Al-Haq (2) : La violence des colons
« La violence des colons » est un extrait du rapport d’Al-Haq : « Les violations grossières des droits de l’homme par Israël dans le contexte du Covid-19″
Ce rapport de l’association palestinienne pour les droits de l’homme couvre la période du 8 au 29 mars 2020.
Trouvez ici la première partie :
I. Homicides volontaires commis par les forces israéliennes d’occupation en Cisjordanie
Voici la deuxième partie :
II : la violence des colons
1. Des colons agressent Tareq Hussein Mahmoud Rafa’ai, 38 ans, et ses deux enfants
Le 10 mars 2020, vers 15 heures, Tareq Hussein Mahmoud Rafa’ai, 38 ans, de Turmus’ayya, accompagné de ses deux jumeaux de deux ans et demi, Adam et Noah, et de son beau-père Mousa Abou Awwad, 65 ans, ont été pris à partie par un groupe de colons.
Dans sa déclaration à Al-Haq, Tareq a expliqué ce qui suit :
« Mon beau-père, Mousa Abou Awwad, 65 ans, et moi avions emmené les enfants pour une balade dans sa voiture, histoire de distraire un peu les enfants, en direction de la région d’al-Sahel, à l’est de Turmus’ayya, d’autant que le temps était ensoleillée et que la région est parsemée d’oliviers et d’autres plantations.
Nous étions arrivés au bout de la route asphaltée et avions décidé de retourner au village. Sur le chemin du retour, mais toujours loin du village, nous avons été surpris par trois motos qui nous suivaient.
Je conduisais et je les avais remarqués parce qu’ils avaient klaxonné à notre adresse à plusieurs reprises. Je pensais qu’ils klaxonnaient parce qu’ils voulaient que j’emprunte la bonne bande afin qu’ils puissent nous dépasser, mais ils se sont alors arrêtés devant notre voiture, nous bloquant le passage.
« Les trois pilotes des motos ont mis pied à terre et se sont approchés de nous.
À ce moment, j’ai compris que c’étaient des colons, du fait que deux d’entre eux avaient de longs favoris. Le premier était blond, le deuxième avait les cheveux roux et le troisième avait la peau légèrement bronzée, et ils portaient des tatouages sur le visage. Le troisième avait un tatouage représentant une tête de mort crucifiée [un signe de danger].
Ils se sont approchés de la voiture et leurs visages exprimaient la colère. Ils se sont mis à crier en hébreu et j’ai compris en partie ce qu’ils criaient, quelque chose comme « Qu’est-ce que vous faites ici ? » et « Vous n’êtes pas chez vous, ici ! ».
Puis ils se sont mis à prendre des photos de la voiture avec leurs portables, alors que les gosses étaient sur nos genoux, endormis. L’un des colons est venu très près de la voiture et nous a filmés avec les gosses sur nos genoux.
« Le colon roux, dont j’ai remarqué qu’il était solide et musclé, a sorti ma main de la voiture et m’a obligé à poser le doigt sur l’écran de son iPhone, et je n’ai pas compris pourquoi il faisait cela…
Puis un des colons nous a demandé nos cartes d’identité, et nous avons refusé de les leur donner.
Puis un colon, debout près de la vitre du côté où mon beau-père était assis, lui a sorti ca carte d’identité de la poche de sa chemise, est allé derrière la voiture et a photographié la carte avec son téléphone.
Mes deux enfants se sont alors réveillés et se sont mis à pleurer, terrifiés par ce qu’ils voyaient et par les cris de colère des colons.
Mon beau-père, tout en portant mon fils Adam dans ses bras, est sorti de la voiture pour reprendre sa carte que le colon avait emmenée.
Les trois colons se sont avancés pour l’attaquer, l’ont entouré et se sont mis à le pousser, lui criant dessus et l’insultant.
« J’ai déposé mon fils Noah sur le siège arrière, puis suis sorti de la voiture. J’avais peur pour mon beau-père, surtout qu’il a 65 ans, qu’il a le diabète et qu’il fait de l’hypertension, et pour mon fils Adam, qui était dans les bras de mon beau-père.
À ce moment, j’ai vu le colon roux retirer Adam des bras de son grand-père. Adam pleurait et j’étais terrifié parce que je me souvenais de ce que les colons avaient fait à Ali Dawabsha et à Muhammad Abu Khdeir…
Le colon tenait Adam par les pieds et c’est ainsi que nous le lui avons retiré des mains, jusqu’au moment où nous sommes parvenus à le reprendre… (9) »
Avant que Tareq et sa famille ne puissent quitter les lieux, l’un des colons avait brisé la vitre arrière de la voiture, tentant par la même occasion d’attraper le fils de Tareq, Noah, assis sur le siège arrière (10).
Après le retour de Tareq et des siens sains et saufs chez eux, Tareq s’adressait au Bureau de liaison palestinien et décrivait l’agression qu’ils venaient de subir. Il partageait également l’incident sur sa page Facebook.
Près de trois heures plus tard, un agent israélien le contactait, lui demandant des détails de l’incident et lui demandant aussi de se présenter au bureau de la police israélienne, appelé communément « chez Benyamin » et situé dans la zone de Mikhmas, à l’est de Ramallah, afin d’identifier les suspects. L’agent israélien lui dit en outre qu’ils allaient ouvrir une enquête.
Tareq, toutefois, ne s’y est pas rendu, préférant rester chez lui et se tenir à l’écart de cette zone, en raison de la propagation du Covid-19 dans le centre commercial Rami Levy, situé à proximité du bureau de police (11). Au moment de consigner la présente déclaration, la police israélienne n’a toujours pas repris le contact avec Tareq.
