Geler le financement de l’UNRWA pourrait mettre un terme à ses opérations à la fin de ce mois

L’UNRWA va être forcée de clôturer ses opérations dès la fin de ce mois, si son financement n’est pas rétabli, estime le directeur de l’agence, Philippe Lazzarini.

11 janvier 2024. Des Palestiniens déplacés se sont réfugiés dans une école de l’UNRWA à Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza.

11 janvier 2024. Des Palestiniens déplacés se sont réfugiés dans une école de l’UNRWA à Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza. (Photo : Naaman Omar / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 3 février 2024

Les pays donateurs, dont les EU, qui assurent le financement le plus important de l’agence, ont suspendu pour 440 millions de USD d’aide après qu’Israël a diffusé des allégations non vérifiées disant qu’une poignée de membres du personnel de l’UNRWA à Gaza avaient été impliqués dans les attaques du 7 octobre dirigées par le Hamas.

Mercredi, Martin Griffiths, le responsable de l’aide de l’ONU, a expliqué au Conseil de sécurité que la réponse humanitaire de l’institution mondiale en Cisjordanie et à Gaza « dépendait du financement adéquat et opérationnel de l’UNRWA » et il a demandé l’annulation des « décisions de retenue des fonds ».

Trois organisations palestiniennes de défense des droits humains – Al-Haq, Al Mezan et le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH) – ont condamné le gel des fonds de l’UNRWA, en déclarant cette semaine que cela équivalait « à un acte de punition collective contre les 5,9 millions de réfugiés palestiniens qui sont enregistrés » auprès de l’agence.

Josep Borrell, le responsable de la politique étrangère de l’Union européenne, a également argumenté contre ce qu’il a décrit comme une « punition collective » infligée au peuple palestinien. Il a déclaré que l’effondrement de l’agence condamnerait à mort des « centaines de milliers de personnes ».

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Cette semaine, Petra De Sutter, une vice-Première ministre de Belgique, a qualifié l’UNRWA d’« irremplaçable dans la livraison à Gaza d’une aide humanitaire urgente et cruciale ». La veille de ce commentaire, Israël avait bombardé les bureaux à Gaza de l’agence belge d’aide.

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Les organisations palestiniennes de défense des droits humains ont prévenu que la suspension des fonds,

« qui se traduirait par l’arrêt de l’aide humanitaire à Gaza, constituerait une complicité au génocide ».

C’est particulièrement le cas pour les EU et l’Allemagne, deux des principaux donateurs de l’UNRWA.

L’Institut Lemkin pour la prévention du génocide a déclaré que la décision de suspendre le financement

« représente, de la part de plusieurs pays, un glissement potentiel de la complicité dans le génocide vers l’implication directe dans une famine organisée ».

L’institut a ajouté que

« c’est une attaque contre ce qui reste de la sécurité personnelle, la liberté, la santé et la dignité en Palestine ».

L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens est le principal fournisseur d’aide humanitaire à Gaza, où l’écrasante majorité de la population dépend d’elle « pour sa simple survie », a déclaré l’UNRWA jeudi.

Première des agences de l’ONU jamais créée, l’UNRWA fournit des services de type gouvernemental à quelque six millions de réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza et la Cisjordanie occupées, ainsi qu’au Liban, en Syrie et en Jordanie.

Les deux tiers de la population de Gaza (2,3 millions d’habitants) sont des réfugiés enregistrés à l’UNRWA. Plus de 150 membres du personnel de l’UNRWA font partie des quelque 27 000 personnes tuées à Gaza depuis le 7 octobre et plus de 140 des sites de l’agence ont été endommagés ou détruits, dont son quartier général dans la ville de Gaza.

Des centaines de milliers de personnes déplacées séjournent dans les bâtiments de l’UNRWA un peu partout à Gaza. Plus de 350 personnes déplacées ont été tuées et 1 255 blessées dans des frappes contre ces sites de l’ONU.


« Une motivation malveillante »

L’agence, qui compte sur le financement volontaire des États membres de l’ONU, a vu ses rentrées financières diminuer, ces dernières années, alors que les besoins de ses services n’ont cessé de croître. Le secrétaire général de l’ONU a émis un avertissement, l’été dernier, en disant que l’UNRWA était « au bord de l’effondrement financier ».

Les trois organisations palestiniennes de défense des droits humains disent que le timing des allégations israéliennes contre l’UNRWA « suggère une motivation malveillante » à la suite de la décision provisoire de la CIJ à la La Haye, qui estime qu’Israël commet probablement un génocide à Gaza.

