Les grévistes de la faim britanniques tirent des leçons des prisons de Palestine
Asa Winstanley The electronic Intifada 3 décembre 2025

Les prisonniers politiques pour la Palestine actuellement en grève de la faim : T Hoxha, Kamran Ahmed, Jon Cink, Heba Muraisi, Qesser Zuhrah et Amu Gib (de gauche à droite, du haut vers le bas). (Photos : Prisonniers pour la Palestine)
Six prisonniers politiques détenus dans les prisons britanniques et associés à l’organisation interdite Palestine Action sont actuellement en grève de la faim depuis un mois.
Ils exigent leur libération sous caution, le droit à un procès équitable et la fin immédiate de ce qu’ils qualifient de persécutions de la part du gouvernement britannique.
La plupart sont actuellement maintenus en détention provisoire depuis bien davantage que la durée maximale de six mois autorisée par la loi avant que n’ait lieu le procès.
Lors du tout dernier épisode du podcast de The Electronic Intifada, la sœur de Kamran Ahmed, l’un des grévistes de la faim, nous a dit que l’état de son frère se détériorait rapidement.
Nous nous sommes également entretenus avec Francesca Nadin, une porte-parole de la nouvelle organisation Prisoners for Palestine (Prisonniers pour la Palestine), qui soutient la grève de la faim.
Amu Gib, Qesser Zuhrah et Heba Muraisi sont tous en grève de la faim depuis un mois. Jon Cink les a rejoints il y a 28 jours et Teuta « T » Hoxha et Kamran Ahmed sont en grève de la faim depuis respectivement 25 et 24 jours.
Tous sont accusés d’être impliqués dans les campagnes menées par Palestine Action avant son interdiction, qui a été officialisée un peu plus tôt cette année.
Francesca Nadin est elle-même une ancienne prisonnière politique et, depuis sa prison en Grande-Bretagne, elle avait adressé deux lettres à The Electronic Intifada.
Elle avait été maintenue en détention provisoire pendant neuf mois avant d’être finalement libérée sous caution. Elle va devoir affronter son procès en janvier 2027 pour des accusations relatives à une campagne d’action directe menée par Palestine Action contre la firme d’armement israélienne Elbit Systems et ses complices au Royaume-Uni.
La sœur d’Ahmed, Shahmina Alam, nous a dit que son frère avait été traité d’abominable façon en prison et que sa santé se dégradait, mais qu’il était malgré cela bien décidé lui aussi à remporter une victoire.
En raison des effets de la grève de la faim sur son organisme, il a été hospitalisé le 25 novembre, mais est ressorti de l’hôpital trois jours plus tard. Il lui est très difficile de rester éveillé et parfois même de respirer, a expliqué Shahmina Alam, et il va très probablement être admis de nouveau à l’hôpital d’ici peu.
Cela dit, le système carcéral des soins de santé est tout sauf performant.
« Il a dit que c’était l’expérience la plus inhumaine et la plus dégradante de toute sa vie, a déclaré Shahmina Alam. « En fait, il a voulu sortir de l’hôpital parce qu’il ne supportait plus d’être là. »
Elle a raconté les conditions anti-hygiéniques et dégradantes à l’intérieur de l’hôpital. Les gardiens l’ont même obligé à retourner pieds nus en prison, a-t-elle dit. Les médecins ne voulaient pas lui parler et lui refusaient tout accès à son dossier médical.
Un coup monté de l’establishment
Palestine Action a notoirement été interdite cet été en tant qu’organisation « terroriste » par un gouvernement britannique à la solde du lobby pro-israélien. La cofondatrice de l’organisation, l’activiste palestino-irakienne Huda Ammori, comparaissait devant la Haute Cour cette semaine afin de contester l’interdiction. Le jugement est attendu au début de l’année prochaine.
Mais elle doit affronter des adversaires acharnés. Le mois dernier, le juge de cette affaire très médiatisée a été remplacé au tout dernier moment par un panel de trois juges dirigé par Victoria Sharp, une ancienne « conseillère principale » de Robert Maxwell, le magnat de la presse dont on devait apprendre par la suite qu’il était un espion au service d’Israël.
Francesca Nadin et Shahmina Alam nous ont dit qu’elles percevaient des indications similaires de coup monté par l’establishment britannique, dans le traitement des prisonniers politiques tant par le système judiciaire que par les médias.
Nadin a déclaré qu’il y avait eu « dans les médias traditionnels un silence quasi complet autour de cette affaire », en dépit de son importance.
