La Tempête Al-Aqsa : « Sur les tombes des martyrs, une ville nouvelle émerge »
Quand la résistance politique et armée est l’expression de la résistance d’un peuple, elle saura surmonter l’horreur et elle ne sera jamais vaincue.
Luk Vervaet, 31 octobre 2023
Les dirigeants israéliens ne cachent pas leur objectif génocidaire : exterminer le Hamas jusqu’à son dernier membre, tuer un maximum de Palestiniens par des bombardements systémiques, causant une dévastation et une souffrance indescriptibles, rasant de la carte des quartiers entiers, des mosquées, des camps de réfugiés, des écoles, des hôpitaux, des églises.
En réponse aux doutes affirmés par Biden sur le nombre de victimes avancé par les Palestiniens, le ministère de la Santé à Gaza a publié une liste qui établit noms, âge, sexe et numéro de carte d’identité de 6 747 Palestiniens tués sous les bombes depuis le 7 octobre. C’est-à-dire sans les noms de ceux et celles encore sous les décombres, sans ceux et celles qui n’ont pas été amenés à l’hôpital mais enterrés tout de suite. Après 23 jours de massacres, 8 325 palestiniens sont morts, dont 3 085 enfants et 1 746 femmes. Le nombre de blessés s’élève à 18 457.
Les Gazaouis qui survivent aux bombardements sont coupés de nourriture, de gaz, d’électricité, de médicaments, de carburant et d’eau. Le plus souvent toute connexion avec le monde extérieur est coupée et Gaza est dans le noir complet. Ceux et celles au Nord reçoivent l’ordre de quitter leur maison et de se diriger vers le Sud avec comme objectif leur déportation en Égypte.
4 000 travailleurs de Gaza en Israël et 1 000 Palestiniens de Cisjordanie ont été kidnappés par les forces d’occupation au cours des deux dernières semaines. Menottés, battus, mis à nu, mordus par des chiens, les yeux bandés, obligés de poser avec le drapeau sioniste, ces prisonniers rejoignent les 5 500 prisonniers politiques palestiniens détenus par Israël. Dans les prisons, un système de terreur sans précédent s’abat sur les prisonniers. Un détenu témoigne que depuis le 8 octobre, tous les, appareils électriques, télévisions, radios, etc. ont été confisqués. Fouilles, humiliations, bastonnades à répétition. À partir du 7 octobre et pendant trois jours, les prisonniers n’ont rien eu à manger, ni à boire. Plus d’électricité dans les cellules ni de couvertures.
Arrêté avec son fils Hamza le 9 octobre, le dirigeant du Hamas, Omar Hamza Daraghmeh, 58 ans, a été mis en « détention administrative ». Il a été assassiné à la prison de Megiddo le lundi 23 octobre. Un jour plus tard, Arafat Yasser Hamdan, 25 ans, a été tué à la prison d’Ofer, à peine deux jours après son arrestation. En doublant le nombre de prisonniers et en tuant des prisonniers politiques, Israël vise à empêcher toute possibilité d’échange de prisonniers contre des Israéliens capturés et détenus à Gaza. À la proposition de Yahya Sinwar, dirigeant du Hamas, d’échanger tous les prisonniers et prisonnières contre les otages israéliens, immédiatement, en une seule fois ou en plusieurs étapes (1), Israël n’a pas répondu.
Des milliers d’enfants palestiniens, marqués dans leur chair par les guerres sans fin, enterrent parents, frères et sœurs. Les parents enterrent leurs enfants s’ils les retrouvent sous les décombres. Quelle sera leur vie demain, personne ne le sait. Seront-ils encore en vie ? Seront-ils handicapés, traumatisés à jamais ? Pour seule certitude, de nouveaux bombardements meurtriers de plus en plus intenses.
La population palestinienne de Gaza est une des plus jeunes au monde : près de 50% de ses habitants ont moins de 18 ans. Ces jeunes de 18 ans n’ont connu que les guerres israéliennes contre Gaza.
