L’Irlande doit faire davantage que d’agiter le drapeau palestinien

L’Irlande, l’Espagne et, à un degré un peu moindre, la Belgique se sont davantage exprimées sur Gaza que les autres États de l’UE. Il n’y a rien qui pourrait empêcher ces trois pays d’introduire conjointement tout un paquet de sanctions contre Israël.

 

L'Irlande doit faire davantage que d'agiter le drapeau palestinien. L'Irlandais Simon Harris ne semble pas avoir assez de courage pour agir indépendamment de l'Union européenne.

L’Irlandais Simon Harris ne semble pas avoir assez de courage pour agir indépendamment de l’Union européenne. (Photo : European Union)

 

 

David Cronin, 29 mai 2024

 

Cette semaine, on a agité le drapeau palestinien à Leinster House (siège du Parlement irlandais, NdT), dans la ville de Dublin.

Hisser ce drapeau au siège de l’Oireachtas – le Parlement irlandais – constituait apparemment un acte « fort ». Du moins, c’est ce qu’a voulu faire croire au public le taoiseach (Premier ministre) Simon Harris.

Si Harris avait réellement voulu faire quelque chose de fort après avoir reconnu un État palestinien, il aurait pu traverser la Liffey (le fleuve qui traverse Dublin, NdT) en direction de l’hôtel Morrison, à Dublin.

Une fois sur place, il aurait pu remarquer que, dans un passé récent, la banque Leumi d’Israël avait approuvé un prêt important à cette entreprise commerciale.

Il aurait également pu remarquer que la Leumi avait été placée sur la liste noire des Nations unies du fait qu’elle finançait les activités israéliennes de peuplement en Cisjordanie occupée. Il aurait pu annoncer qu’il ne serait plus toléré en Irlande le moindre investissement de la Leumi ou de toute autre institution facilitant les crimes contre les Palestiniens ou encore tirant profit de ces mêmes crimes.

Harris aurait même pu rester du côté sud de la Liffey et délivrer le même message à l’hôtel Clarence, toujours à Dublin. En octobre dernier – peu après le début du génocide de Gaza – la Leumi avait confirmé qu’elle allait financer la remise à neuf de cet hôtel « emblématique ».

Deux de ses précédents propriétaires – Bono et The Edge, deux membres du groupe de rock U2 – avaient gentiment tiré profit du contrat, dont l’importance allait bien au-delà des suites luxueuses et du bar du Clarence.

Les actuels propriétaires – Matt Ryan et Paddy McKillen Jr. – dirigent une société appelée Press Up. Acteur dominant sur la scène des restaurants et divertissements de Dublin, son portefeuille inclut le Workmans Club, l’une des scènes musicales les plus connues de la ville, et le Stella, un cinéma populaire.

Le prêt de la Leumi a été utilisé pour construire une extension au Clarence. Cela signifie que Press Up prend de l’extension grâce au soutien généreux d’une société qui facilite les crimes de guerre.

 

Deuxième position

Le drapeau palestinien hissé au Parlement vient en deuxième position après celui de l’Union européenne.

Ce fait semble avoir été perdu dans le commentaire, même s’il est significatif, aussi bien dans un sens symbolique que dans un sens pratique : les Palestiniens se sont toujours vu octroyer la deuxième place (sinon plus éloignée encore) par l’Union européenne.

Deux gouvernements de l’UE – l’Espagne et l’Irlande – peuvent très bien avoir reconnu un État palestinien cette semaine. N’empêche que, collectivement, l’UE reste une fidèle alliée d’Israël, dans le même temps que celui-ci commet un génocide.

La chose a été soulignée par Olivér Várhelyi, un membre de la Commission européenne, quand il a entrepris son dernier périple au Moyen-Orient. Il l’a fait en demandant à voir son copain Israel Katz, le ministre israélien des Affaires étrangères et, après cela, il a traîné quelque peu avec Isaac Herzog, le président, et Yoav Gallant, le ministre de la Défense.

 

 

Olivér Várhelyi et Yoav Gallant

Olivér Várhelyi et Yoav Gallant

 

Les trois hommes ont été cités dans la dernière décision provisoire de la Cour internationale de Justice, qui a ordonné à Israël de cesser de tuer des Palestiniens à Gaza.

L‘Afrique du Sud, le pays qui intente un procès à Israël devant la CPI, a prétendu que les trois hommes avaient fait montre d’intentions génocidaires dans des commentaires prévenant ou annonçant que les civils de Gaza ne seraient pas épargnés. La semaine dernière, précisément, Karim Khan, le procureur principal de la Cour pénale internationale (CPI) introduisait une demande de mandat en vue de l’arrestation de Gallant.

Théoriquement au-dessus des contingences de politique nationale, Olivér Várhelyi est à toutes fins utiles l’homme de référence de la Hongrie à Bruxelles. Il représente effectivement l’État qui assumera la présence tournante de l’UE d’ici tout juste un mois.

Il témoigne sa solidarité avec Israël quelques jours seulement après que celui-ci a massacré des familles entières blotties sous des tentes à Rafah.

Jusqu’à présent, l’UE a refusé de réclamer les moindres comptes à Israël pour son génocide à Gaza.

La décision de lundi par les ministres des Affaires étrangères du bloc européen de convoquer une réunion avec Israël à propos de ses violations des droits humains pourrait être un pas dans la bonne direction. Mais il ne serait guère surprenant que plusieurs pays de l’UE bloquent toute mesure concrète.

Heureusement, les drapeaux palestinien et européen hissés à Leinster House sont trop hauts pour que Simon Harris puisse les atteindre. Il ne devrait jamais lui être permis de se cacher derrière quelque drapeau que ce soit, tout en cherchant des excuses pour la lâcheté de l’Irlande officielle.

Il ne faut jamais oublier que Harris dirige le Fine Gael, un parti qui s’est opposé à une interdiction des importations en provenance des colonies d’Israël en Cisjordanie. Même si cette interdiction a gagné le soutien majoritaire aux deux chambres de l’Oireachtas, le Fine Gael a prétendu que les mains de l’Irlande étaient complètement entravées par l’UE (ce qui est faux).

En tant que nouveau Premier ministre, Simon Harris pourrait poser un geste fort en prouvant que l’Irlande désire imposer des sanctions économiques très sévères à Israël, même si ses maîtres de Bruxelles ne sont pas d’accord.

Il serait plus courageux que l’Irlande soit le premier pays à agir de la sorte, mais cela n’est pas strictement nécessaire.

L’Irlande, l’Espagne et, à un degré un peu moindre, la Belgique se sont davantage exprimées sur Gaza que les autres États de l’UE. Il n’y a rien qui pourrait empêcher ces trois pays d’introduire conjointement tout un paquet de sanctions contre Israël.

Tant que l’Irlande n’entreprendra pas des actions réelles, ses démarches auront à peu près autant de substance que le vent qui agite les drapeaux à Leinster House.

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

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Publié le 29 mai 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Lisez également : Au lieu de reconnaître la « Palestine », les pays devraient retirer leur reconnaissance à Israël

 

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