Israël cible les Palestiniens de Cisjordanie depuis la terre et le ciel

À aucun autre moment de l’histoire de la Palestine, la résistance en Cisjordanie aux raids meurtriers et aux empiétements coloniaux de l’armée israélienne n’aurait autant mérité le titre de Troisième Intifada.

 

Des gens éplorés portent les corps de quatre Palestiniens tués mardi 2 juillet par une frappe aérienne israélienne. Les funérailles ont lieu le mercredi 3 au camp de réfugiés de Nur Shams, près de Tulkarem, en Cisjordanie.

Des gens éplorés portent les corps de quatre Palestiniens tués mardi 2 juillet par une frappe aérienne israélienne. Les funérailles ont lieu le mercredi 3 au camp de réfugiés de Nur Shams, près de Tulkarem, en Cisjordanie. (Photo : Mohammed Nasser / APA images)

Tamara Nassar, 13 juillet 2024

Depuis le 7 octobre, l’armée israélienne a intensifié ses raids dans les villes, villages et camps de réfugiés de la Cisjordanie occupée. Ces opérations militaires, qui impliquent souvent tout un déploiement de véhicules blindés et de bulldozers, ont provoqué une dévastation généralisée en endommageant gravement les réseaux d’électricité, les infrastructures de l’eau et des égouts, en défonçant les routes et en détruisant les maisons.

En Cisjordanie, Israël a recouru à divers moyens pour tuer des Palestiniens.

Les forces israéliennes abattent des Palestiniens dans les manifestations, lors des incursions de l’armée ou même en procédant à des exécutions extrajudiciaires.

Aujourd’hui, depuis l’été dernier, même les attaques aériennes ne sont plus un fait inhabituel, en Cisjordanie occupée, alors que la pratique avait été laissée de côté après la Deuxième Intifada. Israël a mené des dizaines de frappes aériennes en Cisjordanie, tuant au moins 86 Palestiniens, dont 14 enfants, d’après les chiffres enregistrés par l’organisation de contrôle de l’ONU, l’OCHA.

Des cellules palestiniennes armées ont pris de l’expansion et ont peaufiné leurs tactiques afin de résister aux raids militaires israéliens et de les affronter, surtout dans les villes du nord et les camps de réfugiés. L’une de ces tactiques a consisté en l’usage plus fréquent d’engins explosifs déposés sous les routes empruntées par les véhicules blindés israéliens. Les Palestiniens font sauter à distance ces engins explosifs, tuant et blessant un certain nombre de soldats israéliens au cours de ces derniers mois.

 

Le peaufinage de la résistance

En moins d’une semaine, entre fin juin et début juillet, des explosifs placés à flanc de route ont tué deux membres de l’armée israélienne – le commandant d’une équipe de snipers, tué le 27 juin dans le camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée et un pilote de combat tué dans une autre explosion dans le camp de réfugiés de Nur Shams, près de Tulkarem, le 1er juillet.

Sous le prétexte de vouloir enlever les engins explosifs des routes, les bulldozers israéliens ravagent les rues des villes et des camps de réfugiés

« afin de dégager la couche supérieure de l’asphalte des routes »,

pour reprendre les termes du Times of Israel.

Tout cela a provoqué d’énormes ravages au sein des communautés palestiniennes, des commerces et des infrastructures civiles de ces endroits.

Lors d’un raid de l’armée israélienne qui a duré 15 heures dans le camp de réfugiés de Nur Shams, le 9 juillet, les bulldozers ont défoncé la voirie à l’intérieur et aux alentours du camp, endommageant par la même occasion les infrastructures de l’eau, de l’électricité et d’internet, ainsi que les murs des maisons et des commerces, a rapporté l’OCHA.

L’armée israélienne a prétendu que les engins explosifs découverts

« ciblaient les civils et les forces sécuritaires israéliennes ».

Selon toute vraisemblance, la résistance armée s’est adaptée aux méthodes de l’armée israélienne pour la combattre et châtier toute la communauté dans le processus. The Times of Israel a dit que l’engin explosif qui a tué l’officier des snipers dans le camp de réfugiés de Jénine était un engin « de 100 kilos » et qu’il pouvait avoir été placé à 1,5 mètre de profondeur.

L’engin qui a tué le pilote de combat dans le camp de réfugiés de Nur Shams a également détruit la protection IED (improvised explosive device – engin explosif improvisé) de son véhicule, l’endommageant gravement et le retournant complètement, ce qui suggère que cet engin était particulièrement puissant.

« Tous les engins explosifs qui ont frappé des cibles israéliennes en Cisjordanie durant l’année écoulée ont été fabriqués à l’aide de matériaux artisanaux improvisés et certains étaient de très bonne qualité »,

a rapporté The Times of Israel.

