Von der Leyen compte-t-elle écraser les protestations contre le génocide ?
Ursula von der Leyen parade comme « bastion contre les extrêmes », tout en cherchant à être réélue à la tête de la Commission européenne.
David Cronin, 10 juin 2024
Sa transformation a été rapide et – sur une question au moins – extrêmement peu convaincante.
En octobre dernier, loin d’être un bastion contre les extrêmes, von der Leyen a porté vers de nouvelles extrémités le soutien de l’Union européenne à Israël en cautionnant le génocide qu’il commettait à Gaza.
Sa position a déclenché une grande colère parmi le public et même au sein des institutions européennes. Dans une démarche absolument inhabituelle, des fonctionnaires ont organisé des protestations à l’extérieur du bureau bruxellois de van der Leyen et lui ont également adressé des lettres chargées de critiques amères.
Plutôt que de prêter l’oreille à son personnel, la Commission européenne menace d’écraser les dissensions.
Balazs Ujvari, l’un de ses porte-parole, a récemment insisté en disant que, tout en respectant la liberté d’expression, le personnel de l’UE était censé faire preuve de loyauté envers la politique de son institution.
J’ai contacté Ujvari en lui demandant si les fonctionnaires de Bruxelles étaient censés faire preuve de loyauté envers Ursula von der Leyen et les garanties qu’elle avait offertes à Israël le 13 octobre. Ce jour-là, Von der Leyen se tenait aux côtés de Benjamin Netanyahou, le Premier ministre d’Israël, et lui avait dit qu’il pouvait « compter sur » le soutien de l’UE dans la guerre contre Gaza.
Ujvari n’a pas jugé utile de répondre directement à ma question.
Au lieu de cela, il a déclaré que le droit à la liberté d’expression n’est « pas une prérogative absolue », puisque les fonctionnaires « doivent se conformer à leurs devoirs et obligations », dans le cadre des réglementations applicables au personnel de l’UE. Il est également requis des fonctionnaires qu’ils en demandent préalablement l’autorisation, s’ils veulent publier du matériel concernant le travail de l’UE.
Toute infraction à ces « obligations statutaires » sera évaluée par la Commission européenne, a déclaré Ujvari.
« Pas d’âme »
Les mises en garde à peine voilées d’Ujvari ont été dénoncées par les fonctionnaires qui ont participé aux protestations contre la position de l’UE à propos de Gaza.
L’un de ces fonctionnaires – qui a préféré garder l’anonymat – a décrit la hiérarchie de l’UE comme des « facilitateurs du génocide jusqu’à la moelle ».
Un autre a déclaré :
« Honnêtement, je suis toujours en état de choc, à ce sujet. »
Le fonctionnaire m’a raconté que les commentaires d’Ujvari étaient
« un autre signe de la façon dont les institutions [de l’UE] insistent sur le fait de n’avoir pas d’âme ».
Il est important de faire remarquer que la Commission européenne n’a apparemment aucune difficulté avec les fonctionnaires qui s’expriment en faveur du génocide.
Récemment, Katharina von Schnurbein, nominalement la coordinatrice de l’UE contre l’antisémitisme, a utilisé les médias sociaux pour promouvoir un événement qui soutenait la guerre génocidaire contre Gaza.
En agissant de la sorte, von Schnurbein a abusé de sa propre position.
Elle travaille au sein du département de la Justice de la Commission européenne, plutôt que dans le service diplomatique de l’UE. Et la description de son travail officiel ne mentionne pas une seule fois Israël.
N’empêche qu’on peut parier à coup sûr que von Schnurbein ne devra pas subir les moindres conséquences pour avoir encouragé la violence contre les Palestiniens.
À l’instar de von der Leyen, elle est de citoyenneté allemande.
En disant à Netanyahou qu’il pouvait compter sur le soutien de l’UE, von der Leyen à elle seule a rendu la position de la bureaucratie bruxelloise vis-à-vis d’Israël pratiquement identique à la position adoptée depuis longtemps par le gouvernement allemand.
La réélection attendue de von der Leyen va réaffirmer la domination de l’Allemagne sur l’Europe.
Défendre les Palestiniens est effectivement interdit en Allemagne. Avec von der Leyen à la barre, la chose ne sera pas tolérée non plus au sein de la bureaucratie bruxelloise.
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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”.
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).
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Publié le 10 juin 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine