Les Palestiniens font le Ramadan en pleine répression israélienne

Cette semaine, les Palestiniens ont accueilli le début du Ramadan en diplomates soucieux d’éviter une escalade comme celle qui avait secoué toute la Palestine du fleuve à la mer, en mai 2021.

Ramadan 2023. Des Palestiniennes franchissent le check-point militaire israélien de Qalandiya pour assister aux prières du vendredi à Jérusalem

Vendredi 24 mars 2023. Des Palestiniennes franchissent le check-point militaire israélien de Qalandiya pour assister aux prières du vendredi à Jérusalem. (Photo : APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 24 mars 2023

Pour le premier jour du mois de jeûne, Israël a abattu et tué l’un des fondateurs d’une nouvelle organisation de résistance armée dans la ville de Tulkarem, en Cisjordanie occupée.

Amir Abu Khadijeh, 25 ans, a été abattu au cours d’un raid. La Brigade de Tulkarem a déclaré qu’il s’agissait d’un « assassinat ».

De son côté, la police israélienne des frontières a prétendu que ses hommes avaient ouvert le feu après qu’Abu Khadijeh eut pointé une arme sur eux, rapporte Al Jazzera.

Quatre-vingt-cinq Palestiniens ont été tués en Cisjordanie par la police, les soldats et les colons israéliens depuis le début de l’année, d’après les calculs de The Electronic Intifada.

Environ 60 ont été tués, dont un grand nombre lors de raids, dans le nord de la Cisjordanie, qui a supporté le poids des efforts israéliens en vue de briser la résurgence de la résistance armée durant toute l’année écoulée.

Une semaine avant le début du Ramadan, les forces secrètes israéliennes ont infiltré la ville de Jénine (dans le nord de la Cisjordanie) et tué quatre Palestiniens, dont un enfant, lors d’un raid diurne dans le centre-ville très animé.

S’exprimant dans les colonnes du quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, un responsable de la chambre de commerce de Jénine a déclaré que des Palestiniens de l’intérieur d’Israël se rendent toujours en visite dans la ville et ce, malgré les raids,  « qui ne servent qu’à exacerber les tensions ».

Ghassan Daghlas, un responsable de l’Autorité palestinienne qui vit à Burqa, un village du nord de la Cisjordanie, a décrit pour Haaretz la lenteur des trajets en raison des restrictions de mouvement encore accrues par Israël autour de Huwwara, où deux colons avaient été abattus avant que le village ne soit attaqué à son tour en guise de représailles.

« Que nous aimions ça ou pas, c’est d’Israël que dépend que nous ayons une atmosphère de Ramadan »,

a déclaré Daghlas.

« Un autre raid et un autre mort ne servent en aucun cas l’intérêt de faire naître le calme – c’est tout le contraire. »

Mercredi, Tor Wennesland, l’envoyé au Moyen-Orient du secrétaire général de l’ONU, a invité ardemment

« tous les camps à s’abstenir de démarches unilatérales susceptibles d’exacerber les tensions »

au cours de la période de fêtes qui couvre le Ramadan, la Pâque des juifs et les Pâques chrétiennes.

Lors de son briefing devant le Conseil de sécurité, Wennesland a ajouté que

« le statu quo sur les lieux saints à Jérusalem doit être respecté ».

Les responsables des biens religieux islamiques ont déclaré que, ce jeudi, près de 300 extrémistes placés sous la garde de la police israélienne avaient pénétré sur le site de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem.

Les extrémistes « ont accompli des rites juifs en violation de l’accord de statu quo qui règne sur le site », a rapporté The New Arab.

Des dizaines de milliers de fidèles musulmans ont prié à al-Aqsa en ce premier vendredi du Ramadan.

Selon l’agence Reuters, Israël a annoncé en début de semaine qu’

« il permettrait aux hommes palestiniens de plus de 55 ans, aux femmes de tous âges et aux enfants de moins de 12 ans de voyager depuis la Cisjordanie occupée pour se rendre à Jérusalem sans les permis délivrés par l’armée ».

Les organes de presse palestiniens ont publié des photos de foules entières qui tentaient de franchir les check-points militaires israéliens afin de se rendre à Jérusalem pour les prières du vendredi :

 

Malgré l’allègement des restrictions, certains Palestiniens ont été refoulés au moment où ils tentaient d’entrer à Jérusalem :

 

Les Palestiniens de Gaza âgés de plus de 50 ans et plus « seront en mesure de demander des autorisations de se rendre à Jérusalem » du dimanche au jeudi pour autant que la situation reste stable, et ils seront soumis à des quotas, ont annoncé les autorités d’occupation.

Le ministère israélien des Affaires étrangères a publié dans les médias sociaux une photo montrant des fidèles, avec le Dôme du Rocher à l’arrière-plan et scandant « liberté de culte » face au site sacré.

