Des colons incendient un village palestinien, appliquant ainsi l’agenda des pyromanes israéliens

Un pic des décès, une recrudescence des attaques des colons contre les communautés palestiniennes, des démarches visant à restreindre plus encore les droits politiques des Palestiniens des deux côtés de la Ligne verte, une reprise des assassinats des dirigeants des factions palestiniennes : Cinq mois après sa mise en place, le gouvernement de coalition de Benjamin Netanyahou, tout fragile et divisé qu’il soit, s’en tient toujours à son agenda pur et dur.

 

Une fenêtre brisée d’une maison du village de Burqa, près de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie, après une attaque des colons, le 25 mai 2023.

Une fenêtre brisée d’une maison du village de Burqa, près de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie, après une attaque des colons, le 25 mai 2023. (Photo : Mohammed Nasser / APA images)


Maureen Clare Murphy
, 27 mai 2023

Aucune de ces mesures ne constitue une nouveauté, bien sûr. Mais, avec le gouvernement israélien le plus ouvertement extrémiste jamais constitué et les États tiers lui assurant un environnement d’une impunité quasi totale, la situation sur le terrain pour les Palestiniens est devenue de plus en plus dangereuse.

Cette semaine, le gouvernement israélien a adopté un budget qui, selon les termes d’Al Jazeera, « consolide l’agenda religieux, favorable au peuplement, de la coalition en place » pour les deux années à venir.

À la suite de plusieurs semaines de négociations, le budget a été adopté après une promesse de verser 68 millions de dollars au parti d’extrême droite d’Itamar Ben-Gvir, Force juive, pour l’installation de colonies dans les régions du Néguev et de la Galilée – des régions d’Israël peuplées par des Palestiniens.

Comme le rapporte Associated Press, le budget alloue également « près de 4 milliards de dollars de fonds discrétionnaires, en grande partie destinés aux partis ultra-orthodoxes et favorables aux colons ».

Cela permettra « aux partis purs et durs favorables aux colons de promouvoir leurs projets de prédilection par le biais des ministères qu’ils contrôlent ».

Cela donne des ailes à des personnalités comme Bezalel Smotrich, le ministre des finances d’Israël, qui a ordonné au gouvernement de se préparer au doublement du nombre de colons en Cisjordanie, présentant ses plans comme une « mission primordiale » de l’actuel gouvernement.


Des colons incendient un village

Jeudi, dans le nord de la Cisjordanie, non loin de Naplouse, des colons se sont mis à niveler le terrain en vue de la construction à Homesh d’un avant-poste, et ce, sur des terres privées appartenant à des Palestiniens du village de Burqa.

Le nivellement du terrain a débuté un jour après que des colons accompagnés de soldats ont envahi Burqa, incendiant plusieurs maisons. Jeudi, l’organisation israélienne hostile aux colonies, Peace Now (La paix aujourd’hui) a déclaré que ce travail préparatoire

« est la résultante directe du pogrom qui a eu lieu hier (…) et qui, une fois encore, illustre parfaitement comment un gouvernement de criminels sert les intérêts des colons ».

Plus tôt, mercredi, des diplomates ont visité Burqa « pour en savoir plus sur l’injustice et le danger auxquels les villageois sont confrontés face à la violence des colons de Homesh », rapporte Yesh Din, une organisation israélienne de défense des droits humains. L’attaque contre Burqa à la suite de la visite des diplomates a été perçue comme des représailles de la part des colons de Homesh qui, depuis des années, se livrent à toutes sortes d’actes de violence contre les communautés palestiniennes des environs.

 

Ce genre de visites, dirigées par l’Union européenne, sont devenues un rituel au cours duquel les diplomates organisent des séances de photos simulant leur solidarité avec les Palestiniens alors que leurs propres gouvernements continuent de proposer à Israël un soutien et une couverture politique inconditionnels de ses crimes.

Comme le met en évidence la dernière visite à Burqa, ces mêmes visites ne font absolument rien pour protéger les Palestiniens.

 

Des frictions violentes

Homesh, qui avait préalablement été construit en 1978 comme une base militaire sur des terres appartenant à des Palestiniens de Burqa, a été évacué en 2005 dans le cadre du retrait unilatéral de Gaza décidé par le Premier ministre de l’époque, Ariel Sharon.

Comme l’écrit Oren Ziv dans +972 Magazine,

« la logique israélienne sous-tendant le démantèlement de Homesh au départ (…) était qu’il s’agissait d’une communauté isolée entourée de localités et de villages palestiniens, et qui requérait plus de ressources qu’elle n’en valait la peine en réalité sur le plan stratégique ».

En dépit du retrait il y a près de vingt ans, les colons ont maintenu leur présence dans le poste avancé, provoquant ainsi de violentes frictions avec les Palestiniens.

Oren Ziv ajoute qu’entre 2017 et 2021, l’organisation israélienne de défense des droits humains, Yesh Din, qui avait adressé une requête à la cour suprême israélienne au nom des résidents palestiniens,

« avait répertorié 27 agressions commises par les colons dans la région de Homesh, comprenant en même temps des violences corporelles physiques et des dégâts aux propriétés ».

En août 2021, des colons de Homesh avaient enlevé et torturé un ado palestinien de 15 ans, l’avaient percuté avec leur voiture, l’y avaient attaché avant de le rouer de coups et de l’attacher ensuite à un arbre dans un endroit isolé, de « l’asperger de spray au poivre, de l’électrocuter et de le brûler enfin avec l’allume-cigare de la voiture », rapporte +972 Magazine.

Des colons déchaînés avaient terrorisé Qaryut, un village palestinien proche, après qu’un colon avait été abattu et tué fin 2021 alors qu’il venait de quitter une école religieuse toujours opérationnelle à Homesh.

