Alors que les vols de terres augmentent, Israël prévoit une colonie sur un site du patrimoine de l’UNESCO

Le gouvernement israélien poursuit ses plans d’établissement de colonies réservées exclusivement aux juifs sur des terres appartenant au village palestinien de Battir désigné en 2014 comme un site du Patrimoine mondial de l’UNESCO.

 

16 août 2024. Une Palestinienne constate les dégâts occasionnés par les colons juifs à Jit, un village de la Palestine occupée.

16 août 2024. Une Palestinienne constate les dégâts occasionnés par les colons juifs à Jit, un village de la Palestine occupée. (Photo : Mohammed Nasser / APA images)

 

Tamara Nassar, 23 août 2024

Quand un groupe de plus de 100 pogromistes juifs, masqués et armés de pistolets et de fusils automatiques, ont tué un Palestinien, en ont blessé d’autres et ont incendié des maisons du village palestinien de Jit, dans le nord de la Cisjordanie occupée, le gouvernement israélien les a rapidement condamnés.

« C’est une minorité extrême qui porte préjudice à la communauté de peuplement respectueuse des lois, à la colonie tout entière ainsi qu’au nom et au statut d’Israël dans le monde »,

a écrit sur X – anciennement Twitter – Isaac Herzog, le président israélien.

Le cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahou aurait réclamé l’arrestation et la mise en jugement des « responsables du moindre délit ».

En effet, un nombre astronomique de quatre colons ont été arrêtés.

Les colons ont tiré sur des villageois palestiniens, ont jeté des pierres contre leurs maisons et ont incendié leurs véhicules et habitations, a rapporté le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH).

Les colons ont abattu Rashid Mahmoud al-Sadeh, 23 ans, d’une balle dans la poitrine, le tuant sur le coup.

Une heure après le début de l’attaque des colons, les forces israéliennes s’y sont jointes, pour disperser avec violence les Palestiniens et

« les empêcher d’éteindre les incendies qui engloutissaient leurs habitations et leurs véhicules ».

Les forces israéliennes

« ont tiré à balles réelles et ont lancé des grenades de gaz lacrymogène en l’air ; elles n’ont rien entrepris pour faire cesser le déchaînement des colons ».

En lieu et place, elles ont assuré en toute sécurité le retrait des colons du village.

Les forces d’occupation israéliennes ont bloqué les entrées du village, empêchant ainsi le passage des ambulances et des premiers secours.

« Ce crime s’inscrit dans une vague plus large de violence alimentée par la campagne d’incitation en cours émanant des ministres israéliens »,

a déclaré le CPDH.

« Ces attaques sont favorisées par l’impunité institutionnalisée dont profite la violence des colons accompagnée du soutien sans faille des échelons supérieurs de la politique et de l’armée en Israël. »

 

Les colons SONT l’État

Mais le fait que gouvernement israélien prétend qu’une poignée de colons seulement sont les pommes pourries dans le reste du panier des « colonies respectueuses des lois » constitue une tentative de détourner l’attention de qui servent réellement les colons et de blanchir le projet de peuplement dans son ensemble.

Les colons sont la piétaille de choc de l’État colonisateur israélien et, comme l’illustre la récente attaque contre Jit, ils opèrent main dans la main avec l’armée.

La recrudescence de la violence des colons depuis le 7 octobre n’est pas le fait d’une minorité de voyous agissants, comme voudraient le faire croire les sanctions imposées par les EU et certains États européens.

Ces derniers mois, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et d’autres alliés d’Israël qui ont constamment soutenu ses actions à Gaza ont annoncé des sanctions contre un petit nombre de colons israéliens.

Il s’agit apparemment d’une tentative en vue de détourner l’attention de leur complicité dans le génocide israélien des Palestiniens de Gaza, tout en donnant faussement l’impression que la violence des colons est provoquée par une poignée de pommes pourries. Les sanctions, pour autant qu’elles soient sérieuses, devraient être prises contre Israël et ses dirigeants, et non contre quelques individus.

