La loi sur le mariage de l’apartheid israélien constitue l’essence même du sionisme

Le parlement israélien n’est pas parvenu à reconduire la prétendue loi sur la citoyenneté, une mesure d’apartheid destinée à limiter le nombre de Palestiniens autochtones dans le pays. Malgré le vote serré de 59-59 à la Knesset ce lundi 5 juillet, l’échec de la loi n’a pas été provoqué par quelque éveil soudain de l’antiracisme parmi les dirigeants israéliens.

Le Premier ministre Naftali Bennett, à droite, et le Premier ministre en alternance Yair Lapid soutiennent tous deux la loi raciste d’Israël sur la citoyenneté. (Photo : Xinhua)

Ali Abunimah, 6 juillet 2021

En effet, la loi raciste est soutenue à la fois par le nouveau gouvernement de coalition et par l’opposition dirigée par Benjamin Netanyahou.

Mais Netanyahou a poussé son parti du Likoud et ses alliés à voter contre la loi simplement pour contrecarrer la coalition qui l’a déboulonné de son poste – il s’est toutefois plaint qu’un compromis destiné à faire passer la loi n’était pas assez antipalestinien.

Une poignée de députés palestiniens siégeant à la Knesset a également voté contre la loi par principe, de même qu’un membre du parti Yamina, dirigé par le Premier ministre Naftali Bennett. Cela a suffi pour bloquer la loi – du moins pour l’instant.

C’est un Bennett en colère qui, ce mardi, a déclaré qu’en ne soutenant pas la loi « suite à une espèce de dépit », l’opposition avait « causé du tort au pays ». 

Bennett a émis le désir de « remédier au problème », mais sans dire ce qu’il comptait faire.

Une loi d’apartheid

Du fait qu’il est un raciste convaincu, la colère de Bennett parce qu’on a laissé faire le blocage de la loi n’a rien de surprenant.

La « Loi sur la citoyenneté et l’entrée en Israël » interdit aux citoyen.ne.s israélien.ne.s qui épousent des Palestinien.ne.s de Cisjordanie occupée ou de Gaza ou des ressortissant.e.s de divers autres États régionaux, de vivre avec leur épouse ou époux en Israël.

« Cette loi est l’une des lois les plus discriminatoires et racistes promulguées par Israël et, de ce fait, elle doit être condamnée et supprimée », a déclaré avant le vote Adalah, une organisation de défense juridique des citoyens palestiniens d’Israël.

« Aucun pays démocratique au monde ne refuse la résidence ou la citoyenneté aux époux ou épouses de ses propres citoyen.ne.s sur base de l’appartenance nationale, raciale ou ethnique de ces mêmes époux ou épouses, tout en  les cataloguant en même temps comme des ennemis. »

Mais c’est précisément ce que fait cette loi parce que, sous le système sioniste d’Israël, les non-juifs – et particulièrement la population indigène musulmane et chrétienne de la Palestine – sont perçus comme une « menace démographique ».

À l’origine, c’est-à-dire en 2003, la loi avait été adoptée comme mesure d’urgence, mais avait été reconduite chaque année depuis lors – jusqu’à cette semaine, du moins.

Comme je l’ai fait remarquer précédemment, l’intention et l’effet de cette loi sont semblables à ceux des lois qui existaient sous l’apartheid sud-africain afin d’empêcher le mélange de personnes de races différentes et de contrôler les endroits où les noirs pouvaient vivre – des lois comme le Group Areas Act (Loi sur les zones réservées) et la Loi d’interdiction des mariages mixtes.  

Alors que la loi israélienne n’interdit pas directement les mariages, elle empêche cependant les citoyens et les Palestiniens israéliens d’exercer leur droit à une existence familiale.

Elle tend à concrétiser le même but raciste, quoique par des moyens légèrement plus subtils que ceux utilisés en Afrique du Sud, comme je l’explique dans mon ouvrage de 2014, La bataille pour la justice en Palestine.

Les principales cibles de la loi sont les quelque deux millions de citoyens palestiniens d’Israël.

Au contraire des Palestiniens de la Cisjordanie occupée ou de Gaza, les citoyens palestiniens d’Israël ont le droit de voter lors des élections israéliennes mais, du fait qu’ils ne sont pas juifs, ils sont toujours soumis à des dizaines de lois israéliennes discriminatoires.

La loi sur la citoyenneté affecte particulièrement les citoyens palestiniens d’Israël parce qu’ils sont les plus susceptibles d’épouser d’autres Palestiniens originaires de la Cisjordanie ou de la bande de Gaza, ou d’autres pays encore, et de chercher à vivre avec leurs épouses ou époux dans leur propre pays.

