Les dirigeants israéliens et américains unis tel un seul homme en faveur d’un carnage à Gaza
Tout au long de la semaine de trêve entre Israël et le Hamas, les dirigeants israéliens ont fait savoir clairement leur détermination à porter leur offensive militaire dans le sud de la bande de Gaza et à décimer l’enclave du nord au sud.
Michael F. Brown, 3 décembre 2023
Le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, condamné en 2007 par un tribunal israélien pour avoir soutenu une organisation terroriste et incité au racisme, montrait la voie.
« Arrêter la guerre = dissolution du gouvernement », mettait-il en garde mardi.
עצירת המלחמה = פירוק הממשלה
— איתמר בן גביר (@itamarbengvir) November 28, 2023
À peine une heure plus tard, Tally Gotliv, membre de la Knesset, le parlement israélien, où elle représente le Likoud, et qui avait réclamé
« qu’on élimine Gaza, qu’on la balaie de la carte et qu’on l’incendie »,
intervenait avec un tweet du même tonneau.
« Si la guerre ne se poursuit pas, le gouvernement n’a pas le droit d’exister ! »
אוי לנו. מה עוד מחכה לנו. אוייבנו מצאו שיטה. לרצוח, לטבוח, לשרוף ולחטוף. הם סומכים על מנהיגים וסיסמאות פומפוזיות של חיסול ומיטוט בלי אוכל בלי מים בלי דלק. הם סומכים שזה יחזיק מעמד בערך עד הסיסמא הבאה- ניתן קצת כי אין ברירה וכי ביידן אמר.
אם המלחמה לא תימשך לממשלה אין זכות קיום!— טלי גוטליב (@TallyGotliv) November 28, 2023
Mercredi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou faisait chorus pour dire :
« Il est absolument exclu que nous ne repartions pas en guerre jusqu’au bout. »
L’armée de l’apartheid israélien est donc retournée au carnage ce 1er décembre via une campagne massive de bombardement, frappant cette fois Khan Younis, dans le sud de Gaza, avec une violence toute particulière.
Les médias américains qui, durant la semaine, se sont abstenus d’entrer à Gaza et de montrer de façon adéquate l’horreur des attaques israélienne contre l’enclave, ont parlé d’une catastrophe plus probable encore dans le sud de Gaza.
Palestinian journalists are posting to Instagram about how they aren’t sure if they will survive in the next few days or weeks.
And journalists in the West could barely be bothered to stand up for the protection of journalists in Gaza. Horrendous.
From Moataz Azaiza: pic.twitter.com/LuzztDEoNx
— Karen Attiah IS ON THREADS + BLUESKY (@KarenAttiah) December 3, 2023
Remontons au 10 octobre. Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, affirmait sur CNN :
« Comme le président l’a déclaré aujourd’hui, la différence entre les pays comme les États-Unis et Israël, c’est que nous ne visons pas délibérément les civils (…) Nous nous employons à être sûrs que toutes les opérations militaires soient menées en conformité avec le pouvoir des lois et des lois de la guerre. »
Et d’ajouter :
« C’est quelque chose dont le président Biden et le Premier ministre Netanyahou ont discuté, pas seulement dans ce contexte, mais dans de précédents contextes également. C’est quelque chose que les États-Unis ont toujours soutenu et qu’ils continueront à jamais de soutenir. »
Ces discussions n’ont guère arrangé les affaires des civils palestiniens. Et il n’y a aucune raison de penser que les propos du secrétaire d’État américain Antony Blinken adressés aux officiels israéliens et à tout un rassemblement de journalistes feront mieux.
Blinken a déclaré, lors d’une conversation avec le président israélien Isaac Herzog, le 30 novembre :
« J’ai réitéré le soutien en cours des États-Unis au droit d’Israël de se défendre, conformément aux lois humanitaires internationales. »
Ses paroles, adressées à Herzog et aux autres dirigeants israéliens, n’ont manifestement été que de très peu de poids.
In my conversation with @Isaac_Herzog, I reiterated the United States’ ongoing support of Israel’s right to defend itself in compliance with international humanitarian law and emphasized the need for tangible steps to de-escalate tensions in the West Bank. pic.twitter.com/zwegNum2WZ
— Secretary Antony Blinken (@SecBlinken) November 30, 2023
Met with Israeli Minister @gantzbe to discuss measures to ensure Israel’s safety, release of hostages, and measures to minimize harm to civilians. Also spoke about the need to restore calm along the Blue Line. pic.twitter.com/4auVFAykbR
— Secretary Antony Blinken (@SecBlinken) December 1, 2023
In my meeting with Defense Minister @yoavgallant, I reaffirmed the United States’ support for Israel’s right to protect itself in compliance with international humanitarian law, while urging that Israel take all possible measures to avoid civilian harm. pic.twitter.com/FySUTFQPhb
— Secretary Antony Blinken (@SecBlinken) November 30, 2023
Même le message concernant l’aide humanitaire n’a pas pris, avec Netanyahou.
