L’ambassadeur d’Israël en Allemagne : « L’Europe doit clairement œuvrer à la mise hors-la-loi de Samidoun »
Au fil des décennies, les Palestiniens ont été résilients (samidoun) dans leur foi en la moralité et la noblesse de leur cause qui, en son intérieur profond, concerne la justice, l’égalité et les droits humains. L’ambassadeur d’Israël en Allemagne semble connaître assez l’arabe pour comprendre que le mot « samidoun » signifie « résilient » ou « qui tient bon », « qui ne cède pas à l’oppression » – et cela lui fait peur.
Dans des tweets insultant la cause palestinienne, Ron Prosor, ambassadeur d’Israël en Allemagne, isole en incise les mots « Dieu nous en garde », après avoir mentionné Samidoun, le réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens. Il écrit :
« Je suis sûr que les citoyens de Berlin ont été très surpris que l’organisation terroriste Samidoun, Dieu nous en garde, n’ait pas pensé à organiser une collecte de fonds pour les Palestiniens nécessiteux et âgés. (…) La large campagne populaire de soutien aux organisations terroristes placardée sur des arbres [une référence aux affiches propalestiniennes collées sur les arbres de l’arrondissement de Neukölln à Berlin, qui accueille une vaste population d’immigrés palestiniens et arabes] est une conséquence directe de la légitimité de la politique de l’Autorité palestinienne consistant à récompenser les prisonniers terroristes (…) Si l’Europe, avec l’Allemagne en son cœur, ne désire pas voir les prochaines affiches recruter les terroristes mêmes, elle doit clairement condamner ces actes de terreur et œuvrer à la mise hors-la-loi de Samidoun. »
En raison d’une telle rhétorique incendiaire, fallacieuse et bassement intéressée, l’Allemagne a interdit les manifestations de commémoration de la Nakba, les décrivant comme « antisémites » et incitant « à la haine d’Israël ». En d’autres termes, l’Allemagne semble avaler sans sourciller les messages de Prosor.
Ce que veut dire Prosor avec son tweet virulent, c’est que Dieu garde le peuple allemand de finir par savoir qu’en Palestine, le mouvement colonial de peuplement sioniste a mené la guerre de 1948 surtout afin de procéder à l’expulsion et au nettoyage ethnique du gros de la population autochtone de Palestine et ce, dans le but de créer un État juif.
Ce qu’il veut dire, c’est que Dieu garde le peuple allemand
« d’entendre les cris du peuple de Palestine et de les associer aux mesures du gouvernement israélien et non pas aux cris des victimes du nazisme ».
Dieu les garde de comprendre qu’
« Israël est un État fondé sur l’inégalité, la persécution et le massacre du peuple palestinien entérinés par l’impérialisme, que la terre historique de Palestine appartient à tous ceux qui y vivent et à ceux qui en ont été exclus depuis 1948 ainsi qu’à leurs descendants, quelles que soient leur religion, leur ethnicité, leur origine nationale ou leur statut de citoyenneté actuel. (Sur le sujet, vous pouvez lire La question de la Palestine, d’Edward Saïd.)
Ce qu’il veut dire, c’est que Dieu garde les jeunes immigrés palestiniens exilés de leur patrie d’avoir la possibilité dès maintenant de contester le système d’éducation allemand, qui
« impose avec agressivité un discours pro-israélien hostile à toute dissension palestinienne au sein de la classe ».
Prosor donne l’impression d’être détraqué, du fait que le vent tourne inexorablement contre Israël. Un rapport de recherche intitulé « L’Allemagne et Israël aujourd’hui : Entre connexion et aliénation » (publié en 2022 par la Bertelsmann Stiftung, une fondation allemande indépendante) a donné l’alarme en Israël. L’étude a estimé que plus d’un tiers des Allemands croient que la façon dont Israël traite les Palestiniens est essentiellement la même que le génocide nazi des juifs au cours de l’Holocauste et 40 % seulement n’étaient pas d’accord ou étaient en désaccord profond.
Alors que, pour tout Allemand un tant soit peu cultivé, ceci refléterait une compréhension correcte de l’histoire de la part des 30 % qui ont été d’accord (le sionisme est une forme de fascisme, comme le montrent des études) et que cette personne pourrait se demander pourquoi les 40 % n’ont pas été d’accord, le résultat est décrié par le porte-parole de la hasbara en Israël (The Times of Israel) qui en fait une attaque antisémite requérant un plus grand lavage de cerveau encore de l’esprit allemand. Le journal israélien a parlé de cette étude en citant « un de ses responsables », qui aurait dit :
« Au vu de la connexion démontrable entre l’éducation et les préjugés antisémites il nous est demandé d’urgence d’investir à l’avenir plus encore dans le travail éducatif et la culture ».