« Nul besoin de se dissimuler »

Comme pratiquement toutes les mesures racistes d’Israël contre les Palestiniens, cette loi a été officiellement justifiée comme nécessaire pour la « sécurité ». Mais les dirigeants israéliens reconnaissent ouvertement que c’est un prétexte.

Yair Lapid, le Premier ministre israélien en alternance et le chef du parti Yesh Atid, prétendument centriste, l’a expliqué clairement alors qu’il tentait de gagner du soutien avant le vote à la Knesset.

« Il n’est nul besoin de se dissimuler derrière l’essence même de cette loi. C’est l’un des outils destinés à garantir une majorité juive dans l’État »,

a-t-il tweeté.

« Israël est l’État-nation du peuple juif. »

Les propos de Lapid correspondent presque mot à mot à ceux d’Ariel Sharon, le tristement célèbre criminel de guerre qui était Premier ministre quand la loi avait été adoptée pour la première fois en 2003.

« Il n’est nul besoin de se dissimuler derrière des arguments sécuritaires », avait dit Sharon à l’époque. « Ce dont il est besoin, c’est de l’existence d’un État juif. »

De même, le Premier ministre Bennett a accusé Amichai Chikli, le membre de son propre parti qui a voté contre la loi, d’avoir voté effectivement « pour ouvrir les portes et permettre l’entrée massive de Palestiniens ».

Le député de Yamina (La Droite, le parti de Bennett, NdT) avait en fait voté contre la loi parce que le compromis proposé à la Knesset n’était pas assez antipalestinien.

Les sionistes de gauche soutiennent la loi raciste

Le vote à la Knesset a suivi des heures de maquignonnage frénétique visant à garantir le soutien des quelques députés palestiniens et des partis sionistes de gauche.

Pour finir, le petit parti islamiste Ra’am, dirigé par Mansour Abbas, et le parti sioniste de gauche, Meretz – tous deux membres de la coalition de Bennett – ont soutenu la loi, bien que deux députés de Ra’am aient fini par s’abstenir.

Ceci s’est produit après un « compromis » qui n’aurait prolongé la mesure raciste que pour six mois, tout en accordant des visas de « résidence » à une poignée de familles palestiniennes.

Le parti Likoud de Netanyahou a également justifié son opposition au renouvellement de la loi en prétendant que le compromis n’était pas suffisamment raciste.

« Bennett et Lapid ont voulu acheter deux votes de Ra’am et de permettre en échange à des milliers de Palestiniens d’entrer, mettant ainsi en danger l’identité sioniste d’Israël »,

a expliqué le parti.

L’argument est fallacieux, bien sûr, parce que, si le Likoud avait soutenu la loi dans sa forme originale – comme il l’avait fait les années précédentes – la mesure raciste aurait été reconduite à une majorité écrasante.

L’organisation juridique Adalah a déclaré qu’elle rejetait

« tout accord ou arrangement qui n’annulait pas et ne révoquait pas cette loi injuste de la citoyenneté ».

Les six membres de la Liste unie – les partis à prédominance palestinienne à la Knesset qui s’opposent au gouvernement – ont voté contre le renouvellement.

Pas de sursis pour les Palestiniens

On ne devrait pas de faire d’illusion en croyant que le rejet de la loi va procurer quelque sursis aux familles palestiniennes divisées par les mesures israéliennes d’apartheid.  

« Au lieu de se voir globalement interdire l’obtention de leurs pleins droits de résidence, les familles font avoir le choix d’introduire une demande de résidence auprès du ministère de l’Intérieur, lequel devra fournir des motifs spécifiques s’il rejette cette demande »,

lit-on dans le journal israélien Haaretz.

« Le ministère essaiera quasiment à coup sûr de les étouffer dans la bureaucratie et il trouvera toutes les raisons de les débouter, mais certains pourraient malgré tout passer par les mailles du filet. »

Voilà bien une affirmation optimiste, d’autant que la ministre de l’Intérieur n’est autre qu’Ayelet Shaked, qui est membre du parti Yamina de Bennett.

Shaked, une ancienne ministre de la Justice, est tristement connue pour avoir lancé un appel au génocide des Palestiniens à la veille du massacre commis par Israël en 2014 à Gaza.

Mardi, Shaked a accusé l’opposition du Likoud de s’être associé à des antisionistes et des Palestiniens de la Knesset pour renverser « une loi importante pour la sécurité de l’État et son caractère ».

Elle a prétendu que c’était une « grande victoire pour le post-sionisme ».

Ce qui équivaut à admettre – même si ce n’était pas intentionnellement – que sionisme et racisme sont inséparables.


Publié le 6 juillet 2021 sur The Electronic Intifada

Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Ali Abunimah

Ali Abunimah

Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impass

Lisez également : “Israël a-t-il le droit d’exister en tant qu’Etat juif” ?

Israël remodèle sa loi raciste sur le mariage (juin 2020)

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