Les EU impliqués alors que l’impunité israélienne touche à sa fin

Les décennies d’impunité d’Israël sont révolues, ou en passe de l’être, de sorte que ses dirigeants ont peur et divulguent des rapports aux médias disant que des mandats d’arrêt pour crimes de guerre sont imminents, et ce, dans un effort pour amener leurs alliés à les contrecarrer.

Fini l'impunité ! Photo : 25 mars 2024, Washington, DC. Des manifestants dénoncent une réunion entre le secrétaire d'État américain Antony Blinken et le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant.

25 mars 2024, Washington, DC. Des manifestants dénoncent une réunion entre le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant. (Photo : Michael Nigro / SIPA USA)


Maureen Clare Murphy
, 30 avril 2024

Les rumeurs qui ont fait surface et qui concernent des membres du cabinet de guerre d’Israël – le Premier ministre Benjamin Netanyahou, le ministre de la Défense Yoav Gallant et le commandant en chef de l’armée Herzi Halevi – pourraient très bien être crédibles.

Lundi, Reuters rapportait que nombre de membres du personnel des hôpitaux de Gaza – hôpitaux qui, ces derniers mois, ont été dépouillés de leur capacité de fournir des soins et ont été transformés en fosses communes – ont été interviewés par des enquêteurs de la Cour pénale internationale (CPI).

Il est possible que des mandats d’arrêt contre de hauts responsables israéliens aient déjà été délivrés en secret.

Une « source diplomatique israélienne » restée anonyme a protesté dans The Jerusalem Post contre le silence perçu de l’administration Biden à propos de la CPI.

Cette colère d’un responsable resté anonyme à l’égard de Joe Biden est déplacée.

Les incantations de Washington affirmant son soutien à toute épreuve au droit supposé d’Israël à l’autodéfense devraient être comprises comme un engagement à sauvegarder l’impunité d’Israël à n’importe quel prix.

La panique qui prend forme en Israël à propos de la CPI vient du fait qu’il ne peut maintenir en place son régime de colonisation de peuplement, d’apartheid et d’occupation de la Palestine qu’avec le soutien de la seule superpuissance du monde.

Mais ce soutien s’érode en raison d’un dégoût largement répandu à l’égard de la campagne génocidaire d’Israël à Gaza.

Le soutien bipartite à Israël, qui dure depuis des décennies, est perçu par beaucoup comme une responsabilité stratégique dont les EU tirent peu de bénéfice – et c’est de plus en plus le cas du fait qu’un Netanyahou désespéré tente d’attirer Washington dans une guerre régionale catastrophique.

Le rôle pratique de l’administration Biden dans le génocide israélien à Gaza constitue une responsabilité juridique également. Les mandats d’arrêt de la CPI concernant les crimes de guerre israéliens pourraient – et devraient – impliquer des personnalités officielles américaines.

 

Des barrières à la justice

 

Il y a un certain nombre de barrières entre les hauts responsables de Biden et la justice de la CPI.

Karim Khan, le procureur principal de la CPI, qui a été harcelé par des accusations de partialité à l’égard d’États puissants, a laissé tomber les enquêtes sur les crimes de guerre prétendument perpétrés par le personnel américain en Afghanistan ; le dossier de la Cour sur la Palestine est dirigé par une personnalité de l’establishment britannique et un ancien procureur militaire ; et les lois américaines autorisent le président à ordonner des actions militaires afin de protéger ses ressortissants des poursuites et de les libérer suite à leur arrestation par la Cour.

À l’instar d’Israël, les EU ne sont pas État partie dans le traité fondateur de la CPI. Mais la Palestine a accédé au Statut de Rome et la Cour a une juridiction territoriale concernant les crimes supposés perpétrés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Khan a déclaré que la Cour disposait également d’une juridiction concernant des crimes supposés perpétrés par des acteurs basés dans ces territoires et elle délivrera probablement aussi des mandats d’arrêt contre les dirigeants du Hamas concernant l’attaque du 7 octobre.

Alors que les EU ont eu des relations méprisantes avec la CPI, comme l’a prouvé la Loi d’invasion de La Haye, datant de l’époque de George W. Bush, ces toutes dernières années, ces relations se sont réchauffées à l’égard du tribunal dans le soutien de son enquête sur les prétendus crimes de guerre russes en Ukraine.

