Cette archéologie sioniste qui oblitère les Palestiniens de Burayr

Le Dr Salman Abu Sitta éreinte les auteurs d’une étude archéologique qui escamote le massacre et le nettoyage ethnique du village de Burayr en 1948.

Vestiges après destruction d’une maison palestinienne dans le village dépeuplé de Burayr. (Photo : Palestine Remembered)

Vestiges après destruction d’une maison palestinienne dans le village dépeuplé de Burayr. (Photo : Palestine Remembered)


Note de la rédaction de Mondoweiss :
Nous publions ci-dessous une lettre ouverte adressée aux auteurs d’une étude archéologique du village ethniquement épuré de Buryar, étude publiée par le Bulletin of American Schools of Oriental Research (BASOR – Bulletin des Écoles américaines de recherches orientales). La lettre ouverte a été rédigée par le très renommé chercheur palestinien qu’est le Dr Salman Abu Sitta, lequel fustige les auteurs de l’étude pour avoir clairement oblitéré l’histoire des Palestiniens autochtones de Buryar, de même que le massacre sioniste qui a débouché sur l’épuration ethnique et la dépopulation du village.

Salman Abu Sitta, 3 septembre 2022

Aux auteurs de « Une étude archéologique du village arabe de Bureir : « Perspectives à propos de la période ottomane écoulée et la période du mandat britannique en Israël du Sud » :

Votre article décrit votre travail comme une « étude archéologique », impliquant qu’il s’agit d’une recherche sur l’histoire obscure et ancienne de Burayr. C’est une supercherie. Burayr a une histoire et une géographie bien plus présentes.

Burayr est le site d’un massacre atroce au cours duquel environ 125 fermiers et leurs familles ont été tués au moyen de grenades à main lancées sur eux, dans leurs foyers, par la milice sioniste (la Haganah). Le village a été incendié ensuite et est parti en flammes. Des corps carbonisés jonchaient les rues. Le massacre avait commencé le 13 mai 1948 et s’était poursuivi quelque temps après.

Dans l’après-midi du 14 mai, avant que le sang n’ait eu le temps de sécher, David Ben-Gourion proclama l’État colonial d’Israël. Il a eu l’audace de demander aux Palestiniens, le peuple du pays de Palestine, de recourir à des moyens pacifiques pour coexister avec les colons.

C’est quelque chose que votre article n’a jamais mentionné. Vous n’avez jamais qualifié de Palestiniens les gens de Burayr, bien qu’ils le soient et que leur pays soit en Palestine. Le fait que des hordes de Russes, de Polonais, de Hongrois et de Bulgares venus de l’Europe de l’Est sont descendus sur la Palestine pour les tuer et s’emparer de leur pays est un crime de guerre actuel, et non une tentative de recherche archéologique. La revendication des colons d’être les Palestiniens originaux (et non le peuple de Burayr) est aussi ridicule que si les Nigérians prétendaient être des Norvégiens.

Les gens de Burayr sont désormais des réfugiés dans le camp de concentration qu’est la bande de Gaza, à quelques kilomètres à l’ouest. Ils souffrent toujours des crimes de guerre israéliens permanents, comme tout récemment, il y a quelques semaines, quand l’opération « Breaking Dawn » (Aube naissante) a tué 49 personnes, dont 17 enfants.

Si vous désirez étendre votre recherche afin d’y inclure la vérité, consultez donc « Anatomie d’un massacre – Burayr – District de Gaza », ainsi que « Les massacres, une arme de l’épuration ethnique ».

Les informations sur la Palestine pendant l’infâme Mandat britannique, qui se termina lors de la Nakba (ou « catastrophe ») palestinienne en 1948, sont aisément disponibles, par exemple dans « L’Atlas de la Palestine, 1917-1966 ».

Vous faites référence aux « Bédouins » comme source d’information. Qui sont ces « Bédouins » ?

Ils constituent ce qui a pu rester (10 pour 100) de la population du district de Beer Sheba après son expulsion par les Israéliens entre octobre et décembre 1948. Comme Burayr et 43 autres villages, ils ont été attaqués, expulsés et contraints de se réfugier. Leur expulsion fut facilitée par nombre de massacres, dont le plus sauvage fut celui d’Al-Dawayima, au cours duquel 500 (certains rapports disent 1000) fermiers furent tués.

N’empêche, ces « Bédouins » sont des Palestiniens, nominalement, des citoyens israéliens, qui ont été dépouillés de leurs terres et déportés vers une « réserve » à 15 km à l’est, pour vivre dans des villages « non reconnus ». Vous les avez croisés parce qu’il ne leur a pas été permis de rentrer chez eux, bien qu’ils aient été des voisins de Burayr.

Vous feriez bien d’étendre vos lectures en consultant les nombreux comptes rendus récents des organisations internationales en faveur des droits humains estimant Israël coupable du crime d’apartheid, tel l’incontournable rapport de Human Rights Watch, « A Threshold Crossed» (Un seuil franchi), ou celui d’Amnesty International, « L’apartheid d’Israël contre les Palestiniens ».

Ou, mieux encore, allez un peu vers le sud et rencontrez la véritable population de Burayr dans le camp de réfugiés. Ils vous expliqueront mieux vos « excavations », le matériau de leurs existences terminées. Ils vous donneront plus de détails et vous montreront une douzaine de livres qu’ils ont écrits sur leur village. Nous pouvons vous envoyer des vidéos d’au moins une demi-douzaine de témoignages.

On peut écrire bien davantage sur ce sujet.

La valeur intrinsèque de la recherche est l’honnêteté.

Un travail incomplet, partial, déformé ou motivé politiquement n’est pas de la recherche. C’est un tract de propagande.

Ce principe est très bien connu de l’éditeur de BASOR. On ignore comment l’article a échappé à son examen.

Espérons qu’il sera retiré ou corrigé.

Dr Salman Abu Sitta

Palestine Land Society, UK (Société de la terre de Palestine, Royaume-Uni)

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Publié le 3 septembre 2022 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Lisez également :  « Les massacres, une arme de l’épuration ethnique ».

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