Israeli Prime Minister @Netanyahu and I discussed efforts to secure the release of all remaining hostages and accelerate delivery of life-saving humanitarian assistance into Gaza. I emphasized the need for Israel to take every possible measure to avoid civilian harm. pic.twitter.com/GLitYLeM1e
— Secretary Antony Blinken (@SecBlinken) November 30, 2023
We are beyond “concerned” that NO humanitarian aid has been allowed into #Gaza today including fuel.
The pause has come to an end. Israeli Forces resumed military operations, many will be displaced including seeking refuge in already crowded @UNRWA shelters. Very sad days ahead
— Philippe Lazzarini (@UNLazzarini) December 1, 2023
En fait, depuis le 7 octobre, s’il faut en croire The Wall Street Journal, les États-Unis ont envoyé à Israël 100 BLU-109, c’est-à-dire des bombes anti-bunkers de 2 000 livres (900 kg, NdT), et 57 000 obus d’artillerie de 155 mm. Le journal ajoute que les EU ont envoyé « plus de 5 000 bombes Mk82 non guidées ou « bombes non intelligentes », plus de 5 400 bombes à ogive Mk84 de 2 000 livres, environ 1 000 bombes GBU-39 de diamètre réduit et environ 3 000 bombes JDAM (guidées par GPS – NdT), qui transforment les bombes non guidées en bombes guidées « intelligentes ».
Those were the bombs used in Jabalya Refugee Camp massacre, leveling an entire block to the ground and killing hundreds at once including my cousin and cousin’s wife. https://t.co/5gXusjDjV5
— Sarah (@Sarajoesef) December 1, 2023
La complicité américaine dans les crimes de guerre israéliens est manifeste, surtout quand le journal fait remarquer que
« l’afflux d’armes s’est poursuivi ces derniers jours, ont déclaré les responsables [américains] ».
Ceci, malgré l’énorme tribut prélevé par ces armes sur les civils palestiniens, dont plus de 6 000 enfants, tués par les frappes israéliennes.
En effet, les paroles de Blinken semblent n’avoir eu que peu d’effet sur Israël, puisque le ministère de la santé de Gaza faisait savoir que, le 1er décembre – donc le lendemain des remarques de Blinken –, 178 Palestiniens avaient été tués lors de la reprise des frappes israéliennes, et qu’en outre, la plupart des victimes étaient des femmes et des enfants.
Au contraire de l’administration Biden, l’élue du Michigan au Congrès, Rashida Tlaib, s’est empressée de tweeter que « les images en provenance de Gaza sont horribles ».
The images coming out of Gaza are horrific. Netanyahu has resumed his genocidal bombing campaign. We need a permanent ceasefire now. End the apartheid. Free Palestine.
— Congresswoman Rashida Tlaib (@RepRashida) December 1, 2023
Les conditions ?
Le 26 novembre, le sénateur du Connecticut, Chris Murphy, dirigeait sa colère contre le Premier ministre israélien :
« Benjamin Netanyahou a cru que vous pouviez ignorer les Palestiniens, que vous pouviez essayer de réprimer durement leurs désirs d’avoir un État et, que, finalement, cela allait amener la paix dans la région en Israël. Ce n’est précisément pas le cas. »
Et il a également soulevé la perspective d’imposer des conditions à l’aide militaire à Israël.
« Régulièrement, nous conditionnons notre aide à nos alliés en nous appuyant sur le respect des lois américaines et internationales. Et, là, je pense que cela concorde très bien avec la manière dont nous avons dispensé notre aide, surtout en temps de guerre, à nos alliés, c’est-à-dire en discutant afin de nous assurer que l’aide que nous apportons à l’Ukraine ou à Israël soit utilisée dans le respect des lois sur les droits humains. »
Le sénateur Bernie Sanders, du Vermont, où trois étudiants palestiniens ont été blessés par balles le 25 novembre – dont deux sont toujours dans un état grave – avait déjà soulevé cette conditionnalité à la mi-novembre.