L’une des décisions provisoires décrétées par la cour requiert qu’Israël

« prenne des mesures immédiates et efficaces afin de faciliter la livraison de services élémentaires et d’assistance humanitaire dont le besoin est urgent ».

Les organisations de défense des droits humains ont dit que les allégations savamment minutées

« équivalent à des représailles à l’encontre de l’UNRWA, dont les déclarations sont citées comme références dans le soutien de la décision autoritaire de la CIJ contre Israël ».

Il y a eu dans le passé un exemple d’un tel comportement : Israël interdit régulièrement l’entrée aux fonctionnaires de l’ONU et aux autres enquêteurs des droits humains et il a refusé de renouveler le visa de Lynn Hastings, l’ancienne haute responsable de l’aide humanitaire de l’ONU pour la Cisjordanie et Gaza.

L’État a apparemment refusé une autorisation d’entrée à Volker Türk, le chef des droits de l’homme de l’ONU, au cours de sa visite de cinq jours dans la région, début novembre 2023.

La semaine dernière, lors d’une rencontre à Jérusalem, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a déclaré aux ambassadeurs de Nations unies que l’UNRWA était « totalement infiltrée » par le Hamas et qu’elle devait être remplacée.

« Je le dis avec grand regret parce que nous espérions qu’il y aurait une institution objective et constructive pour proposer de l’aide »,

a déclaré Netanyahou aux diplomates.

« Nous avons besoin d’une institution de ce genre, aujourd’hui, à Gaza, mais l’UNRWA n’est pas cette institution. »

Netanyahou s’est également plaint du contrôle minutieux exercé par l’ONU sur les actions israéliennes, des allégations d’atrocités très régulièrement démystifiées et il a ajouté que son pays

« menait la guerre de la civilisation contre la barbarie ».

 

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Netanyahou a mis l’UNRWA en épingle parce qu’elle avait avancé des informations citées par l’Afrique du Sud dans sa plainte pour génocide introduite contre Israël à La Haye.

D’autres hauts responsables israéliens se sont montrés moins impatients que Netanyahou d’assister à l’effondrement immédiat de l’UNRWA.

Un officier supérieur resté anonyme a déclaré dans The Times of Israel que,

« si l’UNRWA cesse d’opérer sur le terrain, cela pourrait provoquer une catastrophe humanitaire qui forcerait Israël à mettre un terme à sa guerre contre le Hamas ».

Une catastrophe humanitaire à Gaza se déroule depuis des mois à Gaza, après qu’Israël a coupé la livraison d’électricité, de carburant, d’eau, de vivres et de fournitures médicales dès les premières heures de sa contre-offensive.

Certaines de ces denrées essentielles ont été restaurées à Gaza, mais à un niveau qui est très loin de satisfaire les besoins élémentaires de la population, puisque les restrictions et opérations militaires israéliennes empêchent toute activité commerciale ainsi que la fourniture d’aide à l’échelle souhaitée.

Les Palestiniens de Gaza sont confrontés à une famine massive d’un rythme et d’une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale et ils mangent de l’herbe et boivent de l’eau polluée pour survivre aux conditions de famine imposées par Israël.

Christian Lindmeier, porte-parole de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a dit que les allégations contre le personnel de l’UNRWA constituent

« un détournement de l’attention de ce qui se passe réellement chaque jour, chaque heure, chaque minute à Gaza ».

« C’est un détournement de l’attention du fait que l’on empêche toute une population d’avoir accès à l’eau potable, à la nourriture, à un refuge »,

a-t-il ajouté.

« Cela détourne l’attention du fait que l’on empêche l’électricité d’entrer à Gaza depuis plus de 100 jours ».

 

Le droit au retour

La prétention au regret de Netanyahou est démentie par la campagne menée depuis plusieurs décennies par Israël afin de mettre définitivement l’UNRWA hors circuit.

Les trois organisations palestiniennes de défense des droits humains ont déclaré que le désir d’Israël de détruire l’agence était

« motivé par la question centrale enracinée dans le mandat de l’UNRWA : l’application de la Résolution 194 (III) de l’Assemblée générale de l’ONU ».

Cette résolution avait été approuvée par l’Assemblée générale de l’ONU en décembre 1948, suite à l’expulsion forcée de centaines de milliers de Palestiniens de leur patrie par les milices sionistes d’avant l’État et par l’armée israélienne.

« Les réfugiés désireux de rentrer dans leurs foyers et de vivre en paix avec leurs voisins devraient avoir la permission de le faire à la date qui leur conviendrait le plus tôt possible », déclare la résolution de l’ONU. Elle ajoute que les réfugiés qui choisissent de ne pas retourner devraient obtenir des compensations pour la perte de leur propriété ou pour les dégâts qu’elle a subis ».

