La Conférence populaire palestinienne : 14 millions
« Il serait malaisé de tomber sur un Palestinien de bon sens qui accepterait le monopole et l’échec » – La Conférence populaire palestinienne : 14 millions
Rima Najjar, 5 novembre 2022
Un changement de paradigme à l’intérieur et à l’extérieur de la Palestine occupée, du fleuve à la mer, est en train de se produire sur la scène politique palestinienne. Il est dirigé par deux mouvements populaires en devenir, Masar Badil, le mouvement palestinien de la voie révolutionnaire alternative et la Campagne nationale de reconstruction de l’OLP.
Le 5 novembre 2022, je suis restée assise trois heures durant dans l’émission Zoom de la Conférence nationale palestinienne : Quatorze millions (un événement organisé par la Campagne nationale de reconstruction de l’OLP), à écouter des débats puissants, sans précédent, incluant de façon très remarquable une déclaration désincarnée dans la voix d’un prisonnier palestinien qui avait été transmise passablement affaiblie par le téléphone, des déclarations d’activistes de « l’intérieur » ainsi que de Cisjordanie, de la bande de Gaza et de nombreux endroits de la planète. Le simple fait que la Conférence avait lieu était déjà en soi un petit miracle mineur.
À la fin de l’événement, la formation d’un Comité de direction nationale avec des membres de Cisjordanie, de la bande de Gaza, de l’intérieur de la Palestine, des camps de réfugiés et de la diaspora a été annoncée et les noms de ses membres ont été proclamés.
L’une des tâches de ce comité consistera à assurer le soutien nécessaire à l’actuelle intifada et à lancer un appel à une participation la plus répandue possible à la résistance à Israël à l’intérieur et aussi à l’extérieur, sur les fronts palestiniens, arabes et internationaux. Une autre tâche consistera à intensifier les efforts pour stimuler la détermination de la bande de Gaza et briser le siège injuste qui lui est imposé, le tout étant décrit comme étant de la responsabilité non seulement palestinienne, mais aussi arabe, tant individuelle que collective.
Le mot « révolutionnaire » ne figure pas dans le titre de cette Campagne de reconstruction de l’OLP, et certaines personnes pourraient percevoir la chose comme une simple volonté de réforme de l’ordre existant, mais il est tout aussi révolutionnaire dans sa conception que la Voie alternative révolutionnaire : Masar Badil.
Au cœur de l’idée de la reconstruction de l’OLP, il y a la volonté d’honorer les sacrifices des prisonnier·e·s et martyr·e·s palestinien·ne·s. La Conférence lance un appel en faveur d’une alternative à la gouvernance politique de l’Autorité palestinienne (AP), en revendiquant ce droit de façon démocratique pour la totalité du peuple palestinien, où qu’on puisse le trouver. La Conférence a établi un cadre qui sert la lutte pour le retour et la libération sous toutes ses formes, loin des chaînes et fers d’Oslo, loin du monopole et de la corruption de l’AP et de sa complicité avec le régime sioniste.
Aussi bien la Campagne que Masar Badil s’appuient sur le pouvoir qui réside dans la volonté du peuple palestinien et qui dérive de ses sacrifices tout au long de ces nombreuses décennies, et ce, depuis la création par la violence de l’État sioniste juif sur la terre palestinienne et le nettoyage ethnique de son peuple.
Ce pouvoir, le pouvoir populaire du peuple palestinien, est précisément ce qui effraie et Israël et l’AP. La réaction de ces deux entités à ce qui se passe sur la scène de la résistance palestinienne est la répression et la tromperie :
Par exemple, le Conseil national palestinien (CNP), qui se trouve actuellement sous le contrôle étouffant de l’AP, a faussement accusé la Conférence populaire palestinienne de
« tenter de contourner l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), la seule représentante légitime du peuple palestinien et des efforts d’unification des Palestiniens ».
Une interdiction officielle a été décrétée contre la Conférence sur les fausses allégations disant qu’elle constitue « une tentative en vue de créer un substitut à l’OLP ».
