Rejetez Biden et construisez un monde meilleur
Susan Abulhawa : « Nous avons le pouvoir de créer le monde que nous voulons, un monde où notre gouvernement servira le bien-être de la nation et non les ambitions gourmandes d’un petit nombre. »
Susan Abulhawa, 18 mars 2024
Littéralement, c’est un holocauste, qui est perpétré contre les Palestiniens.
Israël enterre les Palestiniens vivants et en masse sous leurs maisons, il les terrorise au-delà de toute imagination, les bombarde sans discernement, les dénigre, les humilie, les affame, les torture, les viole et les vole.
Israël chasse les Palestiniens de chez eux pour les plonger dans une saleté abjecte et dans la peur ; il anéantit à coup de bombes toutes leurs existences, leurs histoires, leurs souvenirs et leurs espoirs d’avenir et les filme ensuite dans le but de divertir le public israélien. Les soldats aussi bien que les civils applaudissent et accompagnent de musique la souffrance indicible des Palestiniens avant de la publier sur TikTok comme source d’amusement.
Les médias israéliens diffusent des vidéos-réalité mettant en scène la torture des otages palestiniens. C’est un abattoir humain à une échelle massive à l’intérieur d’un ghetto de dégradation, de saleté et de peur, et il est entretenu en direct et sponsorisé par l’administration Biden avec l’aide des dollars des contribuables américains.
« Des bombes d’aide »
En même temps, les architectes israéliens et américains de cette horreur font semblant de se soucier de l’« aide humanitaire » et commettent des actes trompeurs et dignes d’un cirque politique, destinés à apaiser le tollé croissant du public tout en stimulant leur projet génocidaire pour l’amener à sa profitable conclusion coloniale – de vastes gisements gaziers et un immobilier côtier de premier ordre vidé de sa population autochtone.
D’humiliants et incompétents « parachutages humanitaires » de nourriture de piètre qualité, tombant souvent dans l’océan, n’ont été guère plus que des coups publicitaires. Les tentatives les plus récentes ont consisté en caisses d’aide larguées par des parachutes défectueux et qui sont tombées comme des missiles sur des Palestiniens affamés, les tuant instantanément en se muant réellement en « bombes d’aide ».
Maintenant, cette alliance génocidaire, vraiment peu sacrée, veut aménager une « jetée d’aide temporaire », manifestement afin d’ouvrir un corridor maritime pour les livraisons d’aide des EU. On s’attend à ce que sa construction prenne environ deux mois.
Ils n’ont pas eu de commentaire sur ce que la population de Gaza, déjà dramatiquement affamée, sera censée faire au cours de ces deux mois. Pas plus qu’ils n’ont répondu à cette question évidente : Pourquoi ne pas envoyer de l’aide via les corridors terrestres existants ?
Tout ce que les EU doivent faire, c’est faire en sorte que leurs camions d’aide empruntent le passage de Rafah. En fait, c’est aussi simple que cela.
D’autres camions d’aide n’entrent pas parce qu’Israël les bombarde. Devons-nous croire que les EU ont peur que leurs propres camions d’aide ne subissent le même sort ?
L’absurdité, l’hypocrisie et la franche malhonnêteté n’échappent pas à la plupart d’entre nous. Quelle que soit la raison de l’aménagement de cette jetée, elle n’a rien à voir avec l’apport d’aide aux Palestiniens.
Si les EU voulaient empêcher la campagne de famine orchestrée par Israël à Gaza, ils pourraient le faire en un clin d’œil, comme dit le proverbe.
Il convient de dire que c’est notre colère publique qui appuie le changement de discours et de tours de passe-passe politiques. C’est la force collective que nous déployons dans les rues et sur les bulletins de vote.
L’élite au pouvoir sent notre unité et notre pouvoir croissants dans chaque discours que nous perturbons, chaque chute de bannière, chaque action directe et chaque occasion où nous affrontons le misérable statu quo qu’un petit groupe a créé pour la majorité de l’humanité. En fait, il est de notre devoir moral de gêner, de perturber et de dénoncer les sionistes et leurs partisans où qu’ils se trouvent.
Les gardiens de l’information ont déployé tous les mécanismes habituels pour contrôler le discours public. Les médias traditionnels se sont mis en ligne avec chaque mensonge sioniste, même après que ces mensonges ont été dénoncés comme tels.
Ils n’ont surtout pas contesté la propagande israélienne, qu’importe son caractère mythique ou son incohérence. Leurs gros titres et articles d’opinion continuent de dépeindre Israël comme une victime en manipulant le langage ou en imprimant des affabulations pures et simples.
Les saveurs de l’oppression de l’homme blanc
Les organes de la prétendue « presse libre » parlent et écrivent le même verbiage, comme si tous partageaient un seul et même esprit colonial.