En, agissant de la sorte, Biden a effectivement reconnu la juridiction territoriale de la CPI en Ukraine – ni la Russie ni l’Ukraine ne sont des États parties dans le Statut de Rome – et il existe un soutien bipartite à l’enquête de la Cour sur les responsables russes suite à l’invasion de l’Ukraine en février 2022.

Le Pentagone s’est opposé à l’ordre adressé au gouvernement américain par Biden de fournir à la Cour des renseignements en vue de son enquête sur l’Ukraine, et a gardé l’ancienne position des EU disant que la CPI ne devrait pas exercer de juridiction sur des ressortissants d’États non parties.

Tout en acceptant l’autorité de la Cour pour enquêter sur les hauts responsables russes, l’administration Biden rejette la juridiction dans le cas de la Palestine, comme l’a expliqué lundi aux journalistes la secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre.

Les EU vont certainement continuer de saboter l’enquête de la CPI sur la Palestine, et ce, de multiples façons. Mais, étant donné leur relation de travail avec la Cour, il pourrait s’avérer malaisé d’imposer des sanctions économiques au procureur principal et à d’autres membres importants du personnel au cas où il y aurait des mandats d’arrêt contre certains hauts responsables israéliens, alors que l’administration Trump en avait imposé à la procureure qui avait précédé Khan.

En tout cas, la position à deux poids et deux mesures qui en résulte pour les EU sera certainement énorme au point d’être visible de l’extérieur, puisque l’administration Biden continue de fournir une couverture aux atrocités commises par Israël à Gaza.

 

 

 

Israël enfreint les lois américaines

 

Des responsables de quatre bureaux américains ont fait savoir à Antony Blinken, le secrétaire d’État, que les déclarations formelles d’Israël disant qu’il utilisait les armes américaines en conformité avec les lois internationales n’étaient « ni crédibles ni fiables », selon une note interne adressée au département d’État et examinée par Reuters.

Un mémorandum de la sécurité nationale émanant de Biden en février requiert de Blinken qu’il adresse au Congrès, pour le 8 mai, un rapport sur la crédibilité des garanties d’Israël.

Les lois américaines interdisent toute assistance militaire à un État qui entrave la livraison d’une aide humanitaire fournie par Washington.

Des responsables de USAID, l’agence de développement du département d’État, ont déclaré dans une note confidentielle qu’Israël avait enfreint cette directive américaine.

Une note interne séparée adressée à Biden par des experts du département d’État dit que « les défis administratifs imposés aux Israéliens empêchent la livraison » de l’aide humanitaire à Gaza. Dans cette note, la ligne réservée à l’objet dit, en style télégraphique : « Famine inévitable pourrait réduire mais pas faire cesser nombreux décès civils », selon Devex, une publication sur le développement.

En outre, une étude réalisée par un groupe de travail indépendant sur l’application du mémorandum de la sécurité nationale a découvert « un modèle clair de violations des lois internationales » par Israël à Gaza.

Ce groupe d’experts non inféodés à un parti, qui compte en ses rangs d’anciens responsables du département d’État et de l’armée, insiste sur le mépris systématique des principes fondamentaux des lois de la guerre, tel le lancement d’attaques « malgré le préjudice disproportionné, très prévisible, pour les civils et les objets civils ».

Ces experts décrivent aussi « des attaques contre de vastes zones, sans avertissement préalable, dans certains des quartiers résidentiels les plus densément peuplés de la planète » et des attaques directes contre des civils et des objets civils, « y compris ceux qui sont indispensables à la survie de la population civile ».

DAWN, une organisation de contrôle des droits humains installée à Washington, a déclaré que ces rapports récents « confirment de façon conclusive que la conduite d’Israël, qui empêche et bloque l’aide humanitaire, a déclenché l’exigence légale de faire cesser l’aide militaire », quel que soit le prochain rapport de Blinken au Congrès.

Blinken, qui vient précisément de renier sa promesse de faire figurer en liste noire une unité israélienne dont l’administration Biden avait déterminé qu’elle avait commis « de graves violations des droits humains » contre des civils palestiniens, ignorera également les recommandations de DAWN.

Mais de nouvelles actions entreprises par la CPI et par la Cour internationale de l’ONU, elle aussi installée à La Haye, déclencheront des sanctions internationales contre Israël, dont les jours d’impunité sont désormais comptés.

 

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 30 avril 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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