L’UE agira-t-elle un jour contre Israël ?

L’Union européenne n’est pas pressée. La situation à Gaza est devenue si horrible que des personnes affamées se font régulièrement massacrer quand elles tentent de trouver à manger. Mais, à Bruxelles, le débat autour d’une action potentielle contre Israël n’a débuté que cette semaine, comme l’a confirmé Kaja Kallas, la responsable de la politique étrangère de l’UE.

 

L'UE agira-t-elle un jour contre Israël. Photo : Des manifestants à Bruxelles exigent l'arrestation du criminel de guerre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo : David Cronin)

Des manifestants à Bruxelles exigent l’arrestation du criminel de guerre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo : David Cronin)

 

David Cronin, 25 juin 2025

 

Un débat ne devrait en aucun cas être nécessaire. La preuve qu’Israël commet un génocide est absolument irréfutable.

Affirmer ce simple fait est néanmoins tabou, parmi les diplomates occidentaux. Une évaluation officielle demandée par les ministres des Affaires étrangères de l’UE a très simplement conclu qu’il y a des « indications » de ce qu’Israël enfreint son obligation de respecter les droits humains.

Cette obligation se situe prétendument au centre de l’accord associatif qui sous-tend les relations de l’UE avec Israël.

Ce mois der juin marque le 25e anniversaire de l’entrée en vigueur de cet accord.

Au cours de ces 25 années écoulées, il a toujours été possible de trouver bien plus que des « indications » que quelque chose n’allait pas. Pour les Palestiniens, le refus de leurs droits fondamentaux est une réalité quotidienne.

De temps en temps, au cours des 25 dernières années, l’UE a signalé qu’Israël pourrait avoir à affronter certaines conséquences de sa conduite illégale. En 2013, par exemple, le gouvernement de Tel-Aviv l’a accusée d’avoir provoqué un « tremblement de terre » en élaborant des directives disant que les firmes et institutions israéliennes installées en Cisjordanie occupée (dont Jérusalem-Est) et dans les hauteurs du Golan n’avaient pas le droit de demander un financement de la part de l’UE.

Ces directives constituaient une réponse aux doléances disant qu’Ahava – un fabricant de cosmétiques dont un site de production se trouve en Cisjordanie – participait aux activités de recherche scientifique de l’UE.

L’importance sismologique de ces directives a été grandement exagérée. Ahava a continué d’opérer en Cisjordanie – bien que, prétend la firme, son usine qui s’y trouve ait été temporairement fermée – et n’a jamais cessé de recevoir des subsides de l’UE.

 

Rendre l’occupation plus verte

En mai, l’UE a approuvé deux projets de recherche impliquant Ahava. L’un est concentré sur les « cultures oléagineuses durables », l’autre sur les emballages biodégradables.

Ahava s’est vu allouer en tout plus de 880 000 USD pour les deux projets. Mais le problème est bien plus important que la somme financière en jeu ; L’UE aide une firme inextricablement liée à l’occupation illégale israélienne de la Cisjordanie à se faire passer pour responsable sur le plan environnemental.

Israël est un important bénéficiaire du financement européen de la recherche. Entre 2020 et l’an dernier, il a empoché 1,25 milliard de USD.

Parmi les bénéficiaires de ces subsides au cours de ces derniers mois figure l’Autorité israélienne de l’innovation.

En tant qu’institution de l’État, elle collabore avec l’armée israélienne – la même armée qui a détruit Gaza et commis d’innombrables autres crimes – dans l’encouragement à recourir davantage à l’intelligence artificielle.

L’autorité fait également la promotion des drones israéliens – habituellement testés sur les Palestiniens – comme outils censés réduire les embarras du trafic routier et la pollution. Impliquer que des armes peuvent être propres et « vertes » est en phase avec la note optimiste exprimée dernièrement par Dror Bin, le CEO de l’autorité.

Il a annoncé un « baby-boom » de nouvelles startups au lendemain de la guerre contre Gaza. Une conséquence du boom sera que les armes utilisées durant le génocide pourront être adaptées à des usages civils, a encore suggéré Dror Bin.

Pendant qu’il spécule sur un possible « baby-boom », Israël massacre et affame consciencieusement des bébés palestiniens bien réels. La hiérarchie de Bruxelles considère le massacre de civils comme une chose horrible, mais pas encore assez horrible pour exclure Israël de ses propres activités.

Hydrolite, une autre firme qui s’est vu octroyer une subvention scientifique par l’UE ces dernières semaines, est une filiale du géant israélien de l’armement, Elbit Systems.

Elbit est expert dans la recherche d’opportunités de vente au milieu d’un génocide. Son carnet de commande actuel est évalué à plus de 23 milliards de USD.

Il est vrai qu’un peu plus tôt, ce mois-ci, Elbit a connu un certain contretemps quand, en compagnie d’autres sociétés israéliennes, il a été empêché d’exposer sa marchandise à la foire aux armements de Paris. L’interdiction a tellement offensé Elbit qu’il s’est fait passer pour une victime de l’oppression.

Si une succursale d’Elbit est considérée comme éligible à une subvention scientifique de l’UE, on ne peut pas tout à fait prétendre, dès lors, qu’elle a été ostracisée en Europe occidentale.

L’UE ne menace pas non plus Israël de le priver de futurs financements. Le débat à propos d’une action en ce sens, envisageable dans un avenir non encore spécifié, vient seulement de débuter.

 

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Publié le 25 juin 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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