La guerre de Ben-Gvir contre Jérusalem a commencé

Les événements de ces quelques dernières semaines à Jérusalem montrent bien que la guerre déclarée par Ben-Gvir contre Jérusalem-Est a déjà commencé, avec la répression antipalestinienne exercée dans toute la ville par les autorités israéliennes.

 

30 janvier 2023. Les forces de la police des frontières, renforcée par des éléments de la Brigade Givati en vue d‘accroître la sécurité, arrêtent et interrogent un jeune Palestinien à Jérusalem (Photo : Nir Alon / ZUMA Press Wire / APA Images)

30 janvier 2023. Les forces de la police des frontières, renforcée par des éléments de la Brigade Givati en vue d‘accroître la sécurité, arrêtent et interrogent un jeune Palestinien qui porte un sweatshirt orné de l’image d’un revolver. (Photo : Nir Alon / ZUMA Press Wire / APA Images)

 

 

Mariam Barghouti et Yumna Patel, 18 février 2023

 

La semaine dernière, trois Israéliens ont été tués après qu’un Palestinien a foncé en voiture sur un arrêt de bus dans la colonie illégale de Ramot Alon.

Cette opération à la voiture-bélier à Jérusalem était la dernière en date d’une série d’attaques de « loup solitaire » menées par des Palestiniens dans la ville occupée, dont une fusillade dans la colonie de Neve Yaacov qui avait tué sept Israéliens le 27 janvier, c’est-à-dire le lendemain du jour où les forces israéliennes avaient tué neuf Palestiniens dans le camp de réfugiés de Jénine.

La réponse du gouvernement israélien à chaque incident a été quasi identique : des appels immédiats à l’application de punitions collectives aux familles des Palestiniens auteurs des agressions et ce, sous forme d’arrestations massives et de démolitions punitives de maisons. Le gouvernement a également réclamé la déportation des familles des Palestiniens accusés d’agressions contre des Israéliens, ainsi que l’allègement des réglementations sur les armes à feu afin de permettre plus facilement aux Israéliens d’en porter.

Dans le sillage de l’agression à la voiture-bélier à Ramot Alon, le député ultranationaliste israélien d’extrême droite, devenu depuis ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a demandé à la police israélienne de « rétablir l’ordre à Jérusalem Est ».

La répression proposée par Ben-Gvir à Jérusalem-Est comprenait des appels à bloquer des quartiers entiers, à ériger des check-points volants, à instaurer des fouilles sur tous les Palestiniens se déplaçant entre divers quartiers et à activer les démolitions de maisons à Jérusalem-Est.

Bien qu’il ait été fait mention de divergences de vues entre Ben-Gvir et le chef de la police israélienne Kobi Shabtai sur le timing et les méthodes d’action de la police en fonction des ordres radicaux de Ben-Gvir, les événements de ces quelques derniers jours à Jérusalem indiquent que, accord ou pas au niveau gouvernemental, la guerre déclarée de Ben-Gvir contre Jérusalem-Est a déjà commencé.

On rapporte que la police et les forces de police des frontières d’Israël harcèlent et agressent des Palestiniens sans raison dans divers quartiers de la ville. Plusieurs exemples ont été rapportés d’enfants qui avaient été forcés de s’arrêter et avaient été fouillés alors qu’ils se rendaient à l’école, de passants et de petits commerçants palestiniens qui avaient été agressés par des policiers et, dans un cas, d’un Palestinien adulte qui avait été abattu arbitrairement et sans discrimination par les forces israéliennes alors qu’il conduisait.

Pendant ce temps, les forces israéliennes ont poursuivi la démolition de maisons palestiniennes à Jérusalem-Est, sous le prétexte qu’elles ne disposent pas d’un permis de bâtir délivré par Israël.

 

Harcèlement et agression de civils

Ces tout derniers jours, nombre de rapports font état de punitions collectives et de harcèlement contre la population palestinienne de Jérusalem-Est.

Une bonne partie des incidents ont eu lieu dans la zone de Shu’fat et environs, après que les forces israéliennes avaient abattu et blessé un adolescent palestinien dans le camp de réfugiés de Shu’fat, en prétendant qu’il avait tenté de poignarder un soldat au check-point à l’extérieur du camp. Au cours de cette prétendue tentative, un homme de la police des frontières avait abattu et tué un de ses propres collègues.

Dans les heures et les jours qui avaient suivi la mort de ce policier des œuvres d’un de ses collègues, les forces israéliennes avaient organisé des blocages massifs autour du check-point et des fouilles généralisées des résidents de passage, elles avaient lancé des raids dans le camp de réfugiés et harcelé et agressé les Palestiniens de la zone.

Dans une vidéo qui a fait le tour de tous les médias sociaux, on voit un enfant palestinien battu par la police israélienne des frontières à un check-point situé en dehors du check-point militaire de Shu’fat, et ce, après que les policiers lui ont ordonné de se déshabiller complètement afin de subir une fouille générale.

https://twitter.com/EyeonPalestine/status/1625784457507610627?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1625784457507610627%7Ctwgr%5E1174b1408b1d1efadc881b2e1b5b083fb0d4cb98%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fmondoweiss.net%2F2023%2F02%2Fben-gvirs-war-against-jerusalem-has-begun%2F

 

Dans d’autres cas mentionnés par les médias sociaux, on voit la police israélienne des frontières qui agresse une passante dans le camp de réfugiés de Shu’fat, qui s’en prend à des enfants et les empêche de franchir un check-point militaire sur le chemin de l’école, et qui fouille les enfants et leurs cartables dans la Vieille Ville de Jérusalem-Est.

Dans un autre exemple, un adulte palestinien a été blessé à balles réelles après que des policiers israéliens avaient truffé sa voiture de balles en prétendant qu’il avait tenté de foncer sur eux avec cette même voiture. Les médias palestiniens et des témoins oculaires ont rapporté que l’homme ne faisait que passer dans une zone où les soldats effectuaient un raid et qu’il avait été abattu sans la moindre raison.

L’an dernier, avant d’assumer sa fonction de ministre, Ben-Gvir avait exigé que soient allégées les réglementations de tir sur les personnes qui « haïssent Israël ».

 

L’escalade dans les démolitions de maisons ciblant les familles des prisonniers

Vendredi 17 février, six propriétaires de maisons palestiniens ont été informés des plans de la municipalité de Jérusalem en vue de détruire leurs maisons dans le quartier d’Issawiya, à Jérusalem-Est, où résidait Hussein Qaraqe, l’auteur de l’attaque à la voiture-bélier à Ramot Alon.

Selon l’agence d’information Wafa, les bâtiments n’avaient rien de nouvelles constructions, certains ayant 25 ans. Plus tôt dans la semaine, un autre Palestinien d’Issawiya avait été contraint de démolir une extension de deux pièces qui a été ajoutée à sa maison, dans le même temps que deux autres maisons étaient démolies dans le quartier de Jabal al-Mukaber.

Al Jazeera a rapporté que, depuis le début de l’année, les forces israéliennes ont démoli au moins 47 structures palestiniennes à Jérusalem-Est et qu’à la date du 7 février, au moins 60 Palestiniens étaient devenus sans-foyer en raison des démolitions.

Selon l’analyse par Mondoweiss des données de l’OCHA concernant les démolitions, entre 2018 et 2021 il y a eu une augmentation de 156 % des déportations de Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem. Dans la même période, il y a eu une augmentation de 99 % des déportations des Palestiniens rien qu’à Jérusalem-Est.

En outre, jeudi, les forces israéliennes ont saccagé les maisons des prisonniers et anciens prisonniers palestiniens à Jérusalem, « confisquant » des liquidités, de l’or et des biens personnels précieux appartenant à leurs familles.

Les forces israéliennes également ont ciblé d’anciens prisonniers du passé, à Jérusalem, en faisant irruption dans leurs maisons et en s’emparant par la violence de tout l’argent qu’elles pouvaient y trouver. La maison familiale d’Ahmad Manasra, traîné en justice et jugé comme un adulte à l’âge de 13 ans, faisait partie de ces maisons.