Nadin a expliqué que son organisation avait eu des entretiens avec des journalistes grand public qui avaient voulu écrire sur les grévistes de la faim des articles qui, plus tard, avaient été bloqués par leurs patrons : « Cela me semble très suspect (…) Je peux voir un modèle émerger, ici, dès que les choses sont bloquées par les rédacteurs en chef ou les avocats. »
Un peu plus tôt cette année, le journaliste Matt Kennard a révélé que le département de police du « contre-terrorisme » avait été ajouté en novembre 2024 au système « D Notice » (système de « Notification consultative de défense », permettant de requérir que la presse garde le silence sur une certaine affaire, par exemple – NdT), c’est-à-dire, effectivement, un système de censure militaire des médias du Royaume-Uni.
La couverture publique de leur affaire pourrait déboucher sur un très large soutien public aux grévistes de la faim, a déclaré Nadin.
Leurs revendications sont celles-ci :
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- Fin de la censure en prison. Les lettres et appels téléphoniques des prisonniers ont été bloqués.
- Libération immédiate sous caution. La plupart sont détenus depuis plus longtemps que la limite habituelle de six mois.
- Droit à un procès équitable. Fin de la diabolisation par le gouvernement et des mensonges.
- Levée de l’interdiction de Palestine Action et abandon du lien de ces cas avec le « terrorisme ».
- Fermeture d’Elbit Systems.
Un juge mystérieusement écarté
Shahmina Alam, elle aussi, a fait état d’un coup monté de la part du système judiciaire britannique.
Son frère a été arrêté le 19 novembre 2024 et est donc ainsi détenu depuis près de 13 mois – ce qui dépasse de loin la durée légale maximale de la détention provisoire.
En fait, la juge Bobbie Cheema-Grubb a ordonné devant un tribunal de la Couronne que Kamran Ahmed soit libéré sous caution en février de cette année. Mais la libération sous caution a fait immédiatement l’objet d’un appel par les procureurs du gouvernement et Ahmed n’a donc pas été libéré.
Non seulement sa procédure de libération sous caution a été transférée à la Haute Cour, mais la juge Cheema-Grubb a été aussitôt écartée et empêchée désormais de juger des affaires similaires, fait savoir Alam.
Le procès d’Ahmed est actuellement prévu pour juin 2026. À cette date, il aura été emprisonné sans procès depuis 18 mois. Il devra répondre d’accusations de dégâts criminels, de violents troubles de l’ordre et de cambriolage aggravé.
Malgré tout cela, Alam a déclaré que chaque fois qu’elle s’entretient avec son frère, « il a l’air optimiste. C’est comme si c’était lui qui essayait de me rendre heureuse (…) Il est très décidé à faire en sorte que ces revendications soient écoutées (…) C’est précisément un nouvel engagement qu’il prend en faveur de la libération de la Palestine. »
Des leçons tirées de la Palestine
Lors de la marche de solidarité avec la Palestine, dimanche, Shahmina Alam nous a dit qu’elle avait été approchée par des Palestiniens qui avaient fait passer un message émanant de Palestiniens de Cisjordanie qui avaient été mis au courant de la grève de la faim de Kamran.
« Ils étaient très émus et reconnaissants », a déclaré Alam. Ils voulaient que j’envoie un message à Kamran pour lui dire spécifiquement qu’ils étaient très reconnaissants pour sa solidarité et pour tout ce qu’il faisait. »
L’expérience de ces grévistes de la faim reflète un peu ce que les Palestiniens subissent : « C’est comme s’ils vivaient l’expérience d’un Palestinien. »
Alam a raconté que les conditions de son frère ne s’étaient améliorées que lorsqu’elle et d’autres en dehors de la prison avaient pris la parole en sa faveur et exercé des pressions sur les autorités de la prison : « Les gens d’ici doivent être leurs voix, ils doivent se faire entendre haut et fort et avec fierté. »
Nadin a dit des grévistes de la faim que « leur santé se dégrade maintenant de façon très grave. Malgré cela, le gouvernement refuse toujours de s’engager dans un processus de négociations [ou] d’examen des revendications. Nous avons adressé des lettres au ministère de l’Intérieur (…) qui est derrière toute cette chasse aux sorcières contre les gens en prison et contre le mouvement plus large des protestations propalestiniennes dans ce pays. »
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Apprenez-en davantage sur la campagne sur prisonersforpalestine.org.
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Production : Tamara Nassar.
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Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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