Kazerne Dossin : neuf membres du Conseil scientifique démissionnent

La moitié du Conseil scientifique de la Kazerne Dossin à Malines, soit 9 membres sur 18, a annoncé sa démission lundi lors du Conseil d’administration.

La démission de neuf membres suit celle du directeur général Christophe Busch en novembre et le refus de la remise de prix de l’organisation Pax Christi à la Kazerne en décembre.

Pax Christi Flandre décerne chaque année le titre « Ambassadeur de la paix » à deux personnalités ou organisations pour leurs « efforts soutenus pour la paix, la solidarité et le respect des droits de l’Homme ». Pour sa 20e édition, le prix était destiné à Médecins Sans Frontières et à Brigitte Herremans, spécialiste du Moyen-Orient.

L’événement n’a pas pu avoir lieu à la Kazerne Dossin, parce que Brigitte Herremans a été considérée comme « clairement ambiguë à l’égard d’une partie de la communauté juive ».

La remise de prix n'avait finalement pas pu avoir lieu à la Kazerne Dossin

La remise de prix n’avait finalement pas pu avoir lieu à la Kazerne Dossin (A gauche sur la photo : Brigitte Herremans, à droite : Dr Marc Biot)

Ci-dessous la motion des neuf membres du Conseil scientifique qui ont démissionné.

Motion concernant la Kazerne Dossin

Les soussignés, membres du Conseil scientifique du musée, mémorial et centre de documentation sur l’Holocauste et les droits de l’homme de la caserne Dossin, expliquent ce qui suit.

C’est avec étonnement que nous avons appris la démission de M. Christophe Busch, directeur général, début novembre 2019, et avec consternation que nous avons appris dans la presse que, le 12 décembre, Mme Brigitte Herremans, collaboratrice scientifique du Centre des droits de l’homme de l’Université de Gand, en même temps que de l’organisation Pax Christi, a été mise à la porte honteusement et sans égards par le Conseil d’administration de la caserne Dossin.

Ce n’est qu’aujourd’hui, le 9 mars 2020, que le Conseil scientifique a pu obtenir un entretien avec les membres du Conseil d’administration de la Kazerne. À l’issue de cet entretien, nous avons décidé de démissionner du Conseil scientifique.

Nous prenons note de la déclaration du 27 novembre 2019 de M. le ministre-président Jan Jambon au Parlement flamand, où il a explicitement affirmé que, même après la démission de M. Busch, la caserne Dossin s’en tiendrait au choix de mission original du musée.

L’incident qui a suivi, dans le cadre d’une remise de récompense à Mme Herremans, a cependant révélé que, dans la structure actuelle de la Kazerne Dossin et en ce qui concerne le volet non historique, un fonctionnement équilibré du musée en tant qu’institution scientifique n’était pas possible. L’entretien du 9 mars 2020 a confirmé nos craintes et ne nous a donc pas apporté de garanties suffisantes.

Primo, suite à notre entretien avec les membres du CA de la Kazerne Dossin, nous avons constaté que M. Busch a démissionné – dixit l’actuelle Direction journalière – en raison de son interprétation personnelle du volet des droits de l’homme.

Au niveau interne, les membres du CA ont confirmé qu’aucune expertise scientifique n’était présente à la Kazerne Dossin pour rependre ce volet. Lors de la réunion, nous avons toutefois constaté également que l’interprétation scientifique des droits de l’homme n’était plus nécessairement garantie.

Secundo, et c’est encore plus important, nous constatons que la structure de la Kazerne Dossin ne donne pas satisfaction.

À notre grand étonnement, nous avons découvert que le CA de la Kazerne Dossin n’a pas présenté ses excuses après l’incident autour de Mme Herremans et de Pax Christi et qu’il ne s’est même pas distancié (sur le fond) de sa Direction journalière qui, paraît-il, aurait porté la responsabilité directe de l’incident en question.

Au contraire, du communiqué du 20 décembre émanant du CA, on peut conclure que la seule chose reprochée à la Direction journalière a été « le retard encouru dans l’annulation de l’événement ».

Il est évident pour nous que la Kazerne Dossin, en tant que lieu de souvenir, ne peut pas être un terrain sur lequel la politique actuelle de l’État d’Israël peut figurer à l’ordre du jour.

Nous ne devons en effet pas susciter l’impression que les 25 000 victimes juives que l’on commémore en ce lieu précis puissent être instrumentalisées dans un conflit politique avec lequel elles n’ont rien à voir.

Il est certainement possible de combiner la mission scientifique de la Kazerne Dossin en matière de droits de l’homme avec une actualisation de la thématique de ces mêmes droits de l’homme, conformément au choix de mission initialement déclaré, et ce, avec un grand respect pour le lieu du souvenir, dans l’ancienne caserne.

Cela requiert toutefois une autre organisation au sein de laquelle, les différents acteurs disposeraient de la place qui leur revient.

Pendant ce temps, nous, membres du Conseil scientifique, constatons qu’avec les structures existantes de la Kazerne Dossin, nous ne pouvons en aucun cas siéger dans ce comité de façon acceptable et scientifiquement justifiée.

Si nous continuons à le faire sans garanties concrètes de pouvoir préserver à l’avenir la mission de la KazerneDossin, notre présence légitimera dans les faits les choix opérés récemment et actuellement.

Nous estimons que la mission originale de la Kazerne Dossin est trop précieuse pour accepter cette situation avec passivité. D’où notre démission, accompagnée par la même occasion d’un appel au gouvernement flamand à envisager une révision des statuts de la caserne Dossin.

Malines, le 9 mars 2020

Pr et Dr Bruno De Wever, historien, Université de Gand
Pr et Dr Freddy Mortier, éthicien, Université de Gand
Pr et Dr Herman Van Goethem, avocat et historien, recteur de l’Université d’Anvers
Pr et Dr Charles Velle, historien, archiviste national
Pr et Dr Nico Wouters, historien, directeur de Cegesoma
Pr et Dr Tine Destrooper, spécialiste des droits de l’homme, Université de Gand
Pr et Dr Didier Pollefeyt, éthicien, Université catholique de Leuven
Pr et Dr Frank van Vree, historien, directeur de l’Institut néerlandais des études sur la guerre, l’Holocauste et le génocide
Pr et Dr Stephan Parmentier, avocat et sociologue, Université catholique de Leuven

Traduction du communiqué (publié sur la page FB de Herman Van Goethem) : Jean-Marie Flémal

 

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