Des Palestiniens de communautés proches de Homesh ont également été tués par l’armée israélienne. En mars 2022, Ahmad Hikmat Seif, 23 ans, a succombé aux blessures qu’il avait subies à Burqa au cours d’une manifestation de solidarité avec les prisonniers palestiniens.

Des douzaines de Palestiniens ont été blessés par des balles enrobées de caoutchouc et des grenades lacrymogènes tirées par l’armée en avril de l’an dernier, lorsque des milliers de juifs, parmi lesquels plusieurs députés israéliens, dont Smotrich, avaient marché sur Homesh.

Le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, fait remarquer que, suite au meurtre du colon fin 2021, Homesh « est effectivement devenu une base militaire fortifiée », avec quelque 80 soldats pour garder une trentaine de colons.

En mars dernier, le parlement israélien a préparé la voie à la reconnaissance officielle de Homesh, ainsi que de quelques autres avant-postes, malgré l’opposition de l’administration Biden à Washington, qui dit qu’une colonie sur le site entre Naplouse et Jénine empêcherait la mise en place d’un État palestinien contigu.

Israël insiste sur le fait qu’il déplace Homesh de terres privées pour le réinstaller sur ce qu’il prétend être des terres d’État – en d’autres termes, des terres qui ont été annexées de fait en violation des lois internationales. Les responsables israéliens ont admis devant leurs homologues américains que la démarche

« constituait une réponse à des contraintes politiques domestiques et qu’elle était destinée à empêcher les partenaires de la coalition de la droite radicale de Netanyahou de déstabiliser le gouvernement »,

a rapporté la publication en ligne Axios.

Haaretz fait remarquer que les « parcelles propriétés de l’État ne sont pas contiguës et qu’elles sont entourées de terres appartenant à des Palestiniens ».

Par conséquent, même si l’école religieuse de Homesh « est transférée sur des terres appartenant à l’État, il ne faut pas s’attendre à ce que les Palestiniens soient à même d’accéder à leur terre » et la relocalisation « risquerait des frictions entre les deux camps plus graves encore qu’elles ne l’ont été jusqu’à présent ».

 

Des fermiers agressés près de Ramallah

Suite à leur visite absolument dénuée du moindre effet, les diplomates européens ont condamné l’attaque des colons contre Burqa cette semaine, ainsi qu’une agression similaire contre des fermiers palestiniens non loin de Ramallah, vendredi.

Lors de l’attaque de vendredi, un Palestinien a reçu une balle dans la tête et a été grièvement blessé, selon WAFA, l’agence de presse palestinienne officielle.

Sous la protection des troupes israéliennes, les colons ont incendié plusieurs véhicules appartenant à des fermiers et ils ont fait de même avec 270 balles de foin.

Dans l’intervalle, les Nations unies ont protesté contre l’évacuation forcée de la communauté des éleveurs d’Ein Samiya, près de Ramallah.

« Ces familles ne s’en vont pas parce qu’elles l’ont choisi ; à maintes reprises, les autorités israéliennes ont démoli les maisons et autres structures qu’elles possèdent et elles ont menacé de détruire aussi leur seule école »,

a expliqué vendredi Yvonne Helle, la coordinatrice humanitaire en charge de l’ONU pour la Cisjordanie et Gaza.

« Dans un même temps, la superficie de terre disponible pour le pâturage du bétail a diminué en raison de l’expansion des colonies et tant les enfants que les adultes ont été soumis aux violences des colons »,

a ajouté Yvonne Helle.

« Nous assistons aux conséquences tragiques des sempiternelles pratiques israéliennes et de la violence des colons. »

Près de 30 familles palestiniennes ont quitté le village rural et leurs foyers, depuis plus de 40 ans, « après des mois d’escalade de la violence israélienne », a rapporté Basel Adra dans +972 Magazine.

« Les résidents disent qu’ils ont été contraints de s’en aller après une grave recrudescence de la violence au cours des cinq jours qui ont précédé, qui ont vu les colons les attaquer pendant la nuit, bloquer les routes menant au village et jeter des pierres sur les vieilles maisons »,

a ajouté Adra.

« Le tribut psychique des attaques, particulièrement chez les enfants, a été le facteur décisif, dans le choix des résidents de détruire le village et de s’en aller. »

Alors qu’ils ont empiré ces derniers jours, le harcèlement et la violence physique des colons à l’égard des Palestiniens d’Ein Saliya existaient déjà avant l’actuel gouvernement israélien.

« Avant cela, les colons venaient la nuit, ils garaient leurs voitures à l’entrée du village, nous empêchaient d’entrer ou de sortir et rouaient de coups tous ceux qui se trouvaient en rue »,

explique à +972 Magazine Hazem Ka’abneh, un habitant d’Ein Samiya.

Aux résidents, Israël refusait des permis de bâtir et détruisait les maisons quand les villageois en construisaient quoi qu’il en soit. Les Palestiniens d’Ein Samiya n’étaient pas connectés aux services de base comme l’eau et l’électricité, au contraire des juifs vivant dans les proches avant-postes des colonies pourtant non autorisés par le gouvernement israélien.

Comme l’a déclaré jeudi Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l’ONU pour les droits humains en Cisjordanie et dans la bande de Gaza,

« la Cisjordanie continue d’être vandalisée, incendiée, dépouillée pouce par pouce et son peuple brutalisé de jour en jour ».

Et les pyromanes qui dirigent le gouvernement israélien alimentent le feu, travaillant en tandem avec les colons afin de bouter les Palestiniens hors de leur propre terre.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 27 mai 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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