Toutefois, Sanders en a frustré bien plus d’un en ne rappelant pas l’immédiate nécessité d’un cessez-le-feu.
« Le gouvernement Netanyahou ou, peut-on espérer, un nouveau gouvernement israélien, doit comprendre que pas un centime ne sortira des États-Unis pour Israël si l’on n’assiste pas à un changement fondamental dans ses positions militaires et politiques. »
The Netanyahu government, or hopefully a new Israeli government, must understand that not one penny will be coming to Israel from the U.S. unless there is a fundamental change in their military and political positions. Read my statement: pic.twitter.com/x3LlSRhuYO
— Bernie Sanders (@SenSanders) November 18, 2023
De la même façon, la congressiste du Minnesota, Ilhan Omar, a soulevé la possibilité d’une conditionnalité en citant « le ciblage des civils à Gaza ».
This is a shockingly disturbing report, confirming what many of us feared about the targeting of civilians in Gaza.
Given everything we know, how can we continue to hand the IDF a blank check without any conditions? https://t.co/4S70uCtKlZ
— Ilhan Omar (@IlhanMN) December 1, 2023
[Le sénateur du Connecticut] Chris Murphy affirme que les démocrates vont adopter la question de la conditionnalité, mais il n’y a aucune preuve qu’un grand nombre de ses collègues démocrates seraient disposés à se joindre à lui – et il est absolument certain que les républicains ne le feront pas.
De façon étonnante, le président Biden a déclaré le 24 novembre qu’imposer certaines conditions à l’aide militaire à Israël constitue une « idée valable », mais les chances de le voir poursuivre son raisonnement requièrent que l’on oublie les décennies de précédents de cet ardent partisan d’Israël qui, depuis très longtemps, ferme les yeux sur la dépossession, l’occupation et l’apartheid pratiqués contre les Palestiniens.
En 2019, Biden avait dit que l’idée d’imposer des conditions à l’aide à Israël était « absolument scandaleuse » et que c’était « une erreur gigantesque ».
Voilà qui est beaucoup plus clair et plus en ligne avec sa carrière que sa récente marche arrière disant qu’imposer des conditions constitue une « idée valable ».
Avec une année électorale qui se profile à l’horizon et sa position au sujet d’Israël et de Gaza qui contribue à sa dégringolade dans les sondages, on peut s’attendre à ce que Biden annonce une chose, mais en fasse une autre.
Il continue de pousser au réarmement d’Israël, avec plus de 14 milliards d’USD (12,85 milliards d’euros, NdT) d’aide militaire. Voilà bien le vrai Biden.
Currently, the U.S. provides $3.8 billion a year to Israel with close to no strings attached.
President Biden has asked Congress for $14.3 billion more on top of that and to waive normal, already-limited oversight rules.
This blank check approach must end. pic.twitter.com/zVGuO6Hosl
— Bernie Sanders (@SenSanders) December 1, 2023
Sanders a raison de dire que « l’approche via un chèque en blanc doit cesser ».
Biden ne le fera pas, toutefois. Et le Congrès américain non plus.
Au-delà de toutes ces larmes de crocodile, ils sont parfaitement satisfaits de voir l’armée israélienne anéantir les Palestiniens, enfants y compris, et d’envoyer de nouveaux armements qui continueront de faire pareil. Ces attaques poussent les Palestiniens à s’enfuir de plus en plus loin vers le sud.
Une déclaration émanant de la Maison-Blanche, ce samedi, prétendait que
« le vice-président avait répété qu’en aucune circonstance les États-Unis ne permettraient la réinstallation forcée des Palestiniens depuis Gaza ou la Cisjordanie ».
Du fait qu’Israël néglige pitoyablement les appels creux des EU en faveur d’une meilleure protection des civils palestiniens, qu’est-ce qui pourrait amener à penser qu’Israël va respecter les mises en garde douteuses de l’administration en vue d’éviter la « réinstallation forcée » – autrement dit, le nettoyage ethnique – des Palestiniens ?
Désespérés et brutalisés, les Palestiniens s’en vont déjà – ou s’enfuient – comme le veut Netanyahou.
Qui pourrait dire combien vont revenir ?
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Michael F. Brown est un journaliste indépendant. Ses articles et ses points de vue ont été publiés dans diverses publications, dont The International Herald Tribune, TheNation.com, The San Diego Union-Tribune, The News & Observer, The Atlanta Journal-Constitution, The Washington Post et d’autres encore.
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Publié le 3 décembre sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine