Désinvestir du génocide !

Les activistes canadiens célèbrent de petites victoires dans le combat contre le financement des crimes de guerre israéliens ; Scotiabank réduit progressivement ses investissements chez le fabricant d’armes Elbit Systems et le Jewish National Fund perd son statut d’organisation caritative.

 

Désinvestir du génocide ! (Conception : Al Mayadeen English / Zeinab al-Hajj)

Désinvestir du génocide ! (Conception : Al Mayadeen English / Zeinab al-Hajj)

 

Marion Kawas, 20 août 2024

Au moment où le génocide se poursuit sans relâche à Gaza et que des images d’une horreur et d’une tristesse inimaginables envahissent quotidiennement nos médias sociaux, il est important de faire état des petites victoires qui ont fait surface récemment dans les milieux institutionnels et politiques canadiens.

Tout d’abord, il y a eu l’annonce que le gouvernement canadien révoquait officiellement le statut caritatif du Jewish National Fund (Fonds national juif – JNF). En début de semaine, on apprenait également que Scotiabank réduisait encore un peu plus ses investissements dans la société d’armement israélienne Elbit Systems.

Le 15 août, la Canada Palestine Association de Vancouver publiait la déclaration suivante :

« Le 3 juin 2023, des activistes de Vancouver ont organisé une marche et une action éclair au siège de Scotiabank, afin de contribuer au lancement d’une campagne nationale en vue d’exiger que Scotiabank désinvestisse du fabricant d’armes israélien Elbit Systems.

Depuis lors, le fonds d’actifs de Scotiabank a réduit à trois reprises son investissement d’un demi-milliard de dollars dans Elbit, encore qu’il possède toujours 1,44 % des actions d’Elbit (pour une valeur approximative de 113 millions de dollars).

Nombre d’organisations et d’individus ont participé à la campagne pour crier #ShameonScotiabank (Honte à Scotiabank !) qui finance le génocide israélien ; c’est cette pression collective qui a porté des fruits. Nous adressons un message spécial aux alliés de la communauté des artistes et écrivains qui ont adopté cette cause et ont aidé à accroître la visibilité de la campagne via des moyens nouveaux et créatifs.

Toutefois, bien que Scotiabank ne soit plus le plus gros investisseur étranger dans Elbit, il figure toujours dans le « top dix ».

Tout financement du génocide est un financement de trop . Nous ne nous arrêterons pas tant que Scotiabank n’aura pas désinvesti complètement des crimes de guerre israéliens. »

En fait, au cours des trois derniers trimestres fiscaux, le fonds d’actifs de Scotiabank a progressivement réduit son investissement dans Elbit Systems.

Ce « désinvestissement incrémentiel » progressif est moins marqué d’un retrait total du financement en une seule fois et permet à la banque de prétendre que sa décision reposait sur le « mérite de l’investissement ».

Mais les activistes ne marchent pas là-dedans. En fait, Elbit Systems dit que ses revenus ont en réalité augmenté,cette dernière année. Quelle est la société d’armement qui se porterait mal lors d’un génocide ?

Toutefois, Scotiabank pourrait payer un prix plus fort sur le front intérieur via une énorme publicité négative et une perte de crédibilité, un facteur dont il convient également de tenir compte, lorsqu’on fait des affaires.

Canadian Press a écrit ceci, le 14 août :

« Elbit a noté dans ses résultats les plus récents qu’il avait engrangé une hausse de 12 pour 100 dans ses revenus par rapport à l’année précédente, du fait que la demande de ses produits a été plus élevée, entre autres grâce à ‘une augmentation de la demande de matériel’ de la part du ministère israélien de la Défense. »

Mais le coût d’une perte de confiance et de réputation – d’une importance cruciale pour une institution financière – a pesé plus lourd que la hausse des profits d’Elbit.

La campagne exigeant que Scotiabank cesse de financer le génocide israélien a atteint de nouvelles hauteurs populaires. La combinaison d’une grande banque qui s’allie à une société d’armements pour faire de l’argent en éradiquant toute une population civile à Gaza n’a vraiment rien d’une bonne publicité.

Et les activistes du Canada, d’une côte à l’autre, ont carrément abordé la question. Piquets, actions éclair à l’intérieur, pétitions multiples et, comme on l’a déjà noté, l’éclairage ajouté apporté par divers événements artistiques et littéraires financés par Scotiabank.

Les alliés au sein de la communauté artistique ont été d’une influence prépondérante dans cette campagne, qui ciblait le Giller Prize (prix littéraire canadien au financement plus que douteux, NdT) et ont perturbé sa cérémonie de remise de prix, de même que le Hot Docs Festival (festival canadien du film documentaire, NdT).

Des écrivains de Toronto hostiles à la guerre contre Gaza ont déclaré, en commentant le dernier désinvestissement au coup par coup de Scotiabank :

« Les artistes ont tiré une ligne rouge à l’intention de nos institutions culturelles. Notre force en tant que travailleurs culturels réside non seulement dans ce que nous créons mais aussi dans le pouvoir collectif que nous exerçons en faveur de la libération palestinienne. Le temps est révolu où des pins et des déclarations publiques constituaient le point final de notre résistance. Cette victoire a été obtenue via des arrêts de travail, via l’action directe, via tout un travail d’organisation. »

Leurs commentaires se terminaient comme suit :

« C’est pourquoi nous ne nous contentons pas de désinvestissements partiels, ni ne gardons les yeux braqués sur la seule Scotiabank. En tant qu’artistes, nous rejetons le mensonge qui dit que le financement des arts doit être lié aux investissements dans la mort des Palestiniens. Notre cible, c’est chacune, sans exception, des organisations qui facilitent l’occupation de la Palestine par l’entité sioniste. »

En bénéficiant du soutien des masses populaires, même dans les pays occidentaux, un tel esprit, un tel engagement ne fera qu’amplifier la contestation croissante et l’opposition au sionisme et à son projet et à ses industries de mort et de destruction comme Elbit Systems.

Et, en effet, un jour la Palestine sera libre et quand ce jour viendra, les Palestiniens se souviendront de tous ceux qui ont été avec eux dans leurs heures les plus sombres ; en même temps, ils se souviendront aussi de tous ceux qui ont été complices de leur génocide et qui les ont trahis.

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Publié le 20 août 2024 sur Al Mayadeen
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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