Israël a refusé aux Palestiniens d’exercer leur droit au retour dans des terres qu’il occupe désormais parce que, s’il l’avait accepté, cela

« aurait altéré le caractère démographique d’Israël au point de l’éliminer en tant qu’État juif »,

comme l’a déclaré la Commission économique et sociale de l’ONU pour l’Asie occidentale, dans un rapport de 2017.

« Nos organisations insistent sur le fait qu’il faut préserver l’UNRWA en tant qu’institution destinée à protéger les droits des Palestiniens »,

ont déclaré les trois organisations de défense des droits humains susmentionnées.

Les réfugiés palestiniens se voient

« toujours systématiquement refuser leur droit inaliénable au retour et on les a abandonnés des générations durant pour qu’ils vivent dans des camps de réfugiés, tout en leur refusant leur liberté de mouvement et leurs droits humains élémentaires »,

ont ajouté les organisations.

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Les organisations palestiniennes de défense des droits font remarquer que les pays qui ont suspendu leur soutien à l’UNRWA – outre les EU, on trouve l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, l’Italie, les Pays-Bas, la Suède, la Finlande, l’Estonie, l’Islande, le Japon, l’Autriche, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie – ont ignoré leur propre appel à cesser d’armer Israël.

La chaîne britannique Sky News a rapporté cette semaine qu’elle avait vu des documents des renseignements d’Israël qui soutenaient prétendument ses allégations selon lesquelles le personnel de l’UNRWA était connecté au Hamas.

Sky News a déclaré que le dossier, qui a été partagé avec des gouvernements étrangers, mais pas avec les autorités de l’ONU, prétend que six employés de l’UNRWA « ont infiltré » Israël depuis Gaza le 7 octobre. Quatre de ces six employés « ont été prétendument impliqués dans le kidnapping d’Israéliens, alors qu’on dit d’un autre travailleur qu’il a fourni du ‘soutien logistique’ », rapporte Sky News.

Des rapports initiaux de la semaine dernière ont déclaré qu’Israël prétendait que 12 employés de l’UNRWA étaient impliqués dans les attaques du 7 octobre.

Sky News a ajouté que le dossier israélien prétend que 10 pour 100 des 12 000 employés de l’UNRWA à Gaza sont des agents du Hamas et du Djihad islamique, une autre faction palestinienne engagée dans la résistance armée. Le dossier prétend aussi qu’environ la moitié du personnel gazaoui est constitué de « parents au premier degré d’un ou l’autre agent du Hamas ».

Apparemment, le dossier d’Israël tente de décrire la coordination de l’UNRWA avec les autorités locales comme une forme de subordination au Hamas, les dirigeants de facto des affaires internes de Gaza depuis 2007.

« Les documents des renseignements israéliens fait plusieurs allégations dont Sky News n’a pas vu les preuves et bon nombre de ces allégations, même si elles sont fondées, n’impliquent pas directement l’UNRWA »,

a déclaré la publication.

 

Des dossiers épineux

Le dossier de l’UNRWA tel qu’il est présenté par Sky News s’avère similaire aux documents passés produits par Israël et ses amis dans leurs tentatives en vue de lier les ONG palestiniennes aux organisations de résistance, et ce, dans un effort pour les priver de leur financement européen.

Les États européens ont dit qu’ils n’étaient pas convaincus par un dossier secret fourni par Israël afin de prouver ses allégations contre certaines organisations en vue de la société civile palestinienne, lesquelles avaient été qualifiées de « terroristes » en 2021.

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La base du dossier est constituée des témoignages de deux hommes qui ont été licenciés d’une organisation parce qu’ils étaient soupçonnés d’indélicatesses sur le plan financier.

L’avocat de l’un d’eux prétend que son client peut avoir été soumis à de mauvais traitements ou à de la torture durant ses interrogatoires.

On a découvert dans le dossier secret, dont le contenu a été révélé dans +972 Magazine, que les deux hommes n’étaient absolument pas familiarisés avec les autres organisations palestiniennes contre lesquelles on avait utilisé leur témoignage.

Des déclarations de responsables israéliens suggèrent que les allégations actuelles contre les employés de l’UNRWA peuvent reposer sur des informations arrachées de force aux détenus, ce qui donne lieu à des préoccupations concernant la torture et les mauvais traitements.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 3 février 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

Lisez également : Les Etats qui veulent liquider l’UNRWA sont complices du génocide


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