Le génocide de Gaza cimente le statut de paria d’Israël

La Nakba – la dépossession de la Palestine pendant, avant et après la déclaration de l’État d’Israël en mai 1948 – est un processus toujours en cours et le génocide qui se déroule actuellement à Gaza constitue une escalade dans la violence coloniale, ont déclaré mercredi trois éminentes organisations palestiniennes des droits humains – Al-Haq, Al Mezan et le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH).

 

14 mai 2024. Le site d'une frappe aérienne israélienne sur une école abritant des Palestiniens déplacés au camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza.

14 mai 2024. Le site d’une frappe aérienne israélienne sur une école abritant des Palestiniens déplacés au camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 16 mai 2024

Le 15 mai a marqué la Journée de la Nakba, la commémoration annuelle du nettoyage ethnique de 800 000 Palestiniens de leur patrie, c’est-à-dire environ 80 pour 100 de la population palestinienne d’il y a 76 ans.

Le mot arabe « Nakba » se traduit par « catastrophe » – un mot qui décrit les vagues de déplacements, de massacres et de dépossession de leur terre que les Palestiniens n’ont plus cessé d’affronter depuis 1948.

Les dirigeants israéliens ont menacé ouvertement de déclencher une nouvelle Nakba à Gaza, laquelle « éclipserait la Nakba de 1948 », pour reprendre les termes du député israélien Ariel Kallner, qui fait partie du Likoud, le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahou.

Comme le font remarquer les organisations palestiniennes des droits humains, la violence éliminationniste d’Israël à Gaza aujourd’hui constitue une extension de la logique de l’idéologie de l’État d’Israël, le sionisme. Le recours à la force a toujours été requis pour imposer son projet colonial de peuplement à la terre de Palestine.

À l’instar de tous les autres projets coloniaux de peuplement, font remarquer les organisations, le sionisme est fondé sur l’élimination de la population autochtone de sa terre même, de façon à pouvoir la remplacer par des colons étrangers.

Francesca Albanese, la rapporteuse spéciale de l’ONU pour la Cisjordanie et Gaza, a déclaré que l’extermination génocidaire – comme celle qui se déroule à Gaza aujourd’hui – représente l’apogée du « processus dynamique structurel » du colonialisme de peuplement.

La destruction généralisée de Gaza par Israël, y compris le fait de raser les habitations, les écoles, les hôpitaux, l’infrastructure de l’eau et les installations sanitaires, vise à rendre le territoire inhabitable, forçant ainsi sa population à s’en aller et à ne plus jamais revenir.

 

« Une émigration volontaire »

Ce résultat a été soutenu par les hommes politiques de la coalition au pouvoir de Netanyahou.

Mardi 14 mai, des milliers d’Israéliens ont célébré leur prétendue Journée de l’Indépendance en marchant vers le passage nord de Gaza tout en réclamant sa colonisation et l’expulsion de la population palestinienne.

Itamar Ben-Gvir, le ministre israélien d’extrême droite de la sécurité nationale, a appelé à encourager « l’émigration volontaire » des Gazaouis tout en affirmant son opposition au transfert de l’aide humanitaire vers le territoire.

Lundi 13 mai, des Israéliens ont attaqué, lors de leur trajet à travers la Cisjordanie, des camions transportant des fournitures humanitaires destinées à Gaza, où la famine se répand de plus en plus.

Certains des conducteurs ont été roués de coups et une quinzaine de camions ont été endommagés et leur contenu emporté. La cargaison de certains camions a été vandalisée et détruite.

Cette semaine, en Cisjordanie, au cours d’un incident séparé, des colons israéliens ont tabassé un routier palestinien parce qu’ils croyaient par erreur qu’il transportait de l’aide vers Gaza.

Entre-temps, à Gaza, l’armée israélienne s’en est prise à des civils qui cherchaient de l’aide, à des convois humanitaires, à des membres du personnel d’aide ainsi qu’à des infrastructures d’aide et ce, en pas moins de 80 occasions depuis janvier, estime l’organisation de recherche installée au Royaume-Uni, Forensic Architecture.

« La fréquence et la nature très répandue de ces attaques suggèrent qu’Israël cible systématiquement l’aide », a déclaré Forensic Architecture.

Alors que Ben-Gvir a été censuré par certaines personnes de l’establishment militaire et politique pour ses remarques, le fait de refuser aux Palestiniens de Gaza les moyens de maintenir leur propre existence est manifestement la politique choisie.

Les dirigeants israéliens sont découragés toutefois de l’affirmer à haute voix, puisque cela démontre leur intention génocidaire. Les choses seraient plus faciles pour Israël, sous les regards à la fois de la Cour internationale de Justice (CIJ) et de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, si des personnalités comme Ben-Gvir n’affichaient pas ouvertement leurs desseins manifestes.

 

Des missiles guidés avec précision

S’il devait n’y avoir nul doute que la plupart, sinon toutes les attaques israéliennes contre l’aide humanitaire sont délibérées, Human Rights Watch a répertorié huit frappes contre des travailleurs humanitaires depuis octobre 2023,

« même si les organisations humanitaires avaient fourni leurs coordonnées aux autorités israéliennes afin que celles-ci assurent leur protection ».

Trente et un travailleurs humanitaires ont été tués ou blessés dans ces attaques, en même temps que des personnes qui les accompagnaient au moment de ces frappes.

Parmi les tués figure Mousa Shawwa, le coordinateur des livraisons et de la logistique pour Anera, une organisation humanitaire américaine qui travaille à Gaza depuis des décennies.

Shawwa a été tué le 8 mars lorsqu’un missile présumé guidé avec précision a frappé l’appartement du second étage où séjournait sa famille à Zawaida, une ville dans le centre de la bande de Gaza, après avoir fui sa maison à Gaza même.

En compagnie de Shawwa, son beau-frère Baha al-Gifri a été tué sur le coup lui aussi et le fils de Shawwa, Karim, 6 ans, est décédé onze jours plus tard de ses blessures.

Après avoir atténué les menaces ouvertement génocidaires qu’ils avaient crachées sans retenue en octobre, les dirigeants et porte-parole israéliens aiment annoncer à un public mondial que leur combat est contre le Hamas, et non contre les habitants de Gaza.

Ces affirmations sont contredites par la réalité sur le terrain.

Depuis le 7 octobre, plus de 35 000 Palestiniens de Gaza ont été tués, 10 000 autres ont été portés manquants et la grande majorité de la population a été déplacée de ses foyers, dont un très grand nombre n’existent même plus.

L’armée israélienne est actuellement engagée dans des combats acharnés avec la résistance palestinienne dans des zones où elle avait prétendu avoir éradiqué les forces du Hamas quelques mois plus tôt.

On parle beaucoup de l’absence de stratégie militaire et politique, du côté d’Israël, pour finir la guerre à Gaza.

Dirigé par Netanyahou, qui promet sans cesse une victoire totale, Israël va de l’avant dans sa campagne de destruction, renonçant ainsi à une fin négociée des hostilités qui verrait la libération des captifs détenus à Gaza.

 

La victoire ?

Il s’avère que la victoire totale signifierait la destruction totale de la vie à Gaza.

Mais toute « victoire » israélienne dans les combats de Gaza, ce qui est loin d’être garanti, sera de courte durée.

Israël et le projet colonial sioniste de peuplement en Palestine ont déjà perdu une guerre encore plus lourde de conséquences.

L’indignation soulevée par le génocide a cimenté le statut de paria mondial d’Israël en le dépouillant du vernis de légitimité que son usurpation violente de la Palestine n’aurait jamais dû recevoir en tout premier lieu.

Dans un discours adressé aux soldats le 10 octobre, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, avait dit que

« Gaza ne redeviendra pas ce qu’il a été auparavant ».

« Nous éliminerons tout »,

avait ajouté Gallant.

« Si cela ne prend pas un jour, cela prendra une semaine. Cela prendra des semaines ou même des mois, nous atteindrons tous les endroits. »

Après le génocide à Gaza, Israël ne reviendra pas à la situation d’impunité qui prévalait auparavant.

Cela ne se fera pas du jour au lendemain, et cela peut prendre des années, et non des mois.

Mais, comme le disent les organisations des droits humains susmentionnées, les Palestiniens doivent se voir rendre leurs pleins droits, y compris le droit au retour dans tous les endroits d’où ils ont été chassés en 1948 – la cause originelle de la Nakba en cours – et par la suite.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 16 mai 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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Le 15 mai, jour de la Nakba, des membres de la Plateforme Charleroi-Palestine ont organisé une action sur la Place Verte à Charleroi, exprimant leur soutien à la résistance palestinienne. Des cartes ont été écrites aux prisonnières palestiniennes et un flyer a été distribué : Pour faire face à la Nakba et au génocide en cours : La résistance jusqu’à la libération et le retour.

 

15 mai, jour de la Nakba : soutien à la résistance palestinienne

15 mai, jour de la Nakba : table d'écriture aux prisonnières palestiniennes sur la Place Verte à Charleroi

15 mai, jour de la Nakba : soutien à la résistance palestinienne

 

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