En 2008, sous le nom de « Cast lead » (1 400 morts palestiniens), en 2012 sous le nom de « Pillar of Defence » ( 174 morts palestiniens), en 2014 sous le nom de « Protective Edge » ( 2 000 morts palestiniens), en 2018, pendant la Grande marche du retour vers la frontière pour réclamer le « droit au retour » dans leurs maisons ancestrales, ils ont été accueillis par des tirs de snipers qui ont fait 266 morts et 30 000 blessés. En 2021, nouvelle guerre, sous le nom de « Operation Guardian of the Walls » (256 morts palestiniens), En mai 2023, nouvelle guerre sous le nom de « Operation Shield and Arrow » (34 morts palestiniens). À chaque fois, les noms choisis pour ces guerres doivent témoigner de la défense d’Israël, État d’Apartheid colonial: « Plomb coulé », « Pilier de défense », « Bordure protectrice », « Gardien des murs », « Bouclier et Flèche ». La guerre actuelle sous le nom de « Operation Swords Of Iron » (Épées de fer) s’annonce comme étant la plus génocidaire. Elle dépasse tout ce qui précède.
« Chaque membre du Hamas est un homme mort » ? Ce que l’histoire nous apprend
Cette grande déclaration de Netanyahou ne sera jamais réalité face au peuple palestinien qui résiste depuis 75 ans. Quand la résistance politique et armée est l’expression de la résistance d’un peuple, quand elle est avec le peuple comme un poisson dans l’eau, quand elle est soutenue au niveau mondial comme c’est le cas pour la Palestine dans le passé et aujourd’hui, elle saura surmonter l’horreur et elle ne sera jamais vaincue.
Chassé de son territoire, massacré dans les camps de réfugiés, le peuple palestinien a connu toutes les horreurs imaginables pendant les dernières 75 années. Mais chaque fois qu’un résistant tombe, un autre prend sa place. Comme l’écrit Georges Ibrahim Abdallah, résistant communiste pour la Palestine et depuis quarante ans incarcéré dans une prison française :
« Aux milliers de martyrs de Gaza, s’ajoute la destruction totale. Il n’en demeure pas moins que l’esprit de résistance de Gaza, le Sumud, reste inébranlable. Gaza ne portera jamais le drapeau blanc de la capitulation. Ni les sionistes ni aucune autre force criminelle ne réussira jamais à briser la volonté de la résistance à Gaza. N’oublions jamais que c’est des entrailles des camps de réfugiés à Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie et au Liban, que sont sortis l’esprit de combat et les Fédayins » (2).
La situation à Gaza est particulière parce qu’il s’agit d’un camp de concentration et d’extermination dont on ne peut pas échapper. Mais en ce moment dramatique, souvenons-nous de quelques grandes déclarations impérialistes annonçant la fin de la résistance et des résistances victorieuses dans le monde qui les ont suivies. Même si ces dernières ne sont pas comparables à Gaza au niveau politique, idéologique ou géographique, elles illustrent ce que la poétesse Hiba Abu Nada, 32 ans, tuée par un bombardement israélien le 20 octobre, a écrit dans son dernier message :
« Une ville nouvelle émerge, nous nous retrouvons dans un état de bonheur indescriptible au milieu du chaos. Au milieu des ruines, une nouvelle ville émerge, témoignage de notre résilience. Des cris de douleur résonnent dans l’air, se mêlant aux vêtements tachés de sang des médecins. Les enseignants, malgré leurs griefs, embrassent leurs petits élèves, tandis que les familles font preuve d’une force inébranlable face à l’adversité ».
