L’échec d’Israël à Gaza
La capacité des organisations palestiniennes de résistance de la bande de Gaza à continuer de lancer des missiles contre les villes et colonies israéliennes durant une deuxième semaine est en soi une victoire et un signe de l’échec israélien.
Abdel Bari Atwan, 21 mai 2021
L’establishment sécuritaire et militaire d’Israël a multiplié ses efforts pour engranger un succès militaire qu’il aurait pu vendre à un public embarrassé, afin de justifier le retrait de cette guerre d’usure en plein développement. Mais la résistance palestinienne n’a pas l’intention de le lui permettre.
Les Américains font de leur mieux pour extraire Israël du pétrin dans lequel il s’est lui-même plongé. Ce n’est pas par souci pour le camp palestinien. Ils ne sont absolument pas gênés par le massacre jusqu’à présent de plus de 200 personnes, dont 58 enfants et 34 femmes. La seule chose qu’ils veulent, c’est faire cesser les volées de missiles qui, toute la semaine écoulée, ont envoyé des millions d’Israéliens paniqués se terrer dans leurs abris.
Cette « intifada des missiles » a sauvé les États du Golfe qui ont normalisé leurs relations avec les milliards de dollars israéliens. Ils avaient eu l’intention d’acheter les systèmes antimissiles israéliens « Dôme de fer ». Netanyahou les avait persuadés qu’ils étaient plus efficaces que les Patriots de fabrication américaine qui n’avaient pas été à même d’intercepter les missiles et drones lancés par l’alliance Ansarullah (Houthi) du Yémen. Ils en étaient tombés amoureux, pour ainsi dire. Mais, aujourd’hui, ils se demandent comment les Israéliens peuvent les protéger alors qu’ils ne sont même pas capables de se protéger eux-mêmes.
Durant la première semaine de cette guerre, Israël n’a pas atteint d’objectif militaire significatif – hormis qu’il a assassiné et mutilé des civils innocents, qu’il a aplati de hauts immeubles abritant des centres médiatiques et qu’il a tué deux ou trois commandants d’active du Hamas et du Djihad islamique. Il n’est pas parvenu à atteindre les dirigeants des deux organisations, ni leurs centres opérationnels communs, ni non plus leurs plates-formes et ateliers de fabrication des missiles et leur personnel. En lieu et place, il s’en est pris aux maisons familiales de ces dirigeants, situées dans des zones résidentielles – ce qui reflète à la fois sa frustration et l’échec, une fois encore, de ses renseignements, pourtant si encensés.
Pendant ce temps, la vie quotidienne en Israël s’est paralysée. Son économie frappée par le Covid est confrontée à la perspective d’une recrudescence de la fuite des capitaux, comme cela s’est produit lors des précédents soulèvements palestiniens, et des milliers d’Israéliens détenteurs de deux nationalités peaufinent de nouveau des plans en vue de retourner dans leurs pays d’origine.
La menace proférée par Israël de monter une invasion terrestre de la bande de Gaza est une fanfaronnade. Y entrer pourrait être relativement facile mais y rester ou en ressortir serait extrêmement difficile et on ne peut plus coûteux.
Les organisations palestiniennes de résistance n’accepteront pas ainsi de « rétablir le calme » de sorte que l’occupation, le blocus et l’oppression pourraient continuer dans la paix et la quiétude. Tout cessez-le-feu devra se plier à leurs termes et à leur timing. Prétendre qu’Israël a résisté aux efforts américains en vue de convenir d’un cessez-le-feu, c’est vouloir jeter de la poudre aux yeux. Sous la table, Israël a insisté fortement auprès de ses alliés en Égypte, au Qatar et en Jordanie et leur a même proposé des incitatifs pour qu’ils arrangent une trêve.
Le problème d’Israël, c’est que son cauchemar s’est concrétisé. Les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, de Jérusalem, des régions de 1948 et de la diaspora se soulèvent spontanément contre son oppression et son œuvre de dépossession, avec le soutien des nombreux millions d’habitants du monde arabe et d’ailleurs. Et ce, à peine quelques mois après que les États-Unis et Israël, ainsi que leurs clients occidentaux et arabes, ont essayé de persuader le monde que les Palestiniens et leur cause étaient morts et enterrés et qu’ils n’avaient plus besoin que de concéder leur défaite finale face à un Israël invincible.
En mettant à nouveau leur cause en évidence et en faisant passer Israël pour ce qu’il est réellement, les Palestiniens ont déjà remporté ce premier round du prochain épisode de leur long et difficile combat.
Publié le 21 mai 2021 sur le site Rai al-Youm
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du site Rai al-Youm (“L’opinion d’aujourd’hui”, un site qui se veut nationaliste arabe, antisaoudien et antisioniste). Il est l’ancien directeur du quotidien Al-Quds Al-Arabi et l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
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