Que se passe-t-il dans le Naqab ?
Au cours de la semaine écoulée, dans le Naqab, dans le sud d’Israël, des dizaines de Palestiniens ont été blessés et arrêtés, quand la police a réprimé les protestations contre une campagne de forestation du Fonds national juif (JNF) menaçant les moyens de subsistance des communautés bédouines de la région.
Yumna Patel, 14 janvier 2022
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Les protestations se concentrent sur la région d’al-Naqe, dans le Naqab, une zone de terre fertile dans le désert et où vivent environ 30 000 Palestiniens, en un cluster ou groupe de plusieurs villages bédouins.
Depuis décembre, le JNF (Jewish National Fund – Fonds National Juif) – une agence pour ainsi dire gouvernementale qui s’emploie à la promotion du peuplement juif en Palestine – nivelle des terres palestiniennes et déracine des arbres appartenant aux communautés bédouines de la région d’al-Naqe, et ce, afin de préparer toute cette zone à la forestation.
La campagne du JNF dans le Naqab, qui se déroule sous le contrôle total et l’assistance de la police israélienne, a déclenché des protestations très répandues de la part des communautés bédouines palestiniennes de la région, qui disent que la campagne de forestation ne constitue qu’un énième effort de l’État en vue de les déposséder de leurs terres.
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Les protestations ont été confrontées à une répression très brutale de la part des forces israéliennes. Des vidéos et des photos sur les médias sociaux ont montré les forces israéliennes occupées à lancer des gaz lacrymogènes et à arrêter brutalement des manifestants, tout en démolissant des campements un peu partout dans la région.
Middle East Eye a rapporté que, ces quelques derniers jours, la police israélienne avait arrêté au moins 35 Palestiniens des villages de Sa’awa et d’al-Atrash, dans la zone d’al-Naqe. De son côté, Al Jazeera a rapporté que plus de 80 Palestiniens, parmi lesquels des mineurs d’âge, ont été arrêtés depuis le début des protestations et que « l’immense majorité » d’entre eux étaient toujours en détention.
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Les médias locaux ont également rapporté que la police israélienne avait installé des check-points et qu’elle bloquait les entrées et sorties des villages de la zone afin d’empêcher les gens d’assister aux manifestations, lesquelles ont attiré de plus en plus de monde ces derniers jours et ont déclenché des protestations de solidarité dans d’autres villes palestiniennes en Israël.
Une histoire de violence et de déportation
Le Naqab constitue environ la moitié de la masse terrestre totale d’Israël et il héberge une population de quelque 300 000 Bédouins palestiniens (estimation), de citoyenneté israélienne.
Les Bédouins vivant aujourd’hui dans le Naqab sont les descendants de ceux qui sont restés après qu’un nombre de 80 000 à 90 000 Bédouins (estimation) ont été forcés de fuir la région lors de la Nakba, en 1948.
Environ la moitié des Bédouins vivant aujourd’hui dans le Naqab résident dans 40 villages « non reconnus », qu’Israël désigne par l’appellation « clusters (groupes) illégaux ». Bien qu’un grand nombre de ces Bédouins vivent sur les terres de leurs ancêtres, alors que d’autres sont des déportés internes d’après 1940, Israël les considère comme des « intrus » sur leurs propres terres et ne reconnaît pas le fait qu’ils en sont les propriétaires.
En raison de leur statut « non reconnu », Israël ne propose aucun service (public) aux Bédouins vivant dans ces communautés, qui sont par conséquent exclus de la planification de l’État. Cela signifie qu’ils n’ont pas de conseils locaux, qu’ils ne bénéficient pratiquement d’aucun service du gouvernement en termes d’éducation et de santé et qu’ils ne sont pas connectés aux réseaux d’électricité ou d’eau.
Du fait que leurs communautés et habitations sont considérées comme « illégales », elles sont également soumises à la menace constante d’être démolies. Israël a d’ailleurs détruit certains villages près de 200 fois !
Depuis des décennies, l’État cherche à éloigner ces communautés de leurs foyers et de les placer dans des zones résidentielles prévues, ce que les organisations de défense des droits assimilent à un transfert forcé, c’est-à-dire à un crime de guerre, en vertu des lois internationales. Pendant tout ce temps, Israël a investi des milliards dans le développement et la promotion de colonies de peuplement juives dans la région.
Le Fonds national juif (JNF) : du colonialisme déguisé en environnementalisme
Fondé en 1901 en tant qu’organisation non gouvernementale, le JNF a été créé afin d’acheter des terres pour que les Juifs européens puissent s’établir en Palestine et, en fin de compte, créer et assurer le maintien d’un État à majorité juive.
Historiquement, les premiers fondateurs du JNF prônaient la dépossession et l’expulsion des Palestiniens de leurs terres dans le but de créer un État juif, et le JNF soutint la destruction des villages palestiniens au cours de la Nakba.
Alors que le JNF se vante d’être une organisation environnementale, particulièrement célèbre pour ses initiatives de plantation d’arbres en Israël, ces mêmes initiatives, en fait, sont destinées à masquer le nettoyage ethnique de la Palestine qui a eu lieu durant l’année qui a précédé 1948 jusque l’année qui a suivi, ou dans le cas du Naqab aujourd’hui, en vue de déposséder activement les communautés palestiniennes.
Les sites où le JNP plante ses forêts – sites qui sont pour une part importante des donations émanant des communautés juives des États-Unis et d’ailleurs – sont souvent des sites de villages palestiniens détruits dont des organisations comme le JNF cherchent à effacer à jamais l’existence.
Aujourd’hui, on estime que le JNF possède environ 15 % de toute la terre d’Israël et il continue à promouvoir des mesures antipalestiniennes racistes se traduisant par la dépossession permanente des Palestiniens en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.
À Jérusalem-Est occupée, le JNF a été lié à des achats bidon d’habitations palestiniennes que l’organisation cède ensuite à des groupes de colons israéliens. En Cisjordanie, il achète de la même façon des terres qui sont des propriétés privées palestiniennes en Zone C – où les Palestiniens n’ont pas l’autorisation de bâtir – en vue de l’expansion et la construction des colonies.
À l’intérieur d’Israël même, l’organisation a collaboré avec le gouvernement israélien de façon qu’il devienne pratiquement impossible pour les citoyens palestiniens du pays d’obtenir l’accès aux terres de l’État à des fins résidentielles, commerciales et agricoles. Dans le désert du Naqab, l’organisation a prôné la destruction des villages bédouins palestiniens afin d’y planter des arbres dans le cadre de son initiative « Forêt des ambassadeurs ».
Toutes les activités du JNF en Israël et en Palestine sont subsidiées par les contribuables américains, puisque l’organisation est enregistrée comme organisation caritative de type 501(c)(3) et qu’elle perçoit chaque année aux États-Unis des millions de dollars en contributions et donations fiscalement déductibles.
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Yumna Patel est la directrice de l’information sur la Palestine à Mondoweiss.
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Publié le 14 janvier 2022 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
Suivez le webinaire « Que se passe-t-il dans le Naqab ? », samedi 22 janvier, dès 18 h, sur Zoom :
Le mouvement des femmes palestiniennes Alkarama et différentes organisations (Collectif Palestine Vaincra, Samidoun, Masar Badil, Al Yudur) organisent un webinaire « Que se passe-t-il dans le Naqab ? » pour écouter la réalité de la politique de déplacement et de nettoyage ethnique avec Ruba Taleb et Raafat Abu Aish, militants palestiniens du Naqab.