La déclaration de Netanyahou rappelle ces grandes déclarations de la France et des États-Unis de la dernière moitié du siècle passé, qui annonçaient la fin du Viêt-Cong, la résistance vietnamienne. Pour y arriver, entre 1965 et 1973, l’armée américaine a tué un million et demi de Vietnamiens et largué sept millions de tonnes de bombes sur ce pays, soit deux fois plus que durant toute la Seconde Guerre mondiale. Les tapis de bombes, l’utilisation de bombes incendiaires au napalm et à l’agent Orange, puissants défoliants responsables de malformations à la naissance, n’ont pas réussi à vaincre la résistance qui a donné le coup fatal aux troupes américaines en les chassant du pays le 30 avril 1975.
Comme Ho chi Minh, le dirigeant de la résistance, l’avait déclaré des années plus tôt :
Vous tuerez dix d’entre nous, nous tuerons l’un d’entre vous, mais à la fin, c’est vous qui vous lasserez les premiers.
Netanyahou fait penser à George Bush quand ce dernier a annoncé la guerre contre l’Afghanistan en 2001 devant le congrès américain :
« Notre guerre contre le terrorisme ne s’achèvera pas tant que tous les groupes terroristes d’envergure mondiale n’auront pas été découverts, arrêtés et vaincus. Nous priverons les terroristes de financement, nous les monterons les uns contre les autres, nous les chasserons d’un endroit à l’autre, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de refuge ni de repos. La seule façon de vaincre le terrorisme en tant que menace pour notre mode de vie est de l’arrêter, de l’éliminer et de le détruire là où il se développe ». (3)
Cette guerre, menée par l’ISAF (l’International Security Assistance Force), une de plus grandes coalitions militaires de l’OTAN de tous les temps, allait durer vingt ans. (4) On connaît le résultat : vingt ans après l’annonce de Bush, la résistance contre l’occupation a chassé l’armée la plus forte au monde et a repris le pouvoir le 15 août 2021. Quant au « terrorisme d’envergure mondiale » que Bush voulait éradiquer, il s’est propagé dans le monde entier.
Plus près de chez nous, la guerre contre l’occupation britannique de l’Irlande du Nord (des années 1960 jusqu’aux années 1990), a fait 3 600 morts, dont plus de 200 enfants, et 50 000 blessés. Environ 100 000 personnes en Irlande du Nord (une population de deux millions d’habitants) vivent dans des foyers où une personne a été blessée lors de cette guerre. La volonté britannique d’exterminer et de détruire la résistance politique et armée de l’IRA (Armée Républicaine Irlandaise) et du Sinn Fein n’a pas marché.
« Les Britanniques n’arrivaient pas à tuer le poisson, alors ils ont essayé de polluer la mer »,
disait un ancien militant de l’Ira. Mais après chaque horreur commise par les Britanniques (Bloody Sunday, la mort de Bobby Sands et les neuf autres grévistes de la faim), l’IRA s’est vue renforcée par un nombre d’adhésions sans précédent. Jusqu’au moment où la Grande-Bretagne a été obligée de conclure un accord de paix (The Good Friday Agreement) avec les « terroristes de l’IRA et du Sinn Fein » en 1998.
Face au Hamas ou face à une résistance palestinienne armée unifiée ?
Dans leur stratégie de monter le monde non musulman contre la résistance palestinienne, les sionistes ne crient que contre le Hamas, contre la résistance islamique, et présentent la guerre comme une guerre entre Israël et le Hamas. Ce faisant, ils essaient d’isoler le Hamas et de diviser les différentes factions de la Résistance. La vérité sur le terrain est toute autre.
Le 17 octobre dernier, une frappe aérienne israélienne a tué Ayman Nofal. Il avait 58 ans. Il était le responsable des relations militaires et membre du Conseil militaire général de la branche militaire du Hamas, les Brigades Qassam. Depuis 2018, lors de la Grande Marche du retour, Ayman Nofal a été un des architectes de l’unification de la résistance armée contre l’occupation. Depuis, cette résistance unifiée a joué un rôle majeur dans toutes les opérations militaires. Dans une interview avec Al Jazeera et Palestine Chronicle (5), Ayman Nofal expliquait comment cette unification s’est réalisée à partir de la création d’une « Salle d’opérations conjointe des factions de la résistance ». Plus tard, celle-ci est devenue « l’Unité des carrés », Wihdat al-Sahat, qui englobe toutes les formes de résistance à travers la Palestine. Elle est composée aujourd’hui de dix ailes militaires, chacune ayant sa propre référence politique. Les principales branches militaires du mouvement palestinien qui en font partie sont les Brigades martyres Izz al-Din al-Qassam (Hamas), les Brigades Al-Quds (Jihad Islamique), les Brigades martyres Abu Ali Mustafa (FPLP), les Brigades de la résistance nationale (DFLP), les Brigades Nasser Salah al-Din (Comité de résistance populaire), les Brigades des moudjahidines, les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa (Fatah), les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, Brigades Nidal Al-Amoudi, les Brigades des martyrs Jihad Jibril et les Brigades Ansar.
Entre ces formations de la résistance, il y a échange d’expériences, coordination, évaluation de la situation et communication permanente. Des formations militaires sont données à l’Académie militaire palestinienne des Brigades Qassam ainsi que des exercices annuels périodiques.
« La Résistance, disait Aymen, a atteint aujourd’hui un stade où la guerre et la confrontation ne peuvent être entreprises que par une décision unifiée, collective et réfléchie. En tenant compte de nos forces, choisissant le moment, le lieu, la forme et les outils de la bataille, afin de servir les objectifs de notre peuple et d’infliger le maximum de dommages possibles à l’ennemi et de contrecarrer ses plans ».
L’offensive du 7 octobre n’était donc pas un coup de folie du Hamas, mais « une décision unifiée, collective et réfléchie ». Jurer que le Hamas sera éradiqué ne sera jamais la « solution finale » pour la résistance palestinienne.
Israël assassine les enfants de Palestine mais crée aussi une nouvelle génération de résistants
Selon Unicef, en 18 jours de temps, Israël a tué 2 360 enfants et en a blessé 5 364 autres depuis le 7 octobre 2023. S’il est indéniable que la campagne terroriste d’Israël contre Gaza crée des cicatrices physiques et psychiques chez les enfants survivants, provoque des traumatismes allant jusqu’à une hausse dramatique de suicides aussi parmi les enfants, elle crée également une nouvelle résistance.
On oublie que la Tempête Al-Aqsa avait aussi pour objectif de sauver une jeune génération perdue, vivant sans perspective aucune à Gaza. Oui, les conséquences du soulèvement du ghetto sont terribles. Mais contrairement à notre culture qui, depuis des décennies, ne connaît que l’innocence, la victimisation, l’humanitarisme et la pitié, il existe aussi une culture de résistance. Ainsi, si notre construction sociale affirme qu’un enfant incarne l’innocence et que les violences de la guerre ne peuvent que provoquer des traumatismes chez les enfants, des études révèlent aussi que la vision et le dévouement politique et idéologique de la communauté dans laquelle ces enfants grandissent sont déterminants dans leur formation et leur capacité à affronter la peur, la dépression et le sentiment d’insécurité.(6) La communauté crée ainsi une forme de protection et de résilience. La résistance, elle, fait dépasser le sentiment de victime pour devenir acteur et actrice de sa vie. Ce faisant, elle crée une nouvelle génération de résistants et de résistantes.
Le Hamas ne se soucie pas de la vie des civils israéliens ou palestiniens ?
