portée de ces dernières.
Netanyahou menace d’envoyer l’armée contre les Palestiniens en Israël
Pendant ce temps, des hordes d’Israéliens ultranationalistes appuyés par la police s’en sont pris à des Palestiniens à Jérusalem et dans des villes d’Israël où les citoyens palestiniens vivent en étroite proximité avec les Juifs.
L’état d’urgence a été déclaré à Lydd, une ville palestinienne en Israël plongée dans la violence depuis lundi, lorsqu’un Palestinien a été abattu et tué par un vigilante juif au cours des heurts.
On rapporte que Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, a envisagé un déploiement de l’armée et permis le recours aux arrestations administratives, sans accusation ni procès, dans les villes où l’état d’urgence a été proclamé.
Une telle directive serait à coup sûr appliquée avec une force disproportionnée et une façon terriblement discriminatoire par l’État, dont le « seul principe organisationnel » est la « suprématie juive », pour reprendre les termes utilisés par l’organisation israélienne des droits humains, B’Tselem.
Netanyahou a demandé aux forces déployées parmi les communautés palestiniennes de recourir le plus possible à la force et de ne pas s’inquiéter de ce qu’on pourrait leur demander des comptes pour leurs actions :
Netanyahu on live TV declares deployment of military forces, including militarized border police, into Israeli towns with clear order to use as much force as possible to restore law and order. He says security forces shouldn’t worry about investigations or commissions of inquiry. https://t.co/JNlNRXMSEr
— Jamil Dakwar (@jdakwar) May 13, 2021
Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a ordonné un déploiement massif des forces de la police paramilitaire des frontières, qui opère spécifiquement en Cisjordanie occupée et qui, à l’instar des soldats de l’armée, fait un usage disproportionné et fréquent de moyens meurtriers contre les Palestiniens.
Dans un discours préenregistré su vidéo ce mardi, Gantz a promis une violence pire encore que celle endurée par Gaza en 2014, lorsqu’il était le chef de l’armée israélienne.
« Si les citoyens d’Israël doivent dormir dans des abris, Gaza brûlera, dans ce cas », a-t-il déclaré.
Fatou Bensouda, la procureure en chef de la Cour pénale internationale, a confirmé cette semaine que le tribunal allait de l’avant dans son enquête, et ce, en dépit du manque de participation d’Israël.
L’offensive israélienne contre Gaza, durant l’été 2014, y compris la conduite des organisations armées palestiniennes, est un des principaux points d’attention de l’enquête de la CPI.
Bensouda a déclaré que les individus impliqués dans l’actuelle escalade pourraient également faire l’objet d’une enquête.
« Un feu vert pour commettre des crimes »
Al Mezan, une organisation palestinienne des droits humains installée à Gaza, a vilainement critiqué le silence de « la communauté internationale » qu’Israël interprète « comme un feu vert pour commettre des crimes contre des civils et leurs biens ».
Al Mezan a déclaré que 14 combattants de la résistance ciblés par les avions de combat israéliens mercredi matin avaient perdu la vie par suffocation et qu’ils présentaient des symptômes apparents indiquant l’usage possible de gaz toxiques.
Parmi les morts à Gaza figuraient 28 enfants et 15 femmes, a révélé le ministère de la Santé jeudi dans la soirée. Plus de 600 personnes ont été blessées.
Comme en 2014, l’armée israélienne a visé plusieurs buildings résidentiels ou abritant des bureaux, détruisant complètement, entre autres, une tour hébergeant plusieurs agences médiatiques locales ou internationales.
Depuis lundi, à Gaza, les bombardements israéliens ont détruit ou sévèrement endommagé plus de 18 immeubles et 350 unités de logement, forçant ainsi le déplacement de quelque 500 familles.
« Sept ateliers, huit écoles et un centre de soins de santé ont également été endommagés par les frappes aériennes israéliennes et les tirs trop courts de certaines roquettes lancées par le Hamas »,
a rapporté jeudi l’organe de contrôle des Nations unies, l’OCHA.
« En outre, des dizaines de sites militaires, de bâtiments de la police et de la sécurité, ainsi que des zones ouvertes, ont été touchés, et le quartier général de la police à Gaza même a été détruit »,
a ajouté l’OCHA.
L’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, a déclaré qu’au moins quatre de ses bâtiments à Gaza avaient été touchés.
« On ne peut dire clairement si les bâtiments de l’UNRWA ont été touchés directement ou si les frappes étaient si proches que les bâtiments ont été impactés eux aussi. On rapporte que tout le personnel est sain et sauf »,
a déclaré l’agence.
La situation humanitaire déjà très pénible à Gaza a encore été exacerbée du fait qu’Israël a empêché toute entrée de carburant, de nourriture ou de fourniture de médicaments. La seule centrale électrique de Gaza va cesser de fonctionner à la fin de la semaine quand les réserves de carburant seront épuisées.
« L’usine de désalinisation de l’eau de mer du nord de Gaza a cessé de fonctionner en raison des risques pour les travailleurs et d’une ligne de fourniture de courant qui a été endommagée, ce qui affecte l’accès à l’eau potable pour quelque 250 000 personnes »,
affirme l’OCHA. Pendant ce temps, quelque 160 000 personnes à Gaza même n’ont qu’un accès limité à l’eau courante en raison des pannes de courant.
« L’insécurité actuelle restreint considérablement la distribution des services essentiels, y compris la réponse en cours au Covid-19, vu que le nombre de tests s’est réduit de façon drastique et que les gens sont dans l’impossibilité d’accéder en toute sécurité aux centres de soins et de vaccination »,
a encore ajouté l’OCHA.
L’escalade militaire à grande échelle s’est produite après que, ce lundi, la police israélienne a pris d’assaut la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, au moment où elle était remplie de fidèles du Ramadan, dont des centaines ont ainsi été blessés. Cet événement succédait à des semaines de tension dans la ville et de protestations à propos des expulsions imminentes par la force de plusieurs familles palestiniennes du quartier de Sheikh Jarrah, afin de libérer de la place pour les colons juifs.
Ce vendredi matin, la possibilité d’un cessez-le-feu à Gaza ne s’est toujours pas manifestée à l’horizon.
Le président américain Joe Biden a donné sa bénédiction implicite au ciblage par Israël des tours résidentielles et autres infrastructures civiles de Gaza, disant aux journalistes qu’il n’avait pas remarqué d’« action significativement exagérée » de la part d’Israël.
L’administration Biden a déclaré qu’elle soutenait « le droit d’Israël à l’autodéfense », mais qu’elle ne considérait par contre pas les tirs de roquettes depuis Gaza comme des actes d’autodéfense.
Normalement, ce dimanche, le Conseil de sécurité des Nations unies est censé organiser une rencontre publique sur la détérioration de la situation.
Les États-Unis, qui fournissent chaque année pour 3,8 milliards de USD d’aide militaire à Israël, ont empêché le Conseil de sécurité de publier une déclaration sur l’escalade de la violence.
Publié le 14 mai 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine