Les règles ordinaires ne s’appliquent pas à la coordinatrice européenne contre l’antisémitisme

Les règles qui s’appliquent à tout fonctionnaire de l’UE ont été laissées de côté au profit de Katharina von Schnurbein, la coordinatrice européenne contre l’antisémitisme, aux connexions étroites avec Israël.

Prise de parole de la coordinatrice européenne contre l’antisémitisme lors du « sommet » du lobby israélien de Berlin

Prise de parole de Katharina von Schnurbein lors du « sommet » du lobby israélien de Berlin. (Photo : via Facebook)

 

David Cronin, 31 mars 2023

« Tourmente » est le mot qui n’a cessé de découler des gros titres ces quelques derniers jours.

Apparemment, les médias traditionnels considèrent que c’est le terme le mieux choisi pour décrire la saga qui met en scène Benjamin Netanyahou comme personnage principal. Désormais, après son tout dernier épisode, le Premier ministre israélien a bien moins l’air d’un mâle dominant invincible qu’il ne l’avait avant d’hésiter – provisoirement peut-être – à faire éclater un système judiciaire qui ne témoigne pas suffisamment de déférence à lui-même et à ses alliés.

Heureusement pour eux, de nombreux partisans d’Israël en Occident sont à l’abri de la tourmente.

Un « sommet » convoqué par le lobby qu’est l’European Leadership Network a eu lieu comme prévu – bien qu’avec des changements mineurs dans son agenda – à Berlin cette semaine.

L’événement se conformait au scénario habituel : présumer que toute personne qu’Israël perçoit comme adversaire – universitaire, activiste ou fabricant de crème glacée – est en fait motivée par son hostilité à l’égard des juifs.

Katharina von Schnurbein, la coordinatrice de l’Union européenne contre l’antisémitisme, était fortement demandée à ce « sommet ».

 

Elle n’a guère paru embarrassée qu’un certain nombre de députés lui aient demandé de se retirer.

Ces députés étaient outrés par l’inclusion d’Amichai Chikli dans le programme original de l’événement.

Chikli a un penchant pour les débordements racistes. Il est allé jusqu’à prétendre que toute une génération palestinienne a été élevée « dans l’esprit des Jeunesses hitlériennes ».

 

Alors que, finalement, Chikli s’est trouvé dans l’impossibilité d’assister au « sommet », von Schnurbein n’a pas osé décevoir l’European Leadership Network.

Elle participe régulièrement aux activités du groupe et elle a d’ailleurs signalé qu’elle désirait maintenir ce cours des choses.

Dans une discussion enregistrée sur vidéo, il y a quelques mois, von Schnurbein a confirmé qu’elle avait déjà accepté une invitation à la « conférence politique » annuelle de 2023 de l’European Leadership Network. Il s’agit d’un événement séparé du « sommet » de cette semaine et il est prévu à Paris, en mai prochain.

Des documents obtenus via une requête au nom de la liberté d’information montrent que l’European Leadership Network courtise volontiers von Schnurbein. Il a en effet exprimé le désir d’« honorer » son travail.

Quand l’European Leadership Network sponsorise des tables dans des dîners de gala, von Schnurbein se trouve aux premiers rangs de sa liste d’invités de prédilection, à en juger par ces documents.

 

Conformément aux réglementations s’appliquant au personnel de l’UE, elle a besoin de la permission de la hiérarchie de Bruxelles pour accepter des dons « de quelque nature que ce soit » de la part d’institutions extérieures.

Von Schurbein n’a pas répondu quand on lui a demandé si elle s’était mise en quête d’une quelconque approbation avant d’accepter de consommer des repas financés par l’European Leadership Network.

À l’abri des indiscrétions

Les réglementations s’appliquant au personnel disent aussi que les fonctionnaires

« ne chercheront pas à prendre des instructions auprès de quelque gouvernement, autorité, organisation ou personne que ce soit en dehors de leur propre institution ».

Von Schnurbein a l’habitude d’enfreindre l’esprit et probablement la lettre de cette règle.

Bien que la description officielle de son travail ne mentionne même pas une seule fois Israël, elle aide constamment cet État et ses avocats professionnels dans le but d’instrumentaliser l’antisémitisme.

Dans une autre requête introduite au nom de la liberté d’information, je demandais à voir des copies de toute la correspondance échangée entre von Schnurbein et le gouvernement israélien depuis qu’elle a entamé ses fonctions actuelles, c’est-à-dire décembre 2015. La Commission européenne (l’exécutif de l’UE) a répondu qu’elle avait identifié 21 documents se rapportant à cette correspondance.

Après avoir consulté les autorités israéliennes, la Commission européenne a toutefois refusé de libérer ces mêmes documents. Le faire, a-t-elle prétendu,

« pourrait détruire la protection de l’intérêt public sur le plan de la sauvegarde des relations internationales ».

Se taire à propos des tractations de l’UE avec un État d’apartheid comme Israël ne sert en aucun cas l’intérêt public. Et, dans tout événement, les efforts non soumis au vote et, partant, antidémocratiques, de la Commission européenne en vue de se profiler comme une gardienne de l’intérêt public n’ont absolument pas la moindre crédibilité.

Malgré les efforts pour la protéger des indiscrétions, il est évident que von Schnurbein se conforme à l’agenda d’Israël. Soit elle prend ses instructions directement de cet État et de ses partisans, soit on peut compter sur elle pour régurgiter de son propre chef les points de discussion d’Israël.

En bon nombre d’occasions, je l’ai défiée à propos de ses connexions étroites avec Israël.

En octobre 2021, elle a répondu à l’une de ces mises au défi en citant la stratégie de l’UE en vue de combattre l’antisémitisme (laquelle venait tout juste d’être publiée).

 

La stratégie – lourdement influencée par le lobby pro-israélien – ne dit pas qu’elle peut ignorer les réglementations de l’UE s’appliquant à son personnel.

Celles-ci stipulent

“qu’un fonctionnaire s’abstiendra de toute action et, en particulier, de toute expression publique d’une opinion qui pourrait avoir une incidence sur sa position ».

Von Schnurbein a enfreint cette règle tant et plus. En mai 2021, elle a même accueilli le pouce levé les attaques israéliennes contre Jérusalem et Gaza.

Si les réglementations étaient correctement appliquées, elle aurait fait l’objet de mesures disciplinaires – voire même d’un licenciement – pour avoir applaudi à cette agression.

Mais von Schnurbein n’a pas à craindre d’être réprimandée.

Elle se cantonne sur sa position actuelle depuis plus de sept ans, en fait. L’engagement déclaré de l’Union européenne dans la rotation des emplois – muter les managers à d’autres postes tous les cinq ans, par exemple – a été commodément laissé de côté, dans son cas.

Dans une apparente tentative en vue de paraître équilibrée, la Commission européenne avait désigné un coordinateur contre l’islamophobie le même jour où elle avait fait de von Schnurbein la coordinatrice contre l’antisémitisme.

Depuis lors, au moins trois personnes différentes ont occupé ce poste de coordinateur contre l’islamophobie. Ils ont bénéficié de beaucoup moins de ressources que von Schnurbein et, à certain moment, le poste a même été laissé vacant pendant une longue période.

Manifestement, la bureaucratie de Bruxelles ne combat pas chaque forme de sectarisme en lui attribuant la même urgence.

Son travail autour de l’antisémitisme a été modelé par un lobby qui exploite l’Holocauste et d’autres crimes contre les Juifs européens afin d’ériger un écran de fumée autour d’Israël, de sorte qu’il puisse continuer d’opprimer les Palestiniens en toute impunité.

L’antisémitisme – tel que défini par Israël et son lobby – est une priorité absolue. Pas l’islamophobie.

Et les règles qui s’appliquent à tout fonctionnaire de l’UE ont été d’une manière ou d’une autre laissées de côté au profit de Katharina von Schnurbein.

*****

David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

*****

Publié le 31 mars 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Print Friendly, PDF & Email

Vous aimerez aussi...