Maura Finkelstein, une professeure juive licenciée pour ses messages antisionistes

Le licenciement est survenu après des mois de harcèlement ciblé par des groupes de pression et individus pro-israéliens qui incitaient l’université à virer Maura Finkelstein, l’accusant de « haine envers les juifs » quant à ses principes antisionistes.

 

Maura Finkelstein, professeure juive licenciée pour ses messages antisionistes

Maura Finkelstein. Photo via Twitter

 

Nora Barrows-Friedman, 17 novembre 2024

Un peu partout aux EU, les étudiants et les facultés continuent de résister aux mesures répressives des administrations universitaires bien décidées à étouffer, voire à criminaliser tout discours en faveur des droits palestiniens, alors que se poursuit le génocide à Gaza.

En même temps que les institutions américaines qui appellent les flics antiémeute contre leurs propres étudiants qui organisent des sit-in de protestation, ou pour tenter de les en empêcher, certaines universités ont tenté de considérer l’idéologie politique du sionisme comme une classe identitaire protégée dans le but de définir le discours antisioniste comme étant un discours haineux raciste.

« Depuis que je suis professeure, je donne cours sur la Palestine – cela a toujours été soit central soit intégré au travail que je fais »,

a expliqué Maura Finkelstein lors d’un podcast de The Electronic Intifada.

Maura Finkelstein, spécialiste de l’anthropologie et écrivaine, enseignait au Muhlenberg College (université privée) d’Allentown, Pennsylvanie, depuis neuf ans.

Elle donnait un cours sur l’anthropologie de la Palestine, une matière qui, dit-elle, avait été approuvée par la direction de l’établissement.

Mais, bien qu’elle ait été titulaire, elle a été licenciée en mai 2024 pour avoir diffusé sur les médias sociaux des messages favorables aux droits palestiniens et hostiles à l’idéologie politique du sionisme – une démarche qui a été perçue comme un avertissement aux autres professeurs opposés au génocide.

Le licenciement est survenu après des mois de harcèlement ciblé par des groupes de pression et individus pro-israéliens qui incitaient l’université à virer Maura Finkelstein, l’accusant de « haine envers les juifs » quant à ses principes antisionistes. Maura Finkelstein est juive.

The Intercept a rapporté que Finkelstein

« a fait l’objet d’une campagne de plusieurs milliers de courriels anonymes, générés par des robots, qui ont été adressés à chaque minute, pendant plus de 24 heures, aux administrateurs de l’école – de même qu’à la presse d’information et aux hommes politiques locaux – en exigeant le renvoi de la professeure ».

L’administration du collège a informé Maura Finkelstein que « de nombreuses familles d’étudiants avaient appelé pour exprimer leurs inquiétudes à propos de sa position », fait remarquer The Intercept.

« Une pétition sur Change.org lancée en octobre dernier par des anciens élèves et des amis du Muhlenberg College réclamait le licenciement de Finkelstein pour son discours prétendument ‘pro-Hamas’ ; cette pétition a récolté plus de 8 000 signatures. »

Maura Finkelstein a expliqué à The Electronic Intifada que l’un de ses messages sur les médias sociaux – une republication sur son compte personnel d’une déclaration du poète palestino-américain Remi Kanazi refusant de normaliser le sionisme – avait suscité une condamnation de la part d’un étudiant de Muhlenberg qui n’avait même jamais assisté à un de ses cours.

« Du fait que cet étudiant s’est identifié comme sioniste et qu’il croyait que le sionisme et le judaïsme étaient la même chose, il a prétendu que je violais la politique d’égalité des chances et de non-discrimination et que cela reviendrait essentiellement à refuser à cet étudiant l’accès à l’éducation »,

a ajouté Maura Finkelstein.

Et d’expliquer que, même si l’étudiant ne la connaissait pas,

« il présumait à partir des messages des médias sociaux qu’il ne serait pas en sécurité dans ma classe. L’affaire a été soumise à une enquête longue de trois mois et demi, en passant par divers corps de professeurs, du personnel et de l’administration et l’on m’a dit que j’étais licenciée pour un motif grave, ce qui, d’office, ne me donnait aucun accès à des indemnités de départ ».

 

Une « collision parfaite »

Maura Finkelstein dit que, selon l’Association américaine des professeurs d’université (AAUP), elle est la première professeure titulaire à être licenciée depuis octobre 2023 pour son soutien aux droits palestiniens.

« Naturellement il y a eu des cas dans le passé »,

fait-elle remarquer, citant le licenciement du professeur Steven Salaita par l’Université de l’Illinois en 2014, ainsi que

« d’innombrables adjoints, professeurs adjoints invités, conférenciers et autres professeurs occasionnels qui ont perdu leurs contrats, qui ont perdu leur emploi sans le même genre de raison qui provoquerait l’indignation ».

Il existe une crainte, dit-elle, chez les universitaires qui se font sanctionner actuellement,

« que, s’ils rendent leur affaire publique, ils ne puissent plus jamais travailler à nouveau dans l’enseignement supérieur. Et je pense que c’est une menace réelle. »

Dans son propre cas, explique Maura Finkelstein, cela cristallise au moins deux des grandes crises qui touchent actuellement l’enseignement supérieur.

L’une de ces crises, c’est

« l’érosion constante du financement fédéral, du soutien fédéral qui a créé ces institutions de sorte qu’elles sont complètement, ou presque complètement dépendantes des frais de scolarité et du soutien des donateurs », ce qui crée un modèle financier qui « ne porte pas sur l’enseignement, en fait, mais bien sur l’accumulation des ressources », dit-elle.

La seconde crise, c’est que les administrateurs sont dans une position où

« ils ne savent pas ce qu’est le judaïsme. Ils ne savent pas ce qu’est le sionisme. En fait, ils ne savent probablement pas grand-chose des décisions qu’ils prennent. Ce qu’ils savent, par contre, c’est ce qu’ils s’aliènent leur base financière, ils vont s’effondrer. »

Maura Finkelstein dit qu’elle comprend pourquoi certains professeurs sont effrayés de s’exprimer en défense de la Palestine et de perdre potentiellement leur emploi. Mais, ajoute-t-elle, ses collègues ne devraient pas s’autocensurer.

« Nous devons tous parler de la Palestine. Nous devons tous donner cours sur la Palestine parce que, dans un monde idéal, ils ne pourront pas nous licencier tous. »

 

Vidéo EI : Une professeure titulaire juive licenciée pour ses messages antisionistes. (Visible sur YouTube)

 

Voyez l’interview complète ci-dessus ou écoutez-la via SoundCloud, Apple Podcasts ou Spotify.  Production : Tamara Nassar

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Publié le 17 novembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

 

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