Gaza : menaces israéliennes d’une attaque pire encore

Les politiciens israéliens réclament ouvertement l’expulsion massive des Palestiniens de Gaza et le ministre de la défense, Yoav Galant, a dit que l’armée reprendrait sa campagne à Gaza pour deux mois au moins.

 

26 novembre 2023. Des Palestiniens quittent le nord de la bande de Gaza par la route de Salah al-Din, dans le district d’al-Zaytoun, à la périphérie sud de la ville de Gaza.

26 novembre 2023. Des Palestiniens quittent le nord de la bande de Gaza par la route de Salah al-Din, dans le district d’al-Zaytoun, à la périphérie sud de la ville de Gaza. (Photo : Ahmed Ibrahim / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 28 novembre 2023

Israël et le Hamas se sont mis d’accord pour prolonger la trêve des hostilités à Gaza de deux jours supplémentaires, a annoncé lundi le ministre des Affaires étrangères du Qatar. La trêve initiale de quatre jours devait prendre fin lundi soir.

Le membre du bureau politique du Hamas, Khalil al-Hayya, a déclaré que l’organisation espérait que la trêve puisse être prolongée pour une période plus longue et que les Israéliens détenus à Gaza puissent continuer d’être échangés contre des Palestiniens détenus par Israël.

Al-Hayya d’ajouter que le Hamas désirait plus d’aide pour atteindre le nord de Gaza, après « la négligence et le retard » des quelques derniers jours.

Depuis le début de la trêve, le Hamas a relâché 69 personnes capturées lors de son attaque surprise du 7 octobre au cours de laquelle quelque 1 200 personnes avaient été tuées. Environ 240 personnes, dit-on, avaient été capturées et emmenées à Gaza, ce jour-là.

À Gaza, plus de 15 000 Palestiniens ont été tués par les attaques israéliennes depuis le 7 octobre et la majeure partie de la population de 2,3 millions d’habitants, dont la majorité est constituée de réfugiés, a été déplacée à l’intérieur du territoire.

Les frappes israéliennes ont détruit une grande partie des infrastructures civiles de l’enclave et le siège total imposé au territoire a engendré une catastrophe humanitaire qui ne fera qu’empirer avec le début de l’hiver.

Lundi, plusieurs organisations ont

« soulevé de graves inquiétudes quant au déplacement forcé en cours des Palestiniens de Gaza dans le cadre de l’intention affirmée par les dirigeants israéliens de commettre un génocide ».

Les organisations ont réclamé un « cessez-le-feu immédiat et permanent » et une intervention internationale afin de « protéger le peuple palestinien de la déportation forcée permanente et de la destruction ».

Les organisations, dont les associations palestiniennes bien connues de défense des droits humains, Al-Haq et Al Mezan, ont fait remarquer qu’environ 1,7 million de Gazaouis avaient été déportés intérieurement et que plus de 1 million d’entre eux avaient cherché refuge dans les installations de secours de l’UNWRA.

Les politiciens israéliens réclament ouvertement l’expulsion massive des Palestiniens de Gaza et le ministre de la défense, Yoav Galant, a dit que l’armée reprendrait sa campagne à Gaza pour deux mois au moins.

Lundi, Galant a fait savoir aux troupes qu’une fois terminée l’actuelle trêve des hostilités, les combats « allaient reprendre de façon plus intense encore dans la totalité de la bande de Gaza ».

Après avoir semé la désolation dans le nord de Gaza, on s’attend, une fois que les combats reprendront, à ce qu’Israël dirige sa fureur sur Khan Younis, dans le sud de l’enclave. Peu avant l’entrée en vigueur de la pause de quatre jours, les dirigeants israéliens ont prétendu que les dirigeants du Hamas étaient terrés dans cette zone et l’armée a largué des tracts dans les zones à l’est de la ville, obligeant les résidents à évacuer.

Les six organisations disent que ceci annonce

« soit une déportation massive de la population civile de Gaza vers l’Égypte, soit un transfert permanent de civils depuis le nord vers le sud de Gaza. Chacune des deux possibilités, soit dit en passant, constituerait une violation manifeste des lois internationales ».

