La France arme Israël, bien que Macron prétende le contraire

La France est un parangon de paix et de retenue. C’est du moins ce qu’Emmanuel Macron, son président, voudrait nous faire croire.

 

David Cronin, 8 octobre 2024

Dans des commentaires qui ont profondément contrarié l’establishment de Tel-Aviv ces derniers jours, Macron s’est opposé aux exportations d’armes vers Israël et a prétendu que « la France n’en livrait pas du tout ».

Les chiffres publiés par le ministère de la Défense à Paris suggèrent toutefois que l’assurance de Macron devrait être traitée avec scepticisme.

Ils montrent en effet que la France a fourni pour près de 225 millions de dollars d’armes à Israël entre 2014 et 2023.

Selon un article que le site d’investigation Disclose a publié en juin, le géant français de l’armement, Thales, a confirmé qu’il avait procédé à deux livraisons de transpondeurs à Israël cette année.

Ces transpondeurs devaient équiper des drones.

Les partisans d’Israël en font la promotion en tant que pionnier de l’usage des avions de combat sans équipage. Le génocide de Gaza a facilité une approche innovante du déploiement de drones, à en juger d’après une analyse réalisée par la Fondation pour la défense des démocraties, dont le siège est à Washington.

Les principaux drones utilisés contre Gaza, la Cisjordanie et le Liban sont produits par Elbit Systems et Israel Aerospace Industries.

Thales travaille en partenariat avec ces deux firmes depuis de nombreuses années.

Curieusement, une bonne partie de ce travail a découlé de contrats avec la Grande-Bretagne, la grande rivale supposée de la France.

Il est relativement bien connu que Thales et Elbit Systems ont travaillé ensemble sur le Watchkeeper, un programme de drones destinés à l’armée britannique. On a consacré moins d’attention à la coopération entre Thales et Israel Aerospace Industries autour du Sea Serpent, un système de missiles devant équiper des navires de guerre britanniques.

Macron n’a jamais soulevé la moindre objection – du moins publiquement – contre cette coopération.

 

Mise au point de l’agenda

Thalesen partie propriété de l’État français – a dicté l’agenda de l’Union européenne concernant l’alimentation de l’industrie de l’armement.

La firme est représentée au sein d’un « groupe d’experts » de l’UE concernant le développement d’armes futures.

Un rapport livré par le groupe un peu plus tôt cette année recommande de financer les projets d’armes sélectionnés à 100 pour 100 avec de l’argent public.

Cette façon de voir est reprise dans les priorités déclarées d’Ursula von der Leyen pour son deuxième mandat à la tête de la Commission européenne, autrement dit l’exécutif de l’UE. Elle s’est engagée à proposer

« des projets de défense d’un intérêt commun pour toute l’UE ».

Au sommet de sa liste de ces projets figure un « bouclier aérien » qui semble modelé d’après (ou étrangement ressemblant à) l’Iron Dome. Ce système d’interception des missiles est souvent présenté comme défensif – ce qui est vrai dans le sens où il s’est avéré vital dans la défense et le maintien du blocus total infligé par Israël à Gaza au cours de la majeure partie des deux décennies écoulées.

Thales n’est pas la seule grosse firme d’armement à exercer une forte influence sur la politique de l’UE.

La firme italienne Leonardo est elle aussi membre des « groupes d’experts » qui expriment des recommandations susceptibles d’être incluses dans les projets officiels de législation.

La même firme Leonardo a travaillé sur des torpilles en collaboration avec l’entreprise Elbit Systems déjà mentionnée. Des canons fabriqués par Leonardo ont été utilisés sur les corvettes de fabrication allemande avec lesquelles Israël a attaqué Gaza lors des premiers stades de l’actuel génocide.

Si l’Union européenne était réellement engagée en faveur des droits humains, elle aurait imposé depuis longtemps un embargo sur les exportations et importations d’armes avec Israël. En ne le faisant pas – ou, pour être peut-être plus exact, en refusant de le faire –, l’UE a soutenu des crimes contre l’humanité, dont le crime de génocide.

La France, ne l’oublions pas, est l’une des plus importantes économies de l’Europe. Malgré la façon dont Macron s’est attiré les foudres du gouvernement de Tel-Aviv, les projets associant les industries d’armement française et israélienne n’ont pas été mis à l’arrêt.

Pas plus que Macron n’a jamais insisté sérieusement en faveur d’un embargo européen sur les armes.

Il s’est plutôt profilé comme un champion des firmes d’armement qui rédigent littéralement le scénario suivi par les preneurs de décisions.

Il va falloir plus de quelques mots de la part de Macron pour rompre les nombreux liens unissant ces firmes et les marchands israéliens de mort et de destruction.

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

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Publié le 8 octobre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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