Le Qatargate donne des migraines au lobby israélien
Pour une fois, je puis apporter de bonnes nouvelles. Le lobby israélien a des migraines. Suite au scandale de corruption du nom de Qatargate, des représentants élus siégeant à Bruxelles ne veulent pas être pris sous l’influence des groupes de pression. Il s’avère que la poussée vers une plus grande transparence a compromis une nouvelle initiative soutenant les accords d’Abraham – des accords de normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes.
David Cronin, 17 février 2023
Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen, a fait savoir que, plus tard ce mois-ci, elle assisterait au lunch de l’Abraham Accords Network (Réseau des accords d’Abraham). N’empêche que, lorsque j’ai contacté le cabinet de Metsola, son porte-parole m’a répondu : « Selon les informations dont je dispose, cette rencontre n’aura pas lieu. »
L’annulation de l’événement serait une déconvenue pour David Lega, un membre suédois du Parlement européen, qui avait été désigné comme chef du réseau. Dans une vidéo récente, il avait déclaré que la formation de l’alliance interpartis avait requis deux années de travail.
https://www.youtube.com/watch?v=CNuzSDTQwGk&embeds_euri=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2F&feature=emb_imp_woyt
La vidéo donne un aperçu de la façon dont des lobbyistes douteux s’immiscent dans les affaires de l’UE.
David Lega avait déclaré qu’il avait reçu l’« inspiration » de la formation d’une alliance en vue de promouvoir les accords d’Abraham au cours d’un voyage au Moyen-Orient. Ce voyage avait été arrangé par l’European Leadership Network, une organisation pro-israélienne.
Un objectif central de l’alliance consisterait à trouver « de nouvelles façons de rassembler des majorités » au sein du Parlement européen, avait déclaré David Lega.
La chose en soi est troublante.
Le but tacite derrière les accords d’Abraham est d’encourager de plus grandes ventes d’armes entre Israël et d’autres pays du Moyen-Orient, tout en supprimant les droits palestiniens de l’agenda. David Lega veut que le Parlement européen pèse de tout son poids derrière ces efforts.
Bien faire ?
Mais ce qui est vraiment révélatif, c’est ce que David Lega a à dire sur le Qatargate et ses implications. Lui et d’autres défenseurs d’Israël sont manifestement énervés par les allégations disant que le Qatar a payé de grosses sommes d’argent liquide à certains députés avant la Coupe du Monde.
« Les gens sont effrayés, maintenant, et ils veulent montrer qu’ils font des choses pour empêcher cela »,
a déclaré David Lega.
« Mon embarras vient du fait que les limites qu’ils imposent n’affecteront pas les gens qui veulent tricher, mais uniquement nous qui voulons bien faire. »
Loin de « bien faire », en réalité, David Lega a diffusé certains des mensonges les plus pernicieux d’Israël.
En compagnie de quelques collègues, il a noirci des organisations palestiniennes des droits humains en les qualifiant de « terroristes ».
Et il a prétendu que du matériel antisémite était largement utilisé dans les écoles palestiniennes. Le lobby israélien colporte ce mythe depuis très longtemps.
Le voyage susmentionné qui a donné à David Lega l’« inspiration » de travailler avec plus de diligence dans la promotion des accords d’Abraham a eu lieu en novembre 2021. Rompant avec les règles du Parlement européen, David Lega n’avait pas fait enregistrer sa participation au voyage, à l’époque, a rapporté le quotidien belge Le Soir.
Le Soir a découvert qu’Israël faisait partie des trois principales destinations des voyages entrepris par des parlementaires européens suite à des invitations émanant d’organisations extérieures.
Bien que David Lega ait enfreint les règles, en ce qui concerne l’un de ces voyages, il y est allé de déclarations officielles après avoir participé à des voyages organisés par deux autres organisations pro-israéliennes, B’nai B’rith et l’American Jewish Committee.
Il a également déclaré qu’il avait discuté des accords d’Abraham avec des diplomates et des lobbystes lors de diverses rencontres au quartier général du Parlement européen.
Qu’ils donnent ou pas de l’argent liquide à des députés européens, il existe des preuves volumineuses qu’Israël et ses groupes de pression achètent des influences à Bruxelles.
Ils s’étaient abstenus de le faire jusqu’à présent – peut-être, en partie, parce que certains des personnages les plus en vue de la hiérarchie de l’UE s’étaient permis d’être charmés et compromis par Israël.
L’an dernier, Roberta Metsola s’était adressée à l’assemblée nationale d’Israël, la Knesset, en sa qualité de présidente du Parlement européen. Elle était restée deux nuits à l’hôtel King David de Jérusalem, et c’était l’État israélien qui avait réglé la note.
Le Qatargate a incité Roberta Metsola à promettre de nouvelles mesures afin de garantir que le Parlement européen n’était « pas à vendre ».
Son engagement envers la transparence et la probité a du retard.
Suite à son discours à la Knesset, j’ai introduit une requête au nom de la liberté d’information afin de voir toutes les notes de briefing qu’elle avait consultées alors qu’elle se préparait à cette intervention.
Jusqu’à présent, le Parlement européen a refusé de libérer ces documents.
La culture du secret à Bruxelles est un problème majeur et il facilite très probablement la corruption. Tant que cette culture ne changera pas, les assurances que les hommes politiques ne sont pas à vendre resteront sans valeur.
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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”.
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).
Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité.
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Publié le 17 février 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine