La normalisation arabe avec Israël est une nouvelle farce douteuse de la politique internationale

La récente normalisation arabe avec Israël n’est pas qu’un signe d’échec, de trahison et de défaitisme, mais une autre confirmation de la montée du trumpisme, de la discrimination, du racisme d’extrême droite, de l’inégalité et de l’apartheid universel à l’échelle du monde.

Des femmes et des enfants palestiniens assis devant une tente à Khirbet Humsu, en Cisjordanie, le 6 novembre 2020. Les troupes israéliennes ont démoli 18 tentes et autres structures qui abritaient 74 personnes, selon B'Tselem, une organisation israélienne pour les droits humains. (Photo : AP / Majdi Mohammed)

Des femmes et des enfants palestiniens assis devant une tente à Khirbet Humsu, en Cisjordanie, le 6 novembre 2020. Les troupes israéliennes ont démoli 18 tentes et autres structures qui abritaient 74 personnes, selon B’Tselem, une organisation israélienne pour les droits humains. (Photo : AP / Majdi Mohammed)

Majed Abusamala, 16 novembre 2020

Ces quelques derniers mois, une farce politique internationale s’est déroulée entre certains États arabes – les EAU, Bahreïn et, tout récemment, le Soudan – avec l’annonce de la normalisation de leurs liens avec Israël. Les décideurs politiques et gouvernements occidentaux ont célébré cette normalisation arabo-israélienne. Toutefois, le peuple arabe – dans ses mouvements citoyens, dans les rues et sur les plates-formes des médias sociaux – a conspué et délégitimé ces développements politiques qui, dit-il, ont été dictés par les régimes non élus de ces États et ne reflètent donc pas la volonté de leurs citoyens. La déception des Émiratis, des Bahreïniens, des Soudanais et de bien d’autres Arabes montre qu’ils considèrent ces accords de paix et cette normalisation sous toutes ses formes comme une trahison.

Pour la plupart des Palestiniens et des Arabes, la normalisation des relations entre les États du Golfe et Israël n’a pas été une surprise. Depuis de nombreuses années, ils se rendent compte que les gouvernements des EAU et de Bahreïn normalisent leurs relations avec Israël, même de façon non officielle et dissimulée. La seule différence, aujourd’hui, c’est qu’ils ne sont manifestement pas du tout gênés de le déclarer en public. Les EAU ont prétendu que, dans le cadre de leur accord de normalisation, ils avaient arraché la promesse qu’Israël mettrait un terme à ses plans visant à annexer en juillet d’importantes parties de la Cisjordanie occupée.

Mais, en fait, il y a longtemps qu’Israël a annexé la Cisjordanie et, depuis les accords avec les États du Golfe, il a continué de traiter la zone comme un territoire israélien souverain. Ces 52 dernières années, le gouvernement israélien a construit plus de 200 colonies et postes avancés et il a transféré plus de 620 000 colons juifs israéliens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, en violation manifeste des lois internationales. Leur impact destructeur a modelé la vie de chaque Palestinien de la Cisjordanie occupée.

Et, ici, nous n’avons encore rien dit des massacres et crimes continuels contre l’humanité perpétrés dans la bande de Gaza en état de siège et devenue invivable. Israël a rompu les promesses qu’il avait faites lors des accords d’Oslo de 1993. Il a ignoré des propositions telles que l’Initiative de paix arabe de 2002, qui requérait qu’Israël retire ses colonies illégales de Cisjordanie et de tous les territoires arabes occupés depuis juin 1967 et qu’il rende possible une solution juste à la question des réfugiés palestiniens, y compris une proposition constructive comme celle d’un seul État laïque pour tous, où chaque Israélien et chaque Palestinien jouiraient de l’égalité, de la justice et de la dignité.