Mais comme le fait remarquer Ir Amim, une organisation israélienne des droits humains,

« la période sainte à Jérusalem est souvent chargée d’une tension à la hausse et de menaces de violence en conséquence directe de la politique israélienne à l’égard des fidèles ».

Et l’organisation d’ajouter que, lorsque la police

« ne perçoit pas l’expression de la vie communautaire palestinienne comme un rassemblement dangereux devant être dispersé avec hostilité, le Ramadan se déroule avec un minimum d’incidents ».

Déjà, lors du présent Ramadan, des policiers sous le manteau ont recouru à la violence contre des Palestiniens rassemblés à la porte de Damas menant à la Vieille Ville de Jérusalem pour y célébrer la rupture du jeûne :

 

La décision prise par la police israélienne d’empêcher les Palestiniens de se rassembler à la porte de Damas lors du Ramadan faisait partie d’une série de mesures de provocation imposées à Jérusalem et qui avaient abouti à une offensive militaire de 11 jours contre Gaza et provoqué le soulèvement de l’Unité contre la domination israélienne dans toute la Palestine.

Vendredi, Haaretz a rapporté que

« plus de 2 300 policiers veilleront sur la Vieille Ville et sur ses environs lors des prières de midi ».

Le journal ajoutait que la municipalité de Jérusalem – dirigée par les Israéliens –

« avait également investi des fonds dans la production d’événements culturels et sportifs au profit des fidèles palestiniens » afin d’« empêcher d’importants rassemblements de jeunes à la porte de Damas ».

Toujours selon Haaretz,

« des documents internes de la Ville suggèrent que celle-ci tente de dissimuler le fait que les stands et activités sont financés par la municipalité et ce, afin d’éviter le risque d’être snobés par le public palestinien ».

Pendant ce temps, les autorités carcérales israéliennes ont, paraît-il, atteint un arrangement afin d’éviter une grève de la faim massive parmi les prisonniers palestiniens durant le Ramadan.

Le directeur du Club des prisonniers palestiniens a déclaré aux médias que les prisonniers demandaient que

« toute modification dans les conditions de leur emprisonnement soit discutée au cabinet et non décidée par les lubies personnelles »

d’Itamar Ben-Gvir, le ministre israélien de la sécurité nationale.

En février, Ben-Gvir avait enjoint au Service carcéral israélien de limiter « les douches à quatre minutes par individu ou à une heure d’eau courante par aile de prison, », avaient déclaré des organisations des droits humains au début de ce mois.

« Cette restriction succède à l’interdiction des fours dans les prisons de Nafha et de Ketziot, ce qui s’est traduit par une diminution sensible de la quantité de pain fournie »,

ont ajouté les organisations.

Les organisations des droits ont remarqué un « accroissement de la brutalité et de la violence » contre les prisonniers palestiniens.

L’accord en vue de suspendre une grève de la faim massive est venu après que la direction à Ramallah et à Gaza

« a exercé des pressions via les médiateurs égyptiens qui s’étaient rencontrés à Sharm el-Sheikh (…) afin d’éviter une escalade des tensions lors du Ramadan »,

a rapporté Haaretz.

Les responsables israéliens et ceux de l’Autorité palestinienne se sont rencontrés dimanche dans la ville égyptienne dans le cadre d’un effort initié par les EU en vue de passer la période des fêtes sans escalade de la violence.

Israël a déjà trahi ses engagements de Sharm el-Sheikh en publiant des appels d’offres pour plus de 1 000 nouvelles unités de peuplement en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est.

Mais Israël a restitué les corps des Palestiniens abattus par ses troupes (*), et ce, dans le cadre de « mesures censées installer la confiance » et encouragées par Washington.

Israël retient les corps des Palestiniens tués au cours d’agressions et d’agressions supposées ou réelles, de façon à pouvoir les utiliser comme monnaie d’échange au cours de futures négociations.

Vendredi, Israël a transféré les corps de Tariq Maali et de Karam Salman.

Selon l’organisation de contrôle des Nations unies, l’OCHA, Maali avait été

« abattu et tué par un colon israélien dans un avant-poste nouvellement installé près de Ramallah, « lors d’une tentative d’agression au couteau, comme le montre une capture de vidéo publiée dans les médias israéliens ».

Salman, qu’on a prétendu armé d’une arme de poing, a été

« mortellement abattu par un garde de la sécurité à proximité de la colonie de Kedumim, dans le nord de la Cisjordanie »,

avait rapporté The Times of Israel le 29 janvier.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 24 mars 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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(*) Il s’agit du transfert de deux corps de Palestiniens abattus par les forces israéliennes.

En décembre 2022, les corps d’au moins 118 martyrs palestiniens se trouvaient dans des morgues israéliennes, alors que 253 autres étaient enterrés dans « les cimetières des nombres ».

Lisez aussi : A l’occasion de la fête des mères, les Palestiniennes se mobilisent pour leurs enfants martyrs et leur liberté.

 

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