 

« Des conditions épouvantables »

Israël a émis des ordonnances d’évacuation dans la moitié nord de Gaza ainsi que dans certaines zones du sud, ordonnances que les organisations palestiniennes de défense des droits humains ont condamnées parce qu’elles portent sur des transferts forcés.

Les Palestiniens qui tentent d’évacuer du nord de Gaza vers le sud ont subi des

« traitements inhumains et dégradants, des arrestations arbitraires, des emprisonnements illégaux et des homicides »,

ont déclaré les six organisations ce lundi.

Dans le sud de Gaza, Israël a largué des tracts mettant en garde les gens contre un retour vers le nord, où les destructions très répandues ont rendu des zones entières inhabitables, dont la ville de Gaza même, ce qui suggère

« la possibilité d’une déportation permanente des civils du nord vers le sud de la bande de Gaza ».

Les organisations ont également dit que la quantité insuffisante d’aide atteignant les gens restés dans le nord de la Gaza et les restrictions de la liberté de mouvement et, plus généralement, d’accès au territoire, constituaient également un sujet d’inquiétude majeur.

Ces conditions ont empêché d’établir un rapport complet des besoins de centaines de milliers de civils dans le nord de Gaza,

« dont les handicapés, les malades et les blessés, le personnel médical, les femmes enceintes, les enfants et les personnes âgées ».

Entre-temps, les organisations disent que, parmi les « conditions épouvantables » régnant dans les abris du sud, il y a

« le surpeuplement, la prolifération des maladies (…) la nourriture carrément insuffisante, le manque d’eau potable et de médicaments »,

sans parler de la menace permanente des attaques israéliennes.

Depuis le début de la trêve, vendredi dernier, le Hamas a libéré 50 femmes et enfants israéliens, 17 travailleurs thaïlandais et un Philippin, sans oublier un Israélien ayant également la citoyenneté russe.

En échange, Israël a relâché 150 femmes et enfants palestiniens de ses prisons et centres de détention, dont bon nombre qui étaient détenus sans accusation ni procès.

Des reportages dans les médias israéliens et internationaux indiquent que les captifs jusqu’à présent libérés par le Hamas n’ont pas subi de violences au cours de leur détention à Gaza.

 

Certains de ces captifs étaient détenus dans des tunnels et d’autres dans des maisons et autres bâtiments.

« Un groupe d’otages a déclaré qu’ils avaient été gardés tout le temps dans des tunnels et que les conditions étaient pénibles, en termes d’éclairage, de nourriture et autres commodités »,

a rapporté Haaretz, le quotidien de Tel-Aviv.

« Ils ont fait remarquer que, ces deux dernières semaines, il n’y a eu pour ainsi dire pas de nourriture et ils ont surtout survécu avec du riz. »

 

Le chef du Hamas a promis de ne pas faire de mal aux captifs

Les captifs gardés dans « ce qui s’est avéré des maisons sûres » avaient un meilleur accès à la nourriture, a rapporté Haaretz, mais ils étaient inquiets à cause des bombardements. Certains des captifs désormais libérés « avaient la possibilité de suivre les reportages des médias israéliens et savaient ce qui se passait dans le monde extérieur », puisqu’un groupe de captifs s’étaient vu accorder l’accès à une radio.

Haaretz ajoutait que

« les otages avaient dit que le Hamas n’avait pas recouru à la violence contre eux et que la routine quotidienne en captivité était restée pratiquement inchangée ».

Des sources médicales en Israël ont dit aux médias que la santé physique des captifs relâchés était généralement bonne, bien qu’Elma Avraham, une vieille dame de 84 ans libérée dimanche, ait été hospitalisée dans un état critique.

Physicians for Human Rights – Israel (Médecins pour les droits humains – Israël – MDH-I) a déclaré qu’« il s’était avéré qu’Avraham « n’avait pas reçu de médicaments destinés à la maintenir en vie » durant sa détention à Gaza et que « son état médical grave au moment de sa libération soulève de lourdes inquiétudes » que d’autres captifs « ne reçoivent pas les traitements médicaux et médicaments vitaux pour leur survie ».