Dans son article intitulé « Comment ‘Palestine’ est devenu un ‘mot interdit’ dans les écoles supérieures allemandes », Hebh Jama écrit :
« En 2015, lors du 50e anniversaire de l’instauration des relations diplomatiques germano-israéliennes, la Conférence a publié un communiqué en compagnie de l’ambassadeur d’Israël en Allemagne, Yacov Hadas-Handelsman, à propos de la coopération éducationnelle entre les deux pays. Insistant sur le désir d’Israël de ‘continuer de renforcer les liens entre les jeunes Allemands et les jeunes Israéliens’, le communiqué mettait également l’accent sur le rôle de l’histoire et de la religion ‘en approfondissant plus encore les relations bilatérales au cours des décennies à venir’. »
Il est heureux que l’impact nocif de la mainmise sioniste sur l’antisémitisme pour les enfants des écoles palestiniennes, que Hebh Jama décrit sans son article, ait également été reconnu dans un récent rapport du Centre européen d’assistance juridique (CEAJ) intitulé « La répression de la promotion des droits palestiniens par le biais de la définition de travail de l’antisémitisme selon l’IHRA – La violation des droits à la liberté d’expression et de rassemblement au sein de l’Union européenne et au Royaume-Uni »(*):
« Le CEAJ invite instamment la Commission européenne, ainsi que les gouvernements, parlements et institutions publiques des États membres de l’UE et du Royaume-Uni, de mettre un terme définitif au soutien, à l’adoption, à la promotion et à l’application de la définition de l’IHRA. Tout en abordant et appliquant des mesures de lutte contre l’antisémitisme, l’obligation juridique des acteurs publics de respecter et de protéger la liberté d’expression et la liberté de rassemblement doit être maintenue. »
Le « discours » et l’influence d’Israël impactent négativement la liberté de rassemblement et d’expression au profit de la Palestine et ce, dans quasiment chaque pays d’Europe. Dans ses tweets, Prosor passe avec désinvolture d’accusations mensongères d’antisémitisme à de fausses accusations de terrorisme, fort de savoir que les gouvernements de l’UE ont déjà adhéré à ce prétendu discours. La libération palestinienne et les mouvements révolutionnaires comme Samidoun et Masar Badil sont dépeints comme illégitimes, alors que l’agression criminelle d’Israël est perçue comme « défensive » et légitime. S’exprimer librement et se rassembler contre le sionisme enfreint les lois israéliennes, pas les lois allemandes, sauf, naturellement, si Prosor et ceux de sa clique parviennent à changer cela.
À propos de la situation juridique des activités relatives à la défense des droits palestiniens et aux interdictions de BDS, Pippi von Neuschtetl cite ce qui suit :
« Selon un des avocats qui défend en justice les individus et groupes palestiniens interdits, 26 des 30 procès qui ont eu lieu depuis 2016 ont été remportés par ces groupes et individus. La législation allemande accorde la liberté d’expression, ce qui explique pourquoi BDS, la critique envers Israël et l’antisionisme ne sont pas illégaux – alors que l’antisémitisme l’est. Par conséquent, les allégations et accusations d’antisémitisme portées contre des individus et des organisations n’ont pu être prouvées dans ces tribunaux, et les interdictions n’ont donc pas été conformes à la loi allemande. Malheureusement, les informations concernant ces interdictions ou accusations sont très répandues – mais on en sait beaucoup moins sur les procédures juridiques conséquentes et sur leurs résultats. »
Dans son article de 2014 « Sur les ‘causes perdues’ et le futur de la Palestine : l’apparence de la défaite palestinienne est une illusion d’optique – laquelle cache la probabilité d’une défaite israélienne finale », Richard Falk écrit :
« Nous devrions également comprendre que l’histoire de la lutte pour la liberté et la justice, bien qu’elle soit entravée par les forces brutales de la réaction, doit se poursuivre. Sans ces aspirations et cette lutte, le monde et ceux d’entre nous qui y vivent sont perdus. »
Au fil des décennies, les Palestiniens ont été résilients (samidoun) dans leur foi en la moralité et la noblesse de leur cause qui, en son intérieur profond, concerne la justice, l’égalité et les droits humains. L’ambassadeur d’Israël en Allemagne semble connaître assez l’arabe pour comprendre que le mot « samidoun » signifie « résilient » ou « qui tient bon », « qui ne cède pas à l’oppression » – et cela lui fait peur.
Au fil des décennies, les Palestiniens ont été résilients (samidoun) dans leur foi en la moralité et la noblesse de leur cause qui, en son intérieur profond, concerne la justice, l’égalité et les droits humains. L’ambassadeur d’Israël en Allemagne semble connaître assez l’arabe pour comprendre que le mot « samidoun » signifie « résilient » ou « qui tient bon », « qui ne cède pas à l’oppression » – et cela lui fait peur.
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Rima Najjar est une Palestinienne dont la branche paternelle de la famille provient du village dépeuplé de force de Lifta, dans la périphérie occidentale de Jérusalem et dont la branche maternelle de la famille est originaire d’Ijzim, au sud de Haïfa. C’est une activiste, une chercheuse et une professeure retraitée de littérature anglaise, à l’Université Al-Quds, en Cisjordanie occupée.
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Publié le 13 juin 2023 sur le blog de Rima Najjar, sous le titre : L’ambassadeur d’Israël en Allemagne dit : « Dieu nous en garde. » Samidoun dit : « Dieu le veut. »
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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(*) Lisez également : Un rapport souligne le rôle de la définition de l’antisémitisme par l’IHRA dans la répression anti-palestinienne