Les géants des médias sociaux ont ajusté leurs algorithmes afin de censurer le contenu palestinien et d’interdire les comptes rendus populaires.
Le Congrès s’en prend à la liberté d’expression sous le prétexte d’affronter l’antisémitisme en associant efficacement ses forces à celles des impitoyables organisations sionistes telles l’Anti-Defamation League (Ligue anti-diffamation) et les Fédérations juives de l’Amérique du Nord, afin de « doxer » (publier des informations personnelles, NdT), harceler et anéantir la vie des activistes qui osent élever la voix contre l’apartheid et le génocide israéliens. En ce moment de l’histoire où nous sommes témoins d’un nouvel holocauste, nos hommes politiques tiennent des audiences contre un festival de la littérature palestinienne et contre les campus universitaires du pays qui ne s’engagent pas activement dans le sens de l’agenda sioniste visant à réduire au silence toute dissension publique.
À un moment où le président des États-Unis contourne le Congrès afin d’envoyer des milliards de dollars des contribuables sous forme d’armes, d’argent liquide et d’autres cadeaux à Israël en train de commettre un génocide, le Congrès se concentre sur l’interdiction de TikTok parce que les jeunes connaissent et partagent trop la vérité.
La classe dirigeante croit qu’elle peut réprimer l’impulsion morale du public mondial à l’aide de ces habituels mécanismes de répression et de contrôle d’accès. Le Parti démocrate compte sur sa base pour se mettre en ligne avec la menace d’une nouvelle ère Trump.
En fin de compte, nous avons le pouvoir de libérer nos esprits emprisonnés de leur propagande ; des chaînes d’un système bipartite ; d’un gouvernement absolument antidémocratique qui répond à une minorité nantie, et non aux masses, dont l’écrasante majorité veut un cessez-le-feu ; et des divisions bien pratiques qu’ils nous imposent.
Nous avons le pouvoir de créer le monde que nous voulons, un monde où notre gouvernement servira le bien-être de la nation et non les ambitions gourmandes d’un petit nombre.
Nous avons le pouvoir de choisir la moralité au lieu de nous laisser une fois de plus acculer dans le système binaire de Joe Biden et Donald Trump, deux saveurs d’oppression d’hommes blancs, la première constituant ni plus ni moins qu’un génocide.
Permettre à Biden d’accomplir un autre mandat va mettre en lumière la misère morale et l’impuissance tragique du peuple américain à faire valoir un minimum d’objection à un holocauste en cours. Un second mandat pour Biden montrera clairement que la classe dirigeante peut nous faire, à nous et au monde, tout ce qu’elle veut, qu’importe à quel point ce sera vil ou destructeur, et que nous resterons les esclaves des choix qu’elle nous concocte à chaque élection.
C’est notre monde et nous pouvons reprendre les rênes de notre destinée collective. Nous pouvons opter pour la vie.
Nous pouvons choisir de nous déplacer en douceur sur notre planète torturée ; de rejeter leurs interminables guerres ; de détourner nos deniers publics du un pour cent des plus riches vers notre bien-être collectif et vers notre qualité de vie à tous ; de donner des moyens à nos jeunes, de créer une communauté et d’avoir foi les uns dans les autres ; de démanteler les infrastructures qui nous tiennent ignorants et divisés.
Le monde que nous voulons est possible et il commence en agissant dès maintenant pour un futur à long terme, même si cela signifie une douleur à court terme pour les quatre années à venir. Faire en sorte que la dissension morale prenne le dessus signifie une perte définitive pour le Parti démocrate, quelle que soit l’alternative.
Encourager les alternatives d’un tiers parti constituerait un effet secondaire on ne peut plus bienvenu, en politique électorale.
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Susan Abulhawa est écrivaine et activiste. Elle est la fondatrice et la directrice du Palestine Writes Literature Festival.
Susan Abulhawa est née en 1967 en Palestine, de parents réfugiés de la guerre des Six-Jours.
Élevée en partie au Koweït, en Jordanie et dans la partie occupée de Jérusalem-Est, elle vit maintenant aux États-Unis.
Susan Abulhawa est l’auteur de « Les Matins de Jénine » (édité en français chez Buchet-Chastel en 2008), qui a remporté le Best Book Award 2007 dans la catégorie Fiction historique.
Elle est commentatrice politique, activiste pour les droits humains et fondatrice d’une organisation internationale pour la défense des enfants.
Son premier recueil de poésie « My voice sought the wind » est publié en 2013 chez Just World Books.
Sa deuxième publication en français, « Le Bleu entre le ciel et la mer » (« The Blue between Sky and Water »), est édité chez Denoël, en 2016.
Son dernier roman s’appelle Against the Loveless World. Bloomsbury et est édité chez Bloomsburry, Londres, en 2020
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