Réitérant les appels du secrétaire général des Nations unies et des organisations humanitaires internationales, l’association a invité le Hamas à

« libérer immédiatement tous les otages et, dans l’intervalle, à les rendre accessibles au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ».

MDH-I a déclaré que ses tentatives en vue de faire parvenir des médicaments aux captifs s’étaient apparemment révélées vaines, mais « nous continuerons de chercher des opportunités pour le faire » tant que toutes les personnes détenues à Gaza n’auront pas été libérées.

Des officiels israéliens et américains disent que la trêve et l’échange convenus avec le Hamas

« comprennent une clause qui requiert que la Croix-Rouge aille visiter les otages qui n’ont pas été libérés à l’issue du quatrième jour du cessez-le-feu temporaire »,

a rapporté The Times of Israel. Mais, jusqu’à présent,

« on n’a pas encore parlé de visites de ce genre »,

ajoutait le journal lundi.

En octobre, Israël a suspendu les visites de la Croix-Rouge aux milliers de Palestiniens détenus dans ses prisons et centres de détention.

Channel 13 (un diffuseur israélien) rapporte que

« le Hamas a essayé de fournir [aux captifs] les médicaments dont ils avaient besoin chaque jour ; certains jours, cela n’a pas été possible, mais le Hamas a bel et bien tenté de fournir ces médicaments chaque jour ».

 

Lundi, les médias israéliens rapportaient que, le 8 octobre, Yahya Sinwar, le chef du Hamas à Gaza, avait déclaré en hébreu aux captifs qu’il ne leur serait fait aucun mal et qu’ils seraient relâchés dans le cadre d’un échange.

 

Potentiellement, un sale coup de RP pour Israël

Les Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, ont diffusé des vidéos de chacune des six exemples – pour l’instant – de remise d’otage au CICR (trois femmes et une fille ont été libérées en deux occasions, en octobre).

Certains des captifs libérés sourient et adressent des signes aux combattants masqués et armés des Brigades Qassam, que l’on a parfois vues leur tendre des bouteilles d’eau avant de les faire monter à bord des véhicules de la Croix-Rouge.

Dimanche, les Brigades Qassam ont relâché les captifs sur la place de la Palestine, à Gaza même, au beau milieu d’une vaste foule massée près d’un poing tenant des plaques d’identification avec des points d’interrogation – une référence aux deux soldats israéliens dont les corps sont gardés à Gaza depuis 2014.

 

La vidéo montre quelque deux douzaines de combattants des Brigades Qassam positionnés en face du monument au cœur même de la ville de Gaza – une démonstration de force de la résistance qui dénonce les lacunes du contrôle par Israël du territoire au nord de Gaza et la présence actuelle du Hamas dans la zone.

Des vidéos diffusées lundi par les Brigades Qassam montrent des captifs transférés de nuit à la Croix-Rouge, à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza.

https://twitter.com/AoR3138/status/1729259122699252126?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1729259122699252126%7Ctwgr%5Eb57222db715d67e612679271ab8485b0aacaba6a%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Fgaza-truce-extended-israel-threatens-even-bigger-attack

 

Les Brigades Qassam ont également publié sur leur canal Telegram ce qu’elles ont présenté comme étant une lettre de Danielle Aloni, une femme qui a été libérée vendredi avec sa jeune fillette, Emilia.

La lettre, écrite à la main en hébreu et datée du 23 novembre, remercie les « généraux » qui étaient avec elle pour « l’humanité extraordinaire dont vous avez fait preuve à l’égard de ma fille ».

 

Il ne semble pas que les médias israéliens aient confirmé l’authenticité de la lettre, qui constituerait un coup de RP de première du fait que l’État a cherché à faire passer le Hamas pour des nazis pires que l’EI (Daesh) afin de justifier sa campagne génocidaire à Gaza.

Fin octobre, les Brigades Qassam ont diffusé une vidéo montrant Danielle Aloni – en compagnie de deux autres femmes – dans laquelle elle blâme le gouvernement de Benjamin Netanyahou pour son ratage « politique, sécuritaire et militaire », le 7 octobre.

Dans cette vidéo, Aloni pressait le gouvernement israélien de « relâcher leurs citoyens, de relâcher leurs prisonniers (…) retournons désormais au sein de nos familles ».