2. Agressions de la part des colons de Yitzhar
Le 11 mars 2020, vers 11 h 45 du matin, des colons israéliens appartenant au groupe « Paying the Price » (Le prix à payer), s’en sont pris à des propriétés palestiniennes, non loin du carrefour de Yitzhar, à proximité de la colonie illégale de Yitzhar, établie sur les terres des villages de Huwwara, ‘Ourif et ‘Aynabous, au sud-est de Naplouse.
Les colons israéliens ont lancé des pierres sur la maison de Mu’taz Sadiq Qasrawi, brisant plusieurs de ses vitres. Ils ont également brisé les vitres de trois voitures garées dans la cour de la maison de Mohammed Abdel Aziz Ahmed Harzallah, située à près de 200 mètres du carrefour de Yitzhar.
De même, le 12 mars 2020, un groupe de colons israéliens résidant dans la colonie de Yitzhar a fait irruption dans le village de ‘Aynabous, au sud de Naplouse, et a jeté des pierres sur les maisons d’Awwad Ameen Hamad et de Shakri al-Shqour, brisant ainsi plusieurs vitres. Au cours du même raid, ils ont également détruit la voiture de Hani Nabil.
Al-Haq a également enregistré une agression de la part de colons israéliens, aidés et protégés par les FIO, contre plusieurs bergers de Khirbet Jab’eet, près du village d’al-Mghayyer, à l’est de Ramallah, le 14 mars 2020. Les colons ont tabassé les bergers et ont tenté de leur voler leurs troupeaux.
3. Des colons aggressent Ali Mustafa Mohammad Zu’bi, 55 ans
Le 20 mars 2020, vers 13 h 30, cinq colons israéliens ont agressé, frappé et criblé de pierres Ali Mustafa Mohammad Zu’bi, 55 ans, résident du village de Funduqoumiyya, au sud de Jénine.
Ali, un fermier, possède un lopîn de 550 mètres carrés situé entre Funduqoumiyya et la colonie de Homesh, évacuée après une décision des autorités israéliennes en 2005.
Cela dit, les colons israéliens sont presque toujours présents dans cette zone.
Ali était allé à son champ en utilisant sa mule, puisqu’il voulait y ramasser du thym vert. Alors qu’il était occupé, il a été surpris par une pierre de dimension moyenne qui l’a frappé dans le dos, de sorte qu’il s’est retourné et, dans cette direction, il a vu trois colons israéliens, portant des vêtements civils et des masques noirs sur leurs visages.
Dans sa déclaration à Al-Haq, Ali relate ce qui suit :
« Ils se sont alors mis à crier en hébreu, que je comprends bien. Ils se sont ensuite approchés de moi, tout en continuant à me jeter des pierres.
Malgré la forte douleur dans mon dos, je me suis mis à courir pour leur échapper. Cependant, j’en ai été incapable, surtout que la terre, là, est un terrain rocailleux, et je suis tombé sur le sol.
J’avais pu courir 250 mètres, mais les colons m’avaient rattrapé, m’avaient rejeté au sol et s’étaient mis à me frapper avec leurs mains et leurs pieds partout sur le corps.
Tout cela a coïncidé avec l’arrivée de deux autres colons, également habillés comme les trois premiers. Eux aussi se sont mis à me frapper et l’un d’eux tenait un pistolet en main.
Chaque fois que j’essayais de me relever et de m’enfuir, ils me renvoyaient au sol, me tapaient dessus en m’insultant. Les coups ont duré 10 ou 15 minutes, à mon avis, au cours desquelles j’ai reçu des coups de pied partout sur le corps.
La seule chose que j’ai pu faire, c’est protéger mon visage et ma tête avec mes mains. Le colon armé a alors levé son pistolet vers moi, comme s’il avait l’intention de tirer et de me tuer, mais l’un des colons lui a dit en hébreu de ne pas tirer.
C’est à ce moment-là que j’ai pu me relever et m’enfuir en direction des maisons toutes proches. Les colons m’ont poursuivi mais, quand je suis arrivé à proximité des maisons, ils sont retournés en direction de la colonie (12). »
Suite à cette agression, Ali est retourné à sa terre pour chercher sa mule. Néanmoins, il n’a pu la retrouver, malgré le fait qu’elle était attachée (13).
Il a alors introduit une plainte officielle auprès du Bureau de liaison palestinien, contre les cinq colons qui l’avaient attaqué.
Le 25 mars 2020, vers 18 h 30, Ali est retourné une nouvelle fois à sa terre pour se mettre en quête de sa mule et il a été agressé une fois de plus par cinq colons israéliens.
Le rapport a été publié le 3 avril 2020 sur Al-Haq
Traduction : Jean-Marie Flémal
Notes :
(8) Wafa, « Palestinian killed by Israeli soldiers in West Bank village » (Un Palestinien tué par les soldats israéliens dans un village de Cisjordanie) (23 mars 2020), disponible sur : http://english.wafa.ps/page.
(9) Al-Haq, déclaration 87A/2020, déposée par Tareq Hussein Mahmoud Rafa’ai, 53 ans, résident du village de Turmus’ayya, dans le gouvernorat de Ramallah, le 14 mars 2020.
(10) Ibid.
(11) Ibid.
(12) Al-Haq, déclaration 96A/2020, déposée par Ali Mustafa Mohammad Zu’bi, 55 ans, résident du village de Funduqoumiyya, dans le gouvernorat de Jénine, le 21 mars 2020.
(13) Ibid.
Lisez aussi : « Ils font de notre vie un cauchemar » : les Palestiniens confrontés à la violence des colons