Pour faire passer la thèse d’un Israël éternellement sur la défensive, les services sionistes présentent l’offensive palestinienne Tempête Al-Aqsa dans la logique du « peuple juif persécuté ». Il faut à tout prix effacer l’idée que l’offensive du Hamas est une opération militaire contre une armée d’occupation, pour briser l’étranglement du ghetto de Gaza, reconquérir la terre occupée et libérer les prisonniers. Il faut inculquer l’idée qu’il s’agit d’une opération contre tout ce qui est « Juif et innocent ». Qu’il s’agit de l’horreur islamiste contre de simples citoyens vivant dans des endroits paisibles, comme le kibboutz de Be’eri (une collectivité de 1 200 personnes, créé en 1946 ). Contre des moments de fête de jeunes innocents, dansant jusqu’à l’aube dans le désert, lors d’un Rave Party, un festival de musique électronique (nota bene, à quelques kilomètres du ghetto de Gaza !).
En 2012 déjà, Khaled Meshaal, un des dirigeants du Hamas, a déclaré :
« Nous ne combattons pas les juifs parce qu’ils sont juifs. Nous combattons les occupants et les agresseurs sionistes. Et nous combattrons quiconque tente d’occuper nos terres ou de nous attaquer. »
Thèse reprise dans le Document de principes du Hamas, présenté à une conférence de presse à Doha en 2017 :
« Le Hamas affirme que son conflit est avec le projet sioniste et non avec les Juifs en raison de leur religion. Le Hamas ne mène pas une lutte contre les Juifs parce qu’ils sont juifs, mais contre les sionistes qui occupent la Palestine. Pourtant, ce sont les sionistes qui identifient constamment le judaïsme et les Juifs à leur propre projet colonial et à leur entité illégale. Nous faisons la distinction entre le judaïsme et le sionisme. Tout en maintenant notre opposition au mouvement sioniste colonialiste, nous respectons la foi juive ».
Tout ça a été balayé d’un revers de la main par l’occupation sioniste. Même chose pour toute proposition d’installer une trêve à l’exemple de Sinn Fein et de l’IRA en Irlande du Nord.
Dans un article sur Electronic Intifada, Ali Abunimah écrit que la stratégie politique et militaire du Hamas a voulu suivre celles d’autres mouvements de libération nationale et anticoloniaux, en particulier le Sinn Fein et l’Armée républicaine irlandaise. Tous ces efforts ont été violemment rejetés, écrit-il, surtout après la victoire du Hamas aux élections législatives de 2006 en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza. (7) Dans un article paru en 2006 dans le New York Times (8), Ahmed Yousef, conseiller du Hamas, avait déjà proposé une trêve à long terme, ou hudna, où il cite le processus de paix irlandais comme modèle pour mettre fin au conflit sans que les Palestiniens n’abandonnent leurs positions et principes. Selon lui, une période de calme de plusieurs années pourrait créer plus tard les conditions d’un règlement politique durable. Tout cela a été refusé.
Les vidéos et les déclarations du Hamas et des commandants de la résistance sur l’objectif de la Tempête Al-Aqsa et sur le comportement à respecter par ses combattants n’ont pas été montrés par les médias occidentaux.
À plusieurs reprises, les responsables du Hamas ont souligné l’objectif militaire de l’opération : les Brigades Al-Qassam ont attaqué les systèmes militaires et de sécurité israéliens, des cibles légitimes. Nous avons cherché à éviter les civils, disent-ils, comme en témoignent de nombreuses vidéos prises sur le terrain, et de nombreux colons en ont parlé aux médias dans des témoignages vidéo. Ils soulignent que les instructions des combattants Al-Qassam étaient de
« se conformer aux instructions de la religion islamique dans les guerres, à savoir ne pas tuer de civils, de femmes, d’enfants et de personnes âgées, ne pas nuire aux intérêts civils des gens, et ne combattre que les soldats et les militants ».