Par exemple, le Syndicat juif de l’information a accusé faussement Mohammed Khatib, le coordinateur pour l’UE du Réseau Samidoun de solidarité avec les prisonniers palestiniens, d’appeler à « la destruction des EU et de l’UE à Bruxelles », le 29 octobre, au cours de la « Marche pour le Retour et la Libération ». Voici ce qu’a dit réellement Khatib, sur la vidéo « Mohammed Khatib speaks at the March for Return and Liberation and March Highlights » (MK parle lors de la Marche pour le Retour et la Libération – Les moments forts de la Marche) :
Autre exemple. Une déclaration prétendument signée au nom des factions de l’OLP et des indépendants nationaux au sein de l’Autorité nationale de l’action en Espagne et diffusée par l’ambassade palestinienne en Espagne a fait de l’incitation contre les dirigeants de Masar Badil, ce qui a poussé l’un de ces signataires supposés (le Front populaire pour la libération de la Palestine) à publier une réfutation de la déclaration.
La réalité est tout autre que ce qui est faussement affirmé ci-dessus. Pour reprendre les mots de Yousef Rizqa, analyste politique et professeur de littérature et de critique littéraire à l’Université islamique de Gaza,
« la Conférence du peuple a mis l’accent sur l’unité du peuple palestinien et sur la représentation par l’OLP des Palestiniens, mais elle a également exigé des actions qui nous aideraient à sortir de cet état d’échec chronique. Ces actions comprennent l’organisation d’élections pour le Conseil national palestinien, en conformité avec la période légale mentionnée dans la charte de la Conférence, une réforme et une réhabilitation de l’OLP, la lutte contre la corruption, contre le monopole du pourvoir et l’activation du rôle du peuple par le biais des élections (…) Vous pourriez difficilement trouver un Palestinien de bon sens qui accepterait le monopole et l’échec et, ainsi donc, toute personne qui veut monopoliser l’autorité doit au moins connaître le succès ; les perdants n’ont pas le droit de monopoliser l’OPL (…) Le monopole, la corruption et l’échec doivent prendre fin avec ou sans une alternative, et la plus appropriée, dans notre cas, est l’autoréforme en conformité avec la volonté populaire. »
Mohsen Mohammad Saleh, professeur associé d’Histoire arabe moderne et contemporaine à l’Université islamique internationale de Malaisie, met également en lumière la portée de la Conférence :
« Les organisateurs de la Conférence populaire ont cherché une société non partisane indépendante qui allait mobiliser et absorber diverses forces et segments du peuple palestinien, et organiser efficacement leurs potentiels de sorte qu’elles s’engageront dans tous les aspects de la vie publique. Ceci contribuerait à l’établissement d’un environnement mature sain qui aiderait l’action nationale, le processus décisionnel palestinien et qui soutiendrait la détermination du peuple palestinien chez lui. Dans le même temps, et la chose a été mentionnée par les organisateurs, en dépit du fait que la Conférence populaire a une mission politique, elle n’est pas un parti politique, pas plus qu’elle n’est sujette à des quotas et à des calculs partisans, en outre ; elle n’inclut pas le moindre symbole factionnel, ni dirigeant de faction, bien que la Conférence populaire soit ouverte aux gens de différentes affiliations afin qu’ils y participent en tant qu’individus, mais sans être représentatifs de leurs factions. »
Ce qui reste à voir maintenant, c’est comment cette Campagne de reconstruction de l’OLP parviendra à transférer le relais aux générations plus jeunes. La plupart des orateurs à la Conférence étaient des anciens vétérans habitués à la lutte pour la libération. Ce qu’ils devraient faire, à mon sens, s’inspirer des pratiques de Masar Badil à cet égard, Masar Badil dont les dirigeants, les membres et les supporters sont jeunes pour la plupart, des Palestiniens, des Arabes et des internationaux de moins de 30 ans, qui forment un Front unifié mondial et sont passionnés par le retour en Palestine et sa libération.
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Rima Najjar est une Palestinienne dont la branche paternelle de la famille provient du village dépeuplé de force de Lifta, dans la périphérie occidentale de Jérusalem et dont la branche maternelle de la famille est originaire d’Ijzim, au sud de Haïfa. C’est une activiste, une chercheuse et une professeure retraitée de littérature anglaise, à l’Université Al-Quds, en Cisjordanie occupée.
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Publié le 7 novembre 2022 sur le blog de Rima Najjar
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine