Bennett donne sa bénédiction aux exécutions de Palestiniens en pleine rue

Naftali Bennett s’est réjoui de l’exécution ce samedi, par la police paramilitaire, d’un Palestinien qui gisait au sol à proximité de la porte de Damas, à Jérusalem.

Le Premier ministre israélien a transmis aux agents son « entier soutien ».

Muhammad Salima. (Photo : The Electronic Intifada)

Maureen Clare Murphy, 5 décembre 2021

« Voilà comment on attend qu’agissent nos forces et c’est de cette manière qu’elles ont agi », a ajouté Bennett.

Les commentaires de Bennett montrent bien son engagement envers la politique israélienne du « tirer-pour-tuer » sur des Palestiniens, une politique qui s’est intensifiée au cours des quelques dernières années du règne de son prédécesseur, Benjamin Netanyahou.

Après une série d’exécutions en rue d’agresseurs palestiniens présumés, fin 2015, l’organisation israélienne de défense des droits humains, B’Tselem, a blâmé Netanyahou d’avoir « transformé des policiers et même des civils armés en juges en bourreaux ».

L’homicide par balle sur la personne de Muhammad Salima, 25 ans, alors qu’il gisait sur le sol et qu’il ne représentait aucun danger immédiat, a engendré une controverse inhabituelle à propos de l’exécution d’un Palestinien, après qu’une vidéo prise par des témoins oculaires a circulé en ligne ce samedi.

Cette vidéo de 23 secondes, enregistrée à partir du véhicule d’une personne qui passait par-là, montre deux agents de la police israélienne des frontières tirant à une certaine distance sur Salima alors que celui-ci gît sur le sol et qu’il ne pose plus de menace pour la vie de personne.

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Plus tard, un clip vidéo de 50 secondes a été publié par la police israélienne, montrant les événements qui ont abouti à l’exécution de Salima.

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Israël publie ce genre de prise de vue quand il pense qu’il va étayer son récit des événements mais, dans de très nombreux autres cas, telle l’exécution d’Iyad Hallaq à Jérusalem l’an dernier, il empêche alors la vidéo d’être rendue publique.

Il s’avère que la vidéo publiée samedi par la police israélienne montre Salima qui traverse une rue puis se retourne pour poignarder un homme habillé d’une tenue ultra-orthodoxe.

La vidéo montre Salima qui se précipite sur l’individu ultra-orthodoxe (identifié comme Avraham Elimelich) et l’empoigne, quelques secondes avant que deux agents de la police des frontières n’arrivent sur place et que Salima ne coure sur eux.

La vidéo montre ensuite Salima se précipitant sur l’un des agents et, après cela, se tenant à plusieurs mètres des deux hommes avant, apparemment, de se faire tirer une balle dans la jambe par l’un des deux agents et de s’affaler sur le sol.

Ensuite, le clip publié par la police et qui est présenté sans bande sonore, montre sous un autre angle le tir des deux autres coups de feu, que l’on voit et entend plus clairement sur la première vidéo, celle du témoin oculaire.

La vidéo de la police israélienne montre également au moins trois autres agents israéliens armés qui arrivent très rapidement sur les lieux.

L’homme supposé poignardé par Salima a encouru des blessures entre moyennes et sérieuses, a-t-il été dit dans les médias israéliens.

 

La politique consistant à « confirmer l’homicide »

Les forces israéliennes opèrent en vertu d’une politique de « confirmation de l’homicide » exposée lors d’une audience d’un tribunal militaire suite à la mort en 2004 de l’adolescent Iman al-Hams, 13 ans, tué par des soldats dans le sud de Gaza.

Plus d’une décennie plus tard, cette pratique horrible a généré un tollé général après qu’une vidéo publié par B’Tselem eut montré l’assistant médical de l’armée israélienne, Elor Azarya, en train de tirer sur un Palestinien gisant sur le sol, à Hébron.  

Selon l’écrivain Richard Silverstein, Azarya avait demandé à son commandant la permission de « confirmer l’homicide » avant de tirer sur Abd al-Fattah Yusri al-Sharif.

Azarya a purgé une peine de neuf mois de prison, ce qui fut du coup considéré comme un châtiment léger en même temps qu’un rare exemple de soldat israélien jugé responsable de la mort d’un Palestinien.