Les colons sont essentiels dans la politique israélienne de colonisation de peuplement, qui est intrinsèquement violente et qui accélère au moment où tous les yeux sont braqués sur le génocide israélien contre les Palestiniens de Gaza.

« La violence des colons est inséparable de la politique élargie d’Israël visant à établir sa pleine souveraineté sur la Cisjordanie et à poursuivre son programme de nettoyage ethnique des Palestiniens »,

a déclaré le CPDH.

Ce que Herzog, le président israélien, appelle « la communauté de peuplement respectueuse des lois » n’est une référence qu’à la législation israélienne – laquelle est à peine appliquée aux colons, quoi qu’il en soit.

En réalité, les colonies d’Israël en Cisjordanie occupée, dont Jérusalem-Est et les hauteurs syriennes du Golan, sont illégales dans le cadre des lois internationales et sont considérées comme des crimes de guerre.

En établissant des colonies, Israël perpétue les violations des droits humains contre la population palestinienne occupée, y compris les démolitions de maisons, les déplacements forcés et le vol de terre.

 

Une colonie sur un site de l’UNESCO

Entre-temps, le gouvernement israélien poursuit ses plans d’établissement de colonies réservées exclusivement aux juifs sur des terres appartenant au village palestinien de Battir désigné en 2014 comme un site du Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Cette désignation par l’UNESCO visait à protéger le paysage agricole et culturel ancien et unique de Battir contre les plans d’Israël en vue de construire son mur de séparation au travers du village même.

« Le paysage culturel de Battir comprend d’anciennes terrasses, des sites archéologiques, des tombeaux taillés à même la roche, des tours agricoles et, chose très importante, un système d’eau toujours intact, représenté par tout un ensemble de pièces d’eau et de canaux »,

déclare l’UNESCO.

« L’intégrité de ce système hydraulique traditionnel est garantie par les familles de Battir, qui en dépendent. »

L’institution culturelle mondiale ajoute que

« le système de distribution d’eau utilisé par les familles de Battir est un témoignage d’un ancien système égalitaire de distribution »

qui remonte à l’Antiquité.

Ce mois-ci, l’Administration civile – le bras bureaucratique de l’occupation militaire israélienne – a révélé une carte « ligne bleue » autour de la terre de Battir, la destinant ainsi à la construction de ce qui devrait s’appeler la colonie de Nahal Heletz.

 

Le village palestinien de Battir désigné en 2014 comme un site du Patrimoine mondial de l'UNESCO.

Battir

 

La « ligne bleue » représente des terres dont le gouvernement israélien prétend qu’il s’agit de « terres d’État » et qu’il ouvre donc au vol et à la colonisation. Une grande partie de ces terres sont des propriétés privées entretenues depuis des générations par les familles de Battir – comme c’est d’ailleurs le cas avec les terres qu’Israël colonise partout en Cisjordanie.

Les manœuvres pseudo-légales d’Israël constituent une parodie de procédure juridique en vue d’enjoliver son vol direct de terre palestinienne à la pointe du fusil.

Elles visent « à légitimer l’entreprise de peuplement », a déclaré Peace Now, une organisation qui tient le processus colonial à l’œil.

Mais les Palestiniens ne disposent d’aucun moyen significatif de défendre leurs droits via le système des tribunaux israéliens, dont bon nombre de juges sont eux-mêmes des colons.

Au début, l’occupation avait alloué 30 acres (12 hectares, soit 0,12 km²) à la construction de la colonie. La nouvelle « ligne bleue » saisit 150 acres (60 hectares, soit 0,6 km²) de plus en tant que « terres d’État » et 130 autres encore (52 hectares, soit 0,52 km²) pour le futur développement potentiel, selon Peace Now – le tout, sur le site même du Patrimoine mondial de l’UNESCO.