 

Violences contre les enfants palestiniens

Dans l’intervalle, les enfants palestiniens relâchés par Israël en échange des captifs à Gaza décrivent les violences et les mauvais traitements qu’ils ont dû subir en détention.

Un prisonnier libéré a expliqué lundi à Al Jazeera qu’il avait été battu dans le bus lors du trajet de plusieurs heures de la prison de Nafha (près de Beersheba, en Israël) jusqu’en Cisjordanie :

Muhammad Nazzal, un adolescent de 16 ans, originaire de Qabatiya, près de Jénine, et qui a été relâché lundi, avait le bras en écharpe après avoir été tabassé à la prison de Naqab, dans le sud d’Israël et ne pas avoir reçu de soins médicaux :

La mère du garçon a déclaré qu’elle ne savait rien de la situation de son fils quand il se trouvait dans une prison israélienne.

La détention de résidents d’un territoire occupé dans des prisons situées à l’extérieur de ce territoire constitue une violation de la Quatrième Convention de Genève et « est également reconnue comme crime de guerre sous l’Article 8 des Statuts de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) », fait remarquer Addameer, l’organisation palestinienne de défense des droits humains et des prisonniers.

Malgré cette interdiction figurant dans les lois internationales,

« les forces d’occupation israéliennes transfèrent systématiquement les détenus palestiniens depuis l’intérieur de la Cisjordanie occupée, Jérusalem-Est y compris, vers des endroits situés à l’intérieur d’Israël »,

déclare Addameer.

En mars, la Cour pénale internationale a annoncé qu’elle avait émis des mandats d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine et sa commissaire aux droits des enfants Maria Lvova-Belova pour des violations supposées de l’Article 8 et autres articles des Statuts de Rome.

Le procureur de la CPI a déclaré que les deux étaient

« présumés responsables du crime de guerre de déportation illicite de population (des enfants, en l’occurrence) et de celui de transfert illicite de population (toujours des enfants) depuis des zones occupées de l’Ukraine vers la Fédération de Russie ».

Bien qu’elle dispose d’une enquête ouverte en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, la CPI n’a pas encore sorti un seul mandat d’arrêt contre des officiels israéliens pour les mêmes crimes de guerre très régulièrement perpétrés depuis des décennies contre des enfants palestiniens.

Et les officiels de l’ONU n’ont jamais réclamé très régulièrement et avec force la libération inconditionnelle des Palestiniens détenus illégalement, sans charge ni procès, en violation des lois internationales comme ils ont réclamé à cor et à cris la libération immédiate et inconditionnelle de tous les captifs détenus à Gaza.

Addameer a déclaré lundi que

« la libération longtemps attendue des femmes et enfants palestiniens a eu lieu en même temps qu’ont été émises de larges restrictions et interdictions médiatiques ainsi que des menaces contre toute forme de reportage et de célébration de la libération des prisonniers ».

Addameer a ajouté que les prisonniers libérés avaient décrit à l’adresse des médias

« les conditions de détention inhumaines, les punitions collectives en guise de représailles appliquées contre les prisonniers palestiniens par les autorités d’occupation israéliennes depuis le 7 octobre, en même temps que de graves menaces de ré-arrestation et de représailles ».

L’organisation de défense des droits a déclaré que

« nombre des femmes et enfants palestiniens libérés ont fait l’objet d’agressions, de mauvais traitements et de refus de soins médiaux indispensables »,

et cela concerne également des femmes et des enfants qui avaient été sérieusement blessés au moment de leur arrestation.

« Les femmes et enfants palestiniens prisonniers ont été libérés tard le soir avec très peu de vêtements sur le dos et nombre d’entre eux étaient nu-pied »,

ajoute encore Addameer.

Les organisations ont déclaré qu’Israël détenait actuellement 7 000 prisonniers politiques palestiniens, dont 2 500 sans accusation ni procès, suite à des ordonnances d’arrestation administrative.

Addameer a réclamé

« la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens arbitrairement détenus dans les prisons de l’occupation israélienne ».

 

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 28 novembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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