L’assistant médial a été salué comme un héros en Israël et le gouvernement a décidé de criminaliser l’action de filmer les soldats israéliens dans le cadre d’un effort plus généralisé de maintenir l’impunité autour des abus et violences envers les Palestiniens.

Dans le sillage de l’exécution de Salima, le Comité national palestinien de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) a demandé à la Cour pénale internationale de « cesser de retarder les accusations contre les facilitateurs de l’apartheid israélien ».

D’autres observateurs ont fait remarquer qu’un Israélien qui avait poignardé plusieurs personnes lors d’une Gay Pride à Jérusalem n’avait pas été exécuté dans la rue :

Dans cet incident qui avait eu lieu en 2015, Yishai Shlissel avait attaqué plusieurs participants au défilé, tuant un adolescent et blessant cinq autres personnes, quelques semaines après avoir été relâché à l’issue d’une peine de 10 années d’emprisonnement pour une agression similaire.

 

Des exécutions extrajudiciaires

B’Tselem a décrit l’homicide par balle sur la personne de Salima comme une exécution extrajudiciaire.

Le Bureau de l’ONU pour les droits de l’homme en Palestine a fait savoir qu’il était « choqué par ce qui a été apparemment l’exécution extrajudiciaire » de Salima.  

« Les homicides extrajudiciaires comme celui-ci sont la conséquence du recours régulier, contre les Palestiniens, à la force létale par le personnel sécuritaire israélien bien armé et bien protégé, et de l’absence presque totale de responsabilisation pour les meurtres et blessures infligés aux Palestiniens par les forces israéliennes »,

a ajouté le bureau des Nations unies.

Les dirigeants israéliens se sont rassemblés autour des agents de la police des frontières qui ont exécuté Salima, et le commissaire de police Kobi Shabtai a proclamé qu’ils étaient des « héros ».

Il a été imité par le haut responsable de la police des frontières, Amir Cohen, qui a déclaré que les « héros (…) avaient agi conformément à la manière dont nous les entraînons ».

Dimanche, Bennett a tweeté son appréciation à l’égard des agents de la police des frontières qui « ont neutralisé le terroriste ».

Ses accolades étaient accompagnées d’une photo des deux agents dont on avait pris soin de flouter les visages.

Bennett a ajouté que la vidéo publiée par la police et partagée par l’appareil de la « hasbara » (propagande officielle) d’Israël « en avait complètement inversé la perception », suggérant qu’elle avait été publiée contre une forme de contrôle des dégâts.

Le ministère israélien de la Justice, rapporte-t-on, a ouvert une enquête sur la mort violente de Salima, mais les deux agents sont retournés à leurs « tâches opérationnelles », annoncent les médias israéliens.

Les mécanismes israéliens d’auto-enquête ont depuis longtemps été décriés par les organisations des droits humains comme étant « des feuilles de vignes destinées à masquer l’occupation », pour reprendre les termes utilisés par B’Tselem.

Cette organisation, en même temps que le Centre palestinien pour les droits humains, a publié un rapport un peu plus tôt cette semaine dans lequel étaient dénoncées les parodies d’enquêtes israéliennes autour des meurtres et mutilations à l’encontre des protestataires lors de la Grande Marche du Retour à Gaza.

Les forces et les colons israéliens ont tué plus de 330 Palestiniens en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est, et à Gaza depuis le début de cette année.

Les forces d’occupation ont abattu et tué Fadi Abu Shkheidem, 42 ans, après qu’il avait ouvert le feu sur des Israéliens près de la Porte dorée (Chain Gate ou Bab al-Silsila) menant au site de la mosquée al-Aqsa, dans la vieille ville de Jérusalem, le 21 novembre.

Eliyahu David Kay, 26 ans, avait été tué. Trois autres personnes, dont deux policiers, avaient été blessées.

Quelques jours plus tôt, un civil israélien avait abattu et tué Omar Ibrahim Ayoub Abu Assab, 16 ans, après que l’adolescent, suppose-t-on, avait poignardé deux agents de la police des frontières dans la vieille ville.

Le civil armé, identifié par les médias comme le directeur d’un séminaire fondé par Ateret Kohanim, une organisation favorable aux colonies, avait tiré au moins six balles sur le garçon, ont rapporté des témoins à l’adresse de Defense for Children International – Palestine.

Les agents de la police israélienne des frontières ont subi des blessures légères ou modérées.

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Publié le 5 décembre 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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