À l’instar des démolitions de maisons, le ciblage de prisonniers palestiniens et de leurs familles sert à chasser les Palestiniens de Jérusalem, selon Amjad Abu Asab, le responsable du Comité des familles des prisonniers à Jérusalem.

« L’occupation vise à faire plaisir aux colons et à l’extrême droite raciste en invoquant des mesures discriminatoires additionnelles contre les prisonniers »,

a déclaré Amjad Abu Asab dans une interview donnée à Al-Qastal.

 

« Le renouvellement de la Nakba »

« Le gouvernement fasciste de droite d’Israël lance une offensive sans précédent contre notre peuple à Jérusalem »,

a déclaré jeudi 17 février Qadura Faris, directeur de l’Association des prisonniers palestiniens.

Dans une escalade des campagnes « fouille et arrestation », les forces israéliennes continuent d’arrêter massivement des Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem. Le taux le plus élevé d’arrestations est concentré sur Jérusalem.

En janvier, plus de 255 Palestiniens ont été arrêtés à Jérusalem, selon le département de contrôle de la Société des prisonniers palestiniens, ce qui confère à Jérusalem le taux le plus élevé d’arrestations palestiniennes par les autorités israéliennes.

Ces dernières semaines, les autorités israéliennes ont retenu l’argent fourni par l’Autorité palestinienne aux familles des prisonniers politiques palestiniens à Jérusalem, car elles considèrent qu’il s’agit de paiements par des « entités hostiles ».

L’Autorité palestinienne a été responsable de la fourniture des salaires et du soutien monétaire aux prisonniers palestiniens et à leurs familles en cas d’emprisonnement par Israël. Ceci est dû largement à la considération du fait qu’un grand nombre des gens détenus sont souvent les principales sources de revenu de leurs familles.

« Ce qui se passe dans le ciblage des familles des prisonniers et des anciens prisonniers politiques »,

a expliqué Faris,

« c’est un renouvellement de la Nakba appliqué par l’occupation en se servant de nouvelles technologies ».

La concentration sur Jérusalem continue d’accroître les inquiétudes palestiniennes de voir débarrasser Jérusalem de sa communauté palestinienne.

Depuis 2021, les décideurs politiques et l’état-major militaire d’Israël réclament la suppression de la résistance jérusalémite pour les Palestiniens en tant que mesure punitive contre ceux qui ont participé aux protestations du Soulèvement de l’Unité en 2021.

En 2018, ce pouvoir a été mis dans les mains du ministre de l’Intérieur en place, lequel a le pouvoir de révoquer la résidence permanente des Jérusalémites, mesure qui n’a été appliquée qu’aux seuls Palestiniens.

Les protestations israéliennes sur la législation à mesure que les colonies se multiplient

Le 13 février, des dizaines de milliers d’Israéliens juifs se sont rassemblés à Jérusalem pour protester contre les nouvelles mesures de la Knesset cherchant à affaiblir la Cour suprême israélienne en continuant de consolider le pouvoir des forces armées israéliennes.

Ceci a eu lieu le lendemain du jour où le nouveau gouvernement israélien a approuvé et légalisé neuf avant-postes en Cisjordanie.

« Il est temps que le monde punisse Israël pour avoir défié les résolutions de l’ONU ainsi que les appels américains et européens à mettre un terme aux colonies »,

a déclaré le Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh dans un communiqué.

L’an dernier, les avant-postes et colonies d’Israël en Cisjordanie ont été équipés en technologie et en soutien par l’armée israélienne.

« Cette rébellion contre les lois internationales et la légitimité internationale doit être suivie de répercussions sérieuses »,

a poursuivi Shtayyeh, appelant au boycott d’Israël « en tant qu’État hors la loi ».

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Mariam Barghouti est la principale correspondante de Mondoweiss sur la Palestine. 

 

 

 

Yumna Patel est la directrice des infos sur la Palestine de Mondoweiss

                                      

 

 

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Publié le 18 février 2023 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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