Cet isolement de la Palestine ne fait qu’alimenter un feu allumé par la politique désastreuse de l’administration Trump et par le silence, la neutralité et la complicité des autres puissances occidentales, ajoutant ainsi l’insulte à l’injure. Depuis des décennies, les gouvernements occidentaux font de leur mieux pour légitimer leur propre approche du haut vers le bas de la paix, laquelle n’a rien à voir avec les conditions sur le terrain. Au lieu de cela, cette approche alimente la colère locale contre le refus de l’Occident de reconnaître le droit des Palestiniens à l’autodétermination et au retour et contre l’absence absolue d’efforts en vue de contrer la politique coloniale d’implantation, la criminalité israélienne et l’apartheid existant en Israël/Palestine sous contrôle colonial israélien.

Pendant ce temps, la plus longue occupation militaire du monde se poursuit. Des millions de réfugiés palestiniens enregistrés auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) vivent dans des camps de réfugiés en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, au Liban, en Jordanie et en Syrie, et plus encore vivent en exil partout sur la planète depuis 1948. Tous se sentent désormais abandonnés par ces dernières démarches particulièrement cyniques des États arabes qui, naguère encore, prétendaient les soutenir.

L’opposition à toute forme de normalisation avec Israël est liée à la longue histoire de l’oppression des Palestiniens et des Arabes par les Israéliens et à la question de l’établissement d’une paix juste pour les Palestiniens. C’est une position affirmée depuis de longues décennies par les gens de conscience en vue de contrer l’oppression des Palestiniens par Israël. Les Arabes ne perçoivent pas Israël comme un pays voisin normal, mais comme le colonisateur de la Palestine, comme un agresseur depuis nombre de décennies et comme l’occupant d’autres territoires arabes, dont les hauteurs syriennes du Golan et le sud du Liban. .

Traiter Israël d’État normal signifie normaliser sa domination coloniale sur les Palestiniens. Négliger en permanence de s’exprimer au nom des Palestiniens et de revendiquer leurs droits humains, comme ont choisi de le faire les gouvernements des EAU, de Bahreïn et du Soudan constitue la violation la plus manifeste des appels à rejeter la normalisation. Les tout récents accords avec Israël n’apporteront pas la stabilité dans la région mais plutôt la défiance, la colère et le chaos. Il ne s’agit pas de faire progresser une paix juste dans la région, mais d’établir une complicité entre Israël et les monarchies oppressives et les dictatures arabes. Trump, les parties d’extrême droite et Israël sont les seuls bénéficiaires de ces accords de normalisation.

Les Palestiniens rejettent la notion de coexistence avec l’oppression, l’occupation et l’apartheid israéliens comme un moyen d’instaurer une paix morale et une confiance politique. Tout ceux qui croient en une paix véritable devraient s’opposer aux normalisations officielles semblables à celles auxquelles nous avons assisté tout récemment. Néanmoins, il nous faut œuvrer pour donner vie à une « normalisation » entre peuples qui puisse amener une paix durable, sans laquelle l’apartheid, l’occupation, l’annexion, la construction de colonies et autres violations des droits de l’homme par Israël se poursuivront.

Depuis des décennies, les Palestiniens invitent – et accueillent favorablement – tous ceux qui croient en la justice, y compris les Juifs et les courageux Israéliens qui rejettent la politique de leur État à rallier la résistance à l’oppression et l’apartheid israéliens et à contribuer à poser les fondations d’une paix véritable censée durer des siècles.

Un avenir radicalement juste et pacifique peut être instauré si nous abordons le fond du problème. L’idéologie du sionisme doit être démantelée, puisque, en dernier recours, elle fait du tort aux Juifs autant qu’aux Palestiniens. La liste des changements qu’Israël doit opérer afin d’être exonéré et perçu comme faisant partie de la région plutôt que de constituer une énorme colonie occidentale au milieu des pays arabes, est longue, mais la tâche n’est pas impossible.

Pourtant, il est inconcevable d’imaginer la moindre normalisation sans le retrait d’Israël de toutes les terres arabes qu’il occupe, sans que soit mis un terme à l’apartheid israélien et sans le retour des réfugiés palestiniens dans leurs foyers. C’est une approche organique du bas vers le haut qui appartient aux peuples arabes et palestinien et qui apportera une paix juste et la réconciliation aux filles et aux fils de la Palestine colonisée.


Publié le 16 novembre 2020 sur Inside Arabia
Traduction : Jean-Marie Flémal

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