« La nouvelle colonie de Nahal Heletz va créer une enclave isolée, profondément enfoncée dans le territoire palestinien »,

a ajouté l’organisation. Mais elle est sans aucun doute prévue uniquement comme point de départ d’une expansion future.

Nahal Heletz est l’une des cinq colonies approuvées par le cabinet israélien en juin. Quatre ont été des avant-postes – un terme qu’Israël utilise pour de petites colonies établies par les colons en violation même des réglementations israéliennes.

« Le rythme des déclarations de limites et des terres d’État ‘ligne bleue’ est sans précédent”,

explique Peace Now.

Bezalel Smotrich, le ministre israélien des finances, un homme de l’ultra-extrême droite, et Netanyahou

« font progresser sans relâche l’annexion de fait, méprisant de façon on ne peut plus flagrante la Convention de l’UNESCO dont Israël est pourtant signataire »,

ajoute Peace Now.

 

Les faits sur le terrain

Interrogé la semaine dernière à propos de l’installation prévue d’une colonie à Battir, le porte-parole du département d’État américain, Vedant Patel, a déclaré que

« chacune de ces nouvelles colonies empêcherait le développement économique et la liberté de mouvement des Palestiniens ».

Il est à remarquer que Patel n’a fait aucune allusion au fait que les colonies d’Israël violent les lois internationales.

Quand on lui demande si l’opposition des EU aux colonies ferait cesser leur construction, Patel a écarté l’expansion des colonies en tant qu’« actions unilatérales israéliennes » et a suggéré qu’il n’y aurait pas d’action des EU pour y mettre un terme.

« Vous vous êtes opposés à des centaines d’annonces de colonies, et toutes ont ensuite été construites. Dans ce cas, à quoi sert de répéter que vous vous y opposez ? »,

a demandé Tom Bateman, correspondant à la BBC.

« Il importe pour nous d’énoncer clairement nos perspectives et nos points de vue »,

a répondu Patel.

Ceci résume succinctement le processus, qui commence avec des colons supposés « extrémistes » volant des terres palestiniennes et culmine par des faits sur le terrain que les États-Unis sont plus que disposés à tolérer.

Le gouvernement israélien permet – en les aidant – aux colons d’établir des avant-postes et, ensuite, il les reconnaît officiellement.

Une fois que le gouvernement israélien les a reconnus comme colonies officielles, les EU répondent par toute une rhétorique creuse prétendant que l’expansion des colonies entrave la solution moribonde « à deux États ».

Les colons ont lancé au moins 1 270 attaques contre les Palestiniens, depuis le 7 octobre, prétend l’organisation de contrôle de l’ONU, l’OCHA.

En font partie aussi bien les attaques se traduisant par des blessures aux Palestiniens que celles résultant par des dégâts aux propriétés.

Les colons israéliens menacent les Palestiniens à la pointe du fusil, ils vandalisent leurs biens, entravent leur accès à l’eau, détruisent leurs arbres, endommagent leurs véhicules, volent leurs possessions et les agressent physiquement.

Cette violence est prévue et calculée afin de terroriser les Palestiniens et les dissuader de toute activité agricole et d’accéder à leurs terres, de sorte que les colons puissent s’en emparer et que l’État israélien puisse avaliser le vol, après quoi les États-Unis pourront insister auprès des Palestiniens pou qu’ils acceptent un « compromis » en cédant leurs terres en vue d’un futur accord de « paix ».

Depuis le 7 octobre jusqu’à la mi-août de cette année, Israël a démoli, confisqué et forcé la démolition de plus de 1 400 structures appartenant à des Palestiniens en Cisjordanie occupée, dont plus d’un tiers étaient des constructions habitées.

C’est le double du nombre de démolitions qui ont eu lieu durant la même période avant le 7 octobre.

Ces démolitions ont chassé quelque 3 200 Palestiniens de chez eux, dont 1 400 enfants.

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Publié le 23 août 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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