Les tactiques de plus en plus sophistiquées et organisées de la résistance inquiètent l’armée israélienne en Cisjordanie, puisqu’elle intensifie ses efforts en vue de les contrer, entre autres en se servant d’une unité des renseignements afin de les détecter.

Depuis le début de l’année, l’armée israélienne a démantelé des laboratoires où l’on produisait ces explosifs et a également découvert et neutralisés nombre d’engins mis en place, rapportait encore le journal israélien, citant des chiffres émanant de l’armée israélienne : Environ un millier de IED auraient ciblé les troupes israéliennes.

Du 7 octobre au 8 juillet, 14 Israéliens, dont neuf soldats et cinq colons, ont été tués en Cisjordanie occupée, a déclaré l’OCHA.

 

Des raids meurtriers

Ce sont les enfants qui font les frais des incursions meurtrières de l’armée israélienne dans les villes, villages et camps de réfugiés de Cisjordanie.

Une atmosphère d’impunité permanente montre bien le

« mépris des soldats israéliens envers les vies des enfants palestiniens »,

a déclaré Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de Defense for Children International – Palestine (DCI-P).

Jeudi, au moment où les forces israéliennes se retiraient des villages palestiniens voisins, elles sont passées par l’entrée de Meithalun, une ville de la région de Jénine. Les Palestiniens ont jeté des pierres contre les véhicules militaires des envahisseurs israéliens.

Un gamin dont on présume qu’il lançait des pierres en direction des forces israéliennes à l’entrée de Meithalun a été mortellement abattu par un soldat de l’occupation.

Un soldat israélien à bord d’un lourd véhicule blindé a tiré sur Ali Hasan Ali Rabaya, 14 ans, à une distance de 20 à 40 mètres, le touchant sous l’aisselle.

Ali est encore parvenu à courir quelques mètres avant de s’écrouler.

« Les forces israéliennes ont continué de tirer dans sa direction, et ont encore touché au moins cinq enfants palestiniens »,

a rapporté DCI-P.

Les tirs de l’armée israélienne se sont encore poursuivis pendant cinq minutes environ, empêchant tout Palestinien présent à proximité d’approcher Ali afin de lui donner des soins médicaux ou de le transporter. Ce n’est que lorsque les véhicules de l’armée israélienne ont quitté les lieux qu’Ali a été transféré dans une voiture privée vers l’hôpital le plus proche, où l’on n’a pu que constater son décès.

Entre-temps, les forces israéliennes ont tué Ghassan Gharib Zahran, 14 ans, alors qu’il jouait avec deux amis à l’entrée du village palestinien de Deir Abu Mashal, à l’ouest de Ramallah.

 

Ghassan Gharib Hussein Zahran

Ghassan Gharib Hussein Zahran (Photo via DCI-P sur X)

Trois soldats israéliens passant à proximité à bord d’un véhicule ont ouvert le feu sur les gosses à une distance de 80 à 100 mètres, touchant Ghassan dans le dos, a rapporté DCI-P.

« Un groupe de colons israéliens qui s’était rassemblé après que les soldats avaient abattu Ghassan se sont mis à jeter des pierres en direction de villageois palestiniens qui essayaient de porter secours au jeune blessé »,

a ajouté DCI-P.

« Les forces israéliennes ont ensuite ouvert le feu sur les résidents palestiniens afin de les empêcher de rejoindre le garçon, qui est resté affalé au sol pendant 15 ou 20 minutes sans cesser de perdre son sang. »

« Les meurtres illégaux d’enfants palestiniens sont devenus la norme depuis que les forces israéliennes ont de plus en plus la possibilité de recourir à la violence létale dans des situations où elle ne se justifie pourtant pas »,

a ajouté Abu Eqtaish.

« Bref, ce sont des crimes de guerre sans la moindre conséquence. »

Les militaires et les colons israéliens ont tué 57 enfants palestiniens depuis le début de l’année, dont deux citoyens américains, selon la documentation rassemblée par DCI-P.

Plus de 550 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre, dont au moins 536 par les forces israéliennes, selon l’OCHA.

Les colons israéliens ont tué au moins 11 Palestiniens et six autres ont été tués soit par l’armée, soit par les colons.

Parmi les tués en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre, 137 étaient des enfants.

Au moins 246 de ces homicides ont eu lieu depuis le début de 2024, estime le Centre palestinien pour les droits humains. Plus de 700 Palestiniens, dont 150 enfants, ont été blessés.

Les militaires et les colons israéliens ont blessé plus de 5 500 Palestiniens en Cisjordanie depuis le 7 octobre, dont 800 enfants au moins. Un tiers de toutes ces blessures étaient des blessures par balles réelles.

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Publié le 13 juillet 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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