Le jeudi 12 octobre, le chef adjoint du bureau politique du Hamas, Saleh al-Aruri, a déclaré que les
« 1 200 membres des brigades Al-Qassam ont rapidement pris le contrôle de la brigade de Gaza de l’armée israélienne. Nous avons été surpris de constater que cette brigade de Gaza s’est effondrée en moins de trois heures, plus rapidement que nous ne l’avions prévu. Le plan d’Al-Qassam ne prévoyait pas de blesser ou de tuer des civils. Le Hamas ne peut pas prendre pour cible des civils ou des prisonniers, et nous agissons conformément aux lois internationales de la guerre ». (9)
Un combattant d’Al-Qassam filmé à côté du lit d’une vieille femme juive le confirme : « Nous ne touchons pas à la vie de ces personnes. » Rien à voir donc avec ISIS ou Al Qaeda.
Quarante bébés décapités ?
Rappelons-nous le 14 octobre 1990, après l’invasion du Kuweit par Saddam Hussein. On pouvait alors lire dans la presse des témoignages comme :
« Ils ont arraché les bébés des couveuses, se sont emparé des incubateurs et ont précipité sur le sol ces enfants prématurés qui ont agonisé dans le froid ».
Aujourd’hui, tout le monde sait que c’étaient des mensonges destinés à justifier la première guerre contre le l’Irak.
Presque jour pour jour, trente-trois ans plus tard, on a pu entendre la même chose à la télévision israélienne i24, en reportage en direct de la colonie KfarAza:
« Environ quarante bébés ont été transportés sur des brancards… Des berceaux renversés, des poussettes abandonnées, des portes laissées grandes ouvertes ».
Les affirmations choquantes selon lesquelles des combattants du Hamas auraient décapité quarante enfants dans la colonie israélienne de KfarAza, près de la frontière de Gaza, viennent d’un colon-soldat réserviste israélien qui s’appelle David Ben Zion. Ce David Ben Zion n’est ni plus ni moins qu’un nazi-sioniste qui s’est fait remarquer dans le passé par des appels à éradiquer le village palestinien de Huwara. Après l’attaque du Hamas, ce soldat a organisé pour des reporters une visite guidée dans la colonie, leur expliquant, je cite :
« Nous savions que c’étaient des animaux, maintenant nous avons découvert qu’ils n’ont pas de cœur non plus ».
Ses propos sur « la décapitation de quarante bébés » ont été repris dans une communication du ministère des affaires étrangères israélien. Puis par le porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui a déclaré que « des bébés et des enfants en bas âge avaient été retrouvés décapités ». Par CNN qui parlait « d’exécutions-style-ISIS ». Par le président américain Biden : « Je fais ce job depuis longtemps mais jamais je n’aurais pu imaginer qu’un jour je verrais des images de terroristes qui décapitent des enfants ». Par des journaux britanniques en première page et largement diffusées sur les réseaux sociaux.
Comme au Koweït en 1990, une fois le choc créé, les excuses sont apparues. L’armée israélienne a fait savoir que ces accusations émises par leurs soldats n’avaient pas encore été vérifiées (10). Hamas de son côté les a toutes rejetées. La Maison Blanche a dû faire marche arrière « par manque de preuves » :
« Le président Biden n’a jamais vu des images pareilles. Il s’est basé sur une déclaration du porte-parole du gouvernement israélien ». (11)
Même chose sur cette autre accusation : les femmes israéliennes violées. Différents journaux se sont retractés après avoir lancé cette nouvelle. Comme le Los Angeles Times qui s’excuse et écrit, le soir du 9 octobre, que
« de tels rapports n’ont pas été corroborés ».
Que lors de l’offensive palestinienne, des civils israéliens ont été tués ne fait pas de doute. Quand les opprimés cassent les barreaux des prisons, il y a une violence et une rage à la mesure de l’oppression subie. Le cauchemar du blocus, les checkpoints, les enfants mal nourris, les exécutions sommaires à répétition, la démolition des maisons, l’implantation des colonies ne laissent personne indemne. Et lors de l’offensive, il y a eu aussi des combattants et des civils israéliens morts sous le feu des militaires et des colons israéliens qui les préféraient morts plutôt que de les voir pris en otage en échange de prisonniers palestiniens.
Oui, des civils israéliens ont été pris en otage. Des civils ont été tués par des missiles et lors de l’entrée en territoire occupé. La prise d’otage de soldats et de civils par le Hamas est devenue un des seuls moyens pour obtenir un peu de retenue de la part de l’armée israélienne, la quatrième la plus forte au monde. C’est devenu un des seuls moyens pour obtenir la libération de civils palestiniens en détention administrative, sans accusation et sans procès, ainsi que des prisonniers politiques condamnés à des peines sans fin. Le lancement des missiles contre les villes israéliennes est devenu un des seuls moyens pour attaquer l’occupant.
L’expérience de l’ANC
Ici aussi, rappelons-nous cette autre lutte contre l’Apartheid et la colonisation, celle en Afrique du Sud, aujourd’hui applaudie dans le monde entier.
Ronnie Kasrils |
Dans un article sur la Tempête Al-Aqsa, Ronnie Kasrils, un des commandants de Umkhonto we Sizwe (MK), la branche armée de l’ANC en Afrique du Sud pendant la lutte contre l’Apartheid, explique :
« Nous avons subi des brutalités et des massacres effroyables, mais jamais à l’échelle de ceux perpétrés par les forces de défense israéliennes contre les Palestiniens. Comme eux, notre peuple a souffert de la dépossession de ses terres, de l’élimination de ses droits et de la perte de sa liberté. Nous nous sommes tournés vers l’action armée pour la même raison que les Palestiniens : il n’y avait pas d’autre option. Au cours de la dernière phase de notre lutte armée, nos dirigeants ont lancé l’appel à « porter la lutte dans les zones blanches » et à rendre le pays ingouvernable, afin que les Blancs comprennent que nous n’allions pas simplement continuer à permettre au régime de limiter la mort et la destruction aux townships noirs et aux États voisins ». (12)
Et Nelson Mandela :
« Si l’oppresseur recourt à la violence, les opprimés n’ont d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, il s’agissait d’une forme légitime d’autodéfense… Un combattant de la liberté apprend à ses dépens que c’est l’oppresseur qui définit la nature de la lutte. Que l’opprimé n’a souvent d’autre recours que d’utiliser des méthodes qui reflètent celles de l’oppresseur. À un moment donné, on ne peut que combattre le feu par le feu ». (13)
Et encore :
« L’ANC était réticent de recourir à la violence. Nous avons commencé par une forme de violence, le sabotage, qui causait le moins possible de mal aux civils. Si le sabotage ne produisait pas les résultats escomptés, nous étions prêts à passer à l’étape suivante : la guérilla et le terrorisme ».(14)
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Publié le 31 octobre 2023 sur le blog de Luk Vervaet
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Notes
[2] Sumud, la portée internationale de la résistance palestinienne, Éditions Antidote, 2023
[3] https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2001/09/20010920-8.html
[4] https://www.legrandsoir.info/ces-barbares-de-talibans-et-nous.html
[6] Children of the Revolution: The Lives of Sons and Daughters of Activists in Northern Ireland, Bill Rolston, Guildhall Press
[7] https://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/indigenous-solidarity-time-genocide-palestine
[8] https://www.nytimes.com/2006/11/01/opinion/01yousef.html
[10] https://www.newarab.com/news/biden-did-not-see-photos-kids-beheaded-hamas-us
[11] https://www.washingtonpost.com/world/2023/10/11/israel-hamas-war-updates-gaza-attack/
[12] https://www.palestinechronicle.com/defiant-gaza-the-reasons-for-resistance-are-clear/
[13] Extrait du livre de Mandela, « Long Walk to Freedom » (Longue marche vers la liberté) https://www.csmonitor.com/Books/2013/0718/Nelson-Mandela-10-quotes-on-his-birthday/Fire-with-fire
[14] https://www.aaihs.org/